La comédie de la comédie et Les amours de Trapolin
Comédie
A PARIS,
Chez JEAN RIBOU, sur le Quai des
Augustins, à L’Image Saint Louïs.
M. DC. LXII.
AVEC PRIVILEGE DU ROI.

Édition critique établie par Daphné Dinard dans le cadre d'un mémoire de master 2 sous la direction de Georges Forestier (2013-2014)

Éléments biographiques §

La vie et les représentations de Dorimond §

Dorimond, de son vrai nom Nicolas Drouin, est un de ces comédiens de campagne qui erraient dans des troupes de province. Il a laissé peu de traces de son passage dans le paysage théâtral français, étouffé par les grands dramaturges du XVIIe siècle. Nous allons tenter de réunir les informations recueillies au fil des années pour présenter l’homme, ses œuvres, et une en particulier: La Comédie de la comédie suivie des Amours de Trapolin, publiée en 1661.

On parle souvent de Molière, Corneille et Racine, les dramaturges qui ont dominé la scène française du XVIIe siècle, ce qui fait de l’ombre aux autres auteurs de la même époque. Ainsi, très peu de témoignages subsistent pour écrire sa biographie et certaines périodes de sa vie restent floues.

Nicolas Drouin va jouer dans une compagnie de campagne protégée, celle de la Grande Mademoiselle. Sa troupe a eu un certain succès grâce à lui, qui composait les œuvres. Quelques années après ses débuts dans la troupe de la Grande Mademoiselle, Dorimond prendra la direction de sa compagnie théâtrale. En tant qu’auteur et comédien à partir de 1630, Dorimond reçoit des gages et la pièce devient sa propriété. L’écriture théâtrale qui était décriée attire ainsi les meilleurs écrivains1. Dorimond écrivait ses pièces pour les faire représenter en province et dans certaines places européennes importantes (Turin, Bruxelles et La Haye), il ne jouera presque pas à Paris où la concurrence est très rude. Malgré cela, Dorimond vivra confortablement des revenus qu’il recevra de son théâtre.

Même si son nom a été oublié au milieu des autres prodiges du siècle, Dorimond reste néanmoins un auteur fameux qui composait des œuvres destinées à un public raffiné2.

Nicolas Drouin est né en 1628 à Paris, il est originaire d’une famille de riches bourgeois de la capitale3.

Grâce au Minutier central des archives nationales où l’on garde des documents officiels, on sait qu’il serait resté quelques années à Paris avant de développer sa carrière théâtrale en province. Le nom de Drouin est associé au milieu théâtral dans un acte de Société de la Troupe de son Altesse Royale, M. le duc d’Orléans, le 26 mars 1650. De plus, on y parle déjà de son nom de scène Dorymon(t), ce qui confirme qu’on parle bien de l’auteur des pièces de théâtre.

Il y a des incertitudes concernant l’orthographe du nom de Dorimond. On le voit écrit avec un « t » ou un « d » final, et parfois il est seulement écrit « Dorimon ». Nicolas Drouin aurait trouvé ce nom de scène en faisant l’anagramme de celui de Montdory, le fondateur du théâtre du Marais4. Lorsqu’il entre dans la troupe du Duc d’Orléans, Dorimond est déjà un acteur reconnu, il n’a plus besoin de se présenter.

La période de la Fronde qui s’étend de 1648 à 1653 entraîne de nombreuses tensions dans le Royaume en partie à cause de l’augmentation des taxes pour les propriétaires parisiens. En réaction à cela, des contestataires se réunissent et vont prendre la décision de démarrer une révolte. Le Parlement de Paris prendra la tête du mouvement protestataire et se réunira avec les Cours souveraines afin de proposer des projets d’arrêts d’union. Presque tous les articles seront acceptés, mais Mazarin décide de faire arrêter des leaders de la Fronde, ce qui va entraîner une reprise des contestations : le roi et sa famille quitteront Paris, laissant le cardinal disposer de 10 000 hommes. Du côté parisien, la résistance s’organise et se prépare aux affrontements. Paris sera ravagé et c’est dans ce contexte que le duc d’Orléans s’exilera au château de Saint Fargeau, suivi de ses troupes d’acteurs. Mademoiselle de Montpensier qu’on appellera seulement Mademoiselle est également impliquée dans la Fronde. Elle sera contrainte à l’exil à la suite de l’ordre qu’elle avait donné de faire tirer un canon sur les troupes du roi, du haut des tours de la Bastille.

Pour se divertir et occuper ses journées, elle organisera des représentations théâtrales. Ses mémoires témoignent de ces évènements et mentionnent des acteurs qui étaient présents à cette période. Le retour du duc sur ses terres marque le début d’une longue relation de travail avec Dorimond. Le duc d’Orléans est l’une des personnalités les plus en vogue à Paris, il subventionne plusieurs troupes, dont l’Illustre théâtre en 1644, qui sera dirigé par le jeune Molière. Pendant trois hivers, des acteurs vont travailler au château.

L’année d’après, j’eus les comédiens à mon ordinaire...5

Entre la princesse et la troupe va se créer une proximité et ainsi, on retrouvera le nom de Mademoiselle à coté de celui du duc d’Orléans figurant sur les registres de la mairie de Dijon où la Chambre de la ville accorde aux :

comédiens ordinaires de Son Altesse Mgr. le Duc d’Orléans et de Mademoiselle, souveraine de Dombes, permission de représenter, à condition de verser 100 livres pour les pauvres et de ne faire payer le prix des places que suivant le tarif accoutumé6

Une autre preuve de cette familiarité naissante entre Dorimond et Mademoiselle est L’Apologie du théâtre dédiée à la princesse en 1655 chez David du Petit Val à Rouen en In-8. C’est la première œuvre littéraire qu’on lui attribue mais il ne reste plus aucune trace de cette dernière.

La Grande Mademoiselle tenait son goût des spectacles de son père qui était lui-même un grand amateur de théâtre.

À partir de 1653, c’est le retour à l’ordre. Le Roi interdira au Parlement de se mêler des affaires de l’État. La monarchie ne s’appuie alors plus sur les nobles, mais sur les commissaires. Mademoiselle obtiendra le pardon de la Cour en 1656, et elle décide de rentrer à paris. La troupe va se diviser et certains acteurs créeront une nouvelle troupe. Le théâtre de Mademoiselle n’aura eu qu’une existence éphémère.

Cette nouvelle troupe sera dirigée dans un premier temps par Philippe Millot qui est un ancien acteur de l’Illustre théâtre.

La troupe se compose de :

  • – Anne Millot (sœur de Philippe Millot)
  • – Nicolas Biet dit Beauchamps (spécialiste en travestis)
  • – Joseph du Landas dit Dupin
  • – François de Lan
  • – Nicolas Drouin dit Dorimond
  • – Marie Dumont (veuve de Louis de la Fontaine qui a épousé Drouin et qui attend un fils de ce dernier. L’enfant naitra à Marseille le 22 janvier 1657).

Plus tard, la troupe prendra le nom de Troupe de Mademoiselle. On retrouve la mention dans les mémoires de la princesse qui indique que la Troupe « affiche Mademoiselle et avec raison » lors du mariage du jeune roi Louis XIV et de la princesse Marguerite de Savoie à Lyon.

Dorimond devient en 1659 le directeur de la Troupe. Les acteurs qui la composent se sont multipliés, nous en avons la liste :

  • – Marie Dumont, femme de Dorimond
  • – Abraham Mitallat dit La Source
  • – Jeanne de Ronserre femme de La Source
  • – Nicolas Bihet
  • – Françoise Petit, femme de Bihet
  • – Joseph Dupin
  • – Philippe Millot
  • – Anne Millot
  • – Louis Drouin (frère de Nicolas)
  • – Marguerite Prunier
  • – Catherine Bidaut
  • – François Guérin
  • – Pierre Auzillon (gagiste)
  • – François de Beaulville (décorateur)

Il était très difficile de changer les acteurs dans une troupe. Car à cette époque, le comédien devait être pourvu des

Qualités nécessaires pour le théâtre, d’un grand naturel, d’une excellente mémoire, de beaucoup d’esprit et d’intelligence, d’une humeur commune pour bien vivre avec ses camarades et de zèle pour le bien public qui la détache de tout intérêt particulier.

L’acteur n’était pas seulement celui qui récitait son texte, mais il vivait aussi avec ses collègues, il devait gérer la troupe avec les autres et savoir plaire au public.

Mais on souhaite aussi que les bonnes mœurs accompagnent ces bonnes qualitez, et qu’il ne s’introduise dans la troupe ni homme ni femme qui donne scandale7

Les troupes voulaient garder une image saine de leurs comédiens, car l’inverse pouvait freiner leur évolution et il pouvait devenir difficile de retrouver un public.

D’après le dictionnaire biographique de Mongrédien-Robert, le 7 décembre 1660, Dorimond met en scène à Paris Le Festin de pierre. Mais Henri Chardon écrit que le théâtre de Dorimond aurait été inauguré le 17 décembre 1660 par la représentation de deux de ses pièces. Christian Huygens a écrit une lettre datée du 16 décembre 1660 où il témoigne du grand succès d’une des représentations de la Troupe. Or, ce dernier a pu se tromper de date ou de troupe et par conséquent Dorimond se trouverait bien à Paris.

La Troupe s’est imposée et a eu un grand succès à Paris8, cependant provisoire. Elle occupa la salle de la rue des Quatre Vents. L’auteur a obtenu le 26 mars le privilège pour l’impression de quelques unes de ses pièces. Toutes ses œuvres ont été imprimées par des libraires. Cela témoigne d’une certaine qualité du travail car, dans le cas contraire, personne n’aurait accepté de les publier. Les comédies ont été éditées chez Quinet ou Ribou, et pour certains ouvrages, l’impression a été faite chez les deux éditeurs.

La concurrence avec les autres compagnies théâtrales, ou le litige avec la femme de Dorimond, ont peut-être été une des causes du départ de la troupe de Paris. En effet, Marie Dumont s’est enfuie avec le gagiste de la Troupe, Pierre Auzillon, emmenant la fille de Dorimond ainsi que de l’argent. Des traces de cet épisode restent dans la procuration de Nicolas Drouin, dit Dorimond, à son frère afin de poursuivre Pierre Auzillon et Marie Dumont, le 23 mai 1661, (Arch. Dep. Seine Maritime, tabellion Le Sançois. Appendice n. 57)9. Plus tard, grâce à une déclaration chez un notaire de Rouen, on sait que Nicolas Drouin retrouva sa fille Grillone.

En mai 1662, la Troupe se rend à la Haye mais l’église réformée qui influence grandement la Cour de Hollande parvient à faire suspendre les comédies. Néanmoins, un contrat qui stipule que la Troupe a joué à Bruxelles est retrouvé et montre que les acteurs ont pu exercer librement et exceptionnellement leur activité malgré l’interdiction. Ils recevront d’ailleurs, durant ces années, un don exceptionnel de quatre cent francs de la part de Son Altesse le prince d’Orange et de Nassau.

En 1664, à Gand, la Troupe se retrouvera sans argent, comme en témoignent les trois livres qu’ils devaient verser aux œuvres de bienfaisance et qui devaient constituer un tiers de leurs profits. Le premier président du Parlement de Bourgogne, Nicolas Brulart, va témoigner de la pauvreté des acteurs à travers une lettre adressée au prince de Condé, le gouverneur de la province. Dans cette lettre, il explique la situation dramatique des acteurs en prenant pour exemple les comédiens de Mademoiselle qui n’ont pas obtenu l’autorisation du maire de monter sur scène à Dijon10. C’est une période noire pour les finances de la Troupe.

Peu après, la Troupe se dissoudra. Les uns entrant dans une autre compagnie, et les autres se retirant complètement du milieu. On ne date pas exactement la mort de Dorimond mais on suppose qu’elle est advenue peu après cette rupture avec la Troupe.

En 1674, Samuel Chappuzeau, dans son Théâtre François, placera Dorimond parmi les comédiens/auteurs morts. Il n’aura appartenu à aucune autre troupe que celle de Mademoiselle, où il réussissait dans le tragique et le comique.

Les déplacements de la Troupe de Mademoiselle §

Les nombreux déplacements en France et en Europe de la Troupe de Mademoiselle constituent une de ses caractéristiques importantes.

D’après les recherches de H. Chardon, « en 1649 et au commencement de 1650, les comédiens de son Altesse Royale sont toujours à Lyon ». Ils se rendront ensuite à Blois, Tours, Poitiers, Saumur, Nantes et Orléans11.

La Troupe, qui se crée en conséquence du retour de Mademoiselle à Paris, se déplacera de Namur à Marseille.

Le duc de Savoie, après avoir vu une représentation de la Troupe à Lyon, parvient à convaincre les acteurs de venir jouer dans son État. Cette dernière se déplace donc à Chambery12.

 

Dans chaque ville où les acteurs s’arrêtent, il faut une nouvelle fois chercher un lieu où se produire en public et quelque part où vivre. Les déplacements deviennent ainsi longs et laborieux.

Nous avons les traces de la mise en scène d’une comédie-ballet qui dura tout l’hiver à Turin, puis se déplaça à Dijon, et en 1660 à La Haye. Des contrats stipulés auprès du notaire Guldemont nous permettent de nous rendre compte de ces déplacements de la Troupe.

La troupe de Dorimond ira jusqu’à Bruxelles et à Gund, dans les théâtres de la Montage Sainte Elisabeth et du Jeu de Paume du Gracht.

Par la suite, la situation du théâtre devenant moins favorable en France et en Hollande, une éventuelle tournée est envisagée en Angleterre. Jean Pallet, dit Bellefleur, se chargera de préparer le voyage qui n’aboutira jamais.

On trouvera des témoignages de la venue de la Troupe à La Haye, Anvers, puis à Gand. La compagnie retournera rapidement à Bruxelles pour rembourser une somme à Adrien de Marsenne, et en 1667, la Troupe jouera à Dijon.

Il est difficile de dresser un inventaire des villes dans lesquelles la Troupe s’est arrêtée pour jouer mais avec toutes les informations que nous avons rassemblées, il est possible d’imaginer que les acteurs ont fait de nombreux tours de France et d’Europe.

Réception des œuvres §

Le pouvoir royal était très investi dans la production et la diffusion des œuvres théâtrales en France. De ce fait, il contrôlait ce qui se disait et en profitait pour se divertir. Au XVIIe siècle, il était fréquent que les puissants protègent les troupes théâtrales. Il en fut ainsi pour Molière par les faveurs du duc d’Orléans, et Philippe de France fut le mécène du Petit Bourbon.

Le puissant Richelieu voulait surtout conditionner et diriger les littéraires et les artistes. Vers 1629, il commença à participer au débat théâtral, jusqu’à se présenter comme « régulateur » de la langue et de la littérature13.

Richelieu [...] pousse les écrivains à créer ou à recréer des formes de pensée sûres, des points de repères qui puissent piloter l’instinctif et l’irrationnel. Les interventions de l’état en faveur de la littérature, son encouragement, son contrôle sur la librairie (en 1624, Richelieu fixe déjà un très dur règlement de contrôle des livres) rentrent dans ce programme de construction d’un état modèle, où [...] les écrivains enseignent les premiers principes de la politique et de la morale.14

Lors de la création en 1635 de l’Académie Française, il affirma sa nouvelle passion et décida de faire du théâtre un moyen de contrôle et de propagande fonctionnelle sur sa politique.

[...] Pour gagner à sa cause artistes, polémistes et écrivains, le tout-puissant ministre va-t-il ouvrir les caisses de l’état, et, par un système de récompenses, allant de la gratification à l’attribution de charges diverses, régenter les auteurs en en faisant ses obligés. Décorum pour les fêtes aristocratiques, diversion utile aux révoltes nobiliaires et paysannes qui affectent le royaume, le théâtre peut s’avérer un instrument politique non négligeable15

La Troupe de Mademoiselle est présente lors du mariage entre Louis XIV et la princesse Marguerite de Savoie, à Lyon. Cela montre le succès de ces acteurs qui jouent devant un public raffiné de haut rang. Dorimond y présentera pour la première fois le personnage de Dom Juan dans Le Festin de Pierre ou le fils criminel. Ce personnage sera repris, retravaillé et affiné par Molière, et il deviendra par la suite un mythe littéraire.16

La Troupe rencontre un large succès, comme en témoigne le parrain de qualité qu’aura le fils de Nicolas Bihet : Le Marquis Saint Maurice.

De nombreux dons sont faits à la Troupe de Mademoiselle, le compte-rendu du trésorier de la Maison Royale comptabilise les dons reçus :

Più livre due mila settecento d’argento, valuta di doppie 200 d’Italia a liv. 13, 10 caduna, fatte dare alli comici parisieni » et « Più livre seicento ottantacinque d’argento pagate in valuta di doppie 50 d’Italia in proprie mani dir S.A.R. in una colana d’oro con medaglia, e donate alli comici parisieni nella loro partenza.

En plus de la grande valeur marchande que la Troupe reçoit, il y a aussi des bijoux qui leur sont offerts.

Le 1er janvier 1661, Loret témoigne du succès de la troupe en publiant La Muse historique dans laquelle il indique que :

une troupe toute nouvelle,
Qui se dit à Mademoiselle,
Qu’on attendait de longue main,
Joue au Faux-bourg de Saint-Germain. (...)
Que voilà six Troupes comiques,
Et je crois qu’aux siècles antiques,
Paris, quoique séjour des Rois,
N’en vit jamais tant à la fois.

On notera les grands moyens et le caractère spectaculaire des représentations de la Troupe de Mademoiselle : une grande importance est accordée à la scène avec la présence de machines, ou bien le recours occasionnel au talent d’une chanteuse17.

En province, on croise beaucoup de troupes de campagne comme celle de Dorimond. On s’exerce dans un théâtre de campagne pour ensuite savoir si on est capable de remplir des théâtres à Paris. Durant le XVIIe siècle, il y a environ deux cents troupes de campagne qui changent fréquemment, on se rend compte ainsi de la grande instabilité du métier de comédien.

Il y avait de nombreuses comédies qui se jouaient en France et les salles n’étaient disponibles que le soir, les comédiens étaient alors contraints de faire des installations de fortune à l’extérieur (utilisation de tréteaux par exemple). Cela devenait pratique pour les comédiens qui se déplaçaient beaucoup car il était alors facile de monter et démonter la scène.

Les acteurs jouaient toujours dans des lieux de fortune, des jeux de Paume, des hôtelleries, des granges, et parfois des théâtres. Le lieu des représentations déterminait largement la réception des œuvres.

La troupe de Dorimond, comme habituellement au XVIIe siècle, fréquentait largement les jeux de Paume, on en a recensé 65 en France. Ces lieux étaient les plus simples d’utilisation, et le locataire y trouvait également son compte. Ils étaient utilisés fréquemment comme salles de spectacle car ils combinaient les meilleures commodités.

Les comédies étaient également jouées dans des châteaux (celui de l’exil de Mademoiselle), dans des bâtiments publics comme des hôtels de ville ou des maisons communales (24), des hôtelleries (2) ou simplement des salles de comédies18.

Au XVIIe siècle, les théâtres étaient des lieux où l’on se divertissait, mais c’était aussi pour les spectateurs des lieux où l’on allait être vu. Le public restait relativement diversifié, on y trouvait des petits employés, des laquais, des boutiquiers, mais aussi des nobles et des bourgeois.

On compose des divertissements qu’on élaborait dans les écoles et salons, destinés à un public qui ne sait pas lire et qui ne connaît pas les règles théâtrales. Cet intérêt croissant du public aristocratique pour les arts scéniques date des années 1620. C’est le renouveau du théâtre avec le rôle pionnier de Richelieu qui est à l’origine de la déclaration royale du 16 avril 1641 qui officialise la réhabilitation des comédiens s’ils restent respectueux des bonnes mœurs. Le Roi considère même l’exercice comme bénéfique à la société. Par cette action vers les arts théâtraux, le pouvoir veut renforcer l’unité nationale et le prestige de la monarchie française19.

Dès 1635, Louis XIII subventionnait les troupes de l’Hôtel de Bourgogne et du Marais. Et dans la même année, le développement des Lettres se fait à travers la création de l’Académie française qui sert à établir les règles de la dramaturgie classique et qui sanctionne l’usage du « pur français ».

En 1637, Richelieu charge Lemercier de faire construire le Palais Cardinal qui sera le plus beau théâtre de Paris. En plus de l’aide apportée par les grands seigneurs, le théâtre classique bénéficiera d’un mécénat de l’État.

Étude de la pièce §

La Comédie de la comédie §

Scène première : Rencontre de deux bourgeois dans la rue allant à la comédie. On assiste à la lecture d’une affiche qui présente la pièce qui va se jouer à la comédie : Les Amours de Trapolin. Les deux hommes vantent les bienfaits de la comédie française aux dépens de la comédie italienne.

Scène seconde : Deux dames dans la rue parlent de la comédie et de ses avantages. Celles-ci vont également au théâtre.

Scène troisième : Tirade du portier devant le théâtre qui défend son emploi et qui parle de ses fonctions.

Scène quatrième : Le Galant et l’Epinay viennent aborder la comédienne dans sa loge. Les deux hommes se font concurrence pour offrir des présents à la comédienne. Cette dernière n’apprécie pas la manière employée de lui faire la cour car les deux hommes lui parlent de théâtre de manière faussement savante. La comédienne pointe alors leur ignorance et leur enseigne quelques règles de poésie.

Scène cinquième : Devant la porte, deux filous tentent d’entrer dans le théâtre sans payer. Le portier résiste, défend ses portes et finit par fermer la porte, ce qui amène au changement de scène et au début de la pièce enchassée.

Les Amours de Trapolin §

Scène première : Dialogue entre Trapolin et Ignorance, amante de Trapolin. Déclaration de leurs sentiments amoureux.

Scène seconde : Le Docteur parle positivement de ses filles et présente Trapolin en expliquant qu’il a des richesses mais qu’il est ignorant.

Scène troisième : Conflit entre Trapolin et le Docteur. Trapolin se vante d’avoir des richesses et le Docteur prétend que la vertu est plus importante. Trapolin se moque et montre son désintérêt face au comportement sérieux du Docteur. S’ensuit une discussion sur les femmes : le Docteur prône la bonté des femmes et Trapolin les voit inconstantes et infidèles.

Scène quatrième : Trapolin demande au Docteur s’il peut rencontrer ses filles. Le docteur les décrit d’abord à Trapolin comme étant vertueuses et intelligentes, mais elles n’ont pas de rentes. Il décrit également Dame Ignorance qui a un caractère qui semble plaire à Trapolin, mais le Docteur insiste pour que ce dernier rencontre ses deux filles : Poésie et Philosophie.

Scène cinquième : Moqueries de Trapolin devant les filles du Docteur qui se parlent en latin. Face à l’ignorance de celui-ci, Poésie propose de le « poétiser ». Philosophie se présente et commence à raisonner, ce qui effraie Trapolin qui redoute également d’être trompé dans son mariage. Désir de Philosophie de rendre Trapolin plus « philosophe ». Cependant, le jeune homme s’intéresse moins à l’esprit qu’au corps de la femme qu’il épousera. Empressement de Poésie et recul de Trapolin qui félicite néanmoins la flamme de celle-ci. Philosophie explique qu’elle aimerait trouver un homme qui réfléchit. Trapolin s’apprête à les quitter quand il aperçoit Galanterie.

Scène sixième : Trapolin vante les attraits de Galanterie. Cette dernière vante les avantages à être avec une femme comme elle : liberté sans questionnement. Trapolin félicite cette souplesse mais Galanterie ajoute qu’elle aime les présents et qu’elle est très convoitée. Cela effraie Trapolin qui est happé par l’arrivée d’Ignorance.

Scène septième: le docteur propose de marier Trapolin à celle qu’il a choisi mais il réalise que ce dernier a choisi Ignorance. Les filles promettent de se venger de Trapolin. Il s’enfuit avec Ignorance qui lui promet le bonheur dans l’ignorance et loin de la raison.

Les Personnages §

Les acteurs sont le reflet de la pièce qu’ils jouent, ils se doivent d’avoir des qualités physiques en accord avec le personnage qu’ils incarnent (vieillard pour le docteur par exemple), ses qualités intellectuelles et morales, et une capacité à s’adapter à leur personnage.

