Par Monsieur GILBERT, Secretaire des Commandemens de la Reine de Suede, et son Resident en France.
Chez GUILLAUME DE LUYNE, Libraire Juré, au Palais, dans la Gallerie des Merciers, à la Justice. M. DC. LX. AVEC PRIVILEGE DU ROY.
Édition critique établie par Paloma Gressien dans le cadre d'un mémoire de maîtrise sous la direction de Georges Forestier (2017-2018)
Présentation §
Les rares écrits consacrés à Gabriel Gilbert le présentent comme un dramaturge oublié de la littérature. Contemporain de Racine, Corneille ou encore Molière, notre auteur a pourtant remporté de francs succès sur les plus grandes scènes parisiennes. Ses pièces cristallisent les enjeux de la tragédie classique autant qu’elles les questionnent. On y retrouve l’esprit littéraire et mondain de l’époque. Nous veillerons donc à sortir Gilbert des limbes mémorielles en faisant briller de nouveau, le temps de cette édition, les lumières de la renommée théâtrale.
Gabriel Gilbert est en effet l’auteur de treize pièces imprimées et de nombreuses œuvres en vers ou en prose qui ne le rangent pourtant que dans la catégorie des minores. La notoriété qu’il a acquise en son temps est pourtant tout à fait remarquable et ses différentes positions diplomatiques auraient pu lui donner une visibilité autre. Cela ne l’empêchera pas pour autant de finir sa vie reclus dans le dénuement.
On retient de lui des sujets heureux, mais une versification plutôt inconstante. Son intuition n’aura pas suffi à lui attirer la bienveillance des critiques. Cela tient certainement en son siècle à la disruption que peuvent offrir ses pièces. Les normes classiques régulières ne sont pas encore formées à la réception de ce mouvement galant naissant.
L’analyse d’Arie et Petus que nous proposons a pour ambition de révéler les constantes génétiques de la dramaturgie de Gabriel Gilbert. Elle accomplit ce que les premières pièces de notre auteur laissaient présager et présente une esthétique galante accomplie et novatrice. Nous tenterons pour cela de mettre en lumière les procédés d’écriture sous-jacents à notre pièce dans un contexte historique, social et littéraire. Il nous a semblé essentiel de rendre à Gilbert sa place dans le paysage tragique, et de rappeler l’influence qu’il a pu avoir sur des œuvres consacrées, notamment Britannicus de Racine.
Biographie §
Gabriel Gilbert, ou l’Inconnu oublié. §
En 1931 Eleanor J. Pellet ouvrait sa thèse1 sur Gabriel Gilbert par une remarque ironique :
Gabriel Gilbert is all but unknown today. He is so entirely forgotten that his name is without significance save to a very restricted group2.
Elle soulignait ainsi que malgré une œuvre conséquente, le dramaturge ne semble pas avoir marqué les esprits et les études littéraires qui le mentionnent sont souvent marginales. Sa thèse se proposait donc de rassembler les rares informations dont nous disposons sur la vie de l’auteur pour rendre un juste hommage à sa contribution autant littéraire que mondaine. La vie de Gabriel Gilbert sinue entre les périodes de faste et celles de retrait de la vie littéraire et sociale. Nous tentons ici d’en recomposer les événements d’après les écrits de Eleanor. J Pellet et les sources historiques à notre disposition.
Une ombre sans dates : naissance et mort présumées §
Gabriel Gilbert fait partie des noms de la littérature du XVIIe siècle qui n’ont aujourd’hui qu’une renommée très fragile. Il compte pourtant de grands succès dans les années 1640 à 1670. Ainsi, il est mentionné en tête de la liste établie par Lanson3 des « principaux auteurs de cette période peu étudiés ». On peut également retrouver une des rares références à Gabriel Gilbert dans l’Histoire de la littérature française illustrée de Bédier et Hazard4. Ses dates de naissance et de mort sont par ailleurs incertaines et la première occurrence datée que nous ayons est une lettre de juillet 1640 de Chapelain à Conrart, dans laquelle on peut lire : « Monsieur Gilbert eust bien souhaitté aussy que vous eussiés assisté à la représentation de sa Marguerite françoise… » 5. Il s’agit de la première représentation le 4 juillet de sa tragi-comédie qui l’introduit au public parisien. Gilbert n’apparaît sur aucun registre de naissance auquel nous ayons accès, il est donc compliqué d’affirmer avec certitude la date exacte de sa venue au monde. Eleanor J. Pellet déduit à partir de l’épître de L’Art de plaire des dames, dont le privilège date de mars 1654, que Gilbert aurait eu une vingtaine d’années en 1640. Gilbert s’y décrit en effet comme « jeune », alors qu’il aurait déjà quarantaine d’années. En outre, elle examine Marguerite de France comme une œuvre de jeunesse inexpérimentée et en conclut que Gilbert ne devait pas être âgé de plus d’une vingtaine d’années lors de sa création. En ce qui concerne la mort de Gabriel Gilbert, elle se dessine avec davantage de précision. En effet, la dernière œuvre de notre dramaturge, Les psaumes en vers français est datée de 1680, son premier permis d’imprimer du 26 mai, et l’attestation du 24. Cependant, Gilbert y a apporté des corrections, d’où l’attestation du 23 juillet et le second permis d’imprimer du 25. Or, l’attestation du 23 juillet fait mention de l’auteur comme « feu M. Gilbert », ce qui laisse présager qu’il est décédé entre le 24 mai et le 23 juillet de l’année 1680.
Une éducation discrète mais savante §
Le Dictionnaire de Biographie française6 considère que la famille de Gilbert était de confession protestante. Les preuves à ce sujet ne sont pas officielles, puisque Eleanor J. Pellet explique que le nom de Gilbert, bien que commun en France, ne lui a pas permis de remonter jusqu’à une famille en particulier. Le nom de Gabriel Gilbert est associé au registre des officiers de Toulouse au XVIe siècle et cela amène Eleanor. J. Pellet à déduire un lien avec un trésorier receveur ordinaire du domaine du Roi en la sénéchaussée de Carcassonne, chef-lieu du protestantisme. Pourtant aucune preuve formelle n’existe et ce ne sont que des conjectures. Un Guillaume Gilbert se voit accorder le titre de secrétaire du Duc de Guise dans un registre du 11 juin 1617, ainsi qu’à un Claude Gilbert le 5 décembre 1615 et le 19 avril 1618. On pourrait y voir une explication satisfaisante aux relations mondaines et politiques qu’a pu tisser Gabriel Gilbert à son entrée dans la carrière des lettres. En effet, cela aurait facilité son introduction dans le cercle de la Reine de Suède. Le Duc de Guise est envoyé par la Reine régente comme représentant auprès de Christine en 1656 à son arrivée en France. Il semblerait en outre qu’une lecture d’une « comédie » de Gilbert ait été donnée dans le salon du Duc de Guise, tel que le décrit Ménage7.
Un article de La France protestante8 mentionne Gilbert, et Phérotée de La Croix9 le qualifie de « calviniste ». En outre, Beauchamps confirmerait qu’il est « de la religion protestante »10, tandis que Goujet précise « de la religion prétendument réformée »11. De même, il paraît quasiment certain que Gilbert soit né à Paris12. Mais s’il est évident que Gilbert a reçu une éducation tout à fait remarquable pour l’époque, il demeure difficile d’établir où il a étudié. Ménard13 fait allusion aux traductions brillantes d’Euripide par Gilbert, ce qui en fait un connaisseur fin du grec, mais également de l’hébreu, ce qui est attesté par la préface des Cinquante Psaumes qui est une traduction personnelle de Gabriel Gilbert. Il semblerait qu’il ait également eu des compétences en italien, puisque certaines de ses pièces trouvent leur source dans des écrits italiens qui ne connaissent pas encore de traduction.
Patronages et protections féminines §
Marguerite de France, publiée en 1641 est dédiée à la duchesse d’Aiguillon, nièce de Richelieu, tout comme le sera Téléphonte l’année suivante. Les épîtres sont signées « G.G », et celle de Téléphonte souligne que la pièce a été honorée d’une représentation à la demande de la duchesse. En 1643 l’Ode à Anne d’Autriche fait l’éloge de la régente. Quant à L’épître de Rodogune, en 1646, elle est signée « Gilbert », première apparition du nom complet de l’auteur qui se substitue aux simples initiales, et est cette fois dédiée au duc d’Orléans. La même année, Gilbert signe également l’épître d’Hypolite de son nom et dédie son œuvre à la duchesse de Sully.
Le dramaturge fut vraisemblablement secrétaire de la Duchesse de Rohan, comme le laisse entendre la dédicace à cette dernière dans sa tragédie de 1647, Sémiramis : « on sçavoit que j’avois l’honneur d’estre à vostre service ». C’est également ce que laisse entendre son épitaphe pour Tancrède de Rohan, le fils de la duchesse qui fut tué à Vincennes lors de la Fronde14. Ce dernier perdit le droit d’usage de son nom de famille par un décret du Parlement du 6 février 1646, ce à quoi Gilbert répondra par ces vers, en soutien à la Duchesse15 :
Rohan qui combattit pour délivrer la France,Est mort dans la captivité :Son nom lui fut à tort, en vivant, disputé ;Mais son illustre mort a prouvé sa naissance.Il est mort glorieux pour la cause d’autrui ;C’est pour le Parlement qu’il entra dans la lice :Il a tout fait pour la Justice,Et la Justice rien pour lui.
Nous devons noter au passage que la grande famille de Rohan étant protestante, cela renforce l’idée selon laquelle Gilbert ait lui aussi partagé cette confession.
C’est sans doute en 1656 qu’il entra au service de la Reine Christine de Suède. Une lettre de Leissens à Mazarin confirme cette date, puisqu’au jour du 31 juillet 1656 on peut y lire : « Le Sr Gilbert secrétaire de sa Majesté m’a tesmoigné qu’il souhaiteroit fort pouvoir voir V.E. avant que la Reine la vît ».
Dès lors, il devient difficile de retracer le parcours exact de Gilbert et nous disposons pour l’époque de peu de traces de ses activités. Ce qui est d’autant plus regrettable puisqu’il s’agit d’une période charnière pour la vie politique et mondaine de Gilbert. En effet à l’époque « être appelé à la cour de Suède devenait le rêve de chaque poète français : Ménage, Scudéry, G. Gilbert, U. Chevreau, d’autres encore rimaient à qui mieux mieux en l’honneur de Christine »16. Les circonstances de leur rencontre ne nous sont pas connues, et il est peu probable que Gilbert ait servi la Reine en Suède. En effet il n’est nulle part fait mention dans la biographie de Christine par Arckenholtz17 d’une quelconque venue de Gilbert en Suède. Il écrit cependant : « Gilbert devint son résident en France, où il l’étoit encore en 1657 » et « Le Sr Gilbert étoit résident de Christine auprès de la Cour de France à son arrivée à Paris ». Il semble donc que Gilbert ait d’abord été le résident de la Reine puis son secrétaire. Goujet18 écrit ainsi « Il était attaché à la Reine de Suède, lorsqu’il donna en 1655 L’Art de plaire, qu’il dédia à cette Reine ». Arckenholtz fait mention d’une traduction anglaise de L’Art de plaire en en ces termes : « Le traducteur présume que l’Auteur de cette histoire a été autrefois au service du Marquis de Lavardin Ambassadeur de France à Rome, et ensuite à celui de Christine ». En outre un sonnet, Sur l’affection que sa majesté porte aux Muses écrit par un certain Sr G., fut donné pour la Cérémonie de la réception de Christine de Suède à Paris19 qui commence ainsi :
Etrange changement des fortunes du mondeApollon tout en feu passe aux glaces du Nord.
Il semble que Gilbert suivit ensuite Christine en Italie lorsqu’elle quitta la cour le 23 septembre 1656. Christine traversa le Mont Cenis le 13 octobre, et arriva à Turin le 16. Une lettre de la Reine à la Comtesse espagnole Ebba Sparre20 contient un madrigal de Gilbert. Elle y indique résider à Pesaro, ville proche de Fano, qui sert de décor à la pièce Le Courtisan parfait. Le représentant d’Azzolino, Lescaris, a eu le privilège d’une lecture d’une comédie française narrant l’amour de Diane et d’Endymion, vraisemblablement celle de Gilbert.
Gilbert serait revenu en France en 1657 pour des questions diplomatiques. 21La Reine effectua une pause à Lyon et en octobre, elle fut autorisée à venir jusqu’à Fontainebleau. Monaldeschi s’y fait assassiner le 10 novembre 1657. Eleanor J. Pellet regrette que nous n’ayons aucune information sur la façon dont Gilbert a vécu cet événement, ou s’il y a assisté.
Ménage nous renseigne sur les déambulations de Gilbert, il raconte que :
Les poëtes …ne sont pas naturellement fort hardis. M. Gilbert vouloit aller en Angleterre voir M. de Croissy qui y étoit alors notre Ambassadeur. Il fut un mois à Calais, ne trouvant jamais la mer assez calme pour hazarder le trajet. Tous les soirs il comptoit avec son hôte, mais dès qu’il étoit prêt à s’embarquer la crainte le prenoit, et il s’en retournoit à l’Auberge.
Mais il n’est pas clair que ce déplacement survint à cette période. Le biographe suédois de la Reine mentionne également un secrétaire parti en Angleterre avec « son Gentilhomme de chambre qui étoit fort aimé à Londres », mais rien n’indique explicitement qu’il s’agit de Gilbert. Lorsque Christine rejoint la Suède en 1660 Gilbert ne l’accompagne pas. Comme on peut le lire dans un madrigal de ses Poésies diverses, il aurait servi la Reine pendant six années :
En servant cette Reyne égale aux Amazones
Je n’auray pas perdu six ans :
Car qui sçait donner des Couronnes,
Sçait faire d’autres presens.
En 1663 apparaît encore sur la page de garde des Amours d’Ovide la mention de Résident, mais elle disparaît en 1664 pour la publication des Amours d’Angélique et de Médor. Il apparaît donc que Gilbert cesse d’être au service de la Reine lorsqu’elle rentre en Suède.
Une progression entre retrait et prolixité §
Plusieurs ruptures rythment la carrière littéraire de Gabriel Gilbert. Le poète et dramaturge garda en effet le silence durant de trois périodes. Six années prospères suivent la représentation de Marguerite de France, qui voient la création de quatre pièces de théâtre (tragi-comédies : Téléphonte (1642) /Rodogune (1646) ; tragédies : Hypolite ou le garçon insensible (1647) / Sémiramis (1647). Richelieu tenait Gilbert en haute estime et aurait même participé à la création de Téléphonte par quelques vers. Rodogune est jouée la même année que la pièce du même nom de Corneille, et la Phèdre de Racine s’inspire de l’Hypolite de Gilbert. Plusieurs pièces de Gilbert sont jouées par la troupe de Molière, et on peut donc constater qu’il participe activement à la vie littéraire, évoluant parmi les plus grands que nous retenons aujourd’hui. En 1643 paraît une Ode à la Reine, dédicacée à Anne d’Autriche qui serait un des derniers écrits de cette période de faste. En effet, après ces années Gilbert entre dans un silence qui selon Eleanor J. Pellet durera jusqu’en 1657 avec la création de la tragédie Les Amours de Diane et d’Endimion. Ces années de silence correspondent à la Fronde qui oppose le gouvernement de Mazarin aux parlementaires puis aux Princes menés par Condé, sous la régence d’Anne d’Autriche. Gilbert s’était rapproché des figures de proue de la littérature et avait obtenu la confiance du Cardinal Mazarin.
Lorsqu’il sort de son silence, il reprend son goût pour le théâtre mais publie également en 1650 le Panégyrique des Dames, œuvre en prose. Les Vers liminaires aussi connus sous le titre A M. Beys sur ses Poésies sont écrits en 1652 et en 1655 L’Art de plaire inspiré de l’œuvre d’Ovide voit le jour. C’est dans les années 1657-1670 que la carrière littéraire de Gabriel Gilbert connaît son apogée. Trois tragédies sont représentées : Arie et Petus, en 1659 ; Les Amours d’Angélique et de Médor, en 1664 et Le courtisan parfait, en 1668. Une tragi-comédie également en 1659, Chresphonte ou le retour des Héraclides dans le Péloponnèse ; une comédie, en 1667, Les Intrigues amoureuses, et une pastorale héroïque, Les Amours d’Ovide en 1663. En outre, plusieurs pièces ne sont pas publiées, ou non retrouvées, comme Les Vraye et fausses prétieuses, dont la première a eu lieu au Petit Bourbon le 16 mai 1660. Le succès des Précieuses ridicules emplissait alors les théâtres ; mais manifestement la mode était désormais essoufflée puisque la pièce ne tint que neuf représentations. En juin et en juillet, une reprise des Amours de Diane et d’Endymion22 permit à Gilbert de demeurer à l’affiche du Petit-Bourbon. Le samedi 4 septembre, Gilbert voit son Huon de Bordeaux représenté devant la royauté et récolte les honneurs. L’année suivante, son Tyran d’Égypte fut joué en février, jusqu’à Mardi-Gras par la troupe de Molière. En juin, le Tyran fut joué lors de la première de L’Escolle des Maris. Après deux représentations, Huon remplaça le Tyran. Pourtant ces représentations ne sont pas suivies par des publications, ce qui indique un échec relatif.
Gilbert s’adonne aussi aux autres formes de poésie, comme pour les Vers liminaires de La Muse naissante du petit Beauchasteau23, l’Ode à son Eminence, en 1659, et les Poésies diverses en 1661. Mais après 1666 et la représentation du Courtisan parfait et celle des Intrigues amoureuses, Gilbert entre de nouveau dans une période retrait littéraire. Ce silence pourrait être dû à un rôle diplomatique de secrétaire, et sera prolongé jusqu’en 1671, sans raison évidente.
Gilbert, qui croupissait en prison pour dettes, est alors proposé pour remplacer Perrin24, qui venait d’introduire l’opéra en France. Il apparaît que le dramaturge avait déjà travaillé sur Les Peines et les plaisirs de l’Amour, livret d’un opéra réussi. Le rôle principal est tenu par la soprano Mademoiselle Brignolle, que la musique de Cambert25 enchante. C’est cet opéra qui permet à Gilbert d’accueillir une certaine renommée grâce à son succès. Selon Eleanor J. Pellet, c’est le monopole accordé à Lully par le Roi qui a cassé cet élan opératique pour notre dramaturge. Une nouvelle période de silence, de dix ans cette fois, suit ces événements, rompue par la parution des cinquante psaumes traduits par Gilbert en 1681. La Préface détaille l’entreprise de cette traduction comme une volonté de donner une version française à ces textes sacrés, facilitant ainsi une communion avec le Ciel pour les croyants.
Partir dans le silence du dénuement §
Gilbert finira sa vie dans la misère et sera recueilli par le contrôleur général des finances protestant Hervart, comme La Fontaine plus tard, et mourra en sa demeure. Gilbert a pourtant joui de riches amitiés, comme le marque le patronage du Roi à qui il dédie Les Amours d’Angélique et de Médor et les Poésies diverses, ainsi que celui du Duc d’Orléans, de Richelieu, de Colbert, de Mazarin, de Lionne et de Fouquet. De nombreuses femmes de haute naissance comme Christine de Suède ou la Duchesse de Sully et de Rohan mais aussi la Duchesse d’Aiguillon, la nièce de Richelieu, et la Grande Mademoiselle, Duchesse de Montpensier lui accordèrent leur protection.