L’acteur doit avoir une belle présence car il est ce que voit le spectateur, il doit parler avec une voix limpide, sans accent et doit respecter les règles grammaticales de la langue française (sauf si son texte le lui interdit). En plus de cela, l’acteur doit avoir une bonne mémoire pour se rappeler son texte, et assez de culture pour comprendre les répliques qu’il donne.

Même d’Aubignac20, le théoricien de l’esthétique théâtrale de la période, admet l’importance de l’interprète, vantant Montdory comme étant le meilleur acteur du temps.

Les personnages dans La Comédie de la comédie §

Les deux bourgeois et les deux dames §

Ces quatre premiers personnages servent à introduire la pièce, ils discutent de la comédie qui va se jouer dans un théâtre. Ces personnages sont représentatifs d’un type d’individus que Dorimond veut attirer pour assister à ses comédies. Très peu d’informations personnelles sont données sur ces personnages qui n’ont pas des rôles importants. Ils se rapprochent de la figuration, ils semblent relativement classiques, éduqués et intéressés par « le bon sens et la science ». Les deux hommes paraissent être habitués à voir des représentations théâtrales car ils comparent la scène française à la scène italienne avec la commedia dell’arte. La liste des acteurs les introduit comme « deux bourgeois », cela montre que les hommes de rang plus élevés vont aussi au théâtre. Dorimond peint à travers ces quatre personnages les spectateurs ciblés par la comédie. Il engage une polémique en mettant un discours positif dirigé vers le théâtre de la part de personnages stéréotypés qui semblent aisés.

Les deux dames ont un rôle similaire à celui des deux bourgeois : elles utilisent un discours enflé et des expressions qui trahissent leur appartenance à un milieu élevé.

pour moy, j’eu tousjours soin de garder mon honneur... (V.60)

Les références antiques montrent que ces dames ont été éduquées et qu’elles ont des connaissances. Ainsi, le théâtre touche aussi les dames cultivées en quête de divertissement respectable, car c’est aussi « le charme de l’âme » (v.63).

En utilisant « dame » comme terme de présentation pour ces deux femmes, Dorimond les désigne comme des « personnes adultes de sexe féminin », mais il amène aussi le spectateur et le lecteur à réfléchir aux autres sens que comporte ce substantif. En effet, dans la société civile et militaire et dans le vocabulaire historique, « dame » désigne une femme qui a un certain pouvoir. Elle peut être une

femme d’un certain rang social ou accomplissant certaines tâches sous la direction ou au service de dames d’un certain rang

ou encore être « membre de la noblesse ».

Dans le dictionnaire de l’Académie Française, c’est celle : « qui possédait une seigneurie et commandement sur des vassaux », « une femme de haute naissance ou de très haut rang ».

Généralement, les définitions mettent en avant les traits « supérieurs » de cette femme qui est une « dame ». Pour ne pas employer un terme qui prêterait à confusion, Dorimond a utilisé un synonyme pour le sexe féminin : une Dame.

Des individus de rang élevé sont présents et surélèvent la pièce qui va se dérouler, et rend légitime l’action de se rendre à la comédie. Si les bourgeois le font, tout le monde peut le faire.

Ces personnages se trouvent dans la pièce-cadre de la comédie. Ils sont donc censés représenter le spectateur réel. En revanche, leurs propos ne peuvent être considérés comme vrais car trop lointains de la réalité ainsi que des remarques classiques des spectateurs de la comédie ou des bourgeois, car contraires au discours habituel. Dorimond pourrait représenter des personnages qui fassent échos à la réalité. Mais il choisit de les trahir pour faire réfléchir et réagir le spectateur réel.

Le Portier §

Il est celui qui contrôle les entrées dans le théâtre et qui empêche ceux qui ne payent pas d’accéder à l’intérieur. Il contrôle l’accès à la salle, interdit l’accès à ceux qui n’ont pas de billets, et maintient l’ordre. Il a aussi le rôle de trésorier de la compagnie : après chaque représentation, il doit diviser l’argent qu’il a reçu entre les acteurs selon leur grade21. Il a, dans cette pièce-cadre, une vraie conscience, et il a un rôle de protecteur vis-a-vis des acteurs. Il admet qu’il pourrait « mettre pour le moins deux escus a l’escart » mais que ses maîtres sont des « gens d’honneurs et sans fard », alors il ne les vole pas. Dorimond présente un portier honnête et qui connaît suffisamment les comédiens pour ne pas les escroquer. Le portier est celui qui est le plus proche des acteurs et il affirme qu’ils sont des gens respectables. De plus, ce portier est responsable et fait des choix raisonnés car il sait que le travail de comédien est payé pour de bonnes raisons : « enfin la comédie est une marchandise, que l’on doit acheter et payer sans remise » (v. 90).

Par le portier, Dorimond justifie l’argent que les spectateurs dépensent pour assister à une représentation, le portier explique lui-même sa situation et le spectateur qui ne prêtait pas attention à ce personnage, réalise qu’il est là et qu’il fait les choses de manière justifiée.

La comédienne §

Elle se trouve dans sa loge avant la représentation et se fait importuner par deux galants qui veulent la séduire car elle est une femme sollicitée. La comédienne fait une leçon de théâtre aux deux soupirants, étalant ainsi sa culture :

Plustost que de parler, tenez la bouche close :
Cinna c’est fait en vers, Thomas Morus en prose !
Voyez quelle ignorance, et quels discours divers
Il met les vers en prose et luy la prose en vers !

En plus de montrer cette supériorité dans la connaissance théâtrale, la comédienne se veut montrer très vertueuse :

LA COMEDIENE.
Je m’en vais au theatre avec des sentimens
Qui sont trop relevez pour tous vos complimens.
Je sens que la fierté s’empare de mon ame :
Ce n’est que pour des roys que mon coeur est de flame.

Elle a tous les traits d’une femme qui a des principes. C'est l’image que souhaite montrer Dorimond pour changer les préjugés sur la comédienne qui serait une femme facile et en qui on ne peut avoir confiance.

Cette comédienne s’appelle Isabelle. A travers ce prénom, Dorimond fait référence aux acteurs de la commedia dell’arte. En effet, une actrice italienne célèbre s’appelait Isabelle, elle était talentueuse et respectée dans le monde du théâtre.

En revanche, ce personnage exagère son rôle et en devient désagréable pour le spectateur.

Les deux galants §

Ces deux hommes importunent la comédienne et viennent la séduire dans sa loge. Ils sont présents pour montrer que cette dernière n’est pas facilement influençable, qu’elle n’est pas intéressée par l’or et les bijoux. Dorimond s’en sert pour montrer l’inutilité des actes des séducteurs sur les actrices parce qu’elles ne sont pas des femmes aux mœurs légères. Ils paraissent ridicules dans leurs propos car ils renchérissent tous deux sur les présents qu’ils veulent offrir à l’actrice sans prêter attention aux protestations de cette dernière.

Mettre dans une même scène la comédienne et les deux galants sert à montrer le contraste qu’il y a entre les individus. Les galants sont ceux qui sont ignorants, ils étalent leurs richesses et, au contraire, la comédienne se comporte comme la femme vertueuse.

Les deux filous §

Ils permettent de clore cette pièce-prologue et surtout de montrer les qualités du portier qui défend son théâtre. Ils sont les provocateurs mais aussi le symbole de cette société qui revendique tous les passe-droits.

Tous les personnages précédemment cités sont des instruments pour vendre la comédie et présenter les acteurs d’un théâtre. Tout le monde se bouscule pour entrer à la comédie, la pièce qui va se jouer a un grand succès. C'est pour faire changer les mœurs et pour montrer que la comédie n’est pas un lieu de débauche où ne sont présentées que des scènes amorales ou violentes que Dorimond utilise cette mise en scène.

Les personnages dans Les Amours de Trapolin §

Les personnages dans Les Amours de Trapolin sont simplifiés mais on peut y voir une certaine vérité à travers leurs traits grossiers. Ils représentent des types de spectateurs que l’auteur dénonce.

Ignorance et Trapolin constituent les amoureux à la première scène de l’œuvre. Pour Mic, la littérature des amoureux était, en son temps, prise au sérieux et admirée comme l’expression d’un « extrême raffinement de pensée et de langage » et « aux yeux des contemporains, l’emploi des amoureux était grave ». Les amoureux sont toujours décrits de manière un peu caricaturale, ils sont sans cesse dans une bulle loin des autres personnages.

Trapolin §

Les descriptions nous donnent très peu d’informations sur ce personnage en dehors de son image d’homme riche qui attire les cupides et que tous les personnages cherchent à séduire. Trapolin est le personnage principal de la pièce enchâssée, il apparait dans toutes les scènes lorsqu’il y a un dialogue. La pièce enchâssée porte d’ailleurs le nom de ce personnage créé de toutes pièces par Dorimond. Il est en vain courtisé par les femmes de la pièce, les jeunes filles (Ignorance, Poésie, Philosophie, Galanterie), et les hommes en quête d’argent (le docteur). Il joue ainsi dans la pièce le rôle de l’unique jeune homme en âge de se marier. Les femmes ne semblent pas avoir le choix quant au jeune homme à séduire. Cette pièce met en valeur le caractère de rareté du jeune homme riche. C’est en direction de Trapolin que convergent toutes les intrigues, il a le rôle principal dans la pièce.

Le prénom de ce personnage rappelle certains personnages d’autres pièces, comme des farces ou des comédies italiennes. A cause de ses préoccupations qui sont majoritairement terre-à-terre (manger, boire, trouver une épouse), mais aussi de son comportement, on le rapproche d’autres caractères théâtraux.

On a retrouvé quelques pièces avec des personnages portant le nom de Trapolin. En 1710, est publiée dans la librairie Lecointre, une comédie en trois actes écrite par un certain Drancourt22. Dans cette pièce intitulée Les Agioteurs, Trapolin est un ancien paysan de campagne qui a fait fortune et qu’on appelle à présent Monsieur Trapolin. On ne connait pas le passé du Trapolin de La Comédie de la comédie mais on peut imaginer qu’il a eu la même histoire que ce Monsieur Trapolin de Drancourt et qu’il s’agit peut-être du même personnage. Un homme qui a des manières rustres mais qui a de l’autorité grâce à l’argent qu’il a gagné, car en effet, dans la pièce de Dorimond, Trapolin ne brille que par l’argent qu’il possède, est un parvenu.

Dans une autre pièce de Dorimond, La Femme industrieuse, un autre personnage porte le prénom « Trapolin » :

Trapolin, valet grossier attaché surtout à la mangeaille, vaniteux et crédule, sera aisément berné par Isabelle, et par Léandre gardera très mal la femme du Capitan. p.438

Trapolin désigne en fait, souvent, un valet ou un paysan, qui peut avoir réussi à constituer une fortune, mais il n’est en aucun cas un homme pourvu d’une éducation, qui pourrait appartenir à la bourgeoisie.

Le prénom Trapolin contient des sons fermés « tra », « po » et « lin », c’est un nom fort qui pourrait indiquer une stabilité du personnage, il rappelle également l’adjectif « trapu » qui qualifierait notre personnage. Le lecteur l’imagine comme étant large et court, qui donne une impression de force et de stabilité23, cette définition est en accord avec la sonorité du mot.

Trapolin représente un peu le personnage du badin, cet homme niais qui fait rire de ses sottises et on va même jusqu’a se demander s’il ne joue pas sa niaiserie. Il nous fait aussi penser à Arlequin ou à Scapin, ces valets qui amusent le public par leurs pirouettes et leurs ruses et dont la maladresse les trahit.

Trapolin n’est décrit que par sa fortune. On ne connait pas son âge exact mais on suppose qu’il est relativement jeune. Son apparence physique n’est pas non plus évoquée, mais on parvient à se rendre compte de son caractère à travers les dialogues.

C’est un homme sensible au charme des femmes :

TRAPOLIN
v.252 Beauté, beaux yeux, mon cœur, belle bouche, beau tin.
v.647 Quelle est cette beauté ?
v.724 Mais la voicy qui vient, que je la treuve aimable !

Il est le personnage principal qui a du pouvoir car il a de l’argent, et pourtant il semble facile à convaincre au début. Il exprime son avis lorsqu’il n’accepte pas quelque chose mais il le fait de manière assez délicate sans blesser ses interlocutrices.

Chère Philosophie, Aimable Poësie,
Io bazio la mane à vostra Seignorie ;
L’amour est mon amy, mais cet efeminé
v.645 Ne me charme jamais qu’après avoir diné ;
La table a des apas quand elle est bien garnie 
v.695 Je vous baise les mains, belle galanterie,
Je suis incompatible avec vos humeurs.

Si Trapolin avait cédé aux avances d’une des filles du Docteur, l’intrigue n’aurait pas pu évoluer davantage, on comprend alors son importance dans l’histoire.

Trapolin est désigné pour la première fois dans La Comédie de la comédie sur l’affiche que lit les deux bourgeois :

v.13 Et de son brave Trapolin
Qui l’aime autant que le bon vin.

Puis le docteur évoque dans son monologue :

Tant il est d’ignorants et de vilains butors :
Un certain Trapolin a de grandes richesses.

Donc, même si Trapolin montre à plusieurs reprises son pouvoir décisionnel, il est fréquemment celui qui subit les interventions des uns et des autres dans la pièce.

v.534 Ce galant pour produire est-il à vostre gré ?

Trapolin est même réduit au rôle de simple producteur, sans sentiment. Trapolin est fréquemment cité, souvent passif dans la comédie, les femmes le contrôlant dans plusieurs épisodes.

v.537 Avec un peu de temps je le poëtiseray
Il fera le sonnet, je ferai l’epique.

Il a aussi souvent le rôle de l’ignorant, celui qui n’a pas d’esprit :

v. 260 Pour te suivre toujours, je veux m’efeminer,
Lire peu, manger bien, ne jamais raisonner.
v.793 Tu feras dons mon faict, puisqu’il faut ignorer.
v.796 Beuvons, joüons, dansons, et laissons la science,
Allons nous endormir et manger à foison,
Le plus grand enemy de l’homme est la raison.

Mais Trapolin, derrière son apparente stupidité profite de cette image qu’on lui impose et en abuse parfois :

v. 336 Qu’essence, il en est donc chez nostre parfumeur,
Je n’ay qu’a demander de l’essence d’Autheur,
S’il en est, j’en auray, de la plus excellente.

Trapolin, celui à qui tout le monde reproche son ignorance, est bel et bien ignorant, mais il se joue aussi de ceux qui l’utilisent.

Il rappelle Arlequin chez Goldoni ou Marivaux et dans la commedia dell’arte, en raison de sa dimension comique et de son caractère. Il est très gentil et on essaie de se jouer de lui comme en témoigne le manque de réaction aux insultes faites par le clan du docteur à la dernière scène. Il fait rire l’auditoire par ce qu’il fait passer pour de l’incompréhension et il est facile de l’imaginer faire des gestes exagérés sur scène, même si nous n’avons que très peu de didascalies.

Le Docteur §

Dans l’œuvre de Dorimond, il est un des personnages principaux. Il apparait dès la seconde scène et c’est lui qui décide de présenter ses filles à Trapolin. Ce personnage fait largement référence à la commedia dell’arte et au théâtre de Molière, il a ainsi déjà ses traits distinctifs24.

Il dottore e dottore dalla testa ai piedi, fin la sua pancia e la sua tossa dottorale 25

« Il dottore, cosi come si trovava nel crocchio di toghe, isolato dagli altri, vien portato dai comici sul palcoscenico, doce continua ininterrottamnete a dire : » ...xime, idodeus, ut qui principium, medium et finem habet, segond Dionisi Alicarmaseo... » Versa fiumi di parole e forse non si accorge d’aver mutato luogo, d’essere capitato in un intereccio di fatto, di esser padre di ortensio e di Cinzio

Comme le dit bien A. Campanelli, le docteur ne se rend pas compte du monde qui bouge, il reste dans son univers et dans son flux de pensée. Il en devient comique par son côté décalé face aux autres personnages.     

Le Docteur de Dorimond est cependant un peu différent. Déjà, il est moins ridicule que beaucoup d’autres avatars du type, il s’intègre au dialogue, il écoute, répond et est intégré à la vie quotidienne car il a une vie personnelle qui est notamment incarnée par ses filles.

Il a aussi un coté pédant, il est intéressé par l’argent, et se montre supérieur sans demi-mesure avec ceux qui l’entourent. C’est un Docteur qui ne respecte pas parfaitement les traits classiques de son personnage, il semble être plus au courant de ce monde qui l’entoure que les autres « docteurs » de la comédie italienne :

LE DOCTEUR.
290 J’ay des filles chez moy, doctes, spirituelles;
La matiere, et l’esprit sont excellens en elles,
Leurs esprits et leurs corps sont forts beaux et sont bons,
Mais leur rentes n’ont pas l’éclat de leur tetons,
Et l’on est dans un temps où l’on ne considere
295 L’esprit ny la beauté, l’or seul a droit de plaire.
Un teint semé d’appas, un astre merveilleux,
D’un lourdaut bien renté ne charme point les yeux
Si l’on dit, « regardez les admirables filles »,
On vous répond « à qui vendez-vous vos coquilles » ?
300 Bref il faut estre belle au coffre comme au corps,
Tant il est d’ignorans et de vilains butors.
Un certain Trapolin a de grandes richesses :
Si mes filles pouvoient attirer ses carresses
Je serois bien-heureux, je serois au repos.
305 Je ne puis toutefois luy dire de grands mots
Car je n’ay point appris la basse complaisance,
de peur de déroger et soüiller ma science.

Ce premier monologue nous permet de cerner un peu le personnage du docteur comme étant un homme intéressé, parce qu’il est obligé de l’être. Mais en face de Trapolin, son exaspération le pousse à montrer son vrai visage :

LE DOCTEUR
Eh bien, mettez le pied hors du commun vulgaire,
Dévelopez-un peu l’esprit de la matiere;
320 Un riche, un grand Seigneur de grandeurs revestu,
N’est que de l’or impur, s’il n’a point de vertu,
Qu’un soleil offusqué par un espais nuage
Et qu’un oyseau huppé qui n’a point de ramage.
Avecque vos tresors achetez de l‘esprit !

Le docteur en plus d’être l’homme de vertu et de savoir de la pièce, est le père, celui qui a l’autorité. Il a donc cette volonté d’étendre son savoir et, que tous les personnages soient aussi vertueux ou cultivés que lui.

Les prétendantes de Trapolin §

Toutes les femmes de la comédie enchâssée de Dorimond sont des prétendantes. L’auteur ménage rarement les femmes dans ses comédies et, d’après l’influence gauloise, il les compare à des furies, des « échevelées », des barbares26. On pense à Poésie et Philosophie qui supplient Trapolin de choisir l’une d’elles.

La philosophie est le « masque que prend l’orgueil pour se manifester sans contrainte ». Mais dans notre comédie, c’est aussi le prénom de l’une des deux filles du Docteur. Ce dernier étant un homme de savoir, ses filles se doivent de représenter la connaissance tout comme lui. Philosophie est une des deux filles que le père cherche à marier à Trapolin. Comme son prénom l’indique, elle fait de la philosophie et elle représente le raisonnement et l’esprit.

À la scène IV, le docteur présente ses filles à Trapolin dans l’espoir qu’une d’elles puisse lui plaire. On découvre donc leur description à travers les mots de leur père :

J’ay deux filles enfin dont l’une est Poësie,
Elle chante tousjours, l’autre est Philosophie,
Elle est fort serieuse, et d’un temperament
Froid, dont l’abord fait endurer un Amant;
495 Ses secrets ne sont point connus, quoy que l’on fasse,
Elle est grande, elle est belle, elle a fort bonne grace,

À la scène V, on découvre Philosophie. Sa première phrase est en latin, elle donne l’image d’une jeune fille éduquée et cultivée qui connait les langues mortes. Un peu plus loin dans la scène, elle se présente à Trapolin.

Au travers de son discours, on découvre une jeune femme déterminée, sûre d’elle et qui n’hésite pas à dire ce qu’elle pense :

Et si quand par mal-heur je vous ferois cocu,
Je ne vous rendrois pas pacifique cornu,

Le rôle du personnage de Philosophie est de montrer le contraste qu’il y a entre Trapolin et elle. Elle n’hésitera pas à donner raison à Trapolin contre sa sœur pour le séduire et l’attirer, on voit l’importance qu’il y a pour les filles de paraître la meilleure aux yeux du jeune homme.

v.591 « Vous avez bien raison, vous estes un brave homme »
PHILOSOPHIE.
Pour moy j’aime une humeur pensive et solitaire,
Un grand contemplateur et sobre d’ordinaire,
640 Qui quitte le manger pour me faire l’amour
Et qui soit dans mes bras et la nuit et le jour.

Philosophie, tout comme sa sœur, est un personnage nécessaire à l’intrigue. Elle parle du type d’homme qu’elle apprécie puis, après quelques échanges, voyant qu’elle ne parvient pas à le séduire, finit par supplier Trapolin : « Aimez-nous » (v.720).

Poésie parle très peu dans la pièce, mais elle a le même rôle que celui de sa sœur : prétendante de Trapolin. En effet, même avec de l’esprit, comme le docteur l’explique au début de la comédie, il faut de l’argent pour plaire. Poésie se rapproche de l’image de sa sœur sur presque tous les points. Seul son caractère est différent :

Poësie est galante, elle a l’esprit serein,
Mais elle est fort quinteuse, et sujette au chagrin;
Chez tous les demis dieux elle est fort bien venuë,

Le public ne l’a pas encore vu mais son esprit et sa description physique sont déjà dévoilés aux spectateurs et à Trapolin.

POESIE.
Ma sœur Philosophie, à de trop grands secrets;
570 Je suis bien plus connuë, et j’ay bien plus d’atraits :
On me penetre mieux, et je suis plus galante.

Elle rabaisse sa sœur Philosophie pour se mettre en avant et essaie de faire comprendre à Trapolin qu’elle est celle dont il a besoin. Pour cela, elle emploie la technique de la flatterie : « Illustre Trapolin, Héros incomparable » (v.688).

C’est à travers des métaphores que celle-ci s’exprime. Elle tente de le convaincre en mettant en avant ses talents de poète et, à la fin, elle menace de se venger en vers.

Même si elle est présentée comme étant une personne érudite, elle semble avoir un caractère simple et sans grand intérêt pour nous. Son prénom est suffisant pour la désigner et l’analyser.

Galanterie est le prénom de la cousine des deux sœurs. La galanterie est un art de plaire en société par une allure élégante, une politesse raffinée, des procédés obligeants, et convient plutôt aux hommes. C’est aussi le gout, la recherche des aventures amoureuses, des plaisirs physiques. Elle sera introduite par Trapolin à la fin de la cinquième scène. C’est elle qui va faire avancer l’intrigue. Elle va susciter l’intérêt de Trapolin pendant une scène.

v. 647 « Qu’elle est cette beauté ? »

Trapolin est séduit par son apparence et par ses premières paroles, mais il réalise rapidement qu’elle doit être très convoitée, et compter plusieurs amants, ce qui l’effraie.

Outre cela, Galanterie rassemble toutes les qualités que Trapolin recherche, mais elle a un caractère trop extravagant et sociable pour lui. Elle représente l’opposé de ses cousines mais elle a un caractère qui n’intéresse pas non plus Trapolin.

Ignorance serait le personnage principal d’après l’affiche de la scène première :

v.9 Ce sont les amours d’ignorance
Qu’on confond avec la science

Et pourtant, ce personnage n’apparait que dans la première et la dernière scène. Sur l’affiche, celle-ci est comparée ironiquement à la science. Cela appuie encore plus sur le fait qu’elle soit sans connaissance car son prénom indique d’emblée qu’elle est en opposition avec la science et la culture.

D’après le TLF, Ignorance est un substantif féminin qui signifie « état de l’homme avant qu’il ne goute au fruit de l’arbre de la science du bien et du mal », il est emprunté au latin ignorantia « ignorance de la loi morale, de la religion, de Dieu ; faute, erreur ».

Ignorance incarne le cliché de ce que recherche les hommes dans la culture populaire : une femme qui soit jolie, agréable, crédule, fidèle et dévouée. Son prénom reflète son caractère et c’est aussi ce qu’elle prône fièrement. Ignorance se vante donc des bienfaits de son ignorance. C’est un état choisi qu’elle proclame et qu’elle défend.

v.787 Allons, vient m’épouser et chery ta mignonne,
Et sçache qu’en ménage Ignorance est fort bonne,
Elle fait le repos et l’honneur des maris

Cette pièce contient de nombreux personnages qui sont très différents les uns des autres. On retrouve le clan des ignorants représenté par Ignorance tandis que celui du savoir et de la connaissance rassemble le docteur et ses deux filles, Philosophie et Poésie. Il y a un troisième clan qui pourrait constituer un juste milieu, mais il est également extrême dans ses caractéristiques : le clan de la galanterie qui ne comporte que Galanterie. Trapolin doit choisir parmi ces types et il rejette les caractères les plus « complets » pour se tourner vers l’ignorance.

L'œuvre §

En général §

Dans la préface du Glorieux, Destouches affirmait qu’un ouvrage comique se doit de « tomber sur le ridicule, de décrier le vice et de mettre la vertu dans un si beau jour qu’elle s’attire l’estime de la vénération publique ». Ainsi, en 1778, il montre l’utilité de la comédie et insinue qu’il faut faire rire de la vertu.

Les lettrés français du XVIIe siècle méprisaient généralement les comédies auxquelles ils n’accordaient aucune valeur littéraire, aussi bien construites et subtiles soient-elles27.

Chappuzeau rejoint la description de la comédie de Destouches car elle est pour lui « une représentation naïve et enjouée d’une aventure agréable entre des personnes communes, a quoy l’on ajoûte souvent la douce satire pour la correction des mœurs »28.

On a fréquemment soulevé au XVIIe siècle le problème de la promotion du théâtre et des gens de théâtre. On retrouve cette préoccupation chez Dorimond qui va utiliser toute sa pièce-cadre pour justifier et défendre la place du théâtre29. Dorimond partage ce souci de réhabiliter les arts de la scène contre la suspicion morale qui les avait jusque-là condamnés.

Au début du siècle, la nature, la morale et la sensibilité envahissent la littérature et les arts. La comédie sert alors à corriger les mœurs, on parle alors de miscere utile dulci30. On a l’impression ainsi de peindre les hommes plus près de la nature, de faire des œuvres plus sérieuses et utiles31.

Le théâtre dans le théâtre est la réalisation d’un mécanisme scénique32. La pièce enchâssée suit logiquement son prologue. Adresse aux spectateurs réels et fictifs:

AFFICHE.
Les Comediens de Mademoiselle.
La piece que nous vous donnons
Merite vos attentions:
10 Ce sont les amours d’Ignorance,
Qu’on confond avec la science,
Et de son brave Trapolin
Qui l’aime autant que le bon vin.
De cette piece on fait estime,
15 Tant pour la force de la rime,
Que pour la vigueur des bons mots,
Qui ne sont pas faits pour les sots;
Mais pour la belle connoissance
Et les auditeurs d’importance;
20 Qu’icy les uns dressent leurs pas,
Que les autres n’y viennent pas.

Malgré cette belle présentation de la comédie et sa publicité, la petite comédie n’est pas si fameuse. Elle est fondée sur des procédés allégoriques basiques et sur des jeux scéniques exagérés.

La première partie est intéressante, on assiste à une querelle contemporaine sur la moralité du théâtre de son temps. À travers les acteurs, c’est l’avis de l’auteur que nous avons. Dorimond considère que le théâtre n’est pas ce qu’on lui reproche d’être, qu’il permet d’élever les mœurs et qu’il éduque même.

Léandre explique même que les italiens vont plus loin dans leur théâtre, qu’ils prennent « plus de licence » (v.38) et pourtant les Français sont plus contrôlés et reçoivent plus fréquemment la critique. Pour lui, le théâtre français est plus sérieux et veut faire passer un message plus vertueux. Et malgré les apparences des arts de la scène, c’est initiatique et il l’estime mieux.

LUCIDOR.
40 Le Theatre François est bien plus serieux,
J’en faits bien plus d’estat, et l’estime bien mieux;
Mais on peut sans pecher gouster les inepties
Qu’ils meslent gallamment avec leurs faceties;
On rencontre des gens qui tondroient sur un œuf
45 Et qui bien souvent ont de l’esprit comme un boeuf.

Dorimond ne se contente pas de faire parler deux bourgeois, il fait intervenir des femmes. Il fait cela pour montrer que la scène théâtrale touche toute la population. Les deux femmes sont deux dames qui vont prôner la comédie et parler de la moralité de celle-ci. La comédie, non seulement instruit, mais encore est « Le charme de l’âme » (v.62).

La pièce-cadre est très représentative de la vie quotidienne du XVIIe. On y voit le portier qui doit faire face aux personnes qui ne veulent pas payer l’entrée à cause des privilèges qu’ils prétendent avoir, ceux qui la paient avec de la fausse monnaie ou ceux qui veulent forcer la porte. À travers cette tirade du portier, c’est un fragment de vie des théâtres que l’on découvre.

Toujours dans cette pièce-cadre, c’est la vie des actrices que nous dévoile Dorimond : celle où les prétendants tentent de séduire l’actrice qui se montre sourde aux propositions et auxquels elle étend ses principes vertueux. La comédienne, contrairement à la réputation dont les gens de théâtre souffrent, a de nombreux principes moraux, elle connaît parfaitement le théâtre et le respecte profondément.

Dans la pièce enchâssée, au contraire, ce ne sont plus des personnages réels mais allégoriques que nous avons. Dorimond insiste sur le caractère superficiel de cette comédie. Trapolin est un jeune homme naïf qui est amoureux d’Ignorance et poursuivit pour ses richesses par le docteur qui veut le marier à l’une de ses filles : Poésie et Philosophie.

Les discours raillent le langage pompeux et les raisonnements alambiqués qui sont le produit du milieu précieux.

Molière se serait inspiré directement de Dorimond pour composer ses œuvres. Cela confirme l’importance de Dorimond dans la dramaturgie de son temps ainsi que l’influence qu’on doit lui reconnaître sur les créations moliéresques.

On voit sa volonté de plaire à tous et de susciter l’admiration, donc il recherche à composer une farce sommaire:

condamnés à satisfaire des aspirations divergentes, puisqu’à la différence entre les loges et le parterre s’ajoute celle qui sépare le goût de la cour et celui de la ville, les auteurs ont dû faire preuve d’une grande souplesse, et ne renoncer ni aux recherches poétiques les plus élégantes, de ce qui était alors l’avant-garde, qu’elle soit baroque ou précieuse, ni aux mouvements scéniques, ni à ce qui est clair, fort, immédiatement compréhensible pour l’esprit ou pour l’œil : de cette double nécessité résulte peut-être la verdeur qu’ils ont montrée dans les différents genres qu’ils ont cultivés (J, Scherer, Introduction, Théâtre du XVIIe)

C’est un mélange entre le divertissement et la recherche artistique. On retrouve une originalité et une certaine gaité33.

Une des spécificités de cette pièce de Dorimond, en dehors de sa structure de Théâtre dans le théâtre, est sa structure narrative. En effet, le déroulement de l’action interne (dans Les Amours de Trapolin) ne comporte pas une structure totalement claire et efficace pour le spectateur. La structure que nous pouvons référencer est :

1) Amour de Trapolin et Ignorance.

2) Débat entre le Docteur et Trapolin sur les femmes.

3) Présentation de Philosophie et Poésie à Trapolin.

4) Intérêt de Trapolin pour Galanterie, la cousine de Poésie et Philosophie.

5) Conclusion et départ de Trapolin avec Ignorance.

L’intrigue est donc très pauvre et il n’y a pas vraiment d’évolution, on peut parler de rebondissements lorsque Trapolin voit Galanterie ou lorsqu’il retrouve Ignorance mais il est difficile de rattacher cela à des péripéties.

En revanche, ce qui frappe le spectateur du XVIIe siècle, ce sont les actions des personnages qui sont contraires à ce que le contemporain de Dorimond à l’habitude de voir. Les femmes dans Les Amours de Trapolin, prennent la place des hommes, ce sont elles qui séduisent. Le schéma classique est ainsi inversé. En effet, dans la comédie de l’époque classique, un jeune homme courtise une jeune fille, le père s’y oppose, il organise le mariage de sa fille à un autre prétendant et après quelques rebondissements, la jeune fille épousait celui qu’elle aimait initialement. Dans notre comédie, ce sont les jeunes filles qui convoitent le jeune homme, poussées par leur père cupide.

Respect des règles classiques ? §

L’unité de temps est bien respectée, mais dans La Comédie de la comédie, les unités de lieu et d’action ne sont pas suivies. En effet, étant une pièce enchâssée, il y a deux petites pièces qui constituent l’œuvre.

L’espace : on reste toujours dans le thème du théâtre, donc si le lieu ne change que de quelques mètres, le fait de changer de pièces ne permet plus à l’auteur de respecter les règles du théâtre classique qui stipulent les choses suivantes, d’après Jacques Scherer :

on dit à partir de 1640 environ que l’action d’une pièce de théâtre est unifiée [et...] on ne peut supprimer aucune des intrigues accessoires sans rendre partiellement inexplicable l’intrigue principale.

Cependant, l’intrigue principale et unique des Amours de Trapolin concerne celles-ci. La pièce-cadre ne porte pas sur les amours de Trapolin directement, elle introduit la pièce et contient plusieurs petites scènes qui n’ont pas ou peu de liens entre elles, si ce n’est le fil conducteur, c’est-à-dire la pièce qui va être jouée.

Dans cette pièce-cadre, on entend des bourgeois et des dames qui commentent la place de la comédie en France, une comédienne qui reçoit les avances de deux jeunes hommes et des filous qui veulent entrer sans payer. Si l’on supprime une des scènes de la pièce-cadre, cela ne change rien à l’intrigue principale.

Chacune des deux pièces présentes dans notre œuvre comporte une scène d’exposition et une scène de fermeture. Dans la pièce-prologue, les deux bourgeois qui lisent l’affiche de la pièce ouvrent La Comédie de la comédie ; la fermeture des portes du théâtre sert à clore cette pièce et à faire le lien avec la pièce enchâssée. Dans Les Amours de Trapolin, la scène célébrant les amours de Trapolin et Ignorance sert d’exposition. Cependant, la pièce de Dorimond se clôt sur la fuite des deux amants.

Le début de l’exposition ne coïncide pas avec le début de la pièce, Dorimond trompe le spectateur avec la première scène où l’on voit deux amoureux s’adresser des marques d’affection et montrer qu’ils sont tristes de se quitter. À la suite de cette scène, on assiste à un monologue du docteur qui explique sa situation et cela fait démarrer l’intrigue de la pièce.

La première scène, même si elle n’est pas exactement une scène classique d’exposition, renseigne quand même sur certains personnages et lorsqu’on arrive à la seconde scène, on connait déjà doublement Trapolin. L’intrigue qui se trouve dans notre pièce enchâssée, débute de manière assez classique car on connait les principaux éléments de l’intrigue prochaine.

Nous allons à présent nous intéresser à l’intrigue de la pièce-cadre. Deux bourgeois se rencontrent et une affiche leur décrit la comédie qui va se jouer prochainement et à laquelle ils se rendent d’un pas décidé. Ainsi, ils font un discours sur la situation de la comédie en France. Ils affirment qu’elle est bonne pour les mœurs. La scène qui devrait être la vraie exposition repose sur des principes généraux d’ordre moral.

Les bases de la comédie sont méprisées par la tragédie classique mais certains auteurs du XVIIe siècle le reprendront, faisant déboucher ces discussions morales sur l’exposition comme en étant une conséquence. La première scène de notre œuvre dépose bel et bien des prémisses de l’action future grâce à l’affiche qui parle de la comédie, même si elle est ironique et qu’elle donne des informations partielles. Ainsi, avec cette affiche, on connait déjà tous les personnages qui apparaitront sur scène. Dans notre comédie, la scène d’exposition a besoin des deux premières scènes pour être complète.

L’unité de lieu n’est pas non plus respectée. De fait, la pièce-cadre est dans la pièce enchâssée mais le lieu n’est pas exactement le même. Dans la pièce enchâssée, le lieu ne change pas, mais en revanche, dans la pièce-cadre, le lieu change un peu donc l’unité de lieu n’est plus respectée.

La tradition voudrait que pour la dernière scène, tous les acteurs de la pièce soient présents devant les spectateurs. Celle-ci est correctement honorée si l’on considère la pièce des Amours de Trapolin seulement ; mais si on prend en compte les acteurs de la pièce-prologue, les règles ne sont plus respectées.

On peut noter que la fin conserve parfaitement la forme classique qui serait, pour les théoriciens du XVIIe siècle, de donner à voir un dénouement « nécessaire, complet et rapide »34. Cependant, ce dernier est repoussé quand on arrive à la fin de la pièce, elle pourrait s’achever au début de la scène septième :

LE DOCTEUR
ET bien captivez-vous ce Phoenix des amans ?
Et le marirons-nous ?                  [39]
PHILOSOPHIE.
            Ouy.
LE DOCTEUR.
                De plaisir j’en dance.

La pièce aurait pu se terminer ici, avec la célébration du mariage entre une des filles du Docteur et Trapolin, mais le quiproquo du père qui croit qu’une de ses filles a plu à Trapolin entraine une confusion. Il y a ensuite une explication des filles à leur père pour lui avouer que Trapolin a choisi Ignorance, une autre jeune fille. La pièce se termine alors par une fuite des deux amoureux qui échappent à la haine des autres prétendantes :

IGNORANCE.
Par moy de mille maux tu te pouras parer;
795     Allons mon gros poupon !
TRAPOLIN
                Allons mon Ignorance !
Beuvons, joüons, dansons, et laissons la science !
Allons nous en dormir et manger à foison.
Le plus grand ennemy de l’homme est la raison.
FIN.

Le dénouement de la pièce aurait pu être très classique mais ce rebondissement permet aux spectateurs de voir que l’intrigue n’a fait que revenir au point de départ et que Trapolin n’a pas changé, qu’il est toujours attiré par l’ignorance incarnée par Ignorance.

Le dénouement n’est pas moral, puisque celle qui présente le moins d’esprit et qui a le caractère le plus simple et le plus facilement identifiable est parvenue à séduire Trapolin, celui qui était convoité par tous.

L’exemple de la pièce latine voudrait qu’on divise en actes la pièce. Dans notre l’œuvre, Dorimond a décidé d’étendre le nombre de scènes en ne gardant qu’un seul acte, il y a ici une sorte de modernité. L’auteur a considéré que le spectateur devait être en mesure de rester concentré pendant la pièce entière car elle est assez courte pour le permettre. Le passage de la première pièce à la pièce enchâssée constitue la pause la plus longue de l’œuvre.

Une scène pour d’Aubignac, c’est « cette partie d’un acte qui apporte quelques changements au théâtre par le changement des acteurs ». Les scènes n’ont cependant pas la même utilité dans un texte. Il y a les scènes qui servent à éclairer, celles qui lient, celles qui rendent l’action et celles qui permettent la délibération.

Les règles de bienséance dans la sensualité s’imposent dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Auparavant, les auteurs avaient beaucoup plus de liberté mais avec l’évolution des mentalités, cela se resserre.

Dans La Comédie de la comédie, Dorimond n’hésite pas à utiliser des sous-entendus, c’est le cas dans certaines répliques de Trapolin lorsqu’il parle de ses visites aux « pays féminin ». Il n’hésite pas à parler de prostitution et également lorsqu’il ajoute « Je pousse la douceur auprès d’une mignarde » (v. 347). Cette parole n’est pas en accord avec les règles du théâtre du XVIIe siècle mais cela suit le courant préclassique qui encourageait de manière audacieuse.

Autour des évènements de la Fronde, donner des baisers devient quelque chose de choquant. Ce qu’il y a d’encore plus étonnant dans notre pièce est la capacité de Dorimond à faire parler les femmes de sexe. Dans la pièce-prologue, la comédienne, dans sa tirade de revendications, se plaint que des « mignons » lui parlent de « couchette ». Elle respecte la bienséance car elle condamne ce comportement. Mais dans notre pièce enchâssée, les femmes ne semblent pas ressentir de gêne lorsqu’elles parlent de l’acte sexuel. Dans la première scène, Trapolin et Ignorance expriment de fortes marques d’affection et Ignorance dit d’ailleurs :

Et ce petit fripon, d’une ardeur sans égale
Voudroit prendre mon coeur et ma fleur virginale.

En outre, les deux filles du docteur tentent quelques sous-entendus d’ordre sexuel pour attirer Trapolin.

v. 571 On me pénètre mieux, et je suis plus galante
v.600 Il me faut pénétrer afin de me connoistre

Les rapports sexuels sont sous-entendus de manière crue, ce qui nous amène à rapprocher notre comédie d’une pièce osée et grossière ou d’une farce.

Contrairement à la majorité des pièces de théâtre du XVIIe qui respectent la bienséance, les femmes dans La Comédie de la comédie, parlent librement et Poésie ajoutera même :

622 Mais on aime sur tout assez la bagatelle.

Ainsi, même si rien de précis et aucun détail n’est donné sur les rapports sexuels, ils sont fréquemment sous-entendus.

Le genre et ses influences §

La farce §

Au début du XVIIe siècle, la farce connait un grand succès avec l’époque troublée. C’est une pièce cruelle, avec un humour indécent et irrespectueux. Elle amuse et divertit à travers une certaine fantaisie. C’est un passe-temps populaire que Richelieu réprimera. Après un épisode sombre de son histoire, la farce connait un nouveau jour avec une amélioration des salles, on réhabilite le métier même de comédien et, peu après, les honnêtes gens voudront en faire un divertissement de bon ton, qu’on aime voir pour se divertir.

Un peu plus tard, la farce étant un spectacle grossier, elle se fera à nouveau réprimer à cause des religieux. On chasse le public populaire en lui imposant le goût des doctes. Leurs représentations ne disparaissent pas mais elles seront reléguées au second plan au fur et à mesure de l’avancée du siècle. La farce est une petite comédie en un seul acte, on en présentera 52 de 1660 à 1669. La Comédie de la comédie viendrait directement de la farce en raison de son côté populaire et fantasque. Faute de moyens, l’auteur ne prévoit pas de décors et mise sur l’acteur pour faire vivre le spectacle avec ses mimiques, gestes et déplacements.

La farce est un spectacle fait de schémas, de traits d’humour et de personnages stéréotypés, on attend beaucoup du jeu des acteurs qui doit être exubérant.

Les comédies en 1620 ont, pour beaucoup d’entre elles, des situations de départ simples où il n’y a aucuns soucis de vraisemblance mais le développement est régi par le redoublement, la répétition et les retournements.

Vers 1660, ces petites pièces se complexifient et les situations sont de plus en plus rythmées35.

La Commedia dell’arte §

Une des influences majeures des auteurs de pièces de théâtre au XVIIe siècle en France est celle du théâtre italien, la Commedia dell’arte. C'est un genre plus divertissant et plus ouvert que le style classique auquel est habitué le public français.

La commedia dell’arte associe les traditions populaires pour en produire des comédies qui contiennent des éléments romanesques et lyriques en plus de l’observation faite de la vie réelle. On retrouve chacune de ces dimensions dans la comédie que nous présentons.

C'est au milieu du XVIe qu’il faut placer la naissance de compagnies jouant des comédies all’improviso : un type de fusion entre traditions populaires et esprit de la renaissance36. Cela n’empêche pas Dorimond de critiquer délibérément le théâtre italien dans La Comédie de la comédie :

LEANDRE.
Mais les Italiens prennent plus de licence
Que ne font les François, et quelqu’un s’en offence.
LUCIDOR.
40 Le Theatre François est bien plus serieux,
J’en faits bien plus d’estat, et l’estime bien mieux;

Il fait ainsi une sorte d’anti-commedia dell’arte car les deux bourgeois font un éloge du théâtre français et dénigrent le théâtre italien. Mais il n’hésite pas également à s’en inspirer.

D'abord, on retrouve cette parenté dans les personnages qu’il choisi de peindre : le docteur est un personnage typique de la commedia dell’arte ; mais aussi dans l’intrigue : des filles à marier et un homme riche qu’il faut séduire. C'est une aventure assez banale et sans grand intérêt autour de laquelle il y a des jeunes filles perfides qui essaient de duper leur entourage mais qui se retrouvent dans la position dans laquelle elles étaient initialement. Dans ce même cadre, on retrouve le docteur qui joue le rôle du père pensant contrôler l’assemblée mais qui est finalement dépassé par les évènements. La petite comédie se conclut par une morale assez ordinaire et, en définitive, celui que les filles voulaient séduire, choisit celle qui présentait le moins d’intérêt.

Le rythme enjoué et les qualités ludiques sont des éléments constituants de la commedia dell’arte : « c’est le jeu qui détermine le style et les caractères et l’intrigue, et comme l’intrigue s’exprime par lui, c’est lui qui la moule, la pénètre si profondément qu’il en modifie même les démarches »37.

De ce théâtre italien, les Français empruntent les bouffonneries et les comiques de situation. Car, en effet, la commedia dell’arte contient des éléments romanesques aux dépens de l’action pure. On y voit le gout du mouvement et de l’action.

Tiré de la farce, ce théâtre tire sa force de son jeu, ses lazzis, et son spectacle tout en prenant en compte la réalité et la contemporanéité de l’action. Ce théâtre évoluera aussi, il y aura moins de romanesque, un jeu plus minimaliste et plus exclusif. En France, c’est ce côté réaliste et proche de l’actualité qui attirera nos auteurs.

La commedia dell’arte pouvait être utilisée comme une métaphore de la liberté et de la vie38. Elle incarne la liberté car les acteurs n’étaient pas tenus de suivre un discours précis mais plutôt un canevas, qui leur était attribué. Ils entraient dans la peau du personnage qu’il incarnait et apprenait à se comporter naturellement, comme lui.

Dans cette comédie de Dorimond, le spectacle met en scène de grosses caricatures et des personnages qui manquent de profondeur, et cela en devient invraisemblable. En produisant une pièce-cadre, il amène le spectateur à se souvenir qu’il n’est que spectateur. Cela correspond parfaitement à la mentalité de la société du XVIIe. Le jeu, par son expression violente et outrancièrement grotesque, dépasse la réalité immédiate.

Un autre signe de la présence de la commedia dell’arte dans le théâtre de Dorimond est le nom de l’actrice dans la pièce prologue : Isabelle. Isabelle Andreini était une actrice célèbre italienne de la Commedia dell’arte. Elle est « l’ornement le plus brillant de la scène et du théâtre, autant recommandable par sa vertu que par sa beauté, elle est aussi membre de l’académie des Intenti (attentifs) »39.

Le Théâtre élisabéthain §

C’est une théâtralisation générale de la vie et de l’art, tout est sujet à la représentation. On prend les hommes comme objet pour faire une réflexion sur eux. Cela se rapproche du self-conscious theatre. C’est la notion de miroir : on suscite l’ambiguïté entre la réalité et l’image. C’est se dédoubler pour se contempler à travers son propre reflet et dénoncer ainsi sa propre ostentation.

Ce qu’on aime en France dans la seconde moitié du XVIIe siècle, ce sont les comédies galantes. Elles comportent des intrigues artificielles avec la présentation d’amours grotesques. Ce type dériverait de la tragi-comédie baroque et son représentant le plus efficace est Thomas Corneille avec Timocrate en 1656. Il donne à voir des histoires d’amours invraisemblables, un humour vif et des petites péripéties. C’est surtout la mièvrerie qui est mise en avant dans ces pièces qui sont, en général, destinées à un public en particulier. Ainsi, on ne s’instruit plus mais on continue à se divertir et à voir des pièces légères. Les Amours de Trapolin est une comédie qu’on peut rapprocher de celle de Thomas Corneille par son esthétique artificielle et grotesque qui plait et fait sourire le spectateur.