Lectures et jugements : quelle postérité pour Gabriel Gilbert ? §
Les années 1657-1666 furent florissantes pour Gabriel Gilbert, ce qui justifie un certain étonnement devant le peu d’allusions qui lui sont réservées. Comme nous l’avons évoqué plus tôt, Loret le mentionne pourtant bien dans sa Notice sur Arie et Petus26 comme un « docte » à la « plume immortelle ». Considéré comme un « excélent […], Rare Ecrivain, Autheur expert » par Loret, il est aussi décrit comme un homme raffiné dont on recherche la présence mondaine. Robinet le qualifie également de « délicat »27 en évoquant la pièce d’Ero et Léandre dans une de ses lettres, opinion que partage Chapelain dans sa correspondance. On le retrouve de même dans Le dictionnaire des Pretieuses28 de Somaize sous le qualificatif de « bel esprit ». Gilbert connaît donc une période de succès, où il occupe une place importante de la production théâtrale ; ce que relèvent certains de ses contemporains. Mais nous allons voir que les discours sont partagés à son sujet et que sa réputation s’étiole au fil des siècles pour laisser place aux grands noms que nous connaissons aujourd’hui dans le paysage littéraire. Il faudra attendre le XXe siècle pour une étude approfondie qui rende justice à son œuvre. Il convient de rappeler qu’il évolue pourtant dans les mêmes cercles et sur les mêmes scènes que ces dramaturges et que ce silence moderne sur Gabriel Gilbert trahit un jugement rétrospectif et anachronique de la plupart des lecteurs. Il faut bien garder à l’esprit en effet que la comparaison entre Gabriel Gilbert et des dramaturges comme Racine ou Corneille est inconsistante si l’on se contente de les considérer à la lumière de leur postérité. Il faut reprendre les sources historiques et littéraires chronologiquement pour comprendre ce glissement dans la notoriété de Gilbert. Une certaine réalité nous apparaît alors : la gloire des grands auteurs s’est en partie érigée au détriment des plus petits, et si Gilbert a nourri un large pan du théâtre français, il n’en est que rarement remercié par ses successeurs.
Des contemporains de Gabriel Gilbert §
Bien que Gabriel Gilbert ait été une figure marquante du monde littéraire et mondain parisien au cours de la décade où sa production dramatique et poétique a été la plus prolixe, nous ne disposons que de peu de sources faisant mention de lui. Les quelques traits d’esprit qui lui sont adressés ou consacrés nous permettent cependant de dessiner les contours d’un portrait galant. Chapelain le mentionnait déjà dans sa lettre de juillet 1640 et ira jusqu’à avouer que Marguerite de France lui « tira des larmes en quelques endroits et [le] toucha presque partout ». Cet aveu semble bien complimenter une tragédie réussie et de plus à la mode galante ; compliment qui sera fait à la Bérénice de Racine dans des termes semblables. Gilbert se voit attribuer quelques qualificatifs regrettables. Robinet surnommait ainsi Gilbert « le délicat » alors que Chapelain reprend ces termes dans son Mémoire de quelques gens de lettre vivants en 166229 :
Gilbert est un esprit délicat, duquel on a des odes de petits poèmes et plusieurs pièces de théâtre pleines de bons vers ; ce qui l’avoit fait retenir par la Reine de Suède, pour secrétaire de ses commandemens.
A cette délicatesse est pourtant opposée une apparente froideur. Boursault dans La Satire des satires30 moque cette délicatesse qui est souvent attachée à la personne de Gilbert et s’amuse à faire de lui un poète malingre dont la fragilité serait non plus un trait poétique mais un défaut physique. Ainsi dans la scène 6 de sa Satire, il déclare surpris ne pas trouver de critique de Gilbert dans l’œuvre polémique et satirique de Boileau, ce qu’il s’empresse de corriger en proposant lui-même quelques vers acerbes où Gabriel Gilbert devient un « autheur galant » :
D’où vient qu’il [ici Boileau] ne dit rien de cet Auteur galantQui compose à la glace et qui rime en tremblant ?[…]C’est un Auteur galant …C’est G***.
Eleanor J. Pellet suppose qu’une amitié personnelle entre Gilbert et Boileau a pu inciter ce dernier à taire son opinion sur les œuvres de « l’auteur galant ».
On y lit également ces déclarations auxquelles Boursault semble prendre un plaisir de peu d’égard :
C’est un Autheur galant mais qui feroit scrupuleDe se lever sans feu pendant la caniculeC’est G***.
Ce qu’il complète encore ainsi :
Quelque chaleur qu’il fasse, il n’a jamais eu chaud,Apollon et G*** sont toujours mal ensembleQuand tout le monde brûle, on le trouve qui trembleUn de ses bons Amis que je vis hyer au soir,Me soûtint par deux fois, que l’estant allé voir,Il trouve son Laquais qui luy chaufoit DimancheL’épingle qui luy faut pour attacher sa manche.[…]Regardez que Gilbert s’il avoit ce défaut,Pour chauffer une épingle, en auroit bien plus chaud.[…]Nullement, mais à tort ton esprit se gendarme ;Que cela soit ou non, la figure m’en charme :Quand par fois à Gilbert le froid livre un assaut,Pour chauffer une épingle, il n’en a pas plus chaud,D'accord : mais notre Ami, sans t’échauffer le foye,Le plaisant de l’affaire, est que Gilbert le croye :Et qu’il ait prétendu se morfondre le bras,S'il osoit s’en servir, & ne la chauffer pas.
Le nom de Gilbert d’abord masqué est finalement découvert au fil de cette critique qui s’amuse de la simplicité d’esprit et de la frigidité de notre auteur.
Chapelain louait quant à lui les œuvres tout à fait respectables de Gabriel Gilbert mais émet quelques réserves à propos de son caractère car notre dramaturge n’aurait visiblement « pas une petite opinion de lui[-même]31 ». Il va même jusqu’à le décrire dans ses lettres comme « l’architecte téméraire et chimérique de tout ce faux édifice, ce bastisseur de chasteaux en Espagne32 ».
On retrouve en outre diverses mentions de Gilbert dans la Gazette à l’année 1662. En effet on y lit ces vers de Boursault toujours :
Encore un Autheur qui veut presqueQue je fasse aussi du BurlesqueEt qui croit que c’est mon Talent,C’est Gilbert, cet Esprit Galant33
À la date du 18 juillet Mayolas le cite dans une liste de « beaux esprits » :
Les Chapelains et les CorneillesQui produisent tant de merveilles,Les Scuderys et les Gombauds,Les Boyers, Gilberts et Quinauts
On peut ainsi constater que Gabriel Gilbert, s’il ne fait pas l’unanimité est pourtant salué comme un auteur majeur de la littérature française et occupe une place tout à fait prégnante dans le paysage mondain. Il est en effet mentionné dans de nombreux écrits, publiés ou personnels, et ses pièces ont alors une certaine notoriété.
Des critiques du XVIIIe siècle §
L’histoire littéraire du XVIIIe siècle retient de Gabriel Gilbert quelques traits généraux qui détonent de ceux étudiés pour le siècle précédent. L’Histoire du theatre françois, depuis son origine jusqu’à presen34 des frères Claude et François Parfaict demeure une des sources essentielles dans cette quête des impressions laissées par Gabriel Gilbert. On y retrouve effectivement une notice à la première pièce de Gilbert, Marguerite de France qui nous découvre que :
Les Pieces que cet Auteur donna au Théatre François ne sont pas bonnes ; mais à travers les défauts dont elles sont remplies, on y découvre de certaines situations heureuses, & dans toutes, une versification aisée. Ses comédies ont des endroits fort passables, & quelquefois sur un bon ton Comique.
Les Annales poétiques, depuis l’origine de la poésie françoise35 dédient un chapitre à Gilbert qui nous confirme sa naissance parisienne et ses différentes positions de secrétaire. Cela est résumé en une formule laconique : « il fut bien traité par les Grands, & mal par la fortune » complétée de quelques précisions :
Gilbert fut un Poète pauvre & un pauvre Poète. Il travailla pour le Théâtre ; il a fait seize Ouvrages dramatiques, qui sont complètement & très-justement oubliés. Il a publié d’autres morceaux de poésie d’une assez grande étendue ; mais on y trouve bien peu de détails supportables. Il n’a guère fourni à notre Recueil que quelques Stances, Madrigaux ou Epigrammes.
On lit dans La Revue des Deux Mondes36 en 1847 :
La Harpe trouve admirable ce vers prétentieux :On para mes chagrins de l’éclat des grandeurs,Parce qu’il est de Voltaire, et trouve ridicule ce beau vers :Fouetter d’un vers sanglant ces grands hommes d’un jourParce qu’il est de Gilbert.
Cela nous renseigne en premier lieu sur l’avis que portait La Harpe sur Gilbert mais aussi sur le point de vue de l’auteur de la revue sur Gilbert comme sur La Harpe. Cette focalisation multiple nous offre de manière inédite un commentaire sur le style de Gilbert. Ce dernier est bien souvent jugé bas et inconstant et est déprécié en faveur d’auteurs aujourd’hui plus renommés, et La Revue dénonce le ridicule infondé d’une telle comparaison, souvent biaisée. Cela n’empêche pourtant pas la revue de qualifier La Harpe de haute autorité littéraire en matière de jugement, puisqu’il y est qualifié d’arbiter elegantiarum37 rare.
On découvre en outre dans l’Histoire du Théâtre françois depuis son origine jusqu’à présent38 quelques commentaires fort dépréciatifs à propos des œuvres de Gilbert et de leurs composition générale. Ainsi sur Téléphonte, l’auteur s’exprime en ces mots :
En un mot, Gilbert, loin de profiter de son heureux choix (il parle ici du sujet de l’œuvre), n’en a composé qu’une très médiocre Tragédie. M. de la Chapelle traita depuis ce sujet sous le titre de Téléphonte. Mais sa Tragédie, qui sans doute est supérieure à celle de Gilbert, manqua encore par le languissant qui regnoit dans toute sa pièce, et par sa foible versification. M. de la Grange Chancel, avec plus d’art que Gilbert, et M. de la Chapelle, employa le même fond dans sa Tragédie d’Anasis, et mérita des applaudissements. […] Enfin le sujet de Téléphonte, barbouillé par Gilbert, manqué par La Chapelle, mieux rendu par La Grange, et toujours mal versifié par ces trois Poëtes, ce sujet, dis-je a été traité par M. de Voltaire […]. L’extrait suivant fera connoître la mal adresse de l’ami infidèle, et le peu de goût de Gilbert, losqu’il fut abandonné à son propre génie. (s’ensuit une citation de Téléphonte).
A propos de Téléphonte encore :
Voilà sans doute un beau sujet, et digne de la Scene Françoise, mais pour le traiter dignement, il falloit un génie d’une toute autre étendue que celui de Gilbert. Ce n’est pas qu’il n’y ait dans sa Tragédie de certaines beautés, mais qui ne constituent ni les caractères de ses personnages, ni les situations de sa Piece.
On lit plus loin encore à propos de Rodogune, dans une citation de la vie de M. Corneille par son neveu Fontenelle : « Le Public n’a que trop décidé entre ces deux Pieces, en oubliant parfaitement l’une ». Sur Rodogune toujours, on retrouve ce jugement :
Passons présentement au cinquième Acte de la Tragédie de Gilbert, qui n’a rien d’emprunté de celui de Corneille ; aussi est-il misérable du commencement à la fin.
On y lit également cette conclusion après une courte biographie :
Les pièces que cet Auteur donna au Théatre François ne sont pas bonnes, mais à travers les défauts dont elles sont remplies, on y découvre de certaines situations heureuses, et dans toutes, une versification aisée. Ses Comédies ont des endroits fort passables, et quelquefois sur un bon ton Comique.
Arie et Petus y est ainsi présentée :
C’est l’Histoire de ces deux époux qui se sont immolés eux-mêmes, pour ses soustraire qux violences de Néron, exposée ans beaucoup d’art. Jamais M. Gilbert n’a suivi si exactement un fait historique ; tant par rapport au plan de la Tragédie, qu’au caractère de ses personnages. On peut dire que cette exactitude est ici un défaut ; Néron et Sabine, dans la chaleur de leur dispute, ont peut-être laissé échapper des discours peu ménagés ; mais l’Autheur auroit du les faire s’exprimer plus noblement.
On ajoutera cette courte biographie cinglante, qui résume ce que le XVIIIe siècle retient de Gabriel Gilbert dans le Dictionnaire général des théâtres39 :
Né à Paris, mort en 1674. Fut secrétaire des commandements de Christine, reine de Suède, et son résident en France ; les occupations de cette place ne l’empêchèrent pas de produire une foule de pièces de théâtre, dont quelques-unes eurent du succès, mais qui sont presque toutes oubliées maintenant. Si Gilbert était heureux dans le choix de ses sujets, il n’avait pas le talent de les bien traiter. Ses tragédies sont remplies de défauts, à travers lesquels on découvre quelques situations heureuses ; quant à ses comédies, elles sont parfois d’un assez bon ton : il sait se renfermer dans les bornes de la nature, et éviter ces situations forcées qu’on reprochait à ses prédécesseurs.Gilbert avait un emploi lucratif ; ses ouvrages, qui eurent en leur tems une sorte de succès, durent aussi lui rapporter beaucoup ; cependant, il n’en devint pas plus riche, et il serait peut-être mort dans la misère, si Hervard, protecteur des gens de lettres, ne lui eût procuré son asyle.
On peut donc remarquer que le XVIII e siècle n’est pas particulièrement tendre envers notre dramaturge dont l’écriture est méprisée et qui ne se fait voir que comme un auteur de peu de qualité ; malgré quelques réussites théâtrales, surtout.
Des critiques du XIXe siècle et du XXe siècle §
Gilbert, écrivain très-estimable, a malheureusement été éclipsé par les poëtes dramatiques du premier ordre, qui ne dédaignèrent pas de l’imiter. La plupart de ses pièces méritent encore d’être lues. Celles in-4 ne portent pas son nom sur le titre ; celles in-12 le donnent, au contraire ; ce qui peut faire supposer qu’alors un auteur attendait souvent, pour se nommer, la consécration de son œuvre.
C’est ce que nous pouvons lire dans la notice inspirée par Gabriel Gilbert dans La Bibliothèque de Monsieur de Soleinne40. Ces considérations suivent une liste des œuvres de Gilbert que Monsieur de Soleinne a en sa possession, ce qui nous laisse penser qu’un collectionneur et amateur d’art théâtrale a jugé nécessaire la lecture et mention de notre auteur.
Victor Fournel évoque Gilbert comme un grand oublié de la littérature française malgré sa contribution honorable à la vie politique et poétique. Il écrit ainsi dans Les contemporains de Molière41 :
Gabriel Gilbert jouit au dix-septième siècle d’une renommée qu’il a bien perdue depuis. Il est assurément peu de noms aujourd’hui plus inconnus, et peu d’ouvrages moins lus que les siens ; et pourtant il a remporté de grands succès au théâtre ; il a été regardé comme un des premiers écrivains dramatiques au-dessous de Corneille, remarqué par Richelieu – juge fort contestable, il est vrai, - et protégé successivement par Mazarin, de Lyonne et Fouquet.
Les critiques de Boursault ne sont d’ailleurs pas inconnues à Fournel qui choisit d’y répondre ainsi :
Ces vers, plus ou moins ironiques, semblent tout au moins donner à entendre que Gilbert était à la fois très naïf et soigneux de toutes ses aises ; autant de raisons qui pourraient servir à montrer comment, malgré le nombre et le succès de ses ouvrages, ses emplois et ses hauts protecteurs, il resta toujours pauvre.
Le critique demeure pourtant bienveillant envers un dramaturge dont il estime la valeur littéraire malgré une inconstance dans l’écriture :
Gilbert mériterait de n’être pas aussi complétement oublié. Sans doute, il reste bien loin des écrivains dramatiques du premier ordre : son style surtout est généralement faible, assez souvent plat et trivial, mais par moments il s’élève et il atteint à la force. Il a çà et là des pensées vigoureuses exprimées en beaux vers. Ses contemporains l’ont plus d’une fois pillé sans en rien dire. Suivant le mot de Ménage, il trouvait bien le gibier au gîte, mais ce n’était pas lui qui le faisait partir42.
Lanson gratifiera le XXe siècle d’une Esquisse d’une histoire de la tragédie française43 où Gabriel Gilbert apparaît comme l’un des « Principaux auteurs de cette période peu étudiée ». Il est cité en tête de ce chapitre qui évoque également « Magnon, l’abbé Boyer ; puis le sieur de Montauban, l’abbé de Pure, Mlle. Desjardins ; le sieur de Prade ; Thomas Corneille ; Quinault ».
C’est finalement la thèse d’Eleanor J. Pellet datée de 1931 qui permettra d’engager une réelle réflexion approfondie et documentée sur Gabriel Gilbert en se concentrant sur chacune de ses œuvres. Il s’agit du premier et dernier ouvrage critique consacré à Gilbert. Lancaster reprendra des hypothèses semblables dans son immense classification théâtrale. A propos des recherches de Miss Pellet, Gustave Charlier dans sa note critique sur les Travaux américains sur l’histoire du théâtre classique français44 écrit ainsi :
Voici maintenant, non moins précieuses, des monographies critiques sur deux de ces auteurs dramatiques de second ordre qui, au XVIIe siècle plus qu’en tout autre, disparaissent aujourd’hui dans l’ombre écrasante des maîtres du genre. A peine se souvient-on encore de Gabriel Gilbert, auquel miss Eleanor J. Pellet consacre une attachante et solide étude. Il eut pourtant son importance et son heure de notoriété : sa Rodogune balança la réputation de celle de Corneille, et la troupe de Molière représenta plusieurs de ses pièces. Le travail de miss Pellet, très complet, très poussé, comble heureusement une véritable lacune.
Création et réception d’Arie et Petus. §
Loret dans La Muze historique45, annonce la pièce d’Arie et Petus à la date du 27 septembre 1659. Il ne semble pas avoir vu de représentation et encense pourtant la pièce. Eleanor J. Pellet note que son avis n’a donc qu’une valeur peu conséquente, mais demeure essentiel en tant que document si proche de la première représentation. Il écrit :
Messieurs de l’ Hotel de Bourgogne,Gens d’Esprit et de bonne trongne,Et qui, sans contradiction,Sont Acteurs en perfection,Ont reprezente sur leur Scene,Trois des jours de cette semaine,La Mort d’Arrie et de PetusCouple orne de grandes vertus,Mais dont le sort devint tragiquePar le procede tyranniqueDe Neron, ce Prince pervers,Qui fut I'horreur de I'Univers.Sans doute, la Piece est fort belle,Et vient de la Plume immortelleDe I'excelent Monsieur GilbertRare Ecrivain, Autheur expert,Qu’on prise en toute compagnieEt qui, par son noble génie,Poli, savant, intelligent,De Christine est le digne agent ;Et cela nous fait bien voir commeCe bel esprit est honnête homme
La Muze publie alors sa chronique le dimanche de chaque semaine, les « Trois des jours de cette semaine », mentionnés dans la lettre du Samedi 27 septembre, sont sans doute le dimanche, mardi et vendredi. Gilbert, que Loret décrit ailleurs dans La Muze historique46, à la date de mars 1658, comme «Ecrivain tout-à-fait, expert » aurait dont créé sa pièce la semaine du 22 au 28 septembre 1659 à trois reprises. Dans l’Ephéméride de François Rey47, on lit à la date du vendredi 26 septembre : « Il est probable que, ce même après-midi, les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne ont dû attirer une bonne partie des spectateurs potentiels avec Arie et Pétus, de Gabriel Gilbert ». Cela semble confirmer que notre pièce a été créée le vendredi précédent, 19 septembre, le vendredi étant le jour des premières.
On lit encore au 6 octobre 1659 dans l’Ephéméride que « ce jour-là, Charles Robinet ouvre sa Muse royale par ces vers, qui rendent compte de l’actualité théâtrale » à savoir :
Trêve, ce jour-ci, de paresse,Il faut que mon zèle paraisseEnvers le beau sang de NeversRenommé par tout l’univers ;Il faut, pour la charmante altesseDe la Palatine princesse,De la plume nous escrimer,C’est-à-dire en un mot rimer.Il est vrai que je perds courageEt n’ose rimer davantage,Après avoir ouï les versDignes de lauriers toujours vertsDe tant de ravissants OrphéesQui sont les mignons des Neuf Fées.Pensant au poème galantLes Amours de Néron.Et non moins fort qu’il est brillant,De Gilbert, cet auteur illustre,Qui paraît avec tant de lustreSur le théâtre de l’Hôtel,Théâtre au renom immortel ;Pensant à cet autre poèmeLa Mort de Caton.Où par une vigueur suprême,Magnon, cet esprit glorieux,S’élève aussi haut que les dieux ;Pensant enfin au bel ouvrageLe Duel.Où De Villiers, en gai ramage,Étale ses rares talentsComme des moyens excellentsDe faire épanouir la rateSans aucun secours d’Hippocrate ;À l’instant, dis-je, je perds cœur,Je suis sans flamme et sans vigueur,Et je suis près, en conscience,De m’imposer un beau silence
Six mois plus tard, Loret quant à lui sa Lettre du XX mars48 par une apostille consacrée à l’actualité théâtrale, toute centrée sur le triomphe des Précieuses ridicules :
Grande princesse que j’honore,Avant finir je vais encoreMettre une nouvelle en avant,Dont je fais l’article suivant,Nouvelle peut-être assez plate,Mais premier [d’abord] il faut que je date.Le six du mois, dans ma maison,Jour assez beau pour la saison.APOSTILLE.Cette troupe de comédiens,Que Monsieur avoue être siens,Représentant sur leur théâtreUne action assez folâtre,Autrement un sujet plaisant,À rire sans cesse induisantPar des choses facétieuses,Intitulé Les Précieuses,Ont été si fort visitésPar gens de toutes qualités,Qu’on n’en vit jamais tant ensembleQue ces jours passés, ce me semble,Dans l’Hôtel du Petit-Bourbon,Pour ce sujet mauvais, ou bon.Ce n’est qu’un sujet chimérique,Mais si bouffon et si comiqueQue jamais les pièces Du Ryer,Qui fut si digne de laurier,Jamais l’Œdipe de Corneille,Que l’on tient être une merveille,La Cassandre de Boisrobert,Le Néron de Monsieur Gilbert,Alcibiade, Amalasonte,Dont la cour a fait tant de conte,Ni le Frédéric de Boyer,Digne d’un immortel loyer,N’eurent une vogue si grande,Tant la pièce semble friandeÀ plusieurs, tant sages que fous ;Pour moi, j’y portai trente sous,Mais, oyant leurs fines paroles,J’en ris pour plus de dix pistoles
A la date du 12 décembre Francois Rey écrit :
Ce même jour est achevé d’imprimer, pour le compte de Guillaume de Luyne, « Arie et Pétus ou Les Amours de Néron, tragédie. Par Monsieur Gilbert, secrétaire des commandements de la Reine de Suède et son résident en France ». La pièce est dédiée au surintendant Fouquet. Rien dans cette épître, ni dans le reste du livre, ne signale que la pièce a été représentée à l’Hôtel de Bourgogne. Gilbert a-t-il été déçu par les Grands comédiens ? Ce qui est sûr, c’est qu’il confiera ses trois prochaines pièces à la troupe de Monsieur.
Et il est vrai Gabriel Gilbert confie ses trois pièces suivantes : La Vraie et la Fausse Précieuse, Huon de Bordeaux et Le Tyran d’Égypte, à la troupe de Molière, qui reprendra également ses Amours de Diane et d’Endimion.
La page de titre porte bien la date de 1660 mais l’achevé d’imprimer date du 12 décembre 1659. Le privilège avait quant à lui été accordé le 24 novembre 1659 à l’auteur lui-même. Eleanor J. Pellet note que le nom de la Reyne de Suede n’apparaît pas avec la mention de chère sœur comme cela était le cas pour les privilèges des Amours de Diane et d’Endimion et de Chresphonte. Arie et Petus porte dans son titre les noms d’un héros et d’une héroïne antiques. Le sous-titre, Les Amours de Néron, présage déjà de l’intrigue.
On peut supposer que Floridor, comédien, directeur et orateur de la troupe de l’Hôtel de Bourgogne en 1659 a interprété le rôle de Petus, et que celui de Néron a été joué par l’imposant Montfleury, spécialisé dans les rôles de rois et de tyrans. On lit dans la Galerie historique de P.D Lemazurier49:
Floridor joua d’original Massinisse dans la Sophonisbe de Corneille, Alexandre dans la tragédie de Racine, Antiochus dans celle de Thomas Corneille qui porte ce nom, Léandre dans Héro et Léandre de Gilbert, Pyrrhus dans Andromaque, Oronte dans Laodice, Marias dans la tragédie de Boyer jouée en 1669, Titus dans la Bérénice de Racine, et beaucoup d’autres dont les écrivains de ce temps oublièrent de parler.
Floridor est décrit dans la Galerie comme un comédien possédant « tous les talents que l’on peut désirer en un comédien », faisant la « gloire du théâtre français ». Il tient les premiers rôles et les « remplit d’une manière si noble et si naturelle, qu’il f[ait] oublier tous les grands acteurs qui avaient paru avant lui, ou […], tous ceux que jusqu’alors on avait regardés comme de grands acteurs ». La régularité de ses performances y est également soulignée. Il est « doté d’une figure imposante, d’une taille haute et bien prise, et d’un son de voix qui, quoique très mâle, avait quelque chose de pénétrant et d’affectueux : son air et ses manières étaient pleins de noblesse ». Arie et Petus a donc pour ambassadeur un des acteurs les plus en vogue dans les années 1655-60. Il est de surcroît admiré de Louis XIV pour son honnêteté dans le monde du théâtre et fait partie des rares comédiens épargnés par Molière dans son Impromptu de Versailles. Une anecdote corroborée par Boileau à ce propos nous intéresse particulièrement qui raconte que le public avait tellement d’affection pour Floridor que cela discrédita le rôle de Néron dans lequel il était employé dans Britannicus par Racine en 1669, dix ans après notre pièce. De Visé loue également son jeu et sa popularité.
Intrigue et résumé de la pièce §
La scène se déroule à Rome, dans le palais de l’Empereur Néron. Ce dernier est tombé sous les charmes d’Arie, la femme de son sénateur Petus. Il cherche à s’attirer les faveurs de la jeune femme en lui offrant le trône puis en flattant son époux. Pour se débarrasser de Petus, il le nomme Gouverneur des Iles Britanniques. Découvrant que Petus n’a pas quitté Rome, il lui ordonne de rejoindre les Iles Britanniques dans les plus courts délais ; ou de mourir pour cet affront à l’Empereur. Pendant ce temps, Néron fait tuer Sabine qui refusait de divorcer pour le laisser épouser Arie. Le couple vertueux refuse de se plier aux exigences de Néron, et choisit le suicide. Arie meurt la première pour encourager son époux à la suivre. Sénèque raconte cette double mort à Néron qui sombre dans la folie.
Voici le résumé général que fait Joseph de Laporte dans le volume premier de son Dictionnaire dramatique50 de 1776 :
C’est l’Histoire de ces deux Epoux qui se sont immolés eux-mêmes pour se soustraire aux violences de Néron, exposée sans beaucoup d’art, Néron presse Arie d’accepter sa main, et ajoute qu’il veut bien s’en remettre au jugement d’un Arbitre qu’elle voudra choisir sur la justice de son refus. Arie accepte la proposition, et déclare qu’elle prend pour juge celui qui est enfermé dans son cabinet. La porte s’ouvre, et l’on voit paroitre Petus, que l’Empereur croyoit alors loin de Rome, et sur la route de Grande-Bretagne, dont il venoit d’être nommé Gouverneur. Ce coup de Théâtre est assez frappant. A la derniere Scène, Sénéque vient faire le récit de la mort de Petus et d’Arie. Néron, agité par ses remords, chasse Pétrone et Tigillin, et s’abandonne à des fureurs qui terminent la Pièce.
ACTE I §
Scène I §
Néron, Pétrone, Tigillin.
Néron déclare sa flamme pour Arie qui n’y est pas favorable. Il fait tenir des Jeux et y participe pour éblouir Arie.
Scène II §
Néron, Pison, Pétrone, Sénèque.
Néron veut orchestrer une dispute philosophique entre Sénèque et Pétrone en espérant gagner l’amitié d’Arie s’il soutient Sénèque, son ami.
Scène III §
Néron, Pétrone, Sénèque.
La dispute entre le Sage et l’Empereur commence. Elle se concentre sur l’existence divine et la vertu.
Scène IV §
Néron, Pétrone, Sénèque, Petus.
Néron reçoit Petus qu’il nomme Gouverneur des Isles Britanniques, le forçant ainsi à accepter avec la gloire d’une telle position de s’exiler.
Scène V §
Sénèque, Petus.
Petus éclate de colère. Sénèque l’encourage à exercer sa vertu. Arie qui avait tenté de fuit Rome déguisée est sur le point d’être ramenée par un Tribun, et Petus espère un entretien.
ACTE II §
Scène I §
Petus, Bhurrus.
Petus sollicite l’aide de Bhurrus pour obtenir un entretien avec Arie. Bhurrus lui conte la splendeur des Jeux donnés pour Arie. L’Impératrice en est outragée tout autant que Petus. Ce dernier aperçoit d’ailleurs l’Impératrice s’entretenir avec Arie.
Scène II §
Sabine, Arie.
Sabine blâme accuse Arie d’avoir recherché les faveurs de Néron pour obtenir sa place d’Impératrice. Arie s’en défend. La rivalité des deux épouses atteint son paroxysme. Sabine promet de se venger.
Scène III §
Petus, Arie.
Petus obtient son entretien auprès d’Arie. Ils réaffirment leur foi conjugale. Petus craint pour la vie d’Arie. Arie lui conseille d’accepter l’exil où elle le rejoindra. Néron les surprend et Arie fuit.
Scène IV §
Néron, Petus.
Néron rappelle à Petus les devoirs militaires qui l’obligent. Petus exprime sa peine à laisser Arie et demande qu’elle puisse le suivre. Néron refuse.
Scène V §
Petus seul.
Petus a découvert les intentions réelles de Néron. Il pense alors feindre son départ et enlever Arie avec l’aide de Bhurrus et Thulle.
ACTE III §
Scène I §
Néron, Pétrone.
Néron envoie Pétrone quérir un entretien auprès de Sabine et l’espionner pour son compte. Il avait dans le même temps envoyé Tigillin convaincre Arie de se rendre à sa flamme.
Scène II §
Néron, Tigillin.
Tigillin s’est entretenu avec Arie qui se rend prier pour le salut de Petus. Elle croise Néron en chemin.
Scène III §
Arie, Lucille, Néron, Pison.
Néron surprend Arie à son passage dans la galerie. Il se déclare à Arie qui exprime son horreur pour Néron autrement que comme son Empereur. Néron lui propose l’Empire en plus de son amour. Elle les décline. Il propose finalement de choisir un Juge parmi la cour qui décidera de l’issue de leurs désirs. Arie obtient d’élire ce Juge.
Scène IV §
Néron, Arie, Petus, Pison.
Néron découvre qu’il s’agit de Petus, censé avoir quitté Rome, et s’emporte. Arie tente de le raisonner. Néron accuse Petus d’avoir manqué à son devoir, il lui ordonne de partir dans l’heure ou de mourir s’il brave encore son Empereur.
Scène V §
Arie, Petus.
Arie apprend à Petus que c’est elle qui l’a découvert à Néron. Elle le prie à nouveau de partir en exil pour la sûreté de ses jours. Arie fuit Petus afin de ne pas ombrager le devoir qu’il doit rendre à Rome et affaiblir ses vertus.
Scène VI §
Petus seul.
Petus délibère et s’apprête à se rendre à son devoir personnel et conjugal. Il veut mettre à exécution son plan initial avec l’aide de Thulle et Bhurrus, et se prépare à mourir si cela est nécessaire.
ACTE IV §
Scène I §
L’Impératrice, Pétrone, Ismène.
Pétrone s’entretient avec Sabine, comme convenu avec César au début de l’acte III. Il lui découvre le projet de mariage de Néron avec Arie et offre ses services à Sabine pour sa vengeance.
Scène II §
L’Impératrice seule.
Sabine déplore l’attitude de Néron et son manque de foi. Elle regrette d’avoir tout sacrifié pour monter au trône à ses côtés. Elle se doute du stratagème de Néron et craint que Pétrone ne soit son envoyé. Elle envisage de solliciter Othon pour servir sa vengeance, puis Petus.
Scène III §
Ismène, l’Impératrice.
Ismène vient s’enquérir de l’état de l’Impératrice. Sabine prévoit de confronter Néron à son infidélité mais Ismène la met en garde du danger qu’elle encourt. L’Impératrice ne semble plus craindre la mort.
Scène IV §
Néron, Pétrone, l’Impératrice, Ismène.
Néron renvoie Pétrone pour ne pas le discréditer.
Scène V §
L’Impératrice, Néron.
Sabine questionne Néron sur ses amours. Il ne dément pas. Elle menace de mourir si elle ne conserve pas le trône ainsi que l’amour de l’Empereur. En colère, ce dernier ne souffre plus sa présence et promet sa mort.
ACTE V §
Scène I §
Pétrone, Othon, Tigillin.
Pétrone annonce que Sabine a été tuée par Néron. Othon déplore la mort de celle qu’il avait aimé. L’Empereur a fait donner par Pison l’ordre de tuer Petus.
Scène II §
Néron, Othon, Pétrone.
Néron s’enquiert de la réaction du couple face à l’annonce de la condamnation à mort de Petus. Othon décrit Petus comme imperturbable. Quant à Arie, elle ne laisse rien paraître.
Scène III §
Néron, Othon, Arie.
Arie vient demander grâce à l’Empereur pour son époux. Néron la lui accorde à condition qu’elle divorce. Arie quitte la scène et annonce qu’elle convaincra Petus de mourir.
Scène IV §
Néron, Othon, Pétrone, Tigillin.
Néron a interprété le départ d’Arie comme favorable à leur union discute de l’organisation des noces avec ses conseillers.
Scène dernière §
Néron, Sénèque, Othon, Pétrone, Pison.
Sénèque annonce la mort de Petus, et ajoute qu’Arie l’a suivi au tombeau. Néron, choqué, s’en prend à ses conseillers. Sénèque se félicite de la victoire de la vertu et de la défaite de ses ennemis politiques, chassés par l’Empereur. Sénèque fait le récit de la mort du couple à la demande de l’empereur. Néron regrette ses actions criminelles et sombre dans la folie.
Sources et démarche génétique de la pièce. §
Eleanor Pellet discerne un thème dominant récurrent dans les diverses pièces de Gabriel Gilbert. En effet, l’épouse vertueuse qui devient contre son gré objet de dévotion recherché par un puissant monarque est déjà présente dans Marguerite de France et Sémiramis. La scène qui oppose l’Impératrice jalouse et l’innocente Arie rappelle les scènes entre Marguerite et la Reine Eleanor, ou entre Rodogune et Lidie. Arie maîtrise les arts de la féminité et de la finesse comme les confidentes de Marguerite et Sémiramis semblaient leur préconiser, ou comme Mérope le tenait de la bouche de son père.
Arie et Petus nous offre effectivement une représentation saisissante d’un tyran rompant la tranquillité d’un couple de généreux. Ce topos est un lieu commun de la dramaturgie de Gabriel Gilbert qui dans Marguerite de France initie ce schéma d’opposition. Nous souhaiterions consacrer ce schéma comme un motif récurrent dans le siècle qui connaîtrait une popularité croissante, et tenter d’en exposer la génétique. L’épisode amoureux tyrannique a des assises théoriques, et pratiques dont Les Amours de Pyrame et Thisbé51 de Théophile de Viau semble faire partie. En effet cette pièce met en scène un jeune couple d’amants, Pyrame et Thisbé, qu’un roi jaloux menace de séparer. Le roi est épris de Thisbé et cherche à éliminer Pyrame pour obtenir la jeune femme en mariage. Les deux amants se suicident finalement, Pyrame croyant Thisbé morte, et Thisbé découvrant le cadavre de son amant.
L’archétype du rival persécuteur qu’Hélène Baby52 décrit pour les tragi-comédies principalement est donc un thème exploité par le tragique gilbertien. Elle explique en effet que c’est un ressort principal de ces pièces que d’opposer à un amoureux ou une amoureuse un tyran exerçant un pouvoir abusif. Il s’agit ici surtout d’un couple, comme Gilbert l’employait déjà dans Téléphonte, qui présente un front uni contre les exigences d’un Empereur épris. Gilbert étend à la tragédie et non plus à un genre mixte le ressort dramaturgique des amours non réciproques. Il sort du répertoire tragi-comique pour jouer comme dans Téléphonte sur la juxtaposition de deux amours non partagés53. C’est ce qui permet à Gabriel Gilbert de renforcer le nœud tragique qui se referme sur la témérité féminine et sur la passion tyrannique. Cette passion tyrannique tient au désir de possession charnelle et se traduit par une énergie égoïste qu’emploie l’Empereur à séparer le couple d’époux. Mais l’Impératrice rappelle durement la réalité de cette cour incessante :
La plus rare beauté quand elle est possedée,Efface de l’esprit son agreable Idée54
Ou encore :
Mais Neron la desire, et Neron me possede,Et c’est-là la raison qui fait que je luy cede :Dans mon sort rigoureux, contre tant de malheurs,Pour fléchir son Esprit, je n’ay plus que des pleurs.55
C’est par ailleurs cette attitude qui éloigne Néron de l’idéal galant, puisqu’il est prêt au meurtre de Sabine pour les charmes d’Arie comme on peut le lire dans ces vers de Pétrone :
L’Imperatrice est morte, et cette mort fatale,A l’Empire du Monde a éleue sa Rivale56
La pièce est également marquée par une métaphore galante qui est celle de l’amour comme combat guerrier. En effet, on retrouve très tôt dans la pièce cette idée que l’amour est une chasse contre un cœur qu’il faut conquérir et pour cela Néron se montre sans relâche. Il s’encourage ainsi au début de la pièce :
Et jamais Jupiter ne descend icy bas,Que pour se divertir en d’amoureux combats,Et donner, en faisant une amoureuse guerre,De nouveaux Dieux au Ciel, et des Roys à la Terre.Ainsi souvent l’Amour me trouble le repos,Et veut qu’à l’Univers je donne des Heros.57
On retrouve également la thématique de la fuite dans cette comparaison entre Arie et les ennemis de Rome :
Et cette illustre Amante aussi fiere que belleEvite mon abord, si je ne la surprend ;Elle ressemble au Parthe et veut vaincre en fuyant.Vous mes chers confidens, songez par quelle adresse,Je pourrois adoucir cette fiere Maistresse.58
Cette métaphore permet à Gilbert d’unir en quelques vers les enjeux principaux de sa pièce. Il fait en effet en quelques mots d’Arie une rivale de l’Empire en ce qu’elle déstabilise l’attention politique de Néron59, tout autant qu’il la représente comme une conquête. Cette métaphore traditionnelle de l’amour comme un combat à mener fait partie de l’esthétique galante par excellence.