On parle également, dans ce théâtre élisabéthain, du Theatrum Mundi. C’est le macrocosme de la vie reflété dans le microcosme du théâtre, pour marquer le passage du Moyen Âge à la Renaissance, époque qui annonce l’ère moderne dans laquelle l’homme devient la mesure de toute chose. Le Theatrum mundi est une idée philosophique d’origine grecque et faite par les Pères de l’Eglise. On voit le théâtre comme métaphore de la vie dans laquelle l’homme est en même temps acteur et spectateur. La phrase de Petronio en est l’emblème : « totus mundus agit Historionem ».

Molière §

Dix années après le Privilège du Roi sur l’œuvre La Comédie de la Comédie de Dorimond, Molière obtient le Privilège le 31 décembre 1670 pour Les Femmes savantes, une comédie sur le pédantisme et les mœurs de l’époque. Cette pièce met en scène deux sœurs que tout oppose. Armande critique le mariage et ses lois qui font perdre le temps et qui empêche de s’adonner à la pensée et la philosophie. Et en face d’elle on trouve sa sœur, Henriette, qui cherche à se marier avec son amant et qui ne s’intéresse point à l’exercice de l’esprit. Chrysale, leur père, accepte cette union mais leur mère a prévu un autre homme qui correspond davantage à ses critères de respect des belles-lettres et de pédanterie. À la suite de plusieurs péripéties, les mensonges et la lâcheté de ce prétendant lettré se révèlent. On voit dans cette œuvre, une démonstration des méfaits du pédantisme40, Molière montre qu’Henriette préfère être sotte (v.1057-1060)

Il faut se trop peiner, pour avoir de l’esprit.
C’est une ambition que je n’ai point en tête,
Je me trouve fort bien, ma Mère, d’être Bête,
Et j’aime mieux n’avoir que de communs propos,
Que de me tourmenter pour dire de beaux mots.

Comme dans notre comédie, on retrouve cette bousculade entre les personnages qui veulent chacun imposer leurs idées.

PHILAMINTE
L’époux que je lui donne,
Est monsieur.
CHRYSALE
Et celui, moi, qu’en propre personne,
Je prétends qu’elle épouse, est monsieur.

Les Femmes savantes41 est une comédie qui se trouverait dans la même lignée que l’histoire de Sapho parue en 1653 dans le dernier volume d’Artamène ou le Grand Cyrus des Scudéry. Dans cette histoire sont explorées les possibilités d’une activité intellectuelle féminine. Le personnage fait ainsi office de repoussoir. Nous voyons donc que ce thème est récurrent à partir de la seconde moitié du XVIème siècle, celui de la femme intellectuelle qui cherche à expliquer ce monde qui l’entoure.

Quels sont les enjeux de l’intellectualisme des femmes ? Il faut conquérir les sphères décisionnelles de la Cour pour s’ouvrir la possibilité des soutiens matériels qui s’affirment nécessaires pour les soutiens scientifiques. Ainsi, dans les années 1660, la littérature mondaine montre fréquemment le personnage de la femme adonné à la science.

Dans ces pièces, il y a dès lors des conflits entre ceux qui dénoncent le pédantisme et ceux qui prônent les sciences. Dans Les Femmes savantes, Chrysale reproche à Philaminte d’avoir congédié leur cuisinière, car elle faisait des erreurs de langue. Chrysale ne s’intéresse pas à sa façon de parler mais davantage à sa capacité à cuisiner (v.525-530)

CHRYSALE
Qu’importe qu’elle manque aux lois de Vaugelas,
Pourvu qu’à la cuisine elle ne manque pas ?
J’aime bien mieux, pour moi, qu’en épluchant ses herbes,
Elle accomode mal les noms avec les verbes,
Et redise cent fois un bas ou méchant mot,
Que de brûler ma viande, ou saler trop mon Pot.

Chrysale représente l’homme comme ayant une vision exclusive des rôles de la femme : ceux de la cuisine, de la maison, de l’éducation des enfants et du ménage. Cela crée un contrepoids avec Philaminte qui représente tout le contraire.

Ainsi, on voit que l’esprit qui est associé à l’intellectualisme s’oppose à la matière et au corps physique.

De Molière à nouveau, dans le même registre, nous avons L’Ecole des femmes. Arnolphe élève Agnès selon des règles strictes « Dans ses meubles, dût-elle avoir de l’ennui, il ne faut écritoire, encre, papier, ni plume », Acte III, scène 2, v.780-781. Il se félicite de parvenir à interdire toute activité intellectuelle à sa future épouse qu’il élève.

On retrouve donc ce sujet de l’éducation et du savoir chez les femmes plusieurs fois chez Molière, mais aussi chez d’autres auteurs du XVIIe tel que René Bary dans La Fine philosophie accommodée des dames (1660).

Le théâtre espagnol §

La Comedia espagnole est foisonnante, riche de prestige, multiforme, et montre des inspirations originales42. Le théâtre français du XVIIe siècle a contracté des emprunts au théâtre espagnol, mais cela a rarement été l’opposé. En effet, en France, on témoigne dans le domaine culturel d’une curiosité et d’une ouverture qui revêt les aspects d’un emprunt. De plus, dans la bourgeoisie cultivée, on connait assez bien l’espagnol ; cela comptait dans les composantes essentielles de la culture de « l’honnête homme ».

Entre 1640 et 1660, on est dans une période de relâchement de l’autorité du pouvoir central en France. Apparait alors une effervescence sociale qui correspond a une sorte de libération littéraire, un foisonnement des genres.

Pour créer un théâtre, il faut « une société fortement centralisée, dont tous les membres se sentent depuis longtemps unis et solidaires, qui tous possèdent un fond d’idées, de sentiments, de souvenirs communs et qui, par la suite, aient tous les mêmes mœurs et les mêmes aspirations. » C’est une « scène nationale », un sentiment qui peut transporter un groupe entier d’individus43. En cela, le théâtre espagnol excelle.

Le gracioso est un équivalent du valet de la comédie française. Il a des traits habiles, réalistes, désabusés et critiques. C’est un personnage plus complet et plus sérieux qu’Arlequin chez les italiens mais il a une attitude générale de débrouillardise et d’opportunisme qui est empreinte d’humour.

Les personnages espagnols sont généralement plus intelligents mais moins honnêtes. Ceux qui sont honnêtes n’ont pas d’esprit critique. Nombre d’entre eux sont victimes de supercheries et on assiste à des monologues très brefs avec des sentiments plus nuancés.

Concernant les personnages, ceux de la comedia espagnole semblent plus recherchés et plus vifs que dans la comédie française. Mais les situations sont moins fines. De ce fait, on peut rapprocher notre comédie de la comedia espagnole. En effet, l’intrigue est assez pauvre et l’identité des personnages correspond à celle des Espagnols. Les personnages qui détiennent la connaissance sont finalement assez malhonnêtes (le docteur et ses filles) et les personnages moins intéressés et plus honnêtes n’ont pas d’esprit critique, par exemple, Trapolin qui ne cherche pas à étendre son savoir et se complait dans son ignorance.

Tout comme la comedia espagnole, notre comédie entre dans un registre plus sérieux que celui de la commedia dell’arte. Des sujets tels que la pédanterie, le mariage, la vertu et la connaissance sont abordées. La comedia est la représentation d’un évènement historique ou d’une fiction, l’issue peut être heureuse ou malheureuse. Les comédies espagnoles sont des mélanges de tragique et comique. C’est Lope de Vega qui a donné sa forme définitive au théâtre espagnol. Il a exposé la théorie de son art dans l’Arte Nuevo. C’est un résumé de règles de la comédie et de la tragédie ancienne et une série de préceptes qui touche les divisions, la versification et le style de la comedia.

Ce qui manque à notre comédie pour qu’elle ressemble parfaitement à une comedia espagnole est un coté romanesque et pittoresque, ainsi que la dimension plus héroïque des personnages.

Dans la comedia espagnole, on ne doit jamais laisser entrevoir (ou très peu) l’issue de la pièce, et Dorimond tente de suivre ce schéma dans La Comédie de la comédie. De plus, le dénouement s’effectue à la fin du dernier acte. Pour notre pièce, il se fait dès le début de la dernière scène.

Les auteurs espagnols voulaient plaire au Vulgo, c’est le public qui aime les œuvres grossières. Ainsi, ce sont des comédies basses qui voient le jour car l’artiste en produit beaucoup et les commandes étaient parfois exécutées dans la journée.

À cette absence d’analyse et d’étude de mouvement de l’âme et des traits de caractère, à la faiblesse de la composition et du style s’ajoute l’emploi d’une versification plus lyrique que dramatique et qu’on ne doit pas hésiter à qualifier de puérile. C’est la variété des rythmes qui la différencie de la pièce classique constituée d’alexandrins.

De plus, les espagnols aiment faire des satires morales mais cela échappe à leur théâtre et de cela résulte quelque chose de trop frivole qui peut amuser ou émouvoir. Dorimond a souhaité donner l’impression d’une morale. Il appliquera finalement une morale détournée, qualifiée de « frivole et inhabituelle » par Morel Fatio dans la comedia espagnole du XVIIe siècle44.

Les Thèmes §

Le théâtre dans le théâtre45 §

Ce thème a toujours existé dans le monde artistique, car c’est le moment à partir duquel le spectateur intervient dans l’action en jouant son rôle de public, en intervenant dans la pièce ou seulement en regardant la pièce.

Le fait de produire une pièce avec la technique du théâtre dans le théâtre permet de faire ressortir la nouveauté46 qui est constituant de la pièce cadre, on se rend compte du réalisme et de la vivacité de l’œuvre.

Baro est le premier à l’avoir introduit dans le théâtre français. Ce procédé est aussi présent dans le théâtre élisabéthain et Jacobin. Il appartient à la culture du baroque en général. C’est un procédé dans lequel on voyait le tableau dans le tableau dans l’espace hollandais ou espagnol.

Jusqu’aux révolutions théâtrales du XXe siècle, le théâtre était fondé sur l’effet d’illusions, c’est donner l’apparence de ce qui est vrai. Ainsi, la comédie qui est enchâssée n’est plus seulement qu’un divertissement, et n’est plus vraisemblant du tout car on insiste sur la place de spectacles. La pièce cadre paraît plus vraie et la pièce enchâssée n’est considérée que comme une fiction47.

La tragi-comédie irrégulière et la pastorale pouvaient se permettre de faire des interruptions ou des multiplications dans l’action dramatique.

En Espagne, on parle de la « comedia a entremese », en Italie, la commedia dell’arte connaissait le théâtre et aussi la comédie érudite qui utilisait cette forme de suspension de l’action.

Dans le théâtre Italien, le thème de la vie quotidienne des acteurs était présent (Holopherne dans la Celinde di Baro). La structure du prologue apparut dans les deux comédies des comédiens de Gougenot et Scudéry, on a alors besoin de personnages pour la pièce cadre. Le théâtre dans le théâtre signifie « présenter à des spectateurs une pièce dans laquelle des spectateurs regardent une pièce ». Notre comédie colle parfaitement à cette définition à laquelle nous rajoutons que nous montrons à ces spectateurs la vie qui entoure la pièce de théâtre : la vie du théâtre et de ses employés.

Mais aucun des personnages de cette pièce cadre n’intervient dans la suite de la pièce et on n’a aucune autre nouvelle de ces personnages. Dans le spectacle, le metteur en scène fait certainement intervenir l’actrice qui joue un des rôles de la pièce mais c’est la seule personne qui reprendra la parole. L’œuvre se terminera sur la pièce enchâssée.

Le théâtre dans le théâtre est apparu pendant l’âge baroque, il n’est pas compatible avec l’âge classique mais renvoie à un esthétique pré classique48

Au XVIIe siècle, tout est théâtre, la vie est vue comme une comédie et les hommes comme des habitants d’un monde dans lequel la réalité peut se prendre comme un miroir. Si la réalité est illusoire, alors la métaphore devient réalité et le théâtre s’étend à l’extérieur du théâtre49. C’est un effet typique du théâtre baroque.

C’est une façon de voir le monde, le théâtre est le microcosme du monde. C’est une technique élisabéthaine mais pas uniquement, elle s’est développée en masse en Europe.

Il aura en premier lieu une fonction décorative, car il donne du mouvement et il rythme la pièce, puis il sera ensuite instrumental car utile à l’intrigue.

Dans La comédie de la Comédie, il n’y pas réellement de lien structurel et thématique entre les deux actions dramatiques. La pièce cadre n’évoque pas l’intrigue de la comédie en dehors de l’affiche. Deux sujets différents sont abordés et la pièce cadre sert seulement à introduire et insister sur le fait que Les amours de Trapolin est une comédie. Il s’agit d’un enchâssement monolithique qui fait passer les cinq premières scènes qui sont réalistes aux huit autres scènes qui relèvent de la farce allégorique. La pièce prologue devient alors une comédie de mœurs qui était composante de la comédie (représentation de la vie quotidienne des acteurs), spécialement à travers le langage simple et clair qui sera le modèle de la nouvelle comédie.

Le portier est celui qui fait passer d’une pièce à l’autre. En fermant la porte, on passe de l’autre coté de la porte du théâtre et la pièce débute immédiatement.

Le spectacle enchâssé est introduit de manière artificielle car il a peu de rapport avec l’intrigue. Il se rapproche d’avantage d’une pièce prologue qu’une pièce cadre car on ne retrouve pas les personnages à la fin de la comédie enchâssée.

Ce spectacle intérieur peut avoir plusieurs fonctions. Il n’est pas seulement un signe du progrès de l’action dramatique principal, il donne « une fonction spectaculaire qui contribue à la signification de la pièce toute entière »50. Ainsi, l’auteur exhibe le côté théâtral de sa pièce et cela donne un mouvement à la pièce, une sorte de rebondissement.

On voit que la pièce est une pièce cadre et qu’elle représente la réalité, car elle introduit la pièce qui va être jouée. La mention des prix, des horaires ou de la pub est une preuve de cela. Dans La comédie de la comédie, Dorimond a introduit la comédie qui allait se jouer en faisant sa pub avec l’affiche. Les deux bourgeois la commentent et la lisent ce qui fait que le spectateur découvre en même temps la présentation de la comédie. De plus, la présence de la comédienne et du portier amène le spectateur à se préparer au début de la comédie. Il rencontre dans un premier temps ceux qui s’occupent de la préparation de la comédie et par la suite ils assistent à cette comédie.

La fonction du public de la comédie est diverse, il sert à renvoyer au vrai public son image de spectateur, il n’intervient pas pendant la comédie mais on sait qu’ils assistent à la pièce.

De plus, au XVIIe siècle, le public était agité et il était difficile de l’amener à se concentrer sur une pièce de théâtre. Les faux spectateurs servent aussi à les faire taire, ils montrent l’exemple aux vrais spectateurs qui doivent s’identifier. En s’identifiant aux faux spectateurs, ils admettent aussi ce qu’ils ont exprimé avant le début de la comédie.

Le comique §

Dans une comédie du XVIIe, on s’attend naturellement à rire et à s’amuser des situations grotesques des personnages et leurs réactions, du côté ridicule des incompréhensions ou même des caricatures de scènes connues.

Dans l’œuvre de Dorimond, de nombreux traits d’humours sont présents, on les retrouve d’emblée dès l’ouverture avec la liste des personnages.

Dans Les amours de Trapolin, les acteurs portent des noms Allégoriques. On a l’ignorance, le docteur, philosophie, Poésie et Galanterie. Par ces prénoms, les spectateurs cerne immédiatement les traits des personnages.

De plus, il y a de nombreuses scènes comiques de part l’exagération faite par l’auteur. Celle par exemple, de la caricature des amoureux à la première scène des amours de Trapolin. Le champ lexical de la souffrance et de l’amour rend la scène exagérée et pathétique.

IGNORANCE.
Voila le vray moyen d’estre aymé de sa belle
Et de me voir pour toy, plus douce que cruelle;
Je suis pour un Amant un fort joly tandron.
265 L’amour quand il est las se met sur mon giron,
Et ce petit fripon d’un ardeur sans égale,
Voudroit prendre mon cœur, et ma fleur virginale;
Mais ma pudeur combat avecque mes desirs;
Je pasme, je succombe, et pousse des soûpirs,

Cette scène qui introduit la comédie marque d’emblée le style de la pièce que Dorimond a voulu composer. Cependant, le spectateur est aussi trompé car il pense que Trapolin et Ignorance jouent le rôle des amoureux classique de la comédie du XVIIe siècle ou ceux qu’on connait de la commedia dell’arte, ceux qui s’aiment démesurément sans prêter attention au monde qui les entoure. En réalité, Trapolin laissera le docteur lui présenter ses filles. Trapolin n’est donc pas le jeune homme aveugle et amoureux qu’on s’attend à voir évoluer. Il accepte de rencontrer d’autres jeunes filles pour découvrir et aller voir l’inconnu.

Le comique de cette pièce se retrouve dans la manière de séduire des jeunes filles du Docteur et de leur cousine. Elles utilisent la plainte et cela donne la sensation que l’une enchéri sur l’autre pour gagner le cœur de Trapolin. Cette scène est ridicule par l’exagération des jeunes femmes qui tentent de séduire l’homme qui a demandé lui-même à les rencontrer. Dorimond rend ces situations comiques pour le spectateur qui voit tout cela de l’extérieur.

Les traits caractéristiques sont forcés également dans les situations de conflits. Chacune des jeunes filles, qui avaient essayé de séduire Trapolin, le menace dans un domaine qui lui est propre. Poésie menace de lui écrire des « vers satyriques », Philosophie de le mettre « dans le rang des brutaux » et Galanterie de lui faire fermer la porte aux bals. Ce qui pourrait être une scène violente se transforme en une pièce comique à cause des menaces ridicules des jeunes filles.

Ce qui rend le plus cette pièce comique reste l’incompréhension et les quiproquos. Cela rapproche l’œuvre de la farce.

Trapolin en est l’exemple type : il fait exprès de ne pas comprendre ce que le docteur lui dit à propos de la vertu. IL se moque de lui et exagère les traits qu’on lui attribue. Les tords sont alors inversés.

v.325 Pour en tirer l’esprit, et puis par fantaisie,
J’en prendray les matins comme l’eau de vie
v.336 Qu’essence, il en est donc chez nostre parfumeur
Je n’ay qu’a demander de l’essence d’Autheur
S’il en est, j’En auray, de la plus excellente.

Trapolin fait exprès de se montrer sot pour importuner le Docteur, il s’amuse et cela en devient comique :

v.343 Qui moy ? boire de l’eau ?
Je ne bois que du vin, quand j’ay beu je fais rage

En faisant croire qu’il ne comprend pas, Trapolin exagère son personnage d’ignorant. Au début de la cinquième scène, les filles du docteur arrivent et se parlent entre elles en Latin. Elles correspondent au stéréotype que le spectateur se fait des filles d’un docteur.

POESIE.
Qvid vis Papa ego fum paratiffima.
PHILOSOPHIE.
Idsum tibi Papa, quid de me cupid ?
LE DOCTEUR.
Accedite.

Cette scène est comique par le décalage qu’il y a entre les personnages, car Trapolin répond :

Cupis veut dire Cupidon :
515 Moy Cupidon, j’ay l’œil assez fripon.             C iij    [30]
Il est vray, qu’à peu pres j’ay sa taille et sa mine,
J’ay comme luy les yeux, comme luy j’assassine;
Et si l’on veut d’amour prendre la nudité,
Du mignard et du brun, je veux estre emprunté.
520 Vos yeux vont me servir de chambre et d’antichambre,
Vostre beau sein de trône et de doux sachets d’ambre;
De la je lanceray la foudre chaque jour,
Et l’on m’appellera le beau petit amour.

Il ne comprend pas le Latin est il tente de traduire par ressemblance au français à voix haute pour le spectateur.

Le docteur est aussi un personnage qui amuse par son comportement. Il se veut maître de la situation et de ses filles. Mais lorsqu’il arrive à la scène dernière pour marier celle de ses filles à qui plait le plus Trapolin, il comprend mal la situation et change de réaction très rapidement. Ce changement de comportement rend le personnage très comique car volatile.

v.749 de plaisir j’en danse
v.752 Il choisit l’ignorance et comment gros vilain...

Le comique de situation est encore plus voyant dans la scène V. Le docteur est chargé de présenter à Trapolin ses filles qui vont le séduire, mais on remarque un changement brutal de situation. En effet, ce n’est pas Trapolin qui choisit, mais les filles qui jugent et le père qui « propose » le jeune homme.

v. 534 Ce galand pour produire est-il à vostre gré ?

Le docteur donne l’impression de parler de quelque chose d’inhumain. De plus, Trapolin est présent et il assiste à la scène, mais ne réagit pas encore. Le docteur étant un personnage de la médecine parle de manière très crue et directe au sujet du mariage. Pour lui, l’objectif ultime reste la procréation, pour « produire » (v.534). Cela participe à la dimension comique de ce personnage que l’on connait déjà.

Dans la pièce prologue, deux Gallands tentent de séduire une comédienne avant la représentation théâtrale. Le Galland et l’Épinay commencent par flatter la jeune femme puis lui proposer des présents. L’impression donnée par cette scène est que les jeunes hommes ne sont pas intéressés par cette femme mais davantage par leur capacité à avoir de meilleurs arguments l’un que l’autre pour séduire. La comédienne tente de répondre aux avances des jeunes hommes, mais aucun des deux ne s’interrompt. Cette scène est comique et semble être largement tirée du réel, Dorimond a voulu exagérer le réel et en faire un épisode comique de sa pièce prologue.

LE GALLAND.
Et moy ce que j’ay de pris de rare en Cathalogne.
LA COMEDIENE,
Et de grace, Messieurs, ne vous échauffez pas :
Pour prendre vos presens, j’ay trop peu de deux bras.
L’ESPINAY
Elle a le teint fort beau.

En plus de cela, le comique passe par la surprise. Dorimond dans cette pièce use et abuse de ces effets. Dès les premières lignes, il prend un sujet controversé et fait converser les personnages à ce propos. Les personnages ne sont pas du même avis que l’opinion général des spectateurs classique du XVIIe siècle. Ainsi, pour commencer la pièce, le spectateur est déjà surpris et attends des explications. Dorimond ne s’arrêtera pas là, la morale qu’il va proposer à la fin de l’œuvre est encore plus surprenante. Les spectateurs classiques étant habitués à entendre un discours différent de celui proposé par Dorimond peuvent alors être amusés par ces propos auxquels ils ne sont pas habitués.

En effet, déclarer que la comédie est ce dont les jeunes gens ont besoin pour s’éduquer est quelque chose de comique à cette époque. Où affirmer qu’il faut mieux être Ignorant et fuir la raison pour être heureux.

Le comique dans cette comédie est présent à plusieurs reprises mais il n’est pas très profond, on ne trouvera pas d’ironie. Il est proche des farces et des commedia dell’arte. On retrouve l’humour de la comédie entre les personnages et aussi grâce aux situations et aux paroles plus que dans les gestes et le mouvement.

Tout au long du siècle, le comique résulte d’un jeu d’occupation de l’espace, de travestissement, d’échange de rôles et de force, le tout dans une crise domestique. On commence à douter sur les règles, les dogmes, la société et le monde. L’amour, et les valeurs vertueuses et sociales sont mises en danger ces années 1650.

Les personnages ne sont plus seulement un type, ils deviennent des caractères. Le public devient plus sage et on veut donner une réalité au théâtre (avec les règles de bienséances et le concept de vraisemblance).

La moralité §

Les sentiments de l’âme sont analysés abstraitement au XIIIe, cela devient un catalogue souvent pédant des sentiments51

Dans toutes ces moralités, on relève la même déplorable tendance didactique qui ne noue pas les éléments d’une action mais les juxtapose.

La pièce fait ainsi un tour sur elle même, on revient à la situation initiale.

À travers la technique du théâtre dans le théâtre, les auteurs mettent en scènes des actions vécues par les hommes ou qui sont humainement vraisemblables, en conséquence, toute action humaine a un certain caractère théâtrale52. Au regard de Dieu, tout n’est qu’illusion et qu’apparence. Le théâtre est ainsi le macrocosme du monde et le spectateur acquiert cette place de dieu qui juge, regarde et voit comment les auteurs s’acquittent de leur rôle.

La morale dans l’œuvre de Dorimond est un des éléments les plus important à souligner car très inhabituellement traité. La morale est généralement présente dans la plupart des comédies du XVIIe siècle, cela permet d’éduquer et que rattraper les offenses morales qu’il y a eu pendant la pièce. Cela excuse la pièce et elle est ainsi mieux reçue dans les milieux royaux.

On désigne la morale par « ce qui a rapport aux mœurs, aux coutumes, traditions et habitudes de vie propres à une société, à une époque ». Mais c’est aussi « ce qui concerne les règles ou principes de conduite, la recherche d’un bien idéal, individuel ou collectif, dans une société donnée, c’est la conscience de ce qui est bien ». C’est donc une notion relative qui a un rapport avec la conscience de l’homme. On parle de morale lorsqu’il y a un rapport avec les mœurs. La morale est préétablie chez tous en fonction de la société et de l’éducation qui donnent des règles. Elles concernent le comportement dans la vie quotidienne généralement.

Ce qui peut surprendre dans la comédie de Dorimond, c’est justement ce que l’auteur fait passer pour la morale. La dernière phrase de la pièce est « le plus grand enemy de l’homme est la raison », ce qui est une provocation. En effet, c’est un sujet qui intéresse les hommes dans toutes les sociétés, est-il mieux de rester ignorant et de profiter des joies que la vie offre, ou alors il est mieux de s’instruire pour en savoir d’avantage et s’épanouir dans la culture et le savoir ? Dans la comédie de Dorimond, le personnage principal répond à cela : il choisi l’ignorance. Ce choix est quelque chose de choquant à notre époque car renoncer au savoir serait un sacrilège, mais il est défendu par Trapolin et Ignorance. Cette morale clos la pièce sur un éloge final de l’ignorance, le spectateur est alors surpris et amusé car c’est une fin inhabituelle. L’auteur fait une satire de la morale et il parodie la comédie.

On peut s’étonner de la moralité chez Molière où les valets se vantent de leur fourberie et de leurs tromperies. « Molière serait donc apôtre d’une moralité commode, fondée sur un utilitarisme confortable, tranquille, déconseillant les audaces, même les expériences, car celles ci peuvent exposer au ridicule, risque à éviter à tout prix »53.

Dorimond choisi de faire cette pseudo morale pour faire rire, il sait comme les autres auteurs du XVIIe siècle qu’en philosophant il est certain de perdre le contact avec le public. Il pose donc un sujet de controverse, le présente un peu mais ne l’approfondit pas.

La création artistique est considérée hors de la morale avec laquelle elle n’aurait aucune liaison. On trouve d’ailleurs dans la morale de Tartuffe :

Si l’emploi de la comédie est de corriger les vices des hommes, rien ne reprend mieux la plupart des hommes que la peinture de leurs defaults. C’est une grande atteinte aux vices que de les exposer à la risée de tout le monde.

Ainsi pour attirer le spectateur et pour lui plaire, Molière joue avec la morale et la pervertie, ce que va faire Dorimond dans La comédie de la comédie. La notion de conscience se rapproche de celle de morale, c’est un bien absolu intérieur et individuel. Cette conscience amène le personnage vers un idéal mais celle que les auteurs honorent et celle critiquée par les personnages ne sont pas les mêmes.

Trapolin, en choisissant de partir avec Ignorance a choisi la facilité. Il retourne vers ce qu’il connait déjà, vers ce qu’il sait qui lui plaît. Il est allé découvrir l’inconnu mais face au doute, il revient en arrière et n’accepte pas d’être inferieur à sa femme alors il décide de prendre comme épouse Ignorance.

Dorimond propose aux spectateurs plusieurs choix. C’est ceux qui sont proposés à Trapolin. Mais à travers ces choix, il y a un côté démesuré à chaque fois et aucune des propositions n’est finalement raisonnable. Le spectateur se demande alors quel choix ferait-il entre les prétendantes de Trapolin et pour quelles raisons il ferait ce choix. Faut-il mieux choisir l’ignorance ou alors le savoir ou alors la galanterie ? En prenant en compte le fait que ces femmes ne présentent que ces qualités et ne sont pourvues d’aucune autre caractéristique.

La figure du pédant54 §

De nombreux textes sur le pédantisme55 apparaissent au XIVe et XVe siècle, ils ridiculisent les pédagogues et se moquent largement d’eux.

Le pédant est un homme érudit qui utilise ce qu’il sait et pense savoir, pour acquérir une certaine supériorité sur ceux qui l’entourent. Le pédant contient un autoritarisme aveugle et c’est ce qu’on retrouve dans notre comédie : lorsqu’elles rencontrent Trapolin, les filles du Docteur ne considèrent plus savantes que lui, elles veulent le « modifier » et l’éduquer.

Le pédant est aussi un personnage intéressé et colérique : ces traits de caractères collent également parfaitement à nos personnages des Amours de Trapolin. Premièrement intéressées par la fortune de Trapolin, les filles du docteur se mettent en colère lorsqu’elles réalisent qu’elles ne parviendront pas à le séduire.

POESIE.
Il faut mieux tout risquer pour aimer en bons lieux.
Ma bouche parle enfin le langage des dieux,
615 S’augmente des Heros les esclatans trophées;
Un Esiode, Homere ont esté mes galans;
Dans Athenes jadis j’avois mes courtisans,
Mais Paris à présent est bien un autre Athenes,
On soûpire apres moy, j’y fait naistre des peines,
620 Mes neuf Muses y vont travailler nuict et jour;
On y veut que du tendre et du galant amour,
Mais on aime sur tout assez la bagatelle :
C’est ce qui fait causer dans la belle ruelle;
Et puisque me voila sur le tendre et le doux,
625 Profitez de ce temps, faites-vous mon espoux

Dans le discours du Docteur, de Poésie et de Philosophie, à de nombreuses reprises il y a une accumulation d’auteurs ou de personnages illustres. Cela sert à étaler sa culture et sa connaissance. C’est imposer son savoir aux yeux de son entourage. Ils n’hésitent pas à faire des références aux autorités et cela amène parfois à des comparaisons.

Les femmes §

Lorsqu’on parle de Femmes au XVIIe siècle, très rapidement on en arrive au thème de l’amour. Or, dans la comédie en général, il n’y a pas tellement d’amour. Il y a des histoires de mariage ou d’union, mais très rarement d’amour sincère.

De plus, dans la fiction, il y n’y a pas de femme parfaite, on représente les excès et les déboires pour les critiquer ou en faire un sujet de moquerie.

Dans la réalité, la femme peut avoir tous les traits les plus respectables et c’est d’ailleurs dans la pièce cadre que l’on retrouve la femme vertueuse. La comédienne serait la femme parfaite et c’est celle qui est censée exister dans la réalité.

Dans l’œuvre de Dorimond, la place des femmes est très importante. Dans les amours de Trapolin, quatre personnages sur les six sont des femmes. Elles sont donc nombreuses mais elles ne sont pas présentes dans toutes les scènes de la comédie, indispensables mais jouant un rôle mineur. Les femmes sont toutes présentées au même niveau. Aucune n’a de vrai prénom, chacune se nomme par un trait de caractère : Philosophie, Poésie, Ignorance, Galanterie. Elles sont donc caractérisées par un seul élément qui les rend très facile à cerner. De plus, le personnage de la mère est absent, les filles ne semblent pas avoir été élevées par leur mère car il n’y a aucune mention de la présence maternelle à un moment de la pièce. Cela montre le manque d’humanité de cette pièce qui met en scène des personnages qui n’ont pas une famille complète et qui ne semble pas avoir de conscience familiale. Introduire le personnage d’une éventuelle mère peut être handicapant pour les Amours de Trapolin car cela rallongerait l’intrigue, serait inutile à l’évolution de l’histoire et donnerait un caractère trop humain aux jeunes filles du Docteur. Ce dernier joue alors l’unique rôle du procréateur.

Ce qui marque le lecteur/spectateur dans cette pièce est aussi l’objectif principal de toutes ces femmes peintes par Dorimond : celui de se marier, elles doivent trouver le meilleur parti à épouser. Le père les vend, elles se vendent elles-mêmes et on a rapidement l’impression que toutes les femmes sont dans la même situation car Galanterie qui n’est pas une fille du Docteur est aussi à la recherche d’un homme à épouser.

Au XVIIe siècle, les femmes n’avaient pas de place légitime dans la vie en société, elles étaient reléguées à l’arrière plan, c’est la raison pour laquelle le mariage est quelque chose de très important pour ces femmes.

Seul dans la pièce prologue, la femme est différente, elle représente la vraie vie, donc la vraie femme, celle de la société française du XVIIe siècle. La comédienne est une actrice, elle domine les hommes qui la courtisent, puis très vite elle est noyée par le flot de parole des deux hommes. Cette femme est cultivée, éduquée et ne semble pas intéressée par les avances de ces hommes, elle semble beaucoup plus complexe et humaine que les personnages de la comédie de la comédie. De plus, elle mentionne son respect et son adoration pour les rois, c’est un passage qui rajoute une qualité à cette femme vertueuse. Dorimond par ce contraste a surement voulu mettre en valeur le caractère superficiel de ses personnages et le côté humain de ses actrices. La comédienne de la pièce prologue est alors la femme la plus humaine de la pièce entière, suivie d’Ignorance. Car cette femme, même si elle est pourvue d’un unique caractère, défend sa place de manière ferme et donne des arguments pour expliquer son choix.

Un des sujets préférés de Dorimond est : les femmes. Lorsqu’elles ne sont pas présentes sur scène, les hommes en parlent. C’est le cas du Docteur et de Trapolin. Le docteur est celui qui représente la vertu et il défend les femmes. Trapolin est l’ignorance et la bêtise, il rabaisse et se vante d’utiliser les femmes.

Les femmes des amours de Trapolin évoluent au cours de la pièce. Au début, ce sont elles qui décidaient, elles jugeaient pour savoir si Trapolin était assez bien pour elles. Puis, voyant son désintérêt, elles changent de comportement, elles acceptent son ignorance et finissent par le supplier de s’intéresser à elles. Les femmes représentées sont rapidement sujettes à la colère.

[...] le tempérament des femmes les rend plus susceptibles à certaines passions qu’à d’autres, et c’est ainsi qu’on les voit porter à tous les excès l’amour et la colère56

Cela est visible dans la dernière scène de notre comédie, les trois jeunes filles qui séduisaient Trapolin se mettent en colère car il n’a pas daigné s’intéresser à elles. Elles menacent de se venger du mal qu’il leur a causé. La vengeance est un modèle de l’échange, c’est rendre le mal par le mal. On peut donc penser qu’elles ont été rabaissées même si elles n’éprouvaient pas d’amour particulier pour le jeune homme. Les jeunes filles montrent leur fierté parce qu’elles ont été blessées dans leur amour propre par cet homme qui a méprisé leurs charmes. La rivalité féminine est aussi une raison de la volonté de vengeance chez les femmes d’après Hodgson.

Les motifs qui légitiment la colère féminine sont tirés de la sphère de la vie privée et se présentent toujours comme des attaques personnelles n’entrainant aucun désordre public » Du moment que la délicatesse de leurs sentiments ou la suprématie de leur beauté leur est contesté, les dames sont piquées à vif dans leur honneur (p. 212)

La femme dans cette comédie a donc un caractère prédéfini et elles ont toutes la même réaction face aux conflits ou aux réaction adverses.

Dans la comédie de Dorimond, la femme n’est pas tant un personnage humain mais plutôt un type d’individu duquel on connait déjà les réactions face aux évènements57.

La querelle des femmes touche chaque époque mais elle était plus vivante au XVIIe siècle. Les femmes voulaient plus de pouvoirs et les hommes pensaient qu’elles en avaient déjà trop.

Au Moyen Âge, on leur reproche leur coquetterie, leurs ruses, leur malice et on retrouve souvent ce thème dans les Lais ou dans les romans du XVe siècle. Les femmes ont ainsi petit à petit ce désir d’affranchissement qui ne cessera de se développer.

Au lendemain de la pacification du royaume du roi Henri, un esprit de sociabilité apparaît. C’est le succès des salons ou l’on agite de « belles questions ». Elles ont participé au progrès de la politesse et la conversation deviendra un art de la culture. Les femmes s’assurent ainsi une suprématie littéraire (La duchesse de Chevreuse sera une des plus grande défenseuse de cette nouvelle éducation).

On peut dire que les précieuses du XVIIe siècle (qui seront peintes par Molière) sont l’ancêtre des féministes.

Certaines femmes ont voulu s’instruire et grâce à la conversation et les livres, cela a été rendu possible. Renaudot publie le Recueil général des questions traitées ès conférence du bureau d’adresse par les plus beaux esprits de ce temps. Un bon sujet de discussion était « la controverse sur les mérites comparés des deux sexes ».

Dès le commencement du règne de Louis XIV, on voit des femmes qu’on appelle « savantes ». Elles se tournent vers la nouveauté et l’inconnu. Il n’y a plus de Pamphlet contre le sexe féminin et plus non plus de démonstrations outrageantes de son infériorité.

En 1660, les femmes sont loin de la haute culture mais elles y comprennent les avantages et y aspirent.

Mlle de Scudéry voudrait « qu’entre être ignorante ou savante, on prît un chemin entre ces deux extrémités, qui empêchât d’être incommode par une suffisance impertinente ou par une stupidité ennuyeuse », c’est la théorie du juste milieu qu’elle défend ici.

On redoute la vanité dangereuse chez les femmes car elle se nourrit de la complaisance. L’horreur du pédantisme chez les femmes excuse et même encourage la paresse d’esprit. Ainsi, certain préfèrent rester dans l’ignorance pour ne pas être exposé à la critique. On félicite plus la modestie que le savoir.

Les débats se concentrent sur la situation matérielle et morale de la femme dans la famille et dans la société puis cela va évoluer vers le droit à l’instruction.

Les filles du docteur recherchent le mariage, cela les différencie des pédantes qui affectent un dédain de l’union conjugale. L’autorité paternelle ne critique pas la société car dans la comédie de la comédie, chaque personnage est d’accord avec l’union du aux intérêt. Il père donne ses préférences aux filles mais il ne semble pas les imposer. On ne ressent pas l’obligation et le malheur dans cette comédie. Dans cette pièce, on ne trouve pas la dimension de devoir social mais on est dans une pièce légère qui est proche de la farce.

En lisant Les Amours de Trapolin, on pense à la première scène de Sganarelle de Molière lorsque le père fait des calculs intéressés sur le mariage de sa fille. L’excès de pouvoir ou la volonté du père est le soutient de l’intrigue. L’ignorance extrême de la femme garantit sa fidélité. Lorsqu’un homme choisit une femme ignorante, il choisit sa fidélité. La femme savante méprisera ses devoirs et peut-être aussi son mari.

Cela correspond à la philosophie bourgeoise du mariage : l’homme et la femme doivent se tenir au même niveau, dans une bonne harmonie. Chez de nombreux jeunes hommes et femmes, l’ignorance était de bon ton, c’est choisir entre la frivolité et le pédantisme. La seule connaissance qu’on demande est celle de bien vivre.

De nombreuses femmes attiraient par leur savoir au XVIIe siècle, leur science était respectable mais en la contrastant avec les réaction adverses, rendaient les scènes comiques, c’est ce qui advint dans notre comédie.

Poulain de la Barre et Molière font parti de ceux qui vont s’emporter contre les pédants. Ils exagèrent leurs traits et les ridiculisent. L’instruction féminine restera vu du point de vue du mari et de la vie en société.

La Bruyère écrit « comme l’ignorance est un état paisible et qui ne coûte aucune peine, l’on s’y range en foule, et elle forme à la cour et à la ville un nombreux parti qui l’emporte sur celui des savants ». Il y aura aussi Corneille Agrippa qui écrira L’Excellence du sexe féminin. Ce sujet ne laisse personne indifférent et chacun à son avis qu’il soit en faveur ou contre l’émancipation de la femme.

Lorsqu’une injure aux femmes sera faite, de nombreux hommes se lèveront pour défendre le sexe faible. Tout Paris s’intéresse alors à cette querelle.

Ce qui intéresse généralement les femmes dans nos comédies du XVIIe siècle c’est le mariage qui est vu comme une fin. On ne parle jamais de ce qui suit le mariage mais c’est trouver un mari qui importe.

Le mariage est au centre de l’existence humaine comme de la comédie. C’est un thème au centre de l’intrigue. Un sujet classique qui mène toutes les intrigues des comédies. Au XVIIe siècle, la femme n’est pas indépendante et, ce qui lui permet d’exister aux yeux de la société est sa vie conjugale et familiale. Au début c’est un sujet classique qui s’étendra sur l’importance de la raison ou de l’ignorance dans Les Amours de Trapolin.

Le savoir est présenté face à l’ignorance, il est son opposé. Dans notre comédie, le savoir est rapproché de la sagesse et de la vertu et l’ignorance est ce qui se rapporte au corps. L’érudition requiert de la mémoire et ainsi celui qui contient le savoir peut citer à tout moment le jugement non contestable de ceux qu’on considère comme des autorités. Cet étalage des autorités peut amener à une confusion à cause de mélanges par exemple. Le savoir c’est la prétention de la sagesse, la supériorité intellectuelle et le rapport à l’âme.

À travers le langage, il est possible de ranger les personnages de notre comédie dans un clan ou dans l’autre. On utilise le langage comme un reflet de l’âme. Le langage est constitué à l’image de chaque individu. Ainsi, le latin est fréquemment utilisé par les personnages dont on veut se moquer dans la comédie. Cette langue est parlée par celui qui veut que l’on sache qu’il la sait. De manière générale, ce que l’on dit en latin n’aide pas dans l’avancée du discours mais ce sont des paroles déjà construites, des phrases toutes faites.

Dans le cas de La comédie de la comédie, le latin est parlé des filles du Docteur lorsqu’on les découvre pour la première fois tout comme Trapolin. Les trois personnages communiquent en Latin et de ce fait, le jeune homme ne peut comprendre ce qui se dit et cela augmente l’aspect comique de cet épisode.

L’Allégorie §

Les femmes dans Les Amours de Trapolin sont des personnages ouvertement allégoriques et ils fonctionnent en rapport direct avec cet être allégorique.

L’allégorie est une sorte de métaphore continuée, espèce de discours qui est d’abord présenté sous un sens propre, et qui ne sert que de comparaison pour donner l’intelligence d’un autre sens qu’on exprime point58. Elle est aussi décrite en littérature par le mode d’expression consistant à représenter une idée abstraite, une notion morale par une image ou un récit où souvent les éléments représentants correspondent trait pour trait aux éléments de l’idée représentée. Ainsi, l’allégorie est simple, directe et froide et les personnages sont formés d’un bloc et n’ont pas de diversité dans leur être.

Le conte allégorique date du XVe siècle et se développe au XVIe siècle. Il est apparu dans le genre littéraire théâtral de la moralité. Avec ce genre, l’auteur peint les dérives de la société à travers ses personnages qui sont allégoriques, représentant souvent le vice ou la vertu. Le XVe siècle apprécie le didactisme imagé et ce genre propose des choix moraux et existentiels aux spectateurs/lecteurs.

Dans Les Amours de Trapolin, ce genre se retrouve avec le nom des personnages qui représentent une caractéristique chacun, ils se complètent ou s’opposent ainsi les uns aux autres. Le spectateurs a ainsi le choix entre : soutenir imaginairement celui qui a trop de savoir et en devient pédant, celui qui a de l’argent mais qui refuse la vertu ou une des jeunes filles qui prône un caractère. Évidemment, il serait mieux que l’auteur propose un personnage plus complexe, présentant plusieurs qualités et des défauts mesurés, mais ce n’est pas dans le principe du genre de la moralité qui oppose des type plus que des personnages réels.

L’allégorie permet de parler par indirection, elle est fondée sur l’écart « qu’elle ouvre entre deux éléments qui la constituent : l’un concret, réaliste, exotérique, et l’autre, abstrait, ésotériques et qui constitue la teneur ».

Dans les moralités anglaises, les personnages allégoriques peuvent avoir trois statuts différents : les personnages du monde réel, les abstractions personnifiées et les « Types ».

Le « Docteur » appartient au monde réel, c’est lui qui donne le prologue, qui expose les informations et les éléments initiaux. Les filles sont des abstractions personnifiées. Elles portent des noms de qualités qu’elles personnifient et elles jouent à la scène des rôles conformes à leur allégorie. Ces femmes ne semblent pas être dotées de sentiments personnels, elles ont toutes les mêmes sentiments et des réactions prévisibles en rapport avec leur type.

Chey le type la marque du sens est pareillement réduite à une simple esquisse qui noe une tendance mais qui n’en fixe pas le detail. On a pu remarquer dans les personnifications de Tout-Homme que deux ou trois vers suffisent le plus souvent à épuiser la description du sentiment ou de l’attitude mentale suggérée : de là le caractère embryonnaire de ces Types que nimbe le non-dit59

La dimension sociale60 §

Dans les premières années du ministère de Richelieu, le cardinal encourage et protège les artistes, ainsi, de nombreux auteurs s’engagent dans une carrière dramatique. Les bienséances permettent aux dames, aux personnes graves ou délicates d’assister aux représentations et elles deviendront un divertissement de la noblesse et de la cour. La fin de la fronde impliquera un nouvel épanouissement de la littérature dramatique. Des années 1660 aux années 1630, le théâtre sera très désordonné et possèdera de grandes libertés et une vie ardente. Ensuite, jusqu’aux années 1650, l’époque préclassique implique une unification de l’action et des péripéties. (cf. Les comédiens dans le théâtre).

Le métier de comédien est très critiqué au XVIIe siècle. Et même si le pouvoir civil commence à la réhabiliter, il reste très suspect pour les chrétiens les plus rigoristes. On critique l’action d’imiter, c’est l’idée de Platon qui est suivie : « se diversifier et imiter toutes choses », pour lui, c’est une menace de l’ordre de la cité. Les émotions que l’acteur veut imiter, il s’en imprègne, s’en inspire et s’en trouve complètement imprégner, il finit donc par ressentir les émotions, même si elles sont néfastes, l’acteur se détruit61.

Au XVIIe siècle, il n’est pas commun de fréquenter pour les honnêtes gens les théâtres. On le rapproche des mauvaises mœurs. C’est la raison pour laquelle les règles classiques ont été établies, il ne faut pas tout montrer et sembler vraisemblable.

Les artistes souffraient d’une image négative, étant considérés comme des personnes à qui l’on ne pouvait faire confiance et les actrices avaient de mauvaises mœurs pour la population classique. Dans cette pièce de Dorimond on voit tout le contraire. Le fait d’avoir utilisé la technique du récit enchâssé donne de la vraisemblance car la pièce cadre semble peindre parfaitement la vie quotidienne du XVIIe siècle. On se croit dans la réalité avec la mise en scène, mais les conversations ramènent vite le spectateur à sa place de spectateur dans un théâtre.

Richelieu s’intéressa au théâtre et il y en aura des conséquences pour les comédiens. Le 13 avril 1641, Louis XIII publie un décret qui réhabilite la profession de l’acteur, déclarant que le théâtre est un divertissement acceptable, qui éloigne les jeunes des habitudes dangereuses, comme celle répandue du duel.

Les acteurs ont été ainsi réintégrés dans la société civile. Mais pour l’église, le théâtre constituait toujours « una perversa distrazione »62.

On retrouve cette réhabilitation dans la comédie de la comédie, dans la pièce cadre, car l’actrice est présentée comme une femme vertueuse :

Une comediene à beaucoup à souffrir :
Il luy faut tout entendre, il luy faut tout oüir;
Souvent un franc benais luy vient conter sornette
165 Et fera, luy parlant le mignon de couchette;
Mais ce qui me consolle en un si grand despit
Est que j’entends parler aussi les gens d’esprit,
Et que j’ay le bonheur de hanter la noblesse
Et d’en avoir souvent une honneste carresse,
170 De m’instruire avec eux d’une bonne action
Et d’estre le temoin de leur profusion.