Le règne de Néron est au fondement de l’intrigue d’Arie et Petus dont on trouve une description historique dans les Annales60 de Tacite, dans L’histoire romaine61, de Dion Cassius, ou encore dans La vie des douze Césars62 de Suétone. Ces sources latines documentent Gilbert sur les événements qu’il reprend pour son intrigue et lui fournissent les personnages de sa pièce. Pourtant, bien que ces personnages aient une existence historique attestée, et que les événements soient renseignés, il apparaît que Gilbert a usé de sa liberté d’invention pour manipuler une chronologie qui ne permettait pas de satisfaire à sa dramaturgie. La chronologie des événements a donc été librement adaptée pour les besoins de l’intrigue, bien qu’elle respecte apparemment la vérité historique.
Eleanor J. Pellet souligne que certains événements éloignés sont présentés comme contemporains afin de renforcer l’illusion d’historicité et de servir une intrigue respectueuse des règles classiques. La tragédie souscrit effectivement aux conseils d’Aristote et met en scène des personnages nobles ayant pris part soit à de haut-faits héroïques ou bien à des instants historiques. Ainsi, le retour aux traductions latines au XVIIe siècle donne lieu à de nombreux sujets antiques. La mort de Petus ordonnée par Néron est donc bien historiquement renseignée, bien que celle de son épouse soit plus difficile à retracer.
L’action se déroule peu avant la mise à mort de Petus, soit en 66 si l’on en croit les Annales de Tacite. Il nous faut noter que les personnages qui entoure l’Empereur sont alors principalement décédés. Burrhus serait mort en 62, Pison en 64 et Poppée, Sénèque et Pétrone en 65. Seul Tigillin survit effectivement à Petus. Il apparaît donc historiquement impossible que ces personnages participent aux derniers instants de Petus, ainsi qu’il est clair que Sénèque n’a pu décrire ces événements à Néron. Les raisons qui poussent Gabriel Gilbert à faire coexister ces personnages sur scène en brouillant la chronologie sont principalement dramaturgiques et ne révèlent pas une mauvaise connaissance de l’histoire mais une appropriation libre des événements au service d’une esthétique dramatique. En effet, il est intéressant de maintenir la présence de Burrus et Pétrone, et ici nous rejoignons l’opinion de Eleanor J. Pellet, en ce que cela renforce l’illusion d’historicité de la pièce. Ces noms sont bien connus du public et ils font partie de la pompe romaine, et sont donc attendus dans une pièce mettant en scène un tel sujet. En outre pour ce qui est de Poppée et Sénèque, la subtilité est plus grande. Le saut chronologique n’est pas grand qui ramène Poppée parmi les vivants, et pourtant, il est le nœud de l’intrigue amoureuse et politique instaurée par Gilbert. C’est en effet ce qui lui permet de maintenir une part importante de sa démarche génétique, à savoir l’opposition entre un tyran et un couple vertueux. Le rôle de Poppée devient essentiel en ce qu’il met en lumière la vertu d’Arie et son désintérêt pour le pouvoir à la fois à travers leur confrontation mais aussi par l’opposition des deux caractères, puisqu’il s’avère que Poppée a elle-même succombé à l’appel du pouvoir et des sacrifices qu’il exigeait. Elle est en effet montée sur le trône après qu’elle ait forcé Néron à se séparer d’Octavie. Nous reviendrons sur ce travail d’opposition entre le tyran et le couple vertueux, qui marque l’œuvre de Gilbert. L’Impératrice met ainsi en avant la détermination de Néron et sa cruauté, dont elle finira par faire les frais, autant qu’elle souligne le courage et la vertu du couple exemplaire. Elle est au cœur de l’opposition entre les deux couples, en faisant à la fois partie du système d’opposition tout en n’y entrant jamais vraiment comme menace réelle. Quant à la présence de Sénèque, elle permet également de renforcer l’aspect moral de la pièce en ce qu’elle donne lieu à un débat philosophique qui questionne la vertu. Sénèque prend donc part au système d’opposition que nous décrivions. Il est aux côtés politiques de Néron, en tant que son précepteur, mais il s’efforce de combattre le vice et défendre la vertu comme valeur essentielle. Il dessine à la fois une frontière claire entre Néron et le couple vertueux que forment Arie et Petus, mais l’ambiguïté de sa position vis-à-vis de l’Empereur rappelle que cette frontière dépend encore de Néron. Il renforce la tension tragique en présentant une potentielle alternative au règne de Néron, qu’on retrouve dans la position que défend illusoirement Néron lors du débat qui l’oppose à l’épicurien Pétrone.
En outre, les Jeux évoqués par Néron63 sont vraisemblablement ceux de 6564, année à laquelle il fut primé pour sa participation musicale et sa déclamation. Cependant, dans la pièce, Néron exprime son désir d’impressionner Arie par sa splendeur et sa prééminence dans le domaine des arts et Eleanor J. Pellet imagine que cela indique que la tenue des Jeux selon ces conditions a quelque chose d’inédit65. Cela les rapprocherait davantage des jeux de 59-6066. Alors que Néron planifie les Jeux, il ordonne la présence de Pétrone et Tigillin :
Demain sans differer je veux contre vous deux,Paroistre dans la Lice & celebrer ces jeux
Ce que Bhurrus reprend dans son récit des Jeux à Petus :
Petrone & Tigillin d’un faux honneur espris,Avec I'Empereur disputent seuls les Prix
L’histoire retient pourtant que Burrus et Sénèque furent ceux présents en tant que témoins ou participants aux Jeux. Gilbert mêle ici les qualités des différentes tenues de Jeux publics à Rome afin de renforcer le caractère incroyable que présente la situation. Cela participe à la confusion temporelle qui ancre l’œuvre dans une reconstruction minutieuse de l’histoire au service de l’intrigue. On note ainsi qu’il est fait mention de cinq années durant lesquelles l’administration de l’Empire aurait été florissante et clémente, qui sont renvoyées dans le passé, et la mort de Britannicus et d’Agrippine67 remémorent également une période précédant l’action. Agrippine meurt en mars 59 et Britannicus en 55, ce qui situe bien l’action au-delà de 60.
La victoire de Corbulon sur les Parthes est présentée elle aussi comme récente, or elle eut lieu en 55, bien qu’elle soit présentée comme contemporaine des faits. Il est plus probable si l’on en croit Tacite que Néron ait octroyé le royaume d’Arménie aux général victorieux68. Quant à la révolte bretonne69 que Petus est censé réprimer, elle eut lieu en 61 et Petus n’est pas nommé parmi ceux qui conduisirent effectivement l’expédition militaire. Gilbert a donc avancé cet événement de cinq années pour que le nom de Petus soit parmi ceux évoqués pour le gouvernement des Iles Britanniques. Cela donne à notre dramaturge l’occasion de nombreux coups de théâtre. En effet il offre ainsi à Néron un stratagème tout désigné : ordonner l’exil à Petus qui est alors plongé dans un conflit intérieur entre le devoir d’état qu’il se doit de respecter et son devoir conjugal, sa foi personnelle. Gilbert fait croire au spectateur qui sent la précarité de la situation grandir, que Petus a quitté Rome. Il orchestre la surprise générale lors de la découverte de Petus dans les appartements voisins à ceux de Néron70. Il semblerait que cette liberté lui ait été inspirée par l’histoire d’Othon71, précédent époux de Poppée. En effet, ce dernier fut nommé gouverneur de Lusitanie en 58 où il demeura dix années en exil, même après la mort de Néron. L’offrande de la couronne des Iles Britanniques à Petus serait également inspirée de l’offrande de la couronne d’Arménie à Corbulon en 66. Il apparaît donc que les événements et les personnages historiques aient été confondus pour renforcer l’action. L’invention n’est certes pas ex nihilo de la part de Gabriel Gilbert, mais il a l’habileté de trouver dans des événements historiquement proches de quoi nourrir vraisemblablement son intrigue.
Alors qu’il s’entretient avec Arie, Néron nie son implication dans l’Incendie72 de Rome, alors que Sabine le lui impute clairement73. Historiquement, sa responsabilité n’est pas clairement prouvée. On peut trouver des tenants des deux partis74. Cet événement de 64 est en tout cas évoqué par Néron comme passé, ce qui conforte encore la date approximative de 65 comme étant celle de l’intrigue. Quant à la Mort de Poppée75, elle eut en effet lieu en 65 mais n’était pas liée à un nouveau mariage auquel Néron aurait aspiré, comme on le lit ici. Il semble en revanche que ce soit plus proche de ce qui arriva historiquement à Octavie76, première épouse de Néron. Celle-ci fut calomniée par Néron, qui entacha sa réputation, et finalement assassinée pour permettre à Poppée de monter sur le trône ; d’où les accusations conjointes de Néron et d’Arie quant aux méthodes employées par l’ambitieuse Impératrice pour parvenir à ses fins. Il est en outre évident que l’organisation politique ne garantit pas la chute d’une Impératrice si aisément qu’il est présenté dans la pièce. Gilbert simplifie en effet les rouages politiques pour présenter la menace que représente ce nouvel amour néronien comme réel et pressant.
La mort de Petus telle qu’elle est racontée n’est pas historiquement fiable non plus. Gilbert fait périr Petus par le même poignard que son épouse Arie, mais les écrits de Tacite77 nous apprennent qu’Arie n’a pas partagé la mort avec son époux. Alors qu’elle l’aurait en effet souhaité, Petus l’exhorte à vivre pour leur fille78. Le récit que fait Sénèque se rapproche davantage de l’histoire d’Aria79, femme de Caecina Paetus, qui sous le règne de Claude mit fin à ses jours lorsque son époux fut condamné à mourir. Les similitudes entre le texte de Martial et celui de Gilbert sont d’ailleurs remarquables.
Dans les Epigrammes de Martial80 on lit :
SUR ARRIE ET POETUS.
Arrie à son époux remettant cette épée
Que dans son propre sang elle-même a trempée :
Prends ce fer, lui dit-elle, et remplis ton devoir ;
A peine j’ai senti le coup qui m’a frappée,
Mais je meurs de celui que tu vas recevoir.
Chez Gilbert :
Ce coup mon cher Espoux, ne m’a point fait de mal ;Et si je dois souffrir quelque mal icy bas,Ce n’est que par le coup que tu te donneras.81
Arie, épouse de Petus est la fille d’Aria, épouse de Caecina Paetus. Il apparaît donc que Gilbert a transféré l’histoire de la mère à la fille et modifié la mort choisie par Petus en accord avec ces changements. C’est par cette confusion apparente entre les deux histoires familiales que Gabriel Gilbert renforce l’exemplum qu’il propose dans sa tragédie. Il infléchit l’histoire pour les besoins d’une intrigue galante et amoureuse.
Les paroles et actions imputées aux personnages se confondent, ainsi que le sort réservé aux diverses femmes aimées par Néron. Cette confusion permet une reconstruction habile de l’histoire par transfert qui illustre cyniquement la cruauté sans fin de Néron. Dans le dernier acte, avant que la mort d’Arie ne lui soit annoncée, Néron déclare ainsi qu’il espère qu’Arie sera adorée de tous, une adoration qu’il a historiquement forcé pour Poppée82. L’histoire se présenterait donc comme un cycle infernal, forme de nécessité tragique dans la pièce de Gilbert.
Néron promet pourtant de suivre le chemin de la vertu afin de gagner l’amour d’Arie. L’origine de ces déclarations seraient à trouver dans son discours prononcé lorsqu’il endosse le rôle d’Empereur et monte sur le trône83. Ces promesses furent suivies des quiquennium Neronia, des années florissantes dont il est fait mention dans notre pièce :
Ma bonté, ma Clemence, et mon regne trop doux84.
Ce qui fait écho au De Clementia de Sénèque et renforce les liens du précepteur avec l’Empereur. On peut donc résumer ainsi : la poursuite d’Arie par Néron serait inspirée de ses relations avec Poppée85 ; le suicide d’Arie par celui de sa mère.
Gilbert nourrit donc son intrigue de nombreux faits historiquement renseignés, mais l’ingéniosité de sa démarche génétique repose sur une habile manipulation de la chronologie. En effet, la cohérence et la vraisemblance de son intrigue tiennent au fait qu’il n’invente rien d’incroyable mais utilise à son avantage des détails historiques qu’il réagence pour servir une action qui répond à son esthétique galante et aux impératifs de la tragédie. Ainsi le spectateur, s’il ne s’est pas longuement penché sur les écrits antiques ne peut distinguer les libertés prises avec le cours des événements, mais profite d’un ensemble logique et harmonieux. Ce travail permet à chaque action de la tragédie de prendre place dans un système où les scènes s’enchaînent les unes aux autres dans une nécessité méthodique précipitée ; ce qui est pour Aristote le signe d’une pièce réussie.
Structure générale de la pièce §
La structure générale est pourtant plus habile en certains points. On peut effectivement noter un effet de chiasme tout à fait saisissant qui réside dans la structure des discours tenus par Néron. L’effet de clôture tient en effet au parallèle entre le discours d’ouverture de la pièce et celui de la scène dernière. Le premier est un discours vain et glorifiant de l’Empereur et le dernier est un discours empreint de folie où Néron est hanté par ses crimes et réalise sa cruauté. Ainsi on peut mettre en lumière deux vers qui soulignent cet effet de structure, comme le fait Eleanor J. Pellet :
Je suis mon ennemy comme de cet Estat
qui vient remplacer :
Je suis Maistre du Monde en la fleur des annees
Finalement l’unité d’action semble sacrifier à la recherche d’une certaine couleur historique puisque plusieurs passages ou scènes ne font que peu avancer l’intrigue mais servent une caractérisation plus fine de personnages ou de propos philosophiques par exemple86.
Épisode amoureux §
En outre, l’épisode amoureux en lui-même est structurellement condamné comme un défaut à l’unité d’action. On lui reproche de n’être qu’une boursouflure de l’action et de nuire aux intérêts de l’action. L’épisode amoureux serait cantonné à l’action secondaire et ne satisferait pas aux valeurs plus essentielles et nobles qui mènent l’action principale. Pour échapper à cet écueil Gilbert fait de l’intrigue amoureuse son intrigue principale et ne s’incline pas devant les critiques faites à l’esthétique galante. Pourtant de nouvelles condamnations voient le jour qui consistent à dire que lorsque l’amour est représenté en tragédie, il entre en conflits avec les intérêts plus nobles et finit souvent par s’effacer. Il ne serait alors représenté que comme un amour sage et héroïque et aurait une froideur bien éloignée de l’idéal passionnel. Ainsi, il s’agit surtout d’une désapprobation de l’amour figé et stéréotypé. Cette critique sera surtout formulée dans les années 1674-1675 avec la Préface de la Thébaïde et les Réflexions sur la Poétique de Rapin87, mais elles sont déjà dans l’air de la contestation en 1660. On ne peut pourtant pas imputer à Gilbert d’illustrer dans ses pièces un amour stéréotypé et froid. Cette accusation de ressemblance chez les héros amoureux est surtout due à une illusion d’optique et n’est pas avalisée par l’étude précise des textes. En outre, les problèmes de concurrence poétique ne se solvent jamais tout à fait, et les deux codes de l’héroïque tragique et du galant ne s’éclipse pas l’un l’autre, mais se mêlent. De ce tiraillement naît d’ailleurs le dilemme tragique et ces erreurs de vision.
Liaison des scènes et effet de surprise §
La composition dramatique règle les rencontres des personnages sur scène et se voit bouleversée dans les années 1640 par l’apparition de la règle de liaison des scènes. Cette dernière prescrit que l’on doit retrouver au moins un personnage commun dans deux scènes successives au sein d’un acte. Cette nouvelle règle impose une esthétique de la continuité là où veillait jusqu’à présent la discontinuité baroque et l’art de la superposition. Le siècle se scinde donc en deux mouvements. Un premier où les scènes sont juxtaposées et peuvent présenter des personnages tout à fait distincts, ce qui introduit une grande diversité de lieux, et des ruptures temporelles ou situationnelles. Le second mouvement qui se plie à cette règle de liaison ne peut plus se permettre de si brusques variations, et doit ménager ses effets pour les entractes qui sont alors les seuls moments pour renouveler actions et personnages. Cela donne à l’action une évolution plus subtile et progressive.
La poétique de composition de Gabriel Gilbert est influencée par ces évolutions puisqu’il chevauche les deux mouvements esthétiques que la règle de liaison dessine. Arie et Petus est publiée en 1659 ce qui en fait une pièce postérieure à la règle de liaison des scènes, et elle devrait donc en respecter les exigences. Pourtant, la règle de liaison des scènes semble parfois quelque peu fragile, et se rompt à la fin de la scène 1 de l’acte II. En effet, sont présents à la scène 1 de l’acte II Petus et Burrhus, tandis que la scène suivante montre l’Impératrice et Arie échanger des répliques acerbes.
Gilbert innove notamment par la scène du cabinet. La présence dissimulée de Petus dans le cabinet mitoyen à l’endroit où Néron s’entretient avec Arie permet un certain renouvellement de la pratique théâtrale chez Gilbert. Il met en scène le surgissement opportun de Petus, surprenant Néron qui attendait Sénèque comme juge de son différend avec Arie. Une scène de Marguerite de France, pourrait avoir porté des traces d’un tel subterfuge. En effet on y trouve une dispute entre un roi et un prince, départagés par Marguerite. L’épisode au cours duquel Petus sort du Cabinet et se révèle à Néron n’est pas préparé et laisse donc le spectateur surpris. En effet, le lecteur apprend dans l’acte II scène 5 que Petus, par suite de son entretien avec Néron, souhaite enlever Arie et l’emmener avec lui pour la sauver de l’Empereur88, mais le texte est assez imprécis quant aux « lieux » où il pense se dissimuler. L’acte III, scène 4 fait ensuite resurgir Petus du cabinet d’Arie, qui est la seule à apprécier justement la situation : Néron et Petus sont tous deux surpris. Petus n’a pas été prévenu par son épouse de la ruse qu’elle emploie contre l’Empereur, et il n’est pas clairement indiqué d’ailleurs comment Arie elle-même a été informée de la présence de Petus dans son cabinet. Petus indique bien son intention de cacher sa présence à Arie de même qu’à Néron en ces vers : « Ma femme ne sçaura ma resolution, / Que dans le point fatal de l’execution », ce qui renforce l’incompréhension générale. C’est bien cette mention qui confère à la scène son caractère surprenant pour le lecteur comme pour les personnages et qui permet une scène de confrontation attendue. Cette scène prometteuse d’invention et renouvelle à la fois le rythme de l’intrigue et les relations entre les personnages en précipitant le dénouement et l’inflexibilité de Néron.