Dans un premier temps, ce sont des bourgeois qui discutent de la comédie et qui déclarent qu’elle est leur élément. Pour commencer, cela semble étonnant mais on admet qu’il y ait une exception pour ces deux hommes. Mais plus loin, des Dames vantent la place de la comédie dans l’éducation des jeunes filles. En réalité, il est impossible d’entendre ce genre de remarque de la part de Dames au XVIIe siècle. Cela est contraire à l’opinion et l’avis général.

Cela reflète l’importance que les acteurs donnent à l’image négative qu’ils avaient dans la société, et Dorimond exagère dans les traits généreux qu’il donne, au risque d’en faire trop. Et le spectateur voit immédiatement la farce et ne réfléchit pas à la portée du geste de l’auteur.

Le destinataire du théâtre moderne est un public bien né et cultivé d’honnêtes gens qui s’inquiètent de l’éducation et qui s’inspirent des références antiques et mythologique, d’ailleurs, dans notre pièce, Dorimond utilise fréquemment des noms antiques. Les acteurs doivent s’habiller comme des courtisans car ils jouent leurs rôles, ainsi leurs dépenses en habits sont très élevées (cf. les comédiens dans le théâtre).

D’Aubignac en 1660 a d’ailleurs écrit :

Il y a 50 ans qu’une honnête femme n’oserait aller au théâtre ou bien, il fallait qu’elle fût voilée et tout à fait invisible, et ce plaisir était comme réservé aux débauchés qui se donnaient la liberté de regarder à visage découvert63

La réalité dans le théâtre est illusion, la métaphore devient réelle et le théâtre s’étend à l’extérieur du théâtre.

Le théâtre est ainsi rapproché du Théatrum mundi. L’idée philosophique grecque faite par les pères de l’église qui voient le théâtre comme une métaphore de la vie, dans laquelle l’homme est en même temps acteur et spectateur. Cela marque le passage à l’ère moderne dans laquelle l’homme devient la mesure de toutes choses. On quitte le médiéval pour entrer dans la renaissance.

Dans la pièce cadre, Dorimond introduit un éloge sur la place du théâtre à travers les personnages. Ils argumentent tous d’une façon différente qui doit les caractériser. L’exposition devient alors un lieu d’éloge sur les problèmes du théâtre dans la vie de tous les jours. Le spectateur n’a pas le temps de comprendre qu’il s’agit d’une pièce prologue, il découvre par la suite que la pièce n’avait pas encore débutée.

Pour George Forestier, les spectateurs ne doivent pas prendre le prologue pour un prologue élargi (aller voir p.67).

Le caractère et le comportement des personnages de la pièce cadre sont décrits avec un certain réalisme et surtout avec une grande vivacité qui est due à la petitesse des scènes et aux changements fréquents de personnages.

La pièce cadre se veut une pièce qui convint, qui rend légitime et qui présente la comédie future. On parle de la vie des acteurs pour mieux montrer qu’ils sont respectables et pour encourager à aller à la comédie, c’est leur donner un caractère humain.

Notes sur la présente édition §

La présente édition reproduit l’édition originale de La Comédie de la Comédie suivie des Amours de Trapolin de Dorimond, dont le privilège a été accordé aux libraires Jean Ribou et Gabriel Quinet est achevée d’imprimer pour la première fois le 22 janvier 1662.

La pièce compte 40 pages et se trouve en in-12. La pièce est en un seul acte et contient une pièce enchâssée : Les amours de Trapolin.

La pièce cadre  contient cinq scènes et la pièce enchâssée en contient 8.

L’édition sur laquelle nous avons travaillé est celle de l’éditeur Jean Ribou de 1662 en in-12, elle est visualisable sur le site de la Bibliothèque nationale de France sous la cote : NUMM-72658.

Il existe une seconde édition du texte qui a été publié également en 1662 par le second éditeur Gabriel Quinet. Ce texte imprimé est en In-18 et se trouve dans l’Arsenal de la Bibliothèque Nationale de France. Cette autre édition de la Comédie de la Comédie n’est pas consultable, car la conservation de l’édition imprimée ne l’a pas suffisamment gardé en bon état.

De l’éditeur Gabriel Quinet, il existe un exemplaire imprimé à la bibliothèque Carré d’Art (Nîmes, France).

Les exemplaires de l’édition de Jean Ribou sont :

Le texte numérisé sur Gallica : NUMM-72658

Livre à Tolbiac : YF-7091 (absence constatée)

Livre à Tolbiac : RES-YF-3747

Livre à Richelieu dans les arts du spectacles : 8-RF-6050

Livre dans la bibliothèque de l’Arsenal : THN-10619

Description de l’édition de 1662 de Jean Ribou à la BNF avec la ref. RES – YF – 3747 et dans la bibliothèque de l’Arsenal Ref. THN – 10619. §

[I] LA/ COMEDIE/ DE LA COMEDIE, /ET/ LES AMOURS/ DE TRAPOLIN./Dorimond./ COMEDIE./(Fleuron du libraire) (Tampon de la Bibliothèque Royale) / A PARIS, / Chez JEAN RIBOU, sur le Quay des/ Augustins, à l’image Saint Louïs./(filet) / M. DC. LXII./ AVEC PRIVILEGE DU ROY.

[II] VERSO BLANC

[III-V] [Bandeau] / A MONSIEUR/ DE VAISSÉ. / [épître dédicatoire]

[VI-VII] [Bandeau] / EXTRAICT DU / Privilege du Roy. / [texte du privilège] / Achevé d’imprimer pour la première fois, / le 22. Janvier 1662.

[VIII] [Bandeau] / ACTEURS. / [Liste des acteurs].

[IX] [Bandeau] / LA / COMEDIE / DE LA COMEDIE. / (filet) / SCENE PREMIERE./ (début de la pièce).

(8-14) texte de la pièce cadre.

[XV] LES / AMOURS / DE / TRAPOLIN. / COMEDIE.

[XVI] [Bandeau] / ACTEURS / (liste des acteurs)

[XVII] [Bandeau] / LES / AMOURS / DE / TRAPOLIN. (Tampon de la bibliothèque Royale) / COMEDIE ; / (filet) / SCENE PREMIERE. / (Début de la pièce enchassée).

(17-40 : texte de la pièce : les amours de Trapolin)

Description de l’édition de 1662 de Gabriel Quinet, dans la bibliothèque de l’Arsenal, Ref : GD - 7751 §

[I] LA/COMEDIE/DE LA COMEDIE, /ET/LES AMOURS/ DE TRAPOLIN./ COMEDIE/Dorimond (nom de l’auteur rajouté sur le frontispice) /(fleuron du libraire) (tampon de la bibliothèque de la ville de Nîmes) /A PARIS/ Chez GABRIEL QUINET, au Palais, dans/ la Galerie des Prisonniers, à l’Ange Gabriel./ (filet) / M. DC. LXII./ AVEC PRIVILEGE DU ROY.

[II] page blanche

[III-V] (Bandeau) / A MONSIEUR / DE VAISSÉ./ (Epistre)

[VI-VII] (Bandeau) / EXTRAICT DU / privilege du Roy./ (extrait du privilège..)

[VIII] (Bandeau) / ACTEURS. / (Liste des acteurs)

(1-14 Comédie)

[XV] LES / AMOURS / DE / TRAPOLIN. / COMEDIE./ (tampon du libraire)

[XVI] (Bandeau) / ACTEURS. / (Liste des Acteurs)

(17-40) (Bandeau) / LES / AMOURS / DE / TRAPOLIN./ COMEDIE;/ (filet) / Début des Amours de Trapolin.

Dans la bibliothèque de l’Arsenal (Référence : 6051)

TRADUCTION

TRAPOLYN. / KLUCHTSPEL / Uit het Fransch gevolgd / DOOR / E. V. HOEVEN. / By d’erf : van J. LESCAILJE, op den Middeldam, naast de Vischmarkt, 1688. / Met Privilegie. /

PUBLICATIONS MODERNES

Dans Les petites comédies rares et curieuses du XVIe siècle :

LA COMEDIE DE LA COMEDIE avec notes et notices par V. FOURNEL. Tome 1, Paris, A. Quantin, 1884, p.25-39.

Intervention sur le texte §

Par convention, nous avons distingué les lettres i/j et u/v. Nous avons systématiquement délié la ligature. Nous sommes également intervenus sur les « f » et les « ff » que nous avons remplacé par le « s » et le double « ss ». Nous avons également uniformisé l’emploi des majuscules et adapté la ponctuation à l’usage moderne.

Nous avons tenu à garder du texte initial, les accents, la diérèse et la graphie de certains mots.

Nous avons remplacé le tilde « ~ » sur les voyelles nasales dans les occurrences suivantes, en rajoutant un « m » :

cõme (v.45), põpeux (v.144), cõbatre (v.409), hõme (v.455) , cõme (v.411), , hõme (v.582), m’incõmer (v.99),

Ou un « n »

fõt (v.39), mõ (v.109), citrõs (v.115), seriõs (v.177), sõt (v.334), cõtre (v.411), dõner (v.409), hõneste (v.459), , sõt (v.484), dõna (v.340) bõs (v.613), bõne (v.648), mõ (v.99), grãdes (v.150), l’instãt (v.370), grãde (v.485), voulã (v.527), scavãte (v.608), dãs (v.685), quãd (v.97), pédans (v.364), prédre (v.123), rété (v.303), ayét (v.707).

Voici la liste des erreurs que nous avons corrigées qui sont très probablement des erreurs d’impression. Des lettres ont parfois été ajoutées ou supprimées.

Liste des coquilles §

fait » faits (v.107), Jonër » Jouër (v.140), s’est » c’est (v.147), qu’elle » quelle (v.148), d’espit » despit (v.166), mauvaise » mauvais (v.212), s’y » sy (v.222), qu’elle » quelle (v.288), coups » coup (v.289), la lambicq » l’alambicq (v.329), la tonne » Latonne (v.332), se » ce (v.334), cendres » cendre (v.376), ses » ces (v.879), emportez » emporté (v.414), Dequoy » De quoy (v.77), delles » d’elles (v.455), comes » contes (v.461) , eloqueuce » eloquence (v.468), sacheta » sachets (v.521), poëtisiray » poëtiseray (v.535), die » dise (v.544), se » ce (v.607), l’un » l’une (v.610), Une » Un (v.668), repoudu » repondu (v.678), satyrique » satyriques (v.776), rand » rang (v.777)

Modification de la ponctuation  §

Ajout du point d’exclamation : v.67, v.102, v.103, v.104, v.112, v.131, v.132, v.147, v.155, v.161, v.213, v.214, v.215, v.216, v.217, v.218, v.324, v.227, v.229, v.256, v.257, v.339, v.341, v.342, v.379, v.421, v.425, v.428, v.429, v.452, v.462, v.463, v.467, v.477, v.479, v.538, v.539, v.591, v.651, v.726, v.743, v.751, v.755, v.786, v.795, v.796, v.797.

Ajout du point d’interrogation : v.85, v.87, v.105, v.135, v.141, v.120, v.336, v.299, v.385, v.456, v.458, v.461, v.462, v.480, v.483, v.460, v.647, v.657, v.723, v.727, v.752, v.754, v.757.

Ajout de points de suspension : v.109, v.111, v.378, v.426, v.431, v.460, v.477.

LA COMEDIE DE LA COMEDIE,
ET LES AMOURS DE TRAPOLIN.
COMEDIE. §

A MONSIEUR DE VAISSÉ. §

MONSIEUR,

Les belles qualités que vous possédez attirent l’admiration de tous ceux qui vous connoissent, et sont ordinairement le digne sujet d’une loüange legitime. Mais, MONSIEUR, je viens vous confesser que je suis hors d’estat de m’acquitter de ce que je vous dois, que les muses m’ont refusé le present qui pourroit estre digne de vous et de l’honneur que vous m’avez fait tant de fois de souhaitter mes ouvrages, et de les souffrir64, m’a donné autant de sujet d’estonnement que de reconnoissance : Je vous prie donc de fermer les yeux sur le present que je vous faits, qui n’est pas digne de vous, et qui pour un Gentilhomme, dont la valeur s’est signalée en milles belles occasions, et qui porte d’illustres cicatrices, qui sont les beaux témoignages du service que vous avez rendu à la France, il falloit un ouvrage plus sublime; mais l’ardeur que j’ay de vous donner quelques preuves de la veneration et de l’estime que j’ay conservée pour vous a precipité mon dessein, et m’a fait vous dedier cette comedie, moins pour la vanité de la faire paroistre au public, que pour celle de monstrer à tout le monde que je suis, MONSIEUR,

Vostre tres-humble et tres-obeïssant serviteur,
DORIMOND.

EXTRAICT DU Privilege du Roy. §

Par grace et privilege du Roy, donné à Paris le vingt-sixiesme Mars 1661. Signé, Par le Roy en son Conseil, DE FAYES. Il est permis au Sieur DORIMOND, Comedien de Mademoiselle, de faire imprimer une piece de theatre intitulée La Comédie de la Comédie et les Amours de Trapolin, par luy composée et représentée par la Troupe de Mademoiselle à Paris, par tel imprimeur et libraire qu’il voudra choisir, pendant cinq années. Et deffenses sont faites à tous autres de l’imprimer ny vendre d’autre edition que celle de l’exposant, ou de ceux qui auront droict de luy, à peine de deux mille livres d’amende, de tous despens, dommages et interests, comme il est porté plus amplement par lesdites Lettres de Privilege.

Et ledit Sieur Dorimond a cedé et transporté son privilege à Jean Ribou, et Gabriel Quinet, marchands libraires à Paris, pour en jouyr suivant l’accord fait entr’eux.

Registré sur le Livre de la Communauté, suivant l’Arrest de la Cour.

Signé JOSSE, Syndic.

Les Exemplaires ont esté fournis.

Achevé d’imprimer pour la première fois,

le 22. Janvier 1662.

ACTEURS. §

  • DEUX BOURGEOIS, Allant à la comedie.
  • DEUX DAMES.
  • DEUX GALANTS.
  • LE PORTIER des comediens.
  • UNE COMEDIENNE.
  • TROUPE DE FILOUX. [A-1]

LA COMEDIE DE LA COMEDIE. §

SCENE PREMIERE. §

LEANDRE, LUCIDOR,

LEANDRE

Puis que je vous rencontre, il faut faire partie:
Allons nous divertir à voir la comedie65;
Ce passe-temps est propre à charmer les ennuis*:
À peine il m’en souvient à l’instant que j’y suis.

LUCIDOR.

5 Allons-y, je le veux ; au coin de cette ruë,
Une affiche à propos se montre à nostre veuë. {p. 2}

AFFICHE.

Les Comediens de Mademoiselle.

La piece que nous vous donnons
Merite vos attentions:
Ce sont les amours d’Ignorance,
10 Qu’on confond avec la science,
Et de son brave Trapolin
Qui l’aime autant que le bon vin.
De cette piece on fait estime,
Tant pour la force de la rime,
15 Que pour la vigueur des bons mots,
Qui ne sont pas faits pour les sots;
Mais pour la belle connoissance
Et les auditeurs d’importance;
Qu’icy les uns dressent leurs pas,
20 Que les autres n’y viennent pas.

LUCIDOR poursuit.

Ho ! ho ! L’affiche en vers ? cette troupe est jolie:
Peut-estre y verrons-nous quelque galand Genie*.

LEANDRE.

J’ayme la comedie, elle est mon element.

LUCIDOR.

Tous deux nous nous trouvons d’un mesme sentiment :
25 Il faut estre privé de bon sens, de science,
Pour ne la suivre pas, allons en diligence*. {p. 3}
Puis on la fait si bien, et si juste en ce temps,
Qu’elle sert de modelle aux plus honnestes gens :
On apprend la vertu voyant la comedie,
30 Ceux qui des sots cagots gagnent la maladie
Y peuvent repugner*, y venir lentement;
Mais le sage, et le docte, y vont assidument,
J’y veux demain mener mes enfans et ma femme :
Ils y profiteront s’ils ont une bonne ame;
35 Car on y void tousjours triompher les vertus :
Là le vice sur eux n’a jamais le dessus.

LEANDRE.

Mais les Italiens prennent plus de licence*
Que ne font les François, et quelqu’un s’en offence.

LUCIDOR.

Le Theatre François est bien plus serieux,
40 J’en faits bien plus d’estat, et l’estime bien mieux;
Mais on peut sans pecher gouster les inepties*
Qu’ils meslent gallamment avec leurs faceties*;
On rencontre des gens qui tondroient sur un œuf*
Et qui bien souvent ont l’esprit66 comme un boeuf. {p. 4}

SCENE II. §

LES DAMES.

UNE DAME

45 Pour moy, je vous le dis, jamais la comedie,
N’eust tant d’attraits charmans, et tant de modestie;
Le theatre n’a rien que d’honneste67 et de beau,
Chaque jour il produit un prodige nouveau.
Les Vestalles pourroient avecque bien-sceance
50 Ouïr la comedie : elle n’est qu’innocence,
Produisant les douceurs d’un divertissement,
Elle instruit les enfans à vivre sagement.
Ma fille est fort coquette, et, comme j’apprehende
Qu’une ville assiegée à la fin ne se rende,
55 Je luy veux faire voir avec combien d’ardeur,
Une fille bien sage a soin de son honneur.
Car le theatre enfin, l’amour des roys, des reynes
Est un crayon, parlant des actions humaines.
Pour moy, j’eus tousjours soin de garder mon honneur
60 Et je veux que ma fille ait la mesme pudeur.

UNE AUTRE DAME.

Il le faut avoüer, certainement, Madame :
La belle comedie est le charme de l’ame;
Allons-y je vous prie.

LA PREMIERE.

Allons; je le veux bien.
Pour moy je la prefere au plus bel entretien. {p. 5}

SCENE III. §

LE PORTIER.

65 Ce teston* est-il bon ? Cette piastre* est legere !
Ils sont sans conscience ou bien ils n’en ont guere :
Dés qu’ils ont des testons* qui ne sont pas de poids,
C’est pour nous, que l’enfer les chaufe de son bois.
Pour faire avec ces gens le portier d’importance,
70 Il faudroit dans mes mains tousjours une balance,
Si mes maistres n’estoient gens d’honneur et sans fard,
Je mettrois pour le moins deux escus* à l’escart;
Je prendray toutefois sans faire plus de mine
De quoy faire tirer la petite chopine*,
75 Car de prendre beaucoup il ne m’est pas permis
A moins que de me faire un troupeau d’ennemis;
Et puis le vol n’est pas un crime pardonnable
Et s’ils m’alloient chasser je serois miserable.
J’ay bien plus de raison que tous ces grands escrocs*
80 Qui viennent leur voler le fruict de leurs beaux mots;
J’en veux prendre à témoin les personnes plus sages;
Ne leur couste-t’il pas à faire des voyages ? {p. 6}
A nos comediens à faire des habits,
A blanchir leurs colets, à payer leurs rubis ?
85 Enfin la comedie est une marchandise
Que l’on doit acheter et payer sans remise.
Allons, je ne veux plus laisser entrer ceans
Escrots*, passevolants, fillous ny pourveans*.
Le premier qui viendra la main hors la pochette,
90 Contre luy vaillamment je veux tirer la brette*;
Mon sang est échauffé, je suis las d’en souffrir:
N’en laissons plus passer, c’est à faire mourir. {p. 7}

SCENE IV. §

LA COMEDIENE, LE GALLAND68,
L’ESPINAY.

LA COMEDIENE.

Al Dieu ! je voy passer un qui fait l’idolastre
En venant m’aborder quand je suis au theâtre;
95 J’en voy venir un autre: ils viennent m’aborder.
Comment feray-je, ils vont beaucoup m’incommoder :
Ils s’en vont me parler de soûpir et de flâmes,
Faire les patineurs*, et les mourantes ames.

LE GALLAND.

Isabelle, bon jour, vostre humble serviteur !
100 Que vostre habit est riche et de belle couleur !
Ah Dieux ! la belle estoffe, et la belle dentelle !
Qui vous en a fait don ?

LA COMEDIENNE.

Qui ? C’est Mademoiselle69 :
Sa generosité m’en a fait un present
Et je le faits briller sur la scene à present.
105 Ma cravate est deffaite, et mon beau colier d’ambre...

LE GALLAND

Que je vous tienne icy lieu de valet de chambre :
Vostre Cravate...

LA COMEDIENE.

Hé bien ! je l’accommoderay.

LE GALLAND.

Vous allez au theatre où je vous conduiray. {p. 8}
Ma sœur veut vous donner un fort beau poinct de Gesne*,
110 Et moy des citrons doux, et de la pourcelaine.

L’ESPINAY.

Et moy des gans d’Espagne.

LE GALLAND

Et moy de beaux rubans.

L’ESPINAY.

Et moy de la pomade.

LE GALLAND

Et moy de beaux pendants.

L’ESPINAY.

Et moy des espagneuls qui viennent de Boulogne.

LE GALLAND.

Et moy ce que j’ay de pris de rare en Cathalogne.

LA COMEDIENE,

115 Et de grace, Messieurs, ne vous échauffez pas :
Pour prendre vos presens, j’ay trop peu de deux bras.

L’ESPINAY

Elle a le teint fort beau.

LE GALLAND

Et la taille gentille.

L’ESPINAY.

Son oeil me plaist assez.

LE GALLAND.

Estes-vous femme ou fille ?
Aymez-moy je, vous prie, et m’appellez« mon coeur »,
120 Et je vous nommeray ma mignonne et ma sœur.

L’ESPINAY.

Vous faites, par ma foy, fort bien la comedie :
Quand vous parlez d’amour, que vous estes jolie !

LE GALLAND.

Qu’elle fait bien la fiere, et la cruelle aussi ! {p. 9}

LA COMEDIENE.

Aussi mon mestier est mon unique soucy
125 Et de luy seul je suis ardemment amoureuse.

LE GALLAND.

Voulez-vous sans cesser faire la dédaigneuse ?

LA COMEDIENE.

Je m’en vais au theatre avec des sentimens
Qui sont trop relevez pour tous vos complimens.
Je sens que la fierté s’empare de mon ame :
130 Ce n’est que pour des roys que mon coeur est de flame.

L’ESPINAY.

Vous allez bien jouër estant de cette humeur,
Vostre roolle est-il plain d’amour, ou de rigueur ?

LE GALLAND.

Je vis hier jonër une piece nouvelle,
Au Theatre François dont la prose est fort belle :
135 C’est le pompeux Cinna70, les traits en sont nouveaux.

L’ESPINAY.

J’ayme Thomas Morus, les vers en sont forts beaux.

LA COMEDIENE.

Plustost que de parler, tenez la bouche close :
Cinna c’est fait en vers, Thomas Morus en prose !
Voyez quelle ignorance, et quels discours divers
140 Il met les vers en prose et luy la prose en vers !
Vos discours à l’instant font de grandes merveilles
Et vous parlez des vers comme font les corneilles.

LE GALLAND.

On me vient de donner un sonnet merveilleux.

L’ESPINAY.

Combien a-t-il de vers.

LE GALLAND.

Au moins trente. {p. 10}

LA COMEDIENNE.

Encor mieux !
145 De grace, informez-vous des reigles poëtiques :
Les epiques pour vous seroient les dramatiques.
Ah ! Lisez les autheurs qui composent des vers,
Si vous voulez parler de leurs travaux divers.
Vrayment pour escouter de semblables merveilles
150 Il faut que nous ayons d’admirables oreilles !
Une comediene a beaucoup à souffrir :
Il luy faut tout entendre, il luy faut tout oüir;
Souvent un franc benais luy vient conter sornette
Et fera, luy parlant le mignon de couchette*;
155 Mais ce qui me consolle en un si grand despit
Est que j’entends parler aussi les gens d’esprit,
Et que j’ay le bonheur de hanter la noblesse
Et d’en avoir souvent une honneste carresse,
De m’instruire avec eux d’une bonne action
160 Et d’estre le temoin de leur profusion.
Quand je n’aurois au bien attachement ny pente
A force de les voir je m’y rendrois sçavante.
Puis le theatre a tant de beaux chemins batus,
Nous sommes sans cesser avecque les vertus;
165 Si nous n’en avions pas en vivant avec elles,
Nous serions en effet doublement criminelles.
Enfin les grands Seigneurs, les sages, les sçavans
Pour les comediens ont de bons sentimens;
Sans cela nous serions, ma foy, beaucoup à plaindre.
170 Il est des esprits forts qui sont encor à craindre
Qui s’imaginent tous avecque leur debit,
Avoir aupres de nous grand accés, grand credit,
Qui diront en voyant une comedienne,
Regarde cher amy cette Actrice elle est mienne.
175 L’autre luy respondra faisant fort l’empesché :
Elle vaut ma foi, bien la façon d’un peché. {p. 11}
Celuy-cy vous faisant cent façons non communes,
Vous fera le debit de ses bonnes fortunes,
Et pour se faire croire il prendra de grands soins,
180 Mais celuy qui dit plus, en fait tousjours le moins.
J’ayme les bons esprits qui prennent de la peine
Afin de profiter des leçons de la scene;
J’ayme les esprits forts qui sont originaux,
Non les imitateurs de ces mondains nouveaux
185 Qui souvent en voyant joüer la comedie,
De critiques censeurs n’estant que la copie,
Veulent gloser sur tout, reprendre les acteurs
En jugeant comme fait l’aveugle des couleurs.
Mais que leur jugement soit leger il n’importe,
190 Pourveu que leur argent soit de poids à la porte.
Nous aymons toutes fois les doctes spectateurs,
Car leur sage audience anime les acteurs.
Je vais avec plaisir jouër en cette ville
Plaine d’honnestes gens, et tout à fait civille.
195 On dit aussi qu’amour triomphe dans les yeux
Des beautez que l’on void en ces aymables lieux,
Que les dames y sont agreables et belles
Et qu’elles sont aussi toutes spirituelles.
Allons les divertir par nos accens mignards
200 Et recevoir l’honneur d’attirer leurs regards. {p. 12}

SCENE V. §

LE PORTIER.

Voicy deux grands filoux de fort mauvais augure :
Tiens mon mousqueton prest, mettons-nous en posture !

DEVX FILOUX.

Ouvre !

LE PORTIER.

Il faut de l’argent !

LE FILOU.

Ah ventre !

LE PORTIER.

Par la mort !

LE FILOU.

Tu me refuse en vain !

LE PORTIER.

Tu fais un vain effort !

LE FILOU.

205 Comment tu faits le brave, et la rude moustache ?

LE PORTIER.

Je fais ce que je suis, quand je veux je me fâche.

LE FILOU.

Je m’en vay te percer sy j’entre en action,

LE PORTIER.

On m’a desja percé, j’ay veu l’occasion, [B.13]
Les canons, les fusils, et le fer et la flame
210 Ne me font point de peur, je me ris de ta lame.

LE FILOU.

Par la teste, jarny, redoute mon courroux.

LE PORTIER.

S’il ne tient qu’à jurer, ah ! la vache est à nous !
Il me faut de l’argent, quoy que vous puissiez faire.

LE FILOU.

Je n’en ay point, amy, redoute ma colere !

LE PORTIER.

215 Allez n’en ayant point, fanfaron sans pareil,
Dormir le dos en terre, et le ventre au soleil.
Allez prendre la mouche, et chanter la guimbarde,
Sous le fais d’un mousquet, ou d’une halebarde.

LE FILOU.

Ah c’est trop endurer, Portier tu periras.

LE PORTIER.

220 Je vay parler à vous, messieurs les fiers à bras;
Et d’estoc, et de taille, et de quarté et71 de tierce
Pour le dernier sommeil il faut que je te berse. [B.14]
Ils ne se battroient pas, s’ils n’estoient dix contre un,
Mais je me bat d’un air qui n’est pas du commun;
225 Ils s’en vont revenir peut-estre avec main forte.
On s’en va commencer, rentrons, fermons la porte72.

FIN.

LES AMOVRS DE TRAPOLIN. COMEDIE. §

ACTEURS. §

  • L’IGNORANCE.
  • TRAPOLIN.
  • LE DOCTEUR.
  • PHILOSOPHIE, fille du Docteur.
  • POESIE.
  • GALANTERIE, Cousine.

LES {p. 17}
AMOURS
DE
TRAPOLIN.
COMEDIE;

SCENE PREMIERE. §

TRAPOLIN, IGNORANCE.

IGNORANCE.

Et bien mon cher, mon beau, mon tout, mon agreable,
L’essence des amans, coquet le plus aimable,
Idole de mon cœur, si je languis pour vous
230 Vous languissez pour moy : tout est égal en nous. {p. 18 iij}
Nos jeunes cœurs blessez, et des fers et des flâmes
Qu’un amour mutuel a fait naistre en nos ames
N’en peuvent ma foy plus et je voy bien qu’il faut
Que l’hymen à l’amour livre un petit assaut;
235 Rien n’est égal à moy sur la terre et sur l’onde
Et mes beaux yeux mourans, font mourir tout le monde.

TRAPOLIN

Beauté, beaux yeux, mon cœur, belle bouche, beau teint.

IGNORANCE

Aujourd’huy j’en ay peu, mais j’en auray demain
Si je n’ay pas le teint, j’auray la marjolaine.

TRAPOLIN.

240 Que vous estes railleuse, adorable inhumaine.

IGNORANCE.

Que vous estes cruel, de me perser le cœur !

TRAPOLIN.

Ah ! Que vous me grillez, œil mon petit vainqueur !

IGNORANCE.

Petit fripon, voleur, et filoux de mon ame.

TRAPOLIN.

Ignorance, mon cœur, beau sujet de ma flâme,
245 Pour te suivre tousjours, je veux m’éfeminer,
Lire peu, manger bien, ne jamais raisonner.

IGNORANCE.

Voila le vray moyen d’estre aymé de sa belle
Et de me voir pour toy, plus douce que cruelle;
Je suis pour un Amant73 un fort joly tandron.
250 L’amour quand il est las se met sur mon giron,
Et ce petit fripon d’un ardeur sans égale,
Voudroit prendre mon cœur, et ma fleur virginale;
Mais ma pudeur combat avecque mes desirs;
Je pasme, je succombe, et pousse des soûpirs, {p. 19}
255 Mais ma virginité demeure toujours pure;
Dieu me veüille sauver d’une cheute future;
Ah ! Si j’avois esté du temps du beau Paris,
Venus asseurement n’aurait pas eu le pris :
Les deesses auroient bien-tost baissé la veuë,
260 Si comme elles j’avois montré ma beauté nuë.
Et le sort ne rend pas mon visage serin,
D’un peu d’eau seulement je me nourry le teint.
La nature qui fit cét aimable visage,
De ces traits délicats seule à tout l’avantage.
265 Mais adieu, je m’en vais, maman me foüeteroit
Si je demeurois plus avec toy, mon coquet.

TRAPOLIN.

Adieu, lampe d’amour.

IGNORANCE

Adieu falot de flâme.

TRAPOLIN

Je soûpire

IGNORANCE

Je meurs

TRAPOLIN

Je succombe.

IGNORANCE.

Ah ! je pasme !
Se quitter quand on s’aime, quelle cruauté !

TRAPOLIN.

270 Je soûpire à tout coup, et de tous les costez. {p. 20 iiij}

SCENE II. §

LE DOCTEUR74

J’ay des filles chez moy, doctes, spirituelles;
La matiere, et l’esprit sont excellens en elles,
Leurs esprits et leurs corps sont forts beaux et sont bons,
Mais leurs rentes n’ont pas l’éclat de leurs tetons,
275 Et l’on est dans un temps où l’on ne considere
L’esprit ny la beauté, l’or seul a droit de plaire.
Un teint semé d’appas75, un astre merveilleux,
D’un lourdaut* bien renté ne charme point les yeux
Si l’on dit, regardez les admirables filles,
280 On vous répond à qui vendez-vous vos coquilles ?
Bref il faut estre belle au coffre comme au corps,
Tant il est d’ignorans et de vilains butors.
Un certain Trapolin a de grandes richesses :
Si mes filles pouvoient attirer ses carresses
285 Je serois bien-heureux, je serois au repos.
Je ne puis toutefois luy dire de grands mots
Car je n’ay point appris la basse complaisance,
De peur de déroger et soüiller ma science. {p. 21}

SCENE III. §

LE DOCTEUR, TRAPOLIN

TRAPOLIN.

Docteurs, musiciens, poëtes; à mon lever76,
290 Je suis riche et coquet, le sort veut m’élever.

LE DOCTEUR

Je ne m’estonne point de ce que la fortune
A chargé de ses biens ta figure commune;
Pour les pouvoir porter, il falloit un cheval :
L’homme est pour ce sujet un trop foible animal.

TRAPOLIN

295 Les Peintres, les Docteurs, avec tous les poëtes
Sont dessus ce sujet aussi fols que vous estes :
La fortune est aveugle à leur gré, mais ma foy,
Je tiens qu’elle voit clair, puis qu’elle vient à moy.

LE DOCTEUR

Éh bien, mettez le pied hors du commun vulgaire,
300 Dévelopez-un peu l’esprit de la matiere;
Un riche, un grand Seigneur de grandeurs revestu,
N’est que de l’or impur, s’il n’a point de vertu,
Qu’un soleil offusqué par un espais nuage
Et qu’un oyseau huppé qui n’a point de ramage.
305 Avecque vos tresors achetez de l‘esprit ! {p. 22}

TRAPOLIN

De l’esprit, en quel lieu ? qui m’en fera debit ?

LE DOCTEUR

Les Muses, Apollon, un docte Philosophe,
Des autheurs en un mot, des gens de mon étoffe77.

TRAPOLIN

Pour vous rendre agreable à la Cour, au public
310 J’en veux faire passer douze par l’alambicq
Pour en tirer l’esprit, et puis par fantaisie
J’en prendray les matins comme de l’eau de vie.

LE DOCTEUR

Le beau fils de Latonne à luy-mesme épuré
Les esprits merveilleux au sublime degré :
315 Ce sont individus tout remplis de science
Qui ne sont point impurs, et qui ne sont qu’essence.

TRAPOLIN.

Qu’essence ? il en est donc chez nostre parfumeur :
Je n’ay qu’à demander de l’essence d’autheur;
S’il en est, j’en auray, de la plus excellente.

LE DOCTEUR.

320 Que j’ay peine à souffrir ta langue impertinente !
Le centre de l’esprit est au sacré ruisseau :
Vas-y voir ignorant !

TRAPOLIN.

Qui moy ? boire de l’eau ?
Je ne bois que du vin ! quand j’ay beu je fais rage,
Si je parle d’amour, j’enfle mieux mon langage.
325 Quand j’ay beu, si je vay au pays feminin,
D’un an en un seul jour je fais tout le chemin;
Je pousse la douceur aupres d’une mignarde
Et soumets à mes loix l’amour la plus agarde;
Je ne m’amuse point à passer par les lieux
330 Où passent tant d’amans pour gagner de beaux yeux : {p. 23}
Je monstre à ma Philis ma flâme toute nuë
Et vais au rendez-vous, dés la première veuë.

LE DOCTEUR.

Des sottises du temps la multiplicité
Cause beaucoup de peine et d’importunité;
335 J’ayme bien qu’un amant tost aupres d’une amante,
Monstre si sa pensée est ou bonne ou méchante.
Estre un an ou deux à faire le badin,
Parler sans raisonner, geler, brûler soudain,
Dépenser en cadeaux, en bals, en serenades,
340 En essence, en rubans, en gands, en limonades,
En oranges, en citrons, en pommettes d’apis,
En confiture, en chien, en musque, en ambre gris,
En collets, en dantelles, en bijoux, en guenuche*,
En beau pendans d’oreilles, en panache d’autruche,
345 Ce n’est pas le moyen de se mettre en credit,
Si l’on ne fait jamais de dépense en esprit.
Je sçay comme un amant remporte la victoire,
Et comme un Galant rend sa flâme meritoire :
Apres certains objets on se met assez bien,
350 Dès l’instant que l’on fait dépense en bon chrestien;
D’autres aiment le fast et la galanterie,
Et d’autres le solide et la cajolerie.
Enfin, pour faire un nombre entre les vrais galands,
Il faut avoir du cœur, de l’esprit, et du sens.

TRAPOLIN

355 Les femmes ne sont pas difficiles à prendre :
Un coquet comme moy met tost leurs cœurs en cendre,
Les femmes à mon gré... {p. 24}

LE DOCTEUR.

Les femmes...taisez-vous
Parlez avec respect de ces objets si doux !
Un galand de trois jours, un marjolet* d’une heure
360 Dira  je suis aimé d’une dame, je meure.
Et la belle souvent ne pense pas à luy.
L’autre dira tousjours : je suis exempt d’ennuy;
J’ay deux beaux rendez-vous sur le soir à la lune :
Mais laquelle verray-je, ou la blonde ou la brune ?
365 L’imaginaire Amant ne trouve en verité
Pour maistresse la nuict rien que sa vanité.

TRAPOLIN.

Les femmes...

LE DOCTEUR.

Taisez-vous ! cent bourus, dans leurs ames,
Fourbez sans y penser par quelqu’unes des femmes,
Vomissent leurs venins contre le general;
370 La femme d’elle-mesme est un bel animal :
Un animal aime la source de l’espece
Où la nature verse et donne avec largesse :
Elle verse en son corps ce qu’elle a d’excellent
Et dedans son esprit ce qu’elle a de brillant.

TRAPOLIN

375 Les femmes.....

LE DOCTEVR.

Taisez-vous, s’il est vray que des femmes
Ayant des actions diaboliques et infames,
La femme n’en est point coupable aucunement :
L’action de la femme a peché seulement.
Je diray, prouveray, par raison admirable
380 Que l ‘homme est tousjours homme, et n’est ny saint ny diable.
La femme a tousjours droict de regner sur le cœur,
Et la femme est tousjours le trône de l’honneur. {p. 25}
S’il se treuve une femme et méchante et coupable,
La femme pour cela n’en est point responsable.
385 Enfin les femmes sont de foibles animaux,
Fort sujettes à broncher, mais nul n’est sans defaux;
Et Je vay hardiment sous l’estendart des femmes    
Combatre et vaincre ceux qui sont contre les dames.

TRAPOLIN.

Les femmes....

LE DOCTEUR

Taisez-vous mille fois, taisez-vous !
390 Les femmes l’ont toujours emporté dessus nous.

TRAPOLIN.

Les femmes....

LE DOCTEUR.

Taisez-vous, ne parlons plus des femmes,
Ou si nous en parlons, mettons les dans nos ames,
Et supplions qu’amour sans peine et sans ennuy,
Nous en vueille donner quelque belle aujourd’huy.

TRAPOLIN.

395 Les femmes....

LE DOCTEUR.

A genoux quand tu parle des femmes !

TRAPOLIN.

Les dames...

LE DOCTEUR.

Tremble donc quand tu parles des Dames.

TRAPOLIN.

Leurs beautez....

LE DOCTEUR.

Meur d’amour parlant de leurs beautez !

TRAPOLIN.

Leurs beaux yeux...

LE DOCTEUR.

Du respect, pour les divinitez ! {p. C-26}

TRAPOLIN.

Leur esprit...

LE DOCTEUR.

Malheureux, tu vas ouvrir ta tombe !
400 Laisse là leur esprit, que le tien y succombe.

TRAPOLIN.

Leur amour.

TRAPOLIN.

Leur amour et leur fidelité
Va jusques à l’excez, ainsi que leur beauté.
Cette genereuse Artémise,
Par son amour et sa franchise,
405 A si bien fait pour son mary
Que le nom n’en a point pery;
Une des merveilles du monde
Vient de son amour sans seconde.
Panthée* à suivy noblement
410 Son mary dans le monument.
Evadne dans un duel extréme
Et tant d’autres firent de mesme.
Laodamie en un tombeau
Rejoignit le sien de nouveau,
415 Leur amour est incomparable,
Leur regret est inviolable;
Quand elles aiment une fois,
Leur amitié leur fait des loix,
Dont la force et la violence
420 Leur fait conserver leur confiance.

TRAPOLIN.

L’amour....

LE DOCTEUR

L’amour, l’amour perd un sot comme toy !
Des femmes sans cesser nous recevrons la loy : [ 27]
Alexandre, Cesar, Sanson, Antoine, d’elles,
Furent-ils pas ferus, et charmez de leurs belles ?
425 Les doctes n’ont-ils pas ressenty tour à tour
Par leur charmans attraits le pouvoir de l’amour ?
Un honneste homme enfin, seroit-il honneste homme
S’il n’avoit pas aimé ? mais pour te monstrer comme...

TRAPOLIN.

Helas ! ne contes plus, veux-tu parler tousjours ?
430 Veux-tu parler un an ? tréve à tant de discours !
Ne parlez plus Docteur, quittez cette coustume !

LE DOCTEUR.

Je me sens en humeur de te dire un volume,
Mais J’ayme mieux aller retrouver mes autheur.
De parler aux pourceaux, c’est exposer des fleurs.
Le docteur sort.

TRAPOLIN seul.

435 Ah ! le Docteur m’entend, il me donne silence;
Je m’en vais à mon tour montrer mon eloquence.
Mais vous m’écouterez, au moins, mon cher Docteur !
Il se taist et m’entend, faisons donc l’orateur.
La femme est très-fâcheuse, elle n’a que malice;
440 Certain jaloux m’a dit, en demandant justice
Que la femme à l’amour plus leger que le vent :
Escoutez bien Docteur, et que le plus souvent,
Les jaloux eussent-ils l’exactitude entière,
Sieur Basle et Sieur Cadot viennent rompre en visiere.
445 Un homme est fort constant, la femme ne l’est pas;
Et je vous prouveray.... mais il n’écoute pas !
Docteur, Docteur ! il est méchant comme un guenuche*. [ 28 C ij]

SCENE IV. §

LE DOCTEVR, TRAPOLIN

LE DOCTEUR revient.

Que veux-tu, veau doré, franc badin, esprit cruche ?

TRAPOLIN.

Peut-on passer une heure en conversation,
450 Mais il faut pour cela vostre permission,
Avec vos beautez, avec vos belles filles ?

LE DOCTEUR

Mes filles ne sont pas pour ouïr des vetilles*;
Et cent petits mortels qui s’en disent amans
N’arriveront jamais jusqu’a leur firmamens.
455 Pour vous, de vostre esprit j’excuse les foiblesses
Parce que vous avez de tres-grandes richesses;
Mes filles ont esprit pour elles et pour vous
Et vous avez du bien et pour vous et pour nous.
J’ay deux filles enfin dont l’une est Poësie,
460 Elle chante tousjours, l’autre est Philosophie,
Elle est fort serieuse, et d’un temperament
Froid, dont l’abord fait endurer un Amant;
Ses secrets ne sont point connus, quoy que l’on fasse,
Elle est grande, elle est belle, elle a fort bonne grace,
465 Poësie est galante, elle a l’esprit serein,
Mais elle est fort quinteuse, et sujette au chagrin;
Chez tous les demis dieux elle est fort bien venuë,
Son langage est fort grand, mais sa bourse est menuë. {p. 29}
Elles ont des amans dont le nombre est petit,
470 Mais vos grands biens, Monsieurs, les vont mettre en credit,
À deux portes d’icy loge Dame Ignorance :
Tout y va, tout y court avec grande abondance.

TRAPOLIN

Pour moy je suis tousjours la mode et son torrent :
Et j’ayme des long-temps, et son merite est grand;
475 J’y pourois bien aller avec tous les autres.

LE DOCTEUR.

Elle vous plaira fort, mais daignez voir les nôtres.

TRAPOLIN.

Soit faict.

LE DOCTEUR.

Poetica et Philosophica.

SCENE V. §

PHILOSOPHIE, POESIE,
TRAPOLIN, LE DOCTEUR.

POESIE.

Qvid vis Papa ego sum paratissima.

PHILOSOPHIE.

Idsum tibi Papa, quid de me cupis ?

LE DOCTEUR.

480 Accedite.

TRAPOLIN.

Cupis veut dire Cupidon,
Moy Cupidon, j’ay l’œil assez fripon. {p. 30}
Il est vray, qu’à peu pres j’ay sa taille et sa mine,
J’ay comme luy les yeux, comme luy j’assassine;
Et si l’on veut d’amour prendre la nudité,
485 Du mignard et du brun, je veux estre emprunté.
Vos yeux vont me servir de chambre et d’antichambre,
Vostre beau sein de trône et de doux sachets d’ambre;
De la je lanceray la foudre chaque jour,
Et l’on m’appellera le beau petit amour.

POESIE.

490 Mon oncle le Parnasse, et ma tente Yperbole,
Voyant tant d’escrivains de l’un à l’autre pole,
Qui disent avoir faict des enfans avec moy,
Veulent que de l’hymen je reçoive la loy,
Comme vous, mon Papa, voulant que je m’excrime,
495 Pour mettre un jour au jour un enfant legitime.
Enfin je suis outrée avec juste raison :
Un galimatias* bien souvent prend mon nom,
Passe pour mon enfant, et j’en suis en colere,
N’ayant rien dissipé des esprits de son pere.

LE DOCTEUR.

500 Ce galand pour produire est-il à vostre gré.

POESIE.

Avec un peu de temps je le Poëtiseray,
Ensemble nous ferons un Carme* magnifique :
Il fera le sonnet, et je feray l’epicque.

TRAPOLIN.

Moy Poëte ! ah bon Dieu, quel discours de travers !
505 Avant que de mourir, me voir manger au vers !
Dans mon berceau, maman me donna d’une poudre
Qui de mes vers estoit le redoutable foudre :
Elle m’en a purgé, pourquoy donc en autheur,
En remettray-je en moy l’insuportable humeur ? {p. 31}
510 Et puis selon mon sens, s’il faut que je le dise,
Vous avez la façon, madame Poësie,
De me donner apres la consommation,
Au lieu de vostre foy, de quelque fixion.
La corne d’abondance est un de vos ouvrages;
515 Mars avecque Vulcan parlent ce langage.
Et puis avec vous à le trancher tout net,
Je ne pouray jamais faire qu’un beau sonnet.

PHILOSOPHIE.

Et moy Monsieur, qui met les beaux esprits en flâme,
Qui tiens dans mes liens et la raison et l’âme,
520 L’ame vient r’allumer ces feux à mon tison*
Et je sçay dessiller* les yeux de la raison.
Sans trop de vanité, ma beauté fait renaistre,
La confiance, le cœur, et la gloire de l’estre.
Que l’amante et la femme ait violé leur foy,
525 L’amant et le mary d’abord viennent à moy :
De cent infortunez je soulage les peines;
Jugez si pour le mien mes leçons seront vaines.
Et si quand par mal-heur je vous ferois cocu,
Je ne vous rendrois pas pacifique cornu.
530 Enfin je suis....

TRAPOLIN

Ho, ho, Madame Philosophie,
Vous en sçavez beaucoup pour mon petit genie
Vous l’avez trop grand, l’esprit*,
Et moy je l’ay trop petit.

POESIE.

Ma sœur Philosophie, à de trop grands secrets;
535 Je suis bien plus connuë , et j’ay bien plus d’atraits :
On me penetre mieux, et je suis plus galante.

TRAPOLIN

Ouy vous estes de vray connuë et consonnante; {p. 32}
Vostre esprit Poësie estoit doux et benin,
Vous sçavez assez bien placer le masculin,
540 Et jamais il ne va sans rime feminine;
Pour le masle tousjours vous estes fort benigne;
La propagation pour vous a des apas :
Un masculin tout seul ne vous contente pas,
Il vous en faut plusieurs, et si je me marie,
545 Je veux estre tout seul, ma belle Poësie
Ayez du feminin autant qu’il vous plaira,
Si je suis vostre espoux, nul ne me rimera.

POESIE.

Pour moy; je n’ay plaisir de me voir Poësie
Que parce qu’il me faut cette rime jolie;
550 On nommeroit mon homme un homme de vertu
Et je ne pourois pas trouver la rime en nu;
Les masculins seroient bien rares dans le monde,
Si je ne rimois pas cette rime feconde.

TRAPOLIN.

Ah ! que l’on rime en nu, sans moy dans l’univers :
555 Sur ce point je renonce à la regle des vers.

PHILOSOPHIE.