Les personnages §
Arie et Petus présente d’emblée une liste de personnages qui met en avant le rôle des conseillers et des confidents en accolant à Sénèque et Burrhus le titre « d’amis » de Petus, et à Pétrone et Tigillin celui de « confidens » de Néron. On note ainsi déjà une certaine symétrie dans la disposition des rôles qui se confirmera par les apparitions scéniques. Cependant, Sabine n’est dotée que d’une confidente, Ismène. Il apparaît que chez Gilbert les confidents ou conseillers fonctionnent davantage par paire si l’on reprend ses pièces précédentes. Si l’on s’attarde sur la répartition des vers, on remarque pourtant quelques distinctions importantes dans le fonctionnement des paires. Tigillin et Pétrone apparaissent ainsi toujours en duo dans l’acte I et l’acte V et leurs discours se répondent, tandis que Sénèque et Burrhus n’apparaissent que successivement, et Burrhus lui n’est présent qu’à la scène une de l’acte II, ce qui traduit un certain déséquilibre. On peut, comme le propose Valérie Worth-Stylianou se pencher sur la répartition des vers entre les conseillers :
Burrhus : 59 vers soit 3.36%
Pétrone : 137 vers soit 7.80%
Sénèque : 229 vers soit 13.04%
Tigillin : 78 vers soit 4.44%
Le premier couple se partage donc 16.40% des vers de la pièce contre 12.24% pour Pétrone et Tigillin, ce qui demeure relativement équilibré. A eux quatre, ils se partagent 28.64% des vers de la pièce, total qui monte à 30.01% si l’on y ajoute les vers d’Ismène. Ces proportions ne se retrouvent absolument pas chez Corneille, et chez Racine elles ne s’en rapprochent que pour Britannicus. Ces analyses nous amèneraient sans doute à considérer les conseillers et confidents comme le cœur d’Arie et Petus qui se concentrerait sur leur influence sur le pouvoir en place. Force est de constater au contraire que les interventions de ces personnages non seulement n’ont pas une influence marquante, mais ne se proposent pas même comme une tentative d’influence sur Néron ou Petus. Burrhus dans son unique intervention89 se contente de raconter les jeux à Petus, bien qu’il sera certainement d’un grand secours pour permettre à Petus de voir Arie90. Le seul conseil qu’il donnerait réellement est celui de ne pas rencontrer Arie avant le départ de l’Impératrice. De même la dernière scène, qui présente la plus longue intervention de Sénèque, se compose d’un récit de la mort d’Arie et de Petus et les aspects moraux de son discours sont absorbés par le début de folie de Néron. Quant à la scène qui oppose Sénèque et Pétrone il convient de revenir dessus plus longuement. Il s’agit d’un débat philosophique dont l’origine est une manipulation de Néron. Cette longue scène pourrait se caractériser comme une pièce au cœur de la pièce par une mise en abyme subtile. L’action se suspend longuement et n’a pas de prise sur le comportement de Néron. Ce débat orchestré par Néron se joue sur deux niveaux : les deux philosophes tentent malgré tout de convaincre Néron du bienfondé de leur doctrine et Néron (le spectateur et Pétrone en ont été avertis précédemment) tente de convaincre Sénèque de sa nouvelle moralité afin que ce dernier parle en sa faveur à Arie. Cette scène se conclue pourtant par un double échec puisque les deux procédés ont échoué, et Arie ne se laisse pas abuser par le récit de Sénèque.
Tigillin et Pétrone posent davantage de questions. D’un point de vue éthique il est difficile de les cerner : sont-ils simplement des courtisans corrompus tentant d’exercer une quelconque influence sur leur Empereur comme semble l’indiquer Sénèque après leur renvoi ? Ils assument presque le rôle d’un chœur par leur présence redoublée et ils approuvent les dires de l’Empereur avec une certaine crainte de ses accès de colère, l’assistant dans ses moindres désirs. Pétrone prend davantage corps dans le débat contre Sénèque, auquel il participe à la demande de Néron rappelons-le encore, et il est choisi comme ambassade auprès de Sabine pour servir les plans machiavéliques de Néron91. Tigillin et lui semblent presque interchangeables le reste du temps, et ils ne font preuve d’aucune rivalité, à la différence des conseillers Lacus et Martian dans la pièce de Corneille par exemple. Plus que des courtisans corrompus on peut voir en ces deux personnages des exemples parfaits de la servilité imposée par le règne de Néron, et bien que Néron les nomme « chers confidens »92, leurs relations sont ambiguës. Le dénouement punit pourtant leur immoralité et leur manque de courage, et Néron les insulte alors de « lasches courtisans … cruels imposteurs »93. Sénèque dénonce leur « mauvas conseil »94 mais le lecteur demeure sceptique quant à leur réelle implication dans la conduite de Néron. Ils semblent davantage être des pantins jouant les airs que Néron veut entendre de peur d’être punis autrement.
De nombreux portraits suspendent le cours de l’action qui opposent souvent deux personnages95. L’Impératrice et Néron ont souvent le privilège de ces descriptions pleine de fougue. En effet, Sabine dessine un portrait jaloux d’Arie96, et Néron fait un portrait de lui-même97. Néron et Sabine brossent également un portrait l’un de l’autre lors de leur dispute98. Ces portraits cristallisent les oppositions en présence et justifient l’action, même s’ils n’y participent pas directement. Elles ont un rôle de catalyseur tragique. Ainsi, la dispute entre Néron et Sabine donne lieu à des échanges qui précipitent l’assassinat de l’Impératrice annoncé à l’acte suivant.
Gabriel Gilbert offre une grande diversité dans la caractérisation de ses personnages et peint avec finesse les émotions tragiques qu’il leur prête. L’atmosphère en huis clos dans un palais néronien fait peser le tragique sur chaque mot et c’est l’acuité des portraits qui permet de maintenir cette tension.
Selon Richelet, un galant homme est « une personne qui a de l’esprit, du jugement, de la civilité et de la gaieté ; un homme qui est bien fait et qui par ses manières tâche à plaire aux dames99 ». Le terme a un sens étendu mais dès le départ si on observe les acceptions positives on note une définition bicéphale : ce qui relève des civilités et de la politesse et ce qui relève des relations amoureuses, sincères ou non. Si l’on relit Arie et Petus à la lumière de cette définition, on remarque que le personnage de Petus serait l’illustration du galant homme, et que Néron serait son opposé. En effet, Petus est un homme d’esprit qui a de la répartie et tient adroitement tête aux ordres de son Empereur en trouvant des solutions astucieuses pour demeurer dans Rome alors que Néron cherche à l’en renvoyer. On peut ainsi relire les vers 985 à 989 :
N’attends pas de Petus quelques laches excuses.Ta jalouse fureur avec tout ton pouvoir,Ne m’empescheront pas de suivre mon devoir ;Et je feray toujours jusqu’à tant que j’expire,Ce que l’honneur m’ordonne et que l’amour m’inspire.
On y lit en effet une ferme opposition de Petus qui place son honneur et l’amour au même rang, qui serait d’ailleurs supérieur au respect qu’il doit à sa position devant l’Empereur. Ces quelques vers synthétisent tout à fait les enjeux de la pièce et cristallisent les oppositions en illustrant le caractère héroïque de Petus.
Ce dernier possède également un sens du jugement aigu puisqu’il découvre les motifs réels de Néron sans que celui-ci s’en rende compte100, et il plaît et est estimé des dames, puisque l’amour d’Arie lui est acquis et que même l’Impératrice envisage de recourir à son aide101, le jugeant valeureux et plein de vertus sincères. Il remplit donc les deux pans de cette définition, tant d’un point de vue public, par son statut social et ses obligations qu’il se fait un devoir de remplir, mais aussi d’un point de vue privé en s’attachant l’amour d’Arie. On pourrait argumenter que Petus n’est pas réputé pour sa gaieté mais bien pour son sérieux et sa dévotion stoïque à la gloire et à l’Etat102, mais il n’est pas un fâcheux pour autant. Quant à Néron, il ne maitrise pas réellement les subtilités de la civilité, qui ne s’appliquent d’ailleurs pas à son statut d’Empereur, statut qu’il utilise pour se permettre une cruauté sans nom. En outre il se révèle souvent bien imprécis dans ses jugements puisqu’il pense jusqu’au dénouement qu’Arie partage sa passion, et ne s’aperçoit que tardivement que Petus lui a désobéi ou bien que ses conseillers ne sont que des flatteurs dénués de sincérité. S’il apparaît comme un personnage gai dans la première partie de la scène première, il est surtout vain et cruel. Il cherche en effet à se faire aimer des femmes, et d’Arie en particulier et déploie pour cela les artifices galants par excellence, dans ses actions comme dans ses paroles, mais le résultat n’est pas concluant, et ses manières sont grossières puisqu’il ne réussit réellement que par la menace et la supercherie. On est donc en présence de deux personnages qui se partagent le monopole de la galanterie masculine : Petus serait le modèle vertueux de l’homme galant quand Néron serait une illusion de galanterie, masquant sa réelle fatuité et son peu de probité morale.
En outre, le personnage de la tragédie galante devrait trouver un équilibre maîtrisé entre l’idéal de l’héroïsme et celui de la galanterie. C’est le cas de Petus qui incarne à la fois le héros militaire qui défend son état et possède de nombreuses qualités guerrières, comme on le remarque dans la justification que donne Néron de son choix pour la campagne britannique103 ; mais il est aussi un héros élégant, spirituel qui se comporte tout à fait convenablement dans un milieu féminin. La sensibilité de Petus est d’ailleurs à son paroxysme dans les derniers instants qu’il partage avec son épouse où le courage et la passion luttent dangereusement.
Les personnages féminins satisfont également à cet équilibre. En effet Arie et l’Impératrice ont des échanges où les traits d’esprit sont de mise ; et où la violence est à peine voilée104. En outre, elles sont également capables de grandes tirades amoureuses et passionnées qui révèlent une grande générosité. Carine Barbafieri évoque l’esthétique galante de Gilbert comme une innovation dès ses réflexions sur Téléphonte. Elle note en effet que le héros sort de son emploi de jeune héritier vengeur et adopte un rôle d’amant. Elle désigne Gabriel Gilbert comme le premier à « affubler d’amantes de jeunes héros guerriers et sauvages, tels Téléphonte ou Hippolyte ». Elle ajoute que :
Avec Gilbert, un héros viril et vengeur, de la race de ceux qui ne craignent pas de répandre le sang pour récupérer leur trône, se trouve, pour la première fois depuis le renouveau de la tragédie, pourvu d’une jeune amante (…)105.
Cette esthétique se voit renforcée et affinée et on peut lire Arie et Petus comme un prolongement de ces premières inventions dramaturgiques. En effet, il faut considérer ici que Petus s’il est présenté comme un sénateur romain, est surtout représenté comme un époux fidèle. Petus n’est d’ailleurs que peu représenté dans l’exercice de sa fonction et les institutions ne sont pas présentées sur scène. L’évocation des missions et contretemps militaires par Néron, comme la menace britannique, ne servent dans cette pièce que l’intrigue amoureuse qui n’est plus reléguée au second plan mais autour de laquelle gravite les événements. Effectivement, la gloire de Petus devient un obstacle à sa tranquillité d’amant et à la conservation de son épouse, et les campagnes militaires ne sont évoquées que comme stratagèmes faisant obstacle à la paix amoureuse. On remarque ici une transition vers une esthétique plus affirmée où le héros est certes toujours d’un rang politique et militaire exemplaire, mais dont les préoccupations sont essentiellement amoureuses, au point de rendre peut-être le dilemme devoir politique/devoir amoureux plus caduque.
Par ailleurs, le personnage de l’amante a chez Gilbert une importance notable. En effet la femme est loin d’être un simple objet d’agrément ou encore une nécessité de l’esthétique galante, mais elle prend pleinement fonction et raison dans les œuvres de Gabriel Gilbert. En cela, Gilbert reprend les tragédies de Corneille et la hauteur de ses personnages féminins. Arie et l’Impératrice sont ainsi au cœur de l’intrigue : elles sont certes représentées comme les enjeux des dilemmes et disputes masculins, mais elles exercent une liberté de parole et d’action assez remarquable pour l’époque. En effet, Arie est au centre des rivalités amoureuses et devient objet de dévotion pour Néron, ce qui en soi n’est pas original et ne propose pas de réelle révolution de l’emploi féminin. Pourtant, elle oppose avec force ses refus à Néron et se présente comme une épouse sincèrement vertueuse et le doute ne semble pas l’effleurer. Gilbert lui prête une noblesse et une force qui renforcent l’intérêt de l’intrigue. Ainsi, elle lutte contre les avances de Néron tout en tentant de préserver son époux dans sa gloire comme dans son honneur. Elle est d’une utilité première en ce que son amour est l’enjeu principal de la pièce mais aussi en ce que ses réactions sont attendues, écoutées, analysées et suivies tout au long de l’intrigue. Gilbert reste donc très conventionnel dans l’idée de son intrigue, qui fait toujours de la femme l’objet de la passion et un prix à remporter ou conserver. La liberté féminine est tout à fait illustrée dans un cadre tragique pourtant très solennel et protocolaire. En effet il faut relever les disputes édifiantes auxquelles participent Arie et Poppée contre Néron, et les mots qu’elles se permettent. Poppée ira jusqu’à payer de sa mort les affronts qu’elle a osé contre son époux et Empereur. En outre, les deux femmes opposent à une situation d’aliénation et d’assujettissement (amoureux et politique) une résistance farouche et restent fidèles à leur engagement jusques à la mort. Il faut pourtant observer que l’Impératrice ne choisit pas exactement de mourir, mais elle est consciente que cette fin est une conséquence possible de son attitude envers l’Empereur comme l’illustrent ses discours ; quant à Arie elle prend réellement le courage et la liberté du suicide par fidélité à son époux et comme seul moyen de conservation de son honneur vertueux. Les personnages féminins ont donc une utilité essentielle à l’intrigue de notre pièce puisque l’épisode amoureux permet le nœud politique qui oppose Petus et Néron de se cristalliser. De surcroît, elles sont toutes les deux des épouses, ce qui rend la flamme de Néron plus encore criminelle et renforce la tension tragique autant que cela légitime les résistances de Petus et précipite les personnages dans la mort comme seule issue digne de leur statut.
Gilbert accorde en outre la part belle aux personnages féminins dans cette pièce et leur présence scénique et verbale est notable. La scène de confrontation féminine distingue Arie et Poppée de l’idéal traditionnel féminin de réserve et de distinction timide en tragédie. Leur détermination face à la tyrannie de Néron est au contraire une illustration d’un certain héroïsme féminin et Arie serait au cœur de cette tragédie peut-être davantage que son époux. Leur effervescence verbale et l’orgueil dont elles font preuve, leur témérité face à la mort sont autant de signes d’un héroïsme exemplaire.
L’originalité de Gilbert demeurerait donc dans son traitement du sujet tragique classique. Sa dramaturgie repose sur un dénouement frappant qui détrompe un personnage ou dément une rumeur, comme on le retrouve encore ici avec le récit de la mort d’Arie par Sénèque à Néron qui la pensait enfin acquise. Les scènes de confrontation sont également au cœur de l’élaboration tragique de Gabriel Gilbert qui cristallisent les jeux d’opposition de valeurs et forment les péripéties dans des pièces relativement psychologiques.
Inspirations théâtrales et divertissement §
Gabriel Gilbert compose Arie et Petus dans une époque charnière pour la tragédie, où les usages des règles fixées depuis vingt ans se brouillent. Il apparaît donc de plus en plus comme un auteur suivant les effets de modes, notamment l’esthétique galante, et sait adapter sa dramaturgie aussi bien aux exigences d’un public renouvelé qu’aux thèmes qu’il se choisit. Nous pouvons donc parler d’un théâtre innovant de Gilbert dans un contexte littéraire auquel il participe ; mais sa dramaturgie se construit et s’établit aussi en regard de ses œuvres passées et de celles de ses contemporains.
En effet, la « Scène du tyran » est une pièce versifiée des Nouvelles nouvelles106. Elle se compose de deux séquences d’alexandrins, respectivement d’une longueur de 32 et 40 vers, et se présente comme une citation au sein de la « Conversation des pointes ou pensées par le narrateur Cléonte, comme exemple de « sens mystérieux », ce qui serait un cas proche de l’équivoque. Cette pièce semblable par sa forme à une œuvre théâtrale développe un discours sur la tyrannie. Ce discours est porté par un souverain qui interagit avec une femme, et par celle qui est décrite comme « une femme qu’il détient en son pouvoir »107. Le texte évoque lui-même ses destinataires qu’il nomme « auditeurs » et « lecteurs »108 et se présente comme un dialogue en rimes suivies qui a toutes les caractéristiques constitutives du théâtre classique. Le lexique d’abord et les « discours généraux »109 permettent de concevoir cet extrait comme une scène de tragédie opposant un tyran à la femme dont il est épris. Ce sujet dramatique est repris à partir d’Arie et Petus par plusieurs productions contemporaines. On remarque ainsi les pièces suivantes : Manlius (1662) et Nitétis (1664) de Mlle Desjardins ; La Mort de l’empereur Commode (1661) et Camma (1661) de Thomas Corneille, mais aussi un roman qu’est la Clélie (1656-1660) de Madame de Scudéry. Ces œuvres ont en commun la confrontation entre un tyran et la femme aimée qu’il garde captive de quelque manière que cela soit. Il est évident que certaines pièces illustrent ce fait de manière plus ou moins constitutive à leur dramaturgie, mais il n’en demeure pas moins que ce schéma est compris dans au moins une des intrigues principale ou secondaire. Gilbert lui-même présentera d’ailleurs le 25 février 1661 avec la troupe de Molière pour douze représentations Le Tyran d’Egypte qui par son titre (nous en avons malheureusement perdu le contenu) annonce un développement similaire. Mais la comparaison peut s’étendre plus avant puisque la plupart de ces pièces proposent des « scènes à faire » :
À la sc. I, 2 de Camma, Sinorix est repoussé par l’héroïne qui refuse le mariage qu’il lui offre. Elle critique ouvertement sa tyrannie et le qualifie d’usurpateur en précisant qu’il choisit une position faible sous ses illusions de pouvoir. A la sc. II, 4, elle lance un défi au tyran.
À la sc. III, 2 de La Mort de l’empereur Commode, Helvie est menacée par le tyran comme elle refuse le mariage qu’il veut lui imposer. A la sc. IV, 2, elle affronte le tyran et lui oppose des propos outrageant en condamnant ses actions.
À la sc. I, 3 de Nitétis, le tyran Cambise est menacé par l’héroïne. A la sc. III, 4, elle le poursuit d’injures et s’oppose ouvertement à lui. A la sc. IV, 2, Mandane, à son tour, menace le tyran et promet que le Ciel le vengera.
Les deux répliques en alexandrins des Nouvelles Nouvelles pourraient avoir pour origine une pièce perdue car non imprimée de Donneau de Visé. Il est également possible que ces vers soient une imitation de pièces existantes puisque ce thème se répand à l’époque. On pourrait également imaginer qu’ils soient extraits d’Erixène, une tragédie dont il est fait unique mention dans La Défense de Sophonisbe de Donneau de Visé, de 1663. Il y décrit la pièce comme ayant été créée au Marais deux ans plus tôt, mêlant un sujet de l’invention de l’Abbé d’Aubignac avec des vers de la plume d’un « jeune homme qui a beaucoup d’esprit »110. Or c’est ainsi que Donneau de Visé se réfère à lui-même dans son œuvre. Il est donc plausible de penser qu’il s’agit soit de vers extraits d’une pièce oubliée, ou non représentée parce qu’elle a été jugée mauvaise par les salons111, ou bien qu’il s’agit encore d’un projet avorté. Sauf élément contradictoire, il est d’usage de convenir que ces extraits sont du fait de Donneau de Visé, comme c’est souvent le cas pour les références qu’il sème dans les Nouvelles nouvelles. De surcroît, cette scène peut se compléter par deux autres éléments versifiés que sont « l’élégie de la prisonnière » et la « description de l’âme inquiétée » dans le tome II. Ainsi, Donneau de Visé emploierait de nouveau ses œuvres abandonnées dans sa collection de Nouvelles nouvelles, en bon polygraphe qu’il est. Il aurait existé une tragédie du tyran par Donneau de Visé en ce cas.
D’autres similitudes sont observables entre les différentes pièces de Gabriel Gilbert. Ainsi les conseils de Pétrone à Néron, répondant à ce qu’il juge être une attitude artificielle de la part d’Arie font écho à ceux de Cambridge à Henri II :
Pour prendre avec ce sexe une regie certaine,II faut croire tousjours que toute fême est vaine,Que l’eclat des grandeurs eblouit leurs Esprits :Et que de la plus fiere un Empire est le prix112
Ninus semble souscrire aux mêmes idées dans Sémiramis. Marguerite s’échappa elle aussi du camp d’Henri II, tout comme Arie s’échappe en « habit déguisé » puis est capturée par la garde prétorienne.
Les enjeux du débat philosophique. §
Au cours du premier acte, Sénèque et Pétrone débattent à l’initiative de Néron. Ce débat qui les oppose illustre deux doctrines philosophiques majeures de l’Antiquité : l’épicurisme et le stoïcisme. Pétrone adopte la première, affirme que « le hazard préside en la Nature »113 et exprime son manque de foi en l’existence de quelconques dieux ou d’une quelconque vertu. Il considère ces croyances comme étant une « bagatelle ». Il argumente en exposant le relativisme culturel et contextuel qui permet à différents pays en différentes époques de considérer une même chose comme vertueuse ou vicieuse. Il résume ainsi son opinion :
Tous les Estats divers que le Soleil esclaire,Ont dans leur Politique un sentiment contraire,Chacun suit son genie, & chaque Nation,Vit selon la coustume, ou suit sa passion.………………………………………………………………..Tu vois que la Vertu n’est donc qu’une ombre vaineQui n’a pour nous guider nulle regle certaine114.
Sénèque affirme au contraire que la vertu est une qualité constante que seul un aveugle ne saurait percevoir. Il disqualifie les arguments de Pétrone qu’il trouve spécieux et qui confondent vice et vertu. Il ajoute que selon lui la norme vertueuse se stabilise avec les progrès de la civilisation. Néron change alors de sujet et amène la conversation sur les Immortels, déclarant que leur existence ne repose que sur la superstition et le mensonge. Sénèque défend l’existence divine et amène l’idée selon laquelle la divinité réside en un esprit infini plutôt qu’en plusieurs représentations :
C'est cet Esprit Divin, cette essence infinie,Qui de cet Univers entretient l’harmonie115.
Ce débat semble avoir une grande importance pour notre dramaturge qui lui consacre près de deux-cents vers. Il s’agit d’une transposition du grand débat politique de Cinna (II, 1), dans une inspiration cornélienne. Un tel débat n’a pas été recensé par l’histoire, ni le Satyricon ou les discours de Pétrone ne détaillent de tels arguments. Pourtant il apparaît que l’esprit des écrits de Pétrone soit respecté. Son caractère fuyant et son attitude désobligeante sont bien rendus. On retrouve dans ses fragments poétiques la même idée selon laquelle la crainte serait à l’origine des dieux :
Primus in orbe deos fecit timor 116
On retrouve également des similitudes entre ces arguments et le Satyricon où la descente de Jupiter sur terre est évoquée.
Quant au point de vue de Sénèque, il se retrouve dans ses écrits. Il croyait en effet à l’exercice de la vertu. On le retrouve dans une de ses lettres où il écrit que : « la vertu seule procure une félicité perpétuelle et inaltérable »117. Son De Vita Beata118 illustre des idées semblables.
L’insertion d’un débat philosophique entre Sénèque et Pétrone qui occupe près de dix pages (6-14) dans la pièce peut paraître à première lecture quelque peu incongrue. En effet le lecteur se trouve surpris devant la longueur des réflexions philosophiques qui partagent des sujets tout à fait sérieux. Cela s’explique cependant pour plusieurs raisons dramaturgiques. En effet, comme nous l’avons souligné, la présence de Sénèque et de Pétrone engage un tableau historique plus convainquant et permet à Gilbert de maintenir l’illusion d’une grande fidélité aux sources latines. En outre, il apparaît que cet épisode philosophique n’est pas détaché de l’intrigue principale et n’est donc pas tout à fait une digression, ce qui nuirait à l’unité d’action préconisée en tragédie. Il faut pour cela se rappeler de la cause qui amène le débat entre les deux philosophes. Néron qui cherche toujours des subterfuges pour séduire Arie s’est en effet proposé de s’attirer les faveurs de Sénèque, ami proche de la jeune femme qui l’admire pour sa vertu et ses raisonnements sensés. Ainsi, Néron imagine qu’en provoquant un débat entre les deux représentants de doctrines opposées, il aura l’occasion de soutenir publiquement le parti de Sénèque, et donc de la vertu, ce qui pourrait lui attirer les faveurs d’Arie. L’Empereur semble en outre s’être distrait de ces disputes entre deux esprits divergents, comme on peut le lire à ces vers :
……………………………………………Petrone je te prie,Donne moy des ce soir un si doux passe-temps,Seneque le desire aussi depuis longtemps
On peut donc également y voir une caractérisation assez fine du personnage de Néron, puisque le lecteur parcourt avec lui les méandres de ses manigances et est initié au plaisir qu’il semble y prendre.
Ce débat sert finalement différents projets : il suit le cours nécessaire de l’action en tant qu’épisode ajoutant aux tentatives désespérées de Néron ; il permet une peinture de Néron comme Empereur omnipotent et dont les manipulations n’ont pas de fin, illustrant ainsi son hypocrisie ; il participe à l’image historique d’un Néron cruel et faussement vertueux ; il contribue à l’illusion d’historicité de la pièce ; il met au centre de la pièce des valeurs essentielles à la tragédie ; et enfin il répond à un goût moderne pour la rhétorique comme exercice de style.
La philosophie telle qu’elle est étudiée dans les classes se propose en effet surtout comme une démonstration d’adresse stylistique. Dans les collèges de rhétorique, on étudie les textes latins en proposant des exercices d’invention dont l’objectif est d’imaginer et de reproduire des débats d’époque. Cette scène s’illustre par ailleurs comme une pièce dans la pièce et si nous avons expliqué en quoi elle pouvait se rattacher à l’intrigue principale, son influence réelle est moindre puisqu’Arie ne se laisse pas prendre au subterfuge de Néron, et Gilbert semble avoir exploré les possibilités de l’unité d’action jusqu’à l’extrême. En outre, on peut voir dans cet exposé savant sur l’existence de la vertu et d’une autorité divine une caractéristique des pièces libertines de l’époque. La mort d’Agrippine de Cyrano de Bergerac avait à ce propos fait bien plus d’éclat pour une représentation similaire du scepticisme.
Cette scène qui ne trouve pas d’origine historique est une création intéressante de la part de Gilbert. En effet elle trouve en Sénèque et Pétrone l’illustration des deux extrêmes de moralité et d’amoralité dans la cour de Néron, qui met en lumière le conflit qui oppose Néron au couple vertueux. Mais d’une autre manière, la théâtralité du débat participe parmi d’autres épisodes représentés ou narrés à cette image que Tacite développait déjà de la cour, comme l’explique Valérie Worth-Stylianou119, c’est-à-dire celle d’un lieu d’espionnage, de jeu théâtral où l’on peut être spectateur ou acteur de ses propres crimes et drames. Gilbert rappelle par cette invention son goût baroque pour le déguisement, le subterfuge et cela concorde bien avec les spectacles luxueux de faux-semblants que rapporte Tacite. Néron est pris dans son rôle d’orchestrateur du débat120 et Gilbert nous le présente comme un acteur qui se confond dans son rôle et manque les conseils voilés de Sénèque auxquels il n’est plus sensible.
Cet épisode permet à Gabriel Gilbert de nourrir son intrigue. Ce clin d’œil aux classes de rhétorique va pourtant servir un dessein plus discret et plus essentiel à la tragédie. Ce débat porte en effet sur l’existence d’une force divine supérieure et sur la constance de la vertu dans les diverses sociétés et civilisations, ce qui permet au lecteur de mieux saisir les enjeux dramatiques de la pièce. On apprend lors de ce débat qu’Arie et Sénèque se rangent du côté d’une conduite vertueuse et généreuse et que Néron ne fait que prétendre adopter une telle conduite. Pétrone quant à lui n’est présent que pour servir d’opposant, et permettre à travers les vers de Sénèque de développer une doctrine stoïcienne précise. L’opposition des deux doctrines, stoïcienne et épicurienne, mime à un niveau micro-dramatique l’opposition qui réside entre Néron et le couple vertueux que forment Arie et Petus, et ici plus vraisemblablement Arie et Sénèque. Les notions de vertu, de conduite morale et de stoïcisme sont annoncées et présentée dans le développement du débat et c’est avec agilité que Gilbert nous prépare au déroulement de l’intrigue. En effet, il prévient son lecteur que la doctrine stoïcienne qui va être présentée est celle adoptée par Arie et donc par extension certainement par Petus121. Cela présage donc de leur attitude future qui pour se conformer à ces enseignements sera forcément empreinte de vertu et de courage constant face aux menaces et persécutions de Néron.
Le suicide est une question particulièrement délicate d’un point de vue philosophique. Y. Grisé dans Le suicide dans la Rome antique122 analyse bien les formes légitimes de suicides, que ce soit par nécessité ou par choix philosophique, selon les différentes doctrines stoïciennes. On s’attendrait à ce que le stoïcisme désapprouve clairement le suicide en vertu du devoir d’autoconservation et de perfection rationnelle, mais c’est avec beaucoup plus de nuances que l’on rencontre le cas du suicide dans la philosophie stoïcienne. En effet, la liberté d’indifférence ne suffit pas à rejeter le suicide qui demeure une option envisageable selon certaines circonstances. La liberté est au fondement du stoïcisme et le suicide peut se comprendre d’un point de vue rationnel et naturel lorsque la situation implique une souffrance insurmontable, une maladie, la vieillesse, ou bien un asservissement tel que l’accomplissement des devoirs n’est plus garanti. Or, c’est le cas ici : Arie est menacée par la flamme de Néron qui la réduit à choisir entre le divorce ou la mort de son époux, choix auquel elle ne peut se résoudre sans faillir à ses devoirs conjugaux et sociaux et surtout sans ternir son honnêteté. On lit dans l’ouvrage de Y. Grisé :
Ainsi donc, le stoïcisme consacrait la légitimité du suicide lorsque celui-ci provenait d’une décision rationnelle fondée sur le « convenable », dans une situation donnée. En reposant sur un critère purement subjectif, cette conception laissait à l’homme seul la liberté d’interpréter les circonstances extérieures qui s’imposaient à lui ; puis de les maîtriser par l’assentiment intérieur de sa raison. Doctrine de liberté, le stoïcisme prôna la possibilité de la mort libre et fit du suicide de l’homme heureux la réalisation supérieure du règne de la raison123.
A. Bodson explique dans sa Morale sociale des derniers stoïciens124 que le stoïcisme tardif surtout nous amène à considérer l’assujettissement à autrui comme un motif valable de suicide. Le suicide d’Arie, puis celui de Petus sont donc justifiés et annoncés par la doctrine stoïcienne.
L’esthétique galante §
L’esthétique galante dans le théâtre du XVIIe siècle §
La critique théâtrale du XVIIe siècle exprime une défaveur profonde pour l’esthétique galante. La poésie dramatique est en effet considérée comme un genre noble et pur que la galanterie corrompt en ce qu’elle y apporte des éléments génériques extérieurs. Le héros galant est par exemple un héros aux origines romanesques et ne saurait donc correspondre à la définition que la critique donne du héros tragique. La galanterie, qu’elle se caractérise par un discours ou par des actions, ternit le caractère extraordinaire et supérieur du héros tragique qui verse alors dans une expression plus vulgaire.
Le terme de « tragédie galante » pose en soi un souci de dénomination et d’emploi. En effet, ceux qui initient la galanterie comme domaine littéraire ne font pas usage de cette nomenclature, et les termes semblent contradictoires. Carine Barbafieri dans sa thèse propose de définir la galanterie comme « une honnêteté tendue vers la séduction des femmes »125 et délimite un espace où se côtoient les pratiques sociales de la civilité et l’intimité de la relation amoureuse. Se pose alors la difficulté d’une compatibilité d’une telle définition avec les aspirations du genre tragique. La terreur peut-elle se teinter de douceur ?
Bénédicte Louvat126 évoque quant à elle une catégorie de tragédie galante, de manière plus directe et assumée, qui correspond aux évolutions du genre tragique alors qu’il se propose de satisfaire les exigences de sentiments tendres d’un public de milieu de siècle. Elle reconnaît pourtant l’esthétique galante comme une corruption générique du tragique, comme le signaleront les critiques de fin de siècle pour qui le genre tragique doit plaire pour instruire et non plaire pour divertir uniquement. Ainsi, on peut reprendre les propos du P. Rapin en ce sens dans ses Réflexions sur la poétique de ce temps :
La galanterie est davantage selon nos mœurs et nos poètes ont cru ne pouvoir plaire sur le théâtre que par des sentiments doux et tendres ; en quoi ils ont peut-être eu quelque sorte de raison. Car en effet les passions qu’on représente deviennent fades et de nul goût si elles ne sont fondées sur des sentiments conformes à ceux du spectateur. C’est ce qui oblige nos poètes à privilégier si fort la galanterie sur le théâtre, et à tourner tous leurs sujets sur des tendresses outrées, pour plaire davantage aux femmes, qui se sont érigées en arbitres de ces divertissements, et qui ont usurpé le droit d’en décider127.
Ses propos sont à prendre avec délicatesse, puisque sa critique s’inscrit dans une conception jésuite de la tragédie, qui ne reconnaît pas que l’épisode amoureux est consubstantiel à la tragédie française depuis Corneille.
En outre, la galanterie n’est pas répréhensible seulement d’un point de vue esthétique mais aussi pratique puisqu’elle corrompt l’action en elle-même. En effet, elle se traduit le plus souvent par l’introduction d’une intrigue amoureuse secondaire qui nuit à l’unité d’action et n’est pas jugée digne d’un sujet tragique. C’est donc la pratique de l’épisode amoureux en elle-même qui se voit discréditée. Ce dernier ne s’impose dans la tragédie qu’en réponse au goût de l’époque pour l’esprit et la civilité dans un public qui devient de plus en plus féminin et mondain.
L’épisode galant est pourtant également attaqué lorsqu’il est fortement entremêlé à l’intrigue principale, et non seulement subordonné, car il ne repose pas sur des intérêts suffisamment nobles, comme le respect du devoir, la gloire politique ou bien la vengeance d’un honneur bafoué. La place de l’amour au théâtre est donc interrogée par la théorie littéraire du XVIIe siècle qui ne parvient pas à lui trouver un espace convenable que cela soit au cœur de l’intrigue principale ou secondaire.
Le Père Rapin dans ses Réflexions sur la poétique, participe à ce mouvement et explique que la seule forme d’amour acceptable dans l’action principale serait celle de la passion amoureuse, dévastatrice et jalouse qui « transforme tout en feu, en flamme et en morts ». Il désapprouve en ces termes les héros guerriers que la mode galante dénature en amoureux :
C’est par eux [les Espagnols] que la tragédie a commencé à dégénérer, qu’on s’est peu à peu accoutumé à voir des héros sur le théâtre, touchés d’un autre amour que celui de la gloire ; et que tous les grands hommes de l’Antiquité ont perdu leur caractère entre nos mains128.
L’épisode amoureux est de surcroit associé au tragi-comique et donc à un égarement du tragique en soi qui s’altère dans un mélange des genres. Hélène Baby souligne ainsi que :
Rares sont les tragi-comédies où les intrigues secondaires – ayant une influence sur le destin du couple principal – n’ont pas trait à l’amour129.
L’épisode amoureux est donc usuellement et largement condamné au XVIIe siècle. Se pose alors la question de l’amour vertueux comme alternative à un épisode galant dénué d’intérêt dramatique. Les augustiniens y sont strictement opposés, pour qui l’amour vertueux est comme « péché qui avance masqué et qui n’est donc pas reconnaissable comme tel »130, ce qui est plus encore répréhensible. L’amour chaste pourtant serait moralement acceptable selon certains critiques, comme on le remarque chez Perrault dans sa Défense d’Alceste131. En effet ce dernier se propose de représenter l’amour chaste et héroïque des personnages principaux quand celui des personnages secondaires pourrait être immoral.
Cependant et ce malgré les critiques nombreuses, le goût pour la galanterie s’exprime assez tôt dans les tragédies de ce siècle, ce qui conduit à une esthétique nouvelle où la violence est atténuée dans le tragique. De nombreux ornements viennent ainsi adoucir le langage tragique qui selon Carine Barbafieri joue alors « simultanément sur les voies du cœur et de l’esprit, sur l’émotion et l’ingéniosité, sur le molle atque facetum »132. Ce langage se caractérise alors par une accumulation de marques de civilités, de compliments, de mots d’esprit ou encore de railleries dont est empreint l’art de la conversation mondaine. Les cas de conscience ainsi que les lettres d’amour se multiplient qui participent au « je ne sais quoi » galant. Ce langage dramatique ne sera que tardivement théorisé, dans le dernier tiers du XVIIe siècle comme le retrace Delphine Denis dans La Muse galante133.
L’esthétique galante va même jusqu’à faire évoluer les valeurs et significations accordées aux éléments représentatifs du tragique. Carine Barbafieri décrit dans ses recherches l’avènement de cette esthétique galante dans la tragédie du XVIIe siècle et note que ce procédé a très tôt marqué le théâtre. La tragédie se construit effectivement par rapport aux normes mondaines de son public, que ce soit par opposition ou bien connivence. C’est ce lien avec les normes galantes qui fait naitre la tragi-comédie par exemple et marque également la tragédie.
En outre, la galanterie se développe avec le soutien des grands salons mondains de l’époque et ne peut se permettre une dimension extrêmement subversive de peur d’être confrontée à l’opposition ecclésiastique, doublée de celle de la « vieille » cour et du monarque. Les valeurs en place ne sauraient être renversées impunément. Il est donc évident que la galanterie ne prône pas de révolution, et comme on le constate chez Gilbert le respect de l’ordre établi demeure essentiel et permet même au divertissement de prendre place sur scène.
La même prudence est appliquée dans le domaine de l’amour et la galanterie se distingue d’autres genres plus audacieux en ce qu’elle conserve une juste mesure qui lui permet de conserver droit de cité en littérature. Ainsi, J-M. Pelous précise :
Le libertinage amoureux exerce [dans la deuxième moitié du XVIIe siècle] une tentation évidente mais se heurte néanmoins à quelque refus inconscient […] L’existence d’une littérature du libertinage supposerait une adhésion à cette faillite totale de l’amour traditionnel que postule l’attitude libertine ; la mentalité galante se refuse à cette extrémité et semble hésiter entre la réprobation et l’admiration134.
L’innovation galante n’entame pas la rupture avec la morale, et les galants eux-mêmes se tiennent pour distincts des libertins. Leur positionnement est d’une subversion plus discrète et voilée. J-M Pelous les caractérise d’ailleurs clairement dans son ouvrage comme deux esthétiques sœurs mais en souligne les oppositions :
Entre le libertin et le galant homme, il n’y a sans doute que peu de différences ; railleurs, inconstants, impies à l’occasion, tous les deux le sont. Les mêmes traits se retrouvent chez l’un comme chez l’autre, mais ici poussés jusqu’à l’extravagance, là sagement tempérés par l’esprit et la raison. A la fois semblables et antithétiques, ils sont comme l’avers et le revers d’un même idéal. Mais le galant homme sait qu’il y a dans la galanterie une large part de jeu […]135.