Vous avez bien raison, vous estes un brave homme !
Avec moy vous n’avez qu’à faire un axiôme*
Et d’abord vous serez Philosophe parfaict;
Et pour en faire voir promptement un effet
560 Vous n’avez qu’à trouver du vuide en la nature
Et qu’à bien raisonner, selon la conjoncture,
Des Dames de sur tout connoistre les humeurs,
Imiter leur vertus, suivre leurs bonnes moeurs,
Discerner les effects du neant et de l’estre.
565 Il me faut penetrer afin de me connoistre,
Discourir fortement sur la vie et la mort,
Connoistre le destin, la nature et le sort. {p. 33}
Parlant du papillon, du fourmy, de l’atome,
Il n’apartient qu’à moy de bien exercer l’homme.
570 Philosophie est belle, et je vous en réponds.

TRAPOLIN.

Ouy, mais Philosophie a pour moy trop de fonds;
Un teton ce me semble a beaucoup d’eloquence,
La chair a plus d’appas pour moy que la science;
Vous avez l’un et l’autre, il est vray, mais ma foy,
575 Vous en sçavez beaucoup, l’une et l’autre pour moy :
On m’a toujours fait craindre une femme sçavante,
J’aimerois quasi mieux une douce ignorante.

POESIE.

Il faut mieux tout risquer pour aimer en bons lieux.
Ma bouche parle enfin le langage des dieux,
580 S’augmente des Heros les esclatans trophées;
Un Esiode, Homere ont esté mes galans;
Dans Athenes jadis j’avois mes courtisans,
Mais Paris à présent est bien une autre Athenes,
On soûpire apres moy, j’y fait naistre des peines,
585 Mes neuf Muses y vont travailler nuict et jour;
On y veut que du tendre et du galant amour,
Mais on aime sur tout assez la bagatelle :
C’est ce qui fait causer dans la belle ruelle;
Et puisque me voila sur le tendre et le doux,
590 Profitez de ce temps, faites-vous mon espoux.

TRAPOLIN

Vous allez Poësie admirablement viste,
Mais vos pieds en sont cause; alte, ou bien je vous quite.

POESIE

Tant mieux, je ne veux point de froid temperament :
Il me faut plus de feux que de raisonnement,
595 Il faut estre pour moy d’une ame vigoureuse,
Une humeur enjoüée, une humeur amoureuse, [ 34]
Dormir peu, cheminer du soir jusques au matin78,
Se nourir d’esperance, et d’un peu de chagrin,
Aller en un seul jour du couchant à l’aurore,
600 Dormir chez le Sarmate, et souper chez le More,
Et s’ils avoient dîné, vous auriez en tout cas
Vostre gloire à manger qui ne manqueroit pas.

PHILOSOPHIE.

Pour moy j’aime une humeur pensive et solitaire,
Un grand contemplateur et sobre d’ordinaire,
605 Qui quitte le manger pour me faire l’amour
Et qui soit dans mes bras et la nuit et le jour.

TRAPOLIN.

Chere Philosophie, aimable Poësie,
Io bazio la mane à vostra Seignorie.
L’Amour est mon amy, mais cet effeminé
610 Ne me charme jamais qu’après avoir diné;
La table a des apas quand elle est bien garnie.
Quelle est cette beauté ?

SCENE VI. §

POESIE, TRAPOLIN, GALANTERIE.

POESIE.

La ? C’est Galanterie.

TRAPOLIN.

Ce sera bien mon fait, car je suis fort galant;
Approchons et faisons l’agreable en parlant.
615 O Dieu ! qu’elle est aimable, et qu’elle a bonne grace !
Aussi tout est de mise ou la Galante passe;
Son teint est plus riant que les fleurs du Printemps;
Je la veux espouser, elle charme mes sens. {p. 35}
S’il vous faut des rubans belle Galanterie,
620 Je puis seul enrichir vostre robe jolie.
Ne vaudrois-je pas bien un pacquet de ruban ?
Courrez si vous voulez de la Scene au Liban;
Vous ne treuverez point mon pareil sur la terre,
Quant aux Dames mon oeil veut declarer la guerre;
625 Par où Trapolin passe on entend que rumeurs,
On oüit dire par tout  gare, gare les cœurs.

GALANTERIE.

Avec moy vous aurez liberté toute entière :
Ouy, chacun avec moy peut vivre à sa maniere.

TRAPOLIN.

Ah ! cette fille est brave fille,
630 Elle m’a fort bien répondu,
Elle est courtoise, elle est gentille,
C’est un aimable individu;
Elle est souple comme une aiguille,
Elle a l’œil doux et bien fendu,
635 Elle fait des vers a la cheville,
Elle hait fort le temps perdu,
Elle travaille de l’aiguille,
En elle rien n’est confondu,
Car elle n’est pas cette fille,
640 Son tempérament morfondu,
Bref cette fille est brave fille,
Car elle m’a bien répondu.

GALANTERIE.

Je réponds assez juste, et je suis assez prompte;
Qui ne la voudroit pas en auroit de la honte.
645 J’ay du feu, j’ay du fast, et mon sort fortuné
Vient d’avoir un esprit bien doux et bien tourné.
Il me faut des bijoux, et je suis magnifique,
Du plus riche Marchand j’épuise la boutique. {p. 36}
J’ayme mieux retrancher ma table et m’ajuster,
650 Et mon mary jamais ne m’y doit contester :
Et pourveu que je sois, mon amy dans ma chambre
Pleine d’adorateurs dans l’eau d’ange et de l’ambre,
Je suis dedans mon Ciel, et les petits mortels,
Doivent s’humilier aux pieds de mes autels.

TRAPOLIN.

655 Vous estes fort gentille, et je vous treuve aimable;
Mais ne me parlez point de retrancher ma table;
Car j’aime vos attraits, j’estime vos apas,
Mais ils ont moins pour moy de pris qu’un bon repas.
Je vous baise les mains, belle galanterie;
660 Je suis incompatible avec vos humeurs.

PHILOSOPHIE.

Devenez mon Amant, contez-moy des douceurs.

POESIE.

Illustre Trapolin, heros incomparable.

GALANTERIE.

Mon beau petit mignon, galand le plus aimable.

TRAPOLIN.

De vos doctes apas me voila degousté :
665 Par vous mon apetit seroit inquieté;
Et puis ma Poesie, il faut demeurer fille,
Afin que vos beaux vers demeurent sans cheville.
Si j’estois vostre espoux, vos doctes alliez,
Verroient tout aussi-tost vos beaux vers chevillez,
670 Et ne voyez-vous pas que les Muses sont filles,
Quoy qu’elles ayent esprit, et qu’elles soient gentilles;
Si je vous espousois, abordant vos apas,
Vostre Pagase* et vous me jetteriez à bas.

POESIE.

Les Muses de Paris ne sont pas toutes filles,
675 Et leurs vers toutefois se treuvent sans chevilles; {p. D-37}
Et si lors qu’elles vont voir le sacré vallon,
Chacune sçait fort bien trouver son Apollon.

TRAPOLIN.

Et l’Apollon avec emphase
Monte la Muse sur Pegase*
680 Ma foy fille qui fait des vers
Est sujette à cheoir à l’envers*.

POESIE.

Ma foy garçon qui n’en fait pas,
Est sujet à porter le bas.

PHILOSOPHIE.

Aimez nous.

POESIE.

Suivez-nous.

GALANTERIE.

Quittez l’indifférence.

TRAPOLIN.

685 Mais serois-je infidelle à ma chere ignorance ?
Dés le berceau je suis charmé de sa beauté,
Avec elle je dors sans estre inquieté;
Mais la voicy qui vient, que je la treuve aimable !

SCENE VII. §

IGNORANCE, TRAPOLIN,
PHILOSOPHIE, POESIE.

IGNORANCE.

Quoy ? traistre déloyal, perfide, ingrat, coupable,
690 Les sciences t’ont pris lors que je n’y suis pas,
Voy, voy, comme Agripa parle de leurs apas, [ 38]
Et de leurs vanitez elles ont eu sa vie;
Et pourtant sans cesser il les avoit servie
Et vous belle friquette*, et vous beaux yeux fripons,
695 Et vous qui nous monstrez ces beaux petits testons*,
Ces deux globes de laicts, dites-moy, je vous prie,
Par eux doit-on apprendre icy l’astrologie ?
Petite pingrenon, Trapolin est à moy,
Et vous ne l’aurez pas, non da, non par ma foy;
700 Jour de Dieu, je le sçay, vous m’estes ennemie,
Mais perdant Trapolin, je veux perdre la vie.

PHILOSOPHIE.

Vous l’avez fort long-temps emporté dessus nous,
Mais ce siecle est illustre, et nous sera plus doux.

TRAPOLIN.

Ah ! ma chere Ignorance.

POESIE.

Ah ! douceur sans seconde !
705 Si tu peux la prenant en purger tout le monde,
Je serois opulente, et dans fort peu de temps.

SCENE VIII. §

LE DOCTEUR, PHILOSOPHIE,
IGNORANCE, POESIE,
GALANTERIE, TRAPOLIN.

LE DOCTEUR

ET bien captivez-vous ce Phoenix des amans ?
Et le marirons-nous ? {p. 39}

PHILOSOPHIE.

Ouy.

LE DOCTEVR.

De plaisir j’en dance.

PHILOSOPHIE.

Ouy, mais il nous méprise, et choisit l’Ignorance.

LE DOCTEVR.

710 Il choisit l’Ignorance ! et comment gros vilain,
Tu choisis le terrestre, et quitte le divin ?
Et toy, laide effrontée, as-tu bien l’insolence,
De me nuire sans cesse, effroyable Ignorance ?
Mes filles demeurer* pour toy qui ne vaut rien !
715 Seray-je tousjours gueux, auras-tu tout le bien ?
Coupe donc l’esprit et ta gauche;
Il faut que Socrates t’embroche,
Que Platon comme un pré te fauche,
Qu’Épicure te mette à bas,
720 Que Bias te coupe les bras,
Que Solon t’envoye au trépas;
Que Plutarque t’aneantisse,
Que Cloton ta trame t’ourdisse,
Ou que la parque la finisse,
725 Que Ciceron rive ton bec,
Que l’on ne te parle qu’en grec;
Que ton humide soit à sec.
Et moy Docteur, je te souhaitte
Que quelque maligne filette*
Car je trouve selon mon sens;
Sans que tu fasses des enfans,
Que la terre a trop d’ignorans.

POESIE.

Je te vais faire faire, au lieu d’epitalame,
735 De satyriques vers, et quelque écrit infame. [ 40 D ij]

PHILOSOPHIE.

Et moy je vais monter dessus mes grands chevaux
Et te mettre vilain, dans le rang des brutaux.

GALANTERIE

Et moy qui sçay punir tous les sots de ta sorte,
Aux Bals je te feray tousjours fermer la porte;
740 Les laquais par mon ordre iront te nazarder.
Mes cousines allons, c’est icy trop tarder,
Et voyons sans regret mépriser la science :
Un ignorant ne peut aimer que l’Ignorance.

IGNORANCE.

Avec vos beaux discours et voste esprit divin,
745 Allez vous faire faire un autre Trapolin !
Allons, vient m’épouser, et chery ta mignonne,
Et sçache qu’en ménage Ignorance est fort bonne :
Elle fait le repos et l’honneur des maris,
Et science au contraire, embroüille leurs esprits
750 Et leur fait bien souvent leur sotise connoistre,
Qu’il vaudroit mieux pour eux ne voir jamais paroistre.

TRAPOLIN

Tu seras donc mon faict, puis qu’il faut ignorer.

IGNORANCE.

Par moy de mille maux tu te pouras parer;
Allons mon gros poupon !

TRAPOLIN

Allons mon Ignorance !
755 Beuvons, joüons, dansons, et laissons la science !
Allons nous en dormir et manger à foison.
Le plus grand ennemy de l’homme est la raison.

FIN.

Lexique §

(Trésors de la Langue Française)

Génie
Personne donc l’influence est déterminante
V. 22
Répugner
Être contraire aux goûts de quelqu’un
V. 31
Plus de licence
Liberté, possibilité de faire quelque chose
V. 37
Inepties
Propos dénué d’intelligence
V. 41
Faceties
Caractère comique d’une chose.
V. 42
Tondroient sur un œuf
Être pingre.
V. 43
Teston
Monnaie d’argent frappée à l’effigie d’un monarque.
V. 65, 67, 695
Piastre
Monnaie de divers pays.
V. 65
Escus
Bouclier d’or ou monnaie d’or créée sous le règne de Saint Louis.
V. 72
Chopine
Mesure de capacité d’une demi-pinte ou le contenu d’une bouteille d’un demi-litre.
V. 74
Escrots
Passe-volants, filous, homme malhonnête qui trompe ou vole
V. 79, 88
Pourveans
Faux soldat que les officiers présentaient frauduleusement comme faisant partie des effectifs pour s’approprier sa solde.
V. 88
Tirer la brette
Longue épée d’origine bretonne utilisée dans les duels.
V. 90
Faire les patineurs
Celui qui patine manie indiscrètement, « attouche » avec trop de liberté.
V. 98
Point de gesne
Dentelle à aiguille, tourment au figuré ou supplice au propre.
V. 109
Tendron
Chose tendre ou très jeunes filles qui séduisent les hommes par leur âge, elles sont des proies faciles.
Giron
Lourdaud
Maladroit, manque de grâce ou de finesse.
V. 278
Marjolet
Homme qui fait le galant ou mot pour désigner de manière péjorative une vierge.
V. 359
Guenuche
Petite femme très laide ou de mauvaises mœurs. Cela se rapproche de « greluche ».
V. 343, 447
Vetille
Évènement de peu d’importance.
V. 452
Galimatias
Discours confus qui semble dire quelque chose mais qui ne signifie rien.
V. 497
Carme
Religieux qui appartient aux Carmes, c’est aussi un mot pour désigner l’argent ou la monnaie, c’est aussi une composition en vers, ou un vocabulaire des dés.
V. 502
Tison
Partie non encore consumée d’un morceau de bois ou foyer de la cheminée. C’est aussi un mètre irrégulier.
V. 520
Déssiller
Séparer les paupières jointes.
V. 521
Axiome
Vérité générale qui s’impose à l’esprit par son évidence même.
V. 557
Pegase
Symbole de la créativité littéraire et de l’inspiration poétique. C’est faire des vers, un langage poëtique.
V. 679
Cheoir à l’envers
Être entrainé par son poids à l’envers.
V. 681
Friquette
Petit moineau vivace.
V. 694
Noüer l’éguillette
Fermer la braguette.
V. 730

Bibliographie §

Oeuvres de Dorimond §

Dorimond aurait écrit sept pièces en vers, qui en dehors du festin de pierre, auraient été composées en une seule année (1661). Sa carrière dramatique fut donc courte, il n’aura écrit que pour le théâtre de Mademoiselle.

1) Le festin de Pierre ou le fils criminel, tragi-comédie en cinq actes, en vers, dédiée au duc de Roquelaure. Lyon, chez Antoine Offray, 1659. Avec consentement du roi, à Lyon, 11 janvier 1659
2) La femme industrieuse, comédie en un acte, en vers, dédiée à M. D'Anglure. Chez Jean Ribou, 1661. Privilège du roi, 26 mars 1661
3) L'amant de sa femme, comédie en un acte, en vers, dédiée au comte de Bury, avec un épître en vers à la comtesse de Bury. Chez Gabriel Quinet, 1661. Privilège du roi, 26 mars 1661.
4) La comédie de la comédie et les amours de Trapolin, en un acte, en vers, dédiée à M. De Vaisse. Chez Gabriel Quinet, 1662. Privilège du roi, 26 mars 1661. Achevé d’imprimer le 22 janvier 1661.
5) La Roselie, ou le Dom Guillot, comédie en cinq actes, en vers, dédiée à Mademoiselle, précédée d’un sonnet à mademoiselle, chez jean Ribou, 1661. Privilège du roi, 12 avril 1661. Achevé d’imprimer le 23 août 1661.
6) L'école des cocus ou la précaution inutile, comédie en un acte, en vers, dédiée à M. De Santigny. Chez Gabriel Quinet, 1661. Privilège du roi, 12 avril 1661.
7) L'inconstance punie, comédie en un acte, en vers, dédiée au marquis de Vauvant, avec un sonnet a Mme de la Basiniere. Chez Jean Ribou, 1661. Privilège du roi, sans date. Achevé d’imprimer le 22 avril 1661.

Oeuvres du XVIIe §

GOUGENOT, Comédie des comédiens, Paris, Pierre David, 1633, in-8
SCUDÉRY, Comédie des comédiens, Paris, Augustin Courbe, 1635, in-8
Quinault, Le théâtre de Monsieur Quinault, Paris, La compagnie des Libraires, 1739, 5 vol. in-12.
ROTROU Jean, Oeuvres, éd. Viollet-le-Duc, Paris, Desoer, 1820, in-12, 5 vol.
Mr BROSSE, Les songes des hommes éveillés, Paris, chez la veuve de Nicolas de Sercy Imprimeur, 1646
CORNEILLE Pierre, L'illusion comique, Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2006
FOURNEL Victor, Petites comédies rares et curieuses du XVIIe siècle, 1884, I, 13-39
DORIMOND, Le festin de Pierre avant Molière, Préface de G. Gendarme de Bevotte, Paris, Librairie Nizet, 1988
SCUDÉRY, George, Autres œuvres, Texte ed, ann et prés, par Rosa Galli Pellegrini, 1990, Shena-Nizet.
Artamène ou le grand Cyrus, Scudéry, Claude Bourqui et Alexandre Gefen (éd.), GF Flammarion, 2005.

Oeuvres étrangères §

Trapolyn, kluchtspel uit het Fransch gevolgd door E. V. Hoeven. Les Amours de Trapolin, Dorimond, d’erf. van J. Lescailje, 1688
LANCASTER Henry Carrington, A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1929-1942 (5 part. en 9 vol.)
BOURQUI, La commedia dell’arte, Paris, Sedes, 1999.
PANDOLFI Vito, La commedia dell’arte, storia, e testi, Firenze, Sansoni, 1959.
Il segreto della commedia dell’arte. La memoria delle compagnie teatrali del XVI, XVII e XVIII secolo, Firenze, La casa Usher, 1982.
THOR PIANFETTI Alice, The teatre of Nicolas Drouin, dit Dorimon, a contemporary of Molière, Philosophical Library, 1977.
PARFAICT, François, Histoire de l’ancien théâtre Italien en France depuis son origine jusqu’à sa suppression en l’année 1697, à Paris, chez Lambert, 1753

Texte sur le théâtre français §

AUBIGNAC, François Hedelin, (abbé d’), La pratique du théâtre, par Pierre Martino, Paris, Champion, 1927 (cf. les pages 25-28, 38-49), l’édition originale est de 1657.
ATTINGER, Gustave, L’esprit de la Commedia dell’Arte dans le théâtre français, Paris, Librairie Théâtrale, 1950.
MIC, C, La commedia dell’arte, Paris, 1927.
FORESTIER Georges, Le Théâtre dans le théâtre sur la scène française du XVIIe siècle, Genève, Droz, 1981 – rééd., coll. « Titres courants », 1996.
FORESTIER, George, Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) : le déguisement et ses avatars, Genève, Droz, 1981.
BARY René, La fine philosophie accommodée à l’intelligence des dames, 1660.
G. HODGSON Richard, La femme au XVIIème siècle, Gunter Narr verlag Tübingen, 2002.
REYNIER Gustave, La femme au XVIIème siècle, ses ennemis et ses defenseurs, Paris, ed. J. Tallandier, 1929.
ROYÉ Jocelyn, La figure du pédant de Montaigne à Molière, Genève, Librairie Droz, 2008.
FORESTIER George, Le théâtre dans le théâtre sur la scène française du XVIIème siècle, Genève, Droz, 1981.
BERTRAND Dominique, Lire le théâtre classique, Paris, Collection Lettres supérieures, 2005.
GARAPON Robert, La fantaisie verbale et le comique dans le théâtre français du Moyen âge à la fin du XVIIème siècle.
UBERSFELD Anne, Lire le théâtre, Paris, Éditions Sociales, 1977.
VOLTZ, Pierre, La Comédie, Paris, Armand Colin, 1964.
CHAPELAIN, Jean, Lettres sur l’art dramatique, 1630.
GUICHEMERRE Roger, La Comédie avant Molière 1640-1660, Paris, Armand Colin, 1972.
SCHERER Jacques, La dramaturgie classique en France, Paris, Nizet, 1950.
CHAPPUZEAU Samuel, Le théâtre Français (1674), Paris, éd. George Monval, Jules Bonnassies, 1876.
Projet pour le rétablissement du théâtre François, de l’abbé d’Aubignac.
SCHERER Jacques, Introduction, Théâtre du XVIIe siècle, Paris, Gallimard, 1975, p. XXI.
SCHERER Jacques, La Dramaturgie classique en France, Nizet, s.d. [1950]

Textes sur les comédiens §

MONGRÉDIEN George, Les comédiens français du XVIIe siècle, Paris, Éditions du CNRS, 1981.
MONGRÉDIEN George, La vie quotidienne des comédiens au temps de Molière, Hachette.
CHARDON Henri, La troupe du roman comique dévoilée et les comédiens de Campagne au XVIIe siècle, Le Mans, E. Monnoyer, 1876.
CHARDON Henri, Nouveaux documents sur les comédiens de campagne et la vie de Molière, Paris, Picard, 1888

Ouvrages sur Molière §

œuvres complètes de Molière, dirigées par George Forestier, NRFI, Gallimard, 2010.
John Cairncross, L’Humanité de Molière, Librairie Nizet, Paris, 1988.
Guichemerre, La comédie avant Molière, Paris, Colin, 1972, p. 393.

Ouvrages sur les influences étrangères §

L’âge d’or de l’influence espagnole, acte du 20e colloque du CMRA, Bordeaux (25-28 janvier 1990), Mont de Marsan, Éd. Interuniversitaires, 1991.
MARRAST Robert, Théâtre espagnol du XVIIe, Introduction générale de Jean Canavaggio, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1998.
GUTTIEREZ Asensio, La France et les français dans la littérature espagnole, Saint-Étienne, Publications de l’université, 1977.
MOREL-FATIO Alfred, La « comedia » espagnole du XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2e éd. revue, 1923 (1re éd. 1885).
MARTINENCHE Emile, La Comedia espagnole en France de Hardy à Racine, Paris, Hachette, 1900.
MARTINET, Marie-Madeleine, Le Miroir de l’Esprit dans le Théâtre Élisabéthain, Paris, Publications de la Sorbonne, Didier Érudition, Collection Études Anglaises 79, 1981.

Ouvrages sur le contexte §

DOTOLI Giovanni, Littérature et société en France au XVIIème siècle, 1987 ; 1991, deuxième ed. rev. et corr. Schena Nizet.
BLUCHE François (dir.), Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, Fayard, 1990.
A.M.L de Montpensier, Mémoire de Mademoiselle de Montpensier, fille de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, Roi de France, éd. Maestricht, 1776, t. II, p. 348.
La magnifique histoire du Jeu de Paume, Luze, Bordeaux, 1933
CARRUTHERS Leo, Reading Everyman, Atlande, Neuilly, 2008.

Outils critiques §

Dictionnaires §

Mongrédien, Dictionnaire biographique : les comédiens français du XVIIe siècle.
FURETIERE Antoine, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et les arts, La Haye et Rotterdam, Arnoult et Reinier Leers ; rééd. Paris, SNL-Le Robert, 1978 (3 vol.).
HUGUET E., Dictionnaire de la langue française du XVIe siècle, Paris, Champion (puis Didier), 1925-1967 (7 vol.).
REY Alain (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1992.
RICHELET P., Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise... avec les termes les plus connus des arts et des sciences, Genève, J.-H. Widerhold, 1680 (2 vol.).
TREVOUX, Dictionnaire universel françois et latin, vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, Paris, La compagnie des libraires associés, 1771.

Articles §

œuvres et critiques : Revue internationale d’étude de la réception critique des œuvres littéraires de la langue française, VI, 1, été 1981, « Visages de Molière », Francis L. Lawrence, édition. J-M Place, 1981, p. 111-124.
Fournel V., « La comédie avant Molière », Le correspondant, 1888.
Fournel V., « Les types de l’ancienne comédie », Revue d’art dramatique, 1888.
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