Gabriel Gilbert, un poète galant §
Le théâtre de Gabriel Gilbert se fait ambassadeur de cette esthétique galante telle que nous l’avons précédemment étudiée. En effet, l’amour est au cœur de ses intrigues comme on peut le déduire de ses titres ou sous-titres. Les intrigues amoureuses transparaissent avec une grande évidence en effet à leur lecture : Arie et Petus, ou les amours de Néron ; Les Amours d’Ovide ; Les Amours de Diane et d’Endymion ; Les Amours d’Angélique et de Médor ; Les peines et les plaisirs de l’amour ; Les intrigues amoureuses ou encore Hypolite ou le garçon insensible. Gilbert reconnaît lui-même dans les écrits qui entourent ses pièces que la plupart des sujets qu’il choisit peuvent donner lieu à des intrigues amoureuses. C’est par exemple ce qu’on peut comprendre dans sa dédicace des Amours de Diane et d’Endymion où il écrit :
Quoiqu’il [Endymion] paraisse sous l’habit d’un Pasteur, la Grèce le compte entre ses plus grands Rois, il a régné quelque temps heureusement dans l’Élide, mais l’Amour qu’il eut pour les Lettres lui fit quitter ses États et le fit passer d’Europe en Asie où les sciences florissaient alors. Pour mieux observer le cours des Astres qui était sa principale étude, il s’arrêta sur le mont Lathmos qu’il a rendu célèbre par son séjour. C’est ce qui a donné lieu aux Poètes, qui couvrent la vérité de fictions agréables, de faire une fable de cette Histoire : en feignant qu’Endymion était amoureux de Diane, ils ont fait d’un Roi un Berger et d’un Sage un Amant.
Il apparaît donc que la dramaturgie de Gabriel Gilbert puisse se fonder sur un sujet mythologique ou historique auquel une intrigue amoureuse serait ajoutée, invention que l’auteur juge non seulement plausible mais surtout légitime. Carine Barbafieri analyse la galanterie dans le théâtre de Gilbert en ces termes :
La galanterie de Gabriel Gilbert ne se réduit pas à cette déclaration qu’avait, somme toute, déjà illustrée Benserade par ses productions tragiques. Elle tient largement à sa manière de peindre ses personnages : les personnages féminins sont portraiturés à la mode mondaine, sans aucune hauteur comparable à celle des héroïnes cornéliennes, et ses héros ont le cœur sensible et rempli d’urbanité.
Ainsi, elle nous amène à considérer les personnages masculins et féminins peints par notre dramaturge, et nous force à constater que les caractères masculins sont souvent plus sensibles, comme cela peut se remarquer dans Téléphonte ou Hyppolite. Ces personnages masculins mettent en avant les deux humeurs mondaines les plus répandues : mélancolique et enjouée. Quant aux personnages féminins, ils sont surtout d’intérêt mondain dans sa période plus tardive. Ils sont armés d’une gaieté aimable et civile, et d’un esprit acéré, ainsi que, le plus souvent, d’une faiblesse d’empathie. On peut relever dans ce sens quelques réflexions acerbes de la part de nos héroïnes, comme dans Chresphonte où la future reine lance à son amant : « Huit ans ont bien changé l’air de votre visage »136 ; réflexion qui dénote par rapport aux convenances attendues. De même dans Les Amours d’Angélique et de Médor, où les personnages féminins sont créés dans une diversité qui nous permet d’apprécier leur différente composition. Angélique représente en effet la chaste vertu que les guerrières ne partagent pas, ayant un caractère plutôt railleur, impudique et badin.
On pourrait trouver une explication à ce penchant galant dans l’expérience personnelle de Gabriel Gilbert comme le propose certaines analyses. En effet ses successifs patronages féminins, son appartenance au cercle de protégés de la duchesse d’Aiguillon, lui permettent de s’épanouir dans un entourage mondain essentiel. Il leur dédicace en outre nombre de ses œuvres, ce qui influence certainement une attention particulière pour la galanterie, lui permettant certainement une réception favorable. On lit dans le Panégyrique des dames, de Gilbert les paroles suivantes :
Les hommes qui n’ont point de communication avec les femmes, sont peu sociables ; ils sont rudes & farouches, & ceux qui les frequentent ont beaucoup de complaisance et de douceur ; cette difference ne se remarque pas seulement entre les particuliers, mais aussi entre les nations (…). L’on voit donc que c’est des femmes que les hommes apprennent les bonnes mœurs, & que c’est d’elles qu’ils acquierent les qualitez necessaires à la douceur & la tranquilité de la vie civile137.
Cela nous amène à considérer son œuvre poétique comme une expression de son esthétique galante. Ainsi, si Gilbert est favorable à une forme de tragédie galante, il n’en est en rien moins traditionnel dans son approche dramatique, comme le note Marc Angenot dans son essai Champions des femmes138. En effet, il n’est pas insensible à cet univers féminin qui l’entoure mais il serait erroné de voir en lui un féministe avant l’heure. Cette esthétique galante qui influence certainement son travail de composition des personnages féminins est au cœur de notre pièce Arie et Petus, où comme dans Marguerite de France ou Téléphonte on retrouve une noblesse féminine généreuse, vertueuse, en proie aux attaques d’un pouvoir masculin tyrannique.
Arie et Petus, la consécration d’une esthétique galante expérimentée. §
Alors que nous avions assisté aux balbutiements d’une esthétique galante dans l’œuvre dramatique de Gabriel Gilbert avec Marguerite de France et Téléphonte, nous nous situons avec Arie et Petus dans une période plus accomplie du théâtre de Gilbert. En effet, dans les années 1640-45 son esthétique était encore à un stade hésitant, mais nous verrons qu’en 1659 Gabriel Gilbert explore de manière plus habile les pistes qu’il avait déjà sollicitées et affirme son esthétique galante comme une pierre de touche de sa dramaturgie.
La tragédie française depuis Corneille se définit par la violence qui surgit au sein des alliances, or c’est ce que nous retrouvons en partie dans notre pièce. En effet, Gabriel Gilbert place deux couples au cœur de cette intrigue amoureuse : Arie et Petus et Poppée et Néron. Si le premier couple semble résister à la violence tout au long de la pièce, cela n’est pas le cas du second. Néron et l’Impératrice qui sont supposément liés par l’amour ou du moins le respect conjugal ont des échanges tout à fait violents où les menaces de mort ou de divorce pleuvent des deux côtés et où chacun reproche à l’autre ses manigances139. Néron met finalement à exécution ses menaces proférées envers l’Impératrice qu’il ira jusqu’à assassiner. En outre, Petus est le sénateur de Néron et il est donc à supposer qu’ils représentent les mêmes intérêts politiques et militaires ; or au cours de l’intrigue les intérêts d’Etat sont repoussés par les deux partis par jalousie ou crainte. On peut donc voir dans Arie et Petus une tragédie tout à fait régulière en ce qu’elle respecte ce précepte et pourtant cela n’empêche pas une forme de douceur et de galanterie qui est davantage à situer dans les échanges et représentations du premier couple, ou bien même dans les déclarations de Néron pour Arie. C’est en outre surtout le tableau de personnages qui nous permet de parler d’une esthétique galante pour cette œuvre, comme nous l’avons étudié.
On peut définir Arie et Petus comme une pièce galante en ce qu’elle répond fondamentalement aux critères convenus par Carine Barbafieri pour cette esthétique. Tout d’abord il faut noter la présence fleuve d’un discours amoureux et d’un langage particulièrement galant. En effet, on remarque la présence d’un lexique et de métaphores traditionnelles de l’esthétique galante, comme la confrontation « d’inhumains et d’inhumaines » dans un monde de « soupirs et de larmes »140. Néron est inhumain de cruauté aux yeux d’Arie et de Poppée, mais il qualifie Arie d’inhumaine comme elle ne partage pas sa flamme. Ainsi Néron déplore ce jugement qu’Arie porte sur lui :
L’opinion qu’elle a que j’ay l’ame inhumaineDe ses hautes vertus a peû causer la haine.Comme une fugitive elle a quitté ma Cour ;Mais Rome dés demain la verra de retour141.
Arie, elle résume la situation ainsi :
Une noble fureur vient m’échauffer le sein,Qui me rend inhumaine envers un inhumain142
Et Néron de reprendre finalement :
Et fais moy le recit de cette triste mort :Dy moy comme expira cette belle Inhumaine143.
Mais l’esthétique galante s’illustre aussi dans la mise en valeur d’un cas de conscience. Cette caractéristique peut se retrouver dans notre pièce, puisque Petus est partagé entre son devoir conjugal et militaire144, et qu’il ne parvient pas à les satisfaire tous deux. De même Arie se trouve confrontée au même dilemme, honorer la gloire de son époux et protéger leur amour vertueux semble incompatible. Ces cas de conscience sont pourtant ici présentés de manière succincte et le balancement des deux époux n’est que de courte durée. Il n’est jamais question de séparation lors de leurs échanges et s’ils cherchent une échappatoire, elle est toujours à trouver du côté d’une épreuve commune. Gabriel Gilbert retravaille les modalités du cas de conscience pour une esthétique galante qui lui est propre. Il n’abolit pas le dilemme tragique mais le laisse sous-tendre l’action et rares sont finalement les monologues. Celui de Petus à l’acte III, scène 6 consacre d’ailleurs l’amour comme valeur supérieure à toute autre préoccupation.
Mais c’est principalement la « varietas », c’est-à-dire un mélange des tons et des registres qui caractérise la galanterie. Cela n’est pas flagrant dans l’œuvre de Gilbert, bien davantage chez Quinault, mais on en trouve des marques discrètes dans Arie et Petus. En effet, l’œuvre se partage entre les longues tirades galantes, les répliques menaçantes et la rhétorique philosophique de cour. Ainsi, on peut retrouver dans la bouche de mêmes personnages le registre de l’amour galant, comme celui de l’invective : c’est le cas d’Arie selon qu’elle s’adresse à son époux ou à Néron et l’Impératrice. Les registres et tons règlent les relations entretenues par les personnages. Cette « varietas » permet en outre de rendre justice aux différents caractères : ici les personnages féminins d’amoureuses ont certes toutes deux un discours galant envers leur époux, mais selon des modalités différentes qui les distinguent.
L’esthétique galante se propose de renouveler la présence de la passion dans le théâtre et cela passe souvent par une nouvelle caractérisation des personnages. Ainsi dans Téléphonte, Gilbert mettait en scène un héros de tragédie sauvage qu’il accompagnait d’une douce héroïne, et ce procédé qu’il inaugure en 1641 devient courant. Cependant, on remarque que cet emploi du jeune héros viril et vengeur qui doit attenter à la vie du tyran pour retrouver un trône perdu ne correspond plus tout à fait à ce que Gilbert représente avec Arie et Petus comme nous l’expliquions précédemment. En effet, Petus n’est pas un jeune homme que l’ambition et la soif de vengeance anime ; mais un sénateur confirmé qui fait preuve d’une grande clairvoyance politique. Il ne s’agit pas pour lui de venger son honneur en tuant Néron, mais bien de trouver un compromis politique qui permette de sauvegarder la vie et l’honneur de son épouse. Gilbert met ici en scène un personnage qui fait preuve d’une certaine forme de maintien et de probité morale et politique et ne se laisse pas aller à la poursuite de simples impulsions ou illusions. En outre, il légitime tout à fait l’union d’Arie et de Petus qui ont l’originalité d’être déjà mariés, à la différence des simples amantes qui peuplaient ses tragédies précédentes. L’intrigue ne tient donc plus tant à la possibilité de l’union mais bien au maintien de cette union légitime. C’est ainsi que Gilbert retravaille son esthétique galante. Cette dernière consiste depuis Marguerite de France à opposer un couple vertueux à un tyran jaloux et amoureux, et avec Arie et Petus il renforce cette opposition en renforçant le scandale de la situation. En effet, Néron est un Empereur tout puissant dont la cruauté irait jusqu’à défaire deux unions légitimes et légales pour son simple plaisir.
En outre, on remarque que la galanterie consiste souvent dans une pièce à montrer des comportements adoucis, et donc moins violents que dans les sources présentées. Cela se confond avec les exigences consubstantielles à la nouvelle Tragédie de 1634 et se remarque notamment par les récits qui sont fait des différentes morts orchestrées par Néron. En effet, l’assassinat de Poppée n’est pas représenté mais bien exposé en quelques vers par Sénèque145, tout comme la mort d’Arie est racontée à l’Empereur par Sénèque dans la dernière scène. La violence est donc certes toujours présente mais elle demeure surtout verbale ou n’est pas accueillie sur scène de manière directe afin de ne pas heurter la bienséance. En outre, Petus conserve des positions politiques respectueuse de la hiérarchie impériale, ce qui est un adoucissement de la réalité historique où il prend part à une conjuration contre Claude. La réduction du dilemme à son minimum est également un adoucissement de la tragédie classique qui présente un conflit intérieur aux violences bien plus saisissantes, ce qui ne peut être le cas dans un univers galant où les héros n’ont aucune honte à déclarer la prévalence de leur amour sur tout devoir extérieur. La violence de la situation tragique est évacuée par l’esthétique galante qui participe à un adoucissement général de l’intrigue sans pourtant en masquer les enjeux.
De 1634 à 1702 l’épisode amoureux contribue à insinuer l’esthétique galante au théâtre. Un lien fort entre galanterie et élégie se constate dès les écrits de Théophile de Viau et Clélie de Mme de Scudéry en 1654 qui promeut la mélancolie féminine comme attrait. Ce tempérament commence à être loué et trouve un emploi dans les tragédies galantes. Gilbert la transpose d’ailleurs à son héros masculin comme on le remarque à ces vers :
Refuser les honneurs que fait un Empereur,Dedaigner ses presens, les avoir en horreur,C’est estre trop austere, et trop melancholique146.
Sénèque décrit effectivement Petus comme une âme mélancolique lui-même, ce qui ajoute à son caractère galant et urbain.
Arie et Petus, écrit post fronde, participe donc à ce mouvement de l’esthétique galante qui s’accentue mais ne trouvera sa confirmation théorique que dans les années 1670-1680. La pièce propose des personnages construits et élaborés pour s’attacher le lecteur et déclencher les passions tragiques de manière plus accentuée. Elle suit les enseignements de La Poétique147 de La Mesnardière de 1639 qui encourage ces marques de galanterie. En effet il valorise la catharsis et rejette pour cela la fureur comme passion noble et tragique par excellence. Il explique que :
Les personnes vertueuses supportent les infortunes avec assez de constance pour ne pas injurier le Ciel, et scandaliser la terre par des propos sacrilèges. […] Qu’on s’abstienne non seulement d’introduire sur le Théâtre un homme dont la fureur s’attache au Trône de Dieu-même, dont l’exemple est toujours horrible, bien qu’il soit assez fréquent dans l’ancienne Tragédie ; mais qu’on oblige le héros de parler avec respect des Puissances souveraines, quand même ses infortunes partiraient de ce principe148.
Il convient de représenter la colère de manière circonspecte pour ne pas engager la colère du lecteur contre le personnage. Ce conseil est d’ailleurs suivi de près par Gilbert qui fait rejeter la conjuration politique à Petus. Il s’agit donc pour le héros de ne pas se plaindre ou pester, ni ne jurer ou blasphémer. La pitié doit primer sur la terreur comme corollaire de l’honnêteté tragique. Le personnage doit ainsi pleurer plutôt que pester, et suivre une voie élégiaque possible dans la tragédie. La Mesnardière, conseille donc un style moyen et non un grand style. Il ne s’agit plus comme conseillait Horace de varier le style selon la situation, mais de suivre un style constant qui ne propose pas de figure clinquante. C’est selon lui le meilleur moyen de s’attirer la compassion du spectateur.
Il faut donc trouver un substitut à la fureur qui serait dans l’esthétique galante une forme de colère froide à travers la raillerie. Les Traités de raillerie sont abondants depuis Cicéron et sont récupérés pour l’écriture tragique. Elle sert une forme d’ironie, et la raillerie cinglante remplace la colère et les larmes. La tragédie se couvre de douceur, de délicatesse, de tendresse qui vient de la société et de la littérature. Cette réponse à une forme de mondanité n’est plus alors une dérive ponctuelle mais une récurrence, comme un modèle. Or la raillerie est absente des grandes confrontations de notre pièce, notamment celle entre Arie et l’Impératrice qui joue sur d’autres aspects du discours. Pourtant, il en est question dans la querelle philosophique en l’espace de quelques vers prononcés par Pétrone. On peut donc trouver une assise théorique à la raillerie dans notre pièce, mais non pas une application pratique. Carine Barbafieri analyse d’ailleurs Arie et Petus à l’aune de ce critère de la raillerie en galanterie :
Si de nombreuses tragédies pratiquent la raillerie, celle-ci se voit théorisée dans Arie et Petus (1659) de Gilbert, où le personnage de Pétrone fonde la raillerie, à la suite de la Rhétorique d’Aristote, sur la nécessité de contrer les esprits sérieux. Puisque Sénèque est « incommode » par sa rigueur stoïcienne, « Il faut d’un air galant tourner en raillerie/Ses plus graves propos », déclare-t-il149.
Mais si la raillerie trouve hospitalité chez la galanterie, la flatterie en demeure exclue, comme on peut le voir à la fin de notre pièce puisque Néron chasse Tigillin et Pétrone lorsqu’il démasque leur manque d’honnêteté150. La flatterie est une complaisance qui a cessé d’être honnête, et c’est bien cela qui l’exclue des valeurs de la tragédie, même galante. La complaisance évite certes de contredire et de heurter, et peut s’interpréter comme un complément de la dissimulation qui en soi n’est pas un travers, mais bien parfois une qualité politique. La finalité si elle est bonne permet à la dissimulation d’être glorieuse, comme fine connaissance de la politique et de la complaisance. Ici les vertus mondaines et politiques se rejoignent et la flatterie ne semble pas avoir droit de cité en tant que contradiction de ces vertus.
Entre sources et postérité : une œuvre passerelle. §
Il nous faut considérer avec plus ample précision une source plus discrète des représentations de Néron. En effet, Octavia151, tragédie latine attribuée de manière quelque peu irrationnelle à Sénèque, se concentre sur la répudiation d’Octavie en faveur de Poppée et Néron y rencontre de même de nombreuses oppositions. C’est pourtant Sénèque, comme le décrivent bien Léon Herrmann152 et Ronald Tobin153, qui assume le discours subversif à l’encontre de Néron dans cette tragédie. Il tente en effet de prévenir Néron des effets de la répudiation d’Octavie et s’oppose à son nouvel amour pour Poppée. Il apparaît alors que Burrhus emprunte beaucoup à ces discours de Sénèque, et que les deux personnages aient été à plusieurs occasions interchangés, et peut-être Gilbert lui-même fait-il de Sénèque le porte-parole de la contestation par fidélité à cette pièce davantage qu’à Dion Cassius. Ainsi, Burrhus expose l’amour comme un « mal faible dans sa naissance » qui trouverait un « remède » dans l’exercice de la volonté : « on n’aime point, Seigneur, si l’on ne veut aimer »154. Cette prise de position est originellement celle de Sénèque qui dans Octavia s’exclamait :
Cet amour te quittera si tu ne lui cèdes pas à la légère. […] C’est l’illusion des mortels qui feint que l’Amour volage soit un dieu redoutable […] si on cesse de le réchauffer et de l’alimenter, il tombe et, perdant bien vite ses forces, il s’éteint155.
L’Incoronazione di Poppea, opéra de Busenello et Monteverdi est le premier opéra historique, créé en 1642-43 au Teatro di SS. Giovanni e Paolo de Venise pour le carnaval. Il s’inspire déjà de la tragédie Octavia. Gilbert ne s’inscrit pas dans cette même lignée de représentation et rompt une certaine chaîne qu’on pourraît établir entre Octavia, L’Incoronazione di Poppea et La Mort de Sénèque par exemple. Racine semble encore se situer à part.
Comme nous l’avons déjà constaté, le théâtre anglais et français du XVIIe siècle consacre de nombreuses pièces à Néron et Arie et Petus s’inscrit dans ce cycle de représentations de l’empereur romain. Loin de s’attarder seulement sur les déboires de ce personnage historique, ces intrigues se construisent sur des jeux d’oppositions et des amours volés ou partagés. Elles reprennent en général le Théâtre de Sénèque et plus précisément Octavia. The Tragedy of Nero156, pièce anonyme de 1624, fait partie des pièces anglaises mettant en scène la relation entre Néron et Poppée. Néron y est représenté comme le souverain du monde selon des vers qui font écho à Arie et Petus :
Grandes sont tes fortunes, Néron, grand ton pouvoir,Ton empire a les limites que lui impose la nature.Sur ton sol, le soleil se lève et se couche,Le jour et la nuit sont tiens ;Les planètes ne peuvent errer où elles verrontCette terre orgeuilleuse qui ne craindrait pas le nom de César157.
Ce texte est intéressant pour notre étude qui partage des ressemblances essentielles avec notre pièce. Néron exerce dans les deux cas un pouvoir tout puissant, mais il se prête à de nouveaux exercices de celui-ci, notamment dans le domaine des Jeux. Dans la première pièce les Jeux grecs sont présents, ce qui n’est pas sans annoncer les Jeux organisés par Néron pour séduire Arie. Les confusions chronologiques demeurent les plus intrigantes : dans les deux cas la pièce se présente comme une synthèse de différents moments du règne néronien. En effet Sénèque est encore en vie dans les deux cas, ce qui laisse entendre que la pièce se tiendrait avant 65, mais dans la première pièce Néron revient de Grèce, ce qui amène à croire que l’action se déroulerait au moins en 67 ; dans Arie et Petus nous avons déjà vu que la chronologie suit les mêmes incohérences. Ces manipulations chronologiques nous renseignent sur l’ampleur de tels projets dramaturgiques. Donatien Grau158 y voit l’ambition de donner une représentation fidèle et complète du règne de Néron, influencée par les écrits de Tacite. Les jeux de pouvoirs y sont mis en lumière, comme le montre déjà l’attention portée aux personnages secondaires. Le peuple est mis en scène dans The Tragedy of Nero, ce qui n’est pas le cas dans le huis-clos tragique de Gabriel Gilbert. A partir de cette pièce le thème néronien hante la littérature du XVIIe siècle comme par exemple dans The Tragedy of Julia Agrippina159, de Thomas May créée en 1628 mais publiée en 1639, ou encore The Tragedy of Nero160 de Nathaniel Lee en 1675 pour la littérature anglaise. Il n’est pas aisé de déterminer si Gabriel Gilbert a eu une connaissance suffisante de ces œuvres pour s’en inspirer, c’est pourquoi nous n’insistons que sur la première d’entre elles qui présente tout de même des correspondances troublantes.
La pièce de Tristan L’Hermite porte un titre qui serait issu d’une citation de Tacite, « caedes Annaei Senecae » soit le « massacre de Sénèque » et s’inspire de la conjuration de Pison en 65. La représentation de Néron y est également ambiguë. On retrouve dans la bouche d’Epicaris, l’affranchie qui prend part à la conjuration, ces vers forts de condamnation dans la scène 2 de l’acte II :
Hé bien ? Qu’attendons-nous ? Quel sentiment timideFait ainsi retarder la mort d’un parricideQui de tous les méchants est le ferme soutien,Et l’ennemi mortel de tous les gens de bien ?Faut-il qu’impunément tout ordre se confonde,Et qu’il désole Rome aux yeux de tout le mondeSans qu’une juste horreur de ses faits odieuxApaise de son sang la colère des dieux ?
De mêmes reproches sont prononcés par Poppée dans Arie et Petus où les crimes de Néron sont évoqués, qui baignent Rome dans des jeux sanglants et ses méfaits envers sa mère et sa dernière épouse Octavie, ainsi que son frère sont rappelés au spectateur. Les mêmes termes sont employés pour décrire Néron : chez L’Hermite on retrouve les qualificatifs de « tyran », « monstre pervers » et « maître de l’univers » qui accompagnent la mention de l’incendie de Rome, alors que chez Gilbert on retrouve les qualificatifs de « cruel »161, ou « barbare162. Sabine ajoute également :
Si tu n’inondois Rome au milieu de tes jeux,Dans des fleuves de sang, et de torrens de feux :De ces lugubres feux, tu fais tes feux de joye,Et chante sur un luth l’embrasement de Troye163
Et elle lui impute de plus les crimes de « parricide » et « d’inceste » par la suite, puis de « tyran ». Néron lui-même au début de notre pièce se vantait d’être « Maistre du Monde »164.
Sénèque dans la première pièce se plaint de l’évolution de son diciple comme chez Gilbert. On retrouve en effet des passages similaires :
Ce Prince du Sénat qui durant cinq annéesA donné la jalousie aux âmes les mieux nées :Mais qui se détournant de ce noble sentier,En de honteux plaisirs s’est plongé tout entier ;Et de sa cruauté secondant sa molesse,A l’égal de sa force a montré sa faiblesse165.
Ce à quoi semble répondre le Sénèque de Gilbert :
D’aprivoiser un tygre il n’est pas trop facile,Tu n’es pas comme moy toujours à ses costez,Pour connoistre ses mœurs, et ses ferocitez.Par mes soins vigilans j’ay durant cinq années,Tenu par la raison ses fureurs enchaisnées ;Mais Neron de clement est devenu cruel,Et ce tygre a repris son premier Naturel166.
Ces échos trahissent évidemment une lecture de Gilbert à la fois de Tristan l’Hermite mais également des mêmes sources savamment équilibrées, Tacite et Suétone. Dans la pièce de Tristan L’Hermite, Néron est un personnage complexe qui présente tour à tour une fragilité et une tyrannie grandissantes. Il semble en effet manipulé par Poppée ; ce que trahissent les incriminations des conjurés à son égard. La mort d’Octavie au début de la pièce n’est donc pas à analyser comme un crime arbitraire mais comme une nécessité politique puisque Néron se justifie en dévoilant la duplicité d’Octavie qui médisait à propos de son Empereur. Le suicide de Sénèque n’est d’ailleurs que plus parlant d’ambiguïté, puisqu’il ne semble plus tant ordonné par Néron que par Poppée, qui sert ses propres desseins. Les conspirations qui encadrent la pièce rendent Néron moins imperméable à la pitié du spectateur. Gilbert ne joue pas sur les mêmes procédés, puisque que comme l’illustre l’étude de ses confidents, Néron n’est pas aussi malléable et ses décisions semblent plus détachées des influences extérieures. Pourtant la dernière scène nous montre un Néron tardivement fragilisé par les remords auxquels l’ont amené la mort d’Arie. On peut y voir un retournement de situation un peu soudain mais finalement concordant avec les sources historiques qui décrivent un long deuil après la mort de Poppée et une sorte de crise que l’on pourrait retrouver dans la folie naissante de Néron ici.
Ces deux pendants de la personnalité de l’Empereur permettent chez Tristan l’Hermite de laisser au spectateur un choix de perspective entre « monstruosité et faiblesse du pouvoir167 » comme l’écrit Donatien Grau. Chez Gilbert la monstruosité de Néron est amplifiée et ne laisse pas de doute, mais c’est davantage par la présence de Sénèque que le dramaturge laisse percevoir des évocations et des souvenances de l’humanité qui peut l’habiter. Les dénouements des pièces sont en outre assez semblables mais s’interprètent distinctement. Ainsi comme nous le disions, chez Gilbert, Néron plonge doucement dans la folie, rattrapé par les ombres de ses nombreuses victimes, par la mort d’Arie et avec elle de la vertu courageuse que Sénèque lui enseignait. Il est frappé d’une sorte de révélation qui annonce sa chute et des remords presque surréalistes tant ils sont soudains. Chez L’Hermite, il faut chercher la même perte d’équilibre mais y voir au contraire la consécration d’un monstre, qui certes mènera à la chute et à la perte de l’Empereur ; et les forces qui entourent Néron ne sont plus à trouver du côté d’une conscience tourmentée par les remords mais par la furie. Le tragique naît de ce que Néron attire à lui sa propre décadence dans les deux pièces. Chez L’Hermite on retrouve ainsi ces derniers vers :
Je ne sais ce que j’ai.Tous mes sens sont troublés et mon âme inquièteNe peut plus se remettre en sa première assiette ;Je brûle de colère, et je frissonne d’effroi ;Je forcène, j’enrage, et je ne sais pourquoiUne Erine infernale à mes yeux se présente :Un fantôme sanglant me presse et m’épouvante.Ne vois-je pas venir des bourreaux inhumainsQui tiennent des serpents et des fouets en leurs mains168 ?
Et chez Gilbert :
Apres avoir commis un acte si barbare,
Je sens que ma raison m’abandonne et s’egare.
Et mon Esprit remply de crainte et de fureur,
Ne voit autour de moy que des objets d’horreur
[…]
Je veux m’abandonner à ma noire furie ;
Et dans ma rage enfin, je m’en vais faire voir,
Tout ce que peut l’amour avec le desespoir169.
Chez l’un Néron s’abandonne à la colère et chez l’autre aux remords. La fureur est dans un cas dirigée vers l’extérieur, et dans l’autre vers l’intérieur. On retrouve d’ailleurs la même mention d’un « éclat de tonnerre » préparé par le Ciel ou par Jupiter selon le dramaturge, qui est dans la première version crainte et annonce la fin du règne, et qui est dans la seconde évitée comme une fin trop douce.
La pièce de Gilbert a pu surprendre par son absence d’intrigue politique. Il faut pourtant y voir davantage un choix conscient et revendiqué plutôt qu’une maladresse. Alors que Tristan écrit à l’aube de la Fronde des Grands, Gilbert compose au crépuscule de cet événement et de ses conséquences. Il expose donc dans sa pièce l’impossibilité de la rébellion contre le pouvoir en place, ce que Petus lui-même assure :
Je puis contre Cesar faire armer le Senat,Contre ce ravisseur former un attentat :Mais il a sur le front un sacré Caractere,Que dans mon Rival mesme, il faut que je revere,La vertu de Cassie et celle de Brutus,Contre des Souverains, ne sont pas des vertus :Leur exemple est blâmable en l’état Monarchique,Et leur gloire est finie avec la Republique170.
Gilbert marque ainsi son respect pour la monarchie et pour l’ordre institué. Ces références philosophiques lui permettent en outre d’ériger le couple vertueux contre l’Empereur « pervers » et de mettre en lumière la dynamique de ce trio pré-racinien.
Épilogue : Gilbert, précurseur de Racine ? §
Des personnages secondaires : conseillers et confidents. §
Comme nous l’avons déjà remarqué, ces deux pièces font la part belle à ces rôles secondaires. Chez Racine, on retrouve le même emploi des confidents et conseillers au cœur de la pièce. Gilbert est en outre un précédent intéressant pour Racine chez qui les écarts chronologiques paraissent moins importants. En effet, Narcisse est certes maintenu plus longtemps en vie pour les besoins de l’intrigue, mais cela passe pour une altération minime au regard des nombreuses incohérences chronologiques dans Arie et Petus. Racine emploie de même un fonctionnement d’opposition et de symétrie des conseillers selon Valérie Worth-Stylianou, évolution naturelle de la dramaturgie racinienne fondée sur les oppositions et conflits. C’est un système qui remonte à Cinna et se poursuit ainsi dans la tragédie. Si l’on reprend les écrits de Barnwell171, on peut voir, dans le prolongement de La Thébaïde et d’Andromaque, comment Racine reprend en les simplifiant des tragédies déjà existantes. Chez Racine on assiste à un duel plus égal entre Burrhus et Narcisse qui sont des personnages plus fins et dont l’exercice d’une certaine influence est indéniable. Les scènes 3 et 4 de l’acte IV présentent ainsi un nombre équilibré de vers attribués à chaque conseiller dans des scènes de longeur égale (67 vers chacun précisément). Ce parallélisme dans la construction invite naturellement à considérer les deux interventions en regard l’une de l’autre, comme pour Pétrone et Sénèque. Ici cependant les fonctions de conseillers ne sont pas de la même simple étendue que chez Gilbert, puisque Néron n’est plus présenté comme un metteur en scène mais bien comme un Empereur à qui les conseillers soumettent des initiatives. Le jeu de pouvoir n’est plus réparti selon les mêmes prérogatives. Burrhus et Narcisse semblent s’opposer ici non pas philosophiquement mais par leurs réactions : Burrhus verse des larmes, supplie Néron et exprime son horreur tandis que Narcisse s’interdit de critiquer et met en avant de froids calculs. Les vers 1325 et 1401 sont révélateurs de cette opposition :
Non quoi que vous disiez, cet horrible desseinNe fut jamais, Seigneur, conçu dans votre sein.
Et
Je me garderai bien de vous en détourner,Seigneur.
Il faut noter par ailleurs que si chez Gilbert les voix des conseillers se répondaient, ici elles se confondent presque dans un fin jeu d’appropriation, caractéristique des conseillers raciniens. En effet, on peut dire de Narcisse et Burrhus qu’ils répondent à un jeu d’acteur, tout comme les conseillers d’Arie et Petus. Burrhus emprunte ainsi la voix-même de son Empereur172 comme le précise Valérie Worth-Stylianou, en imaginant ses réactions une fois qu’il aurait conquis l’amour de son peuple, et non obtenu simplement sa crainte. Narcisse à son tour emprunte les voix des opposants de Néron173 et joue avec les craintes de l’Empereur. Cela lui permet de manipuler Néron sans jamais reprendre de telles critiques à son compte. La flatterie qu’on retrouvait chez Gilbert et ici dans le personnage de Burrhus trouve un adversaire de taille dans les procédés de Narcisse. Valérie Worth-Stylianou décrit cela comme le « règne du silence et de la peur » dans une « stratégie machiavélienne »174. Au cours de l’acte IV on peut donc constater un rôle essentiel des deux conseillers mais l’acte V leur offre un emploi bien plus secondaire. L’action n’est plus conduite par leurs interventions et les personnages principaux concentrent le regard du spectateur. Racine présente dans la scène 6 les deux conseillers pour rappeler leur implication dans la catastrophe. Narcisse y accompagne Néron et Burrhus, Agrippine, et les allégeances ont évolué, ce qui traduit chez Racine un rôle réel de conseiller et moins de condifent puisque nos deux personnages jouissent d’une certaine liberté politique. La duplicité de Narcisse transparaît dans les remarques de Burrhus qui lui reproche d’avoir cherché à influencer à la fois Britannicus et Néron. En effet, il joue les conseillers silencieux auprès de Britannicus tout en s’entretenant longuement avec Néron. Burhus s’indigne ainsi :
Quoi ! Narcisse au palais obsédant l’Empereur,Laisse Britannicus en proie à sa fureur175.
Burrhus lui-même a pourtant flatté tour à tour Néron et Agrippine qui ne sont pas toujours d’accord même s’ils ont des intérêts communs. Narcisse assume donc le rôle de l’espion selon les normes de Tacite, comme nous les évoquions pour Gilbert, jusqu’à l’acte V scène 6.
Le rôle de Burrhus présent dans les deux pièces, n’y est pas de même envergure, et Racine lui accorde une place plus prégnante et plus complexe. Le gouverneur n’apparaît en effet que peu dans Arie et Petus, et offre ses services à Petus pour que celui-ci puisse jouir d’entretiens secrets avec Arie ; il ira également jusqu’à proposer son aide à Petus pour une quelconque conjuration. L’Empereur d’ailleurs lui impute ainsi qu’à Sénèque l’assassinat d’Agrippine176. Il semble pourtant chez Racine que Burrhus occupe une place beaucoup plus essentielle par sa parole d’abord, et qu’il soit auprès de Néron un conseil tentant de faire entendre la voix de la vertu. Dans les Annales177 Burrhus fait la leçon à Néron de façon semblable, mais il faut relire Dion Cassius pour trouver de plus amples détails sur les contradictions qui l’opposent à l’Empereur, surtout en ce qui concerne la répudiation d’Octavie :
Burrus avait longtemps contredit et dissuadé par tous moyens Néron de la chasser jusques à lui user de tels propos. Si tu la veux répudier, rends-lui donc sa dot, c’est-à-dire l’Empire. Cettui Bhurrus parlait à Néron avec une telle liberté et franchise, que comme un jour Néron lui eut redemandé son opinion, laquelle il avait déjà une fois dite touchant quelque affaire, il lui répliqua ouvertement. Ne m’interroge pas deux fois de ce dequoi j’aurai une fois opiné. Néron le fit mourir par poison qu’il lui donna178.
Racine favorise très largement de cette lecture de Dion Cassius pour sa caractérisation de Burrhus, source que Gilbert semble avoir laissé de côté librement pour ce qui concerne ce personnage. En effet, dans Britannicus on peut lire que Burrhus parle « avec la liberté/D’un soldat qui sait mal farder la vérité »179, et Néron s’agace d’un tel discours :
Mais depuis quelques jours tout ce que je désireTrouve en vous un censeur prêt à me contredire180.
Cette opposition prend naissance au début de l’acte III, à propos des passions amoureuses de Néron, et Burrhus y défend l’Impératrice, suivant l’Histoire romaine de Dion Cassius, en ces termes :
Si vous daigner, Seigneur, rappeler la mémoireDes vertus d’Octavie indignes de ce prix,Et de son chaste amour vainqueur de vos mépris181.
En interchangeant Sénèque et Burrhus, Racine permet à Néron de renvoyer d’autant plus facilement les arguments qui lui sont proposés, puisque Burrhus n’est plus un précepteur moral, mais un soldat et un préfet, ce qui ne lui laisse qu’un rôle militaire et politique à jouer, auquel Néron le restreint. Gilbert en laissant Sénèque à sa place historique, comme nous l’avons déjà montré, joue sur les contrastes dans l’évolution de Néron. Cela lui permet en outre d’opposer le tyran au couple vertueux de manière plus morale ; tandis que Racine dévoile ce qui serait une nature monstrueuse de Néron, et ne laisse pas en suspend les différents chemins que Néron aurait pu prendre. Sénèque est pour Gilbert le moyen d’illustrer les possibilités auxquelles l’Empereur a renoncé. La confrontation entre Sénèque et Néron dans Octavia nourrit donc Britannicus, où l’on retrouve un échange de stichomythies entre l’Empereur et le personnage éponyme qui reprennent des vers précis de la tragédie antique.
Racine déclare lui-même avoir choisi Burrhus pour tenir ces propos plutôt que Sénèque « pour opposer un honnête homme à cette peste de cour »182 dans sa préface, mais ses raisons sont quelque peu obscures autrement, et laisse place à de nombreuses conjectures. Volker Schröder explique que Sénèque conserve une ambiguïté avec laquelle Racine semble ne pas avoir voulu composer, ambiguïté que nous avons démontrée dans notre analyse d’Arie et Petus et qui est mise en scène par Tristan L’Hermite par l’intermédiaire de Sabine 183. En outre, il fait un rapprochement entre Burrhus et le duc de Montausier, gouverneur du Dauphin, qui selon lui a influencé le choix de Racine, et peut-être celui de Gilbert. Selon Lancaster ce choix serait simplement une stratégie d’originalité par rapport aux œuvres d’Octavia, La Mort de Sénèque et Arie et Petus qui toutes trois présentent Sénèque dans la liste des personnages. Néraudau y voit lui un choix de statut : « le contraste entre ses [celles de Burrhus ici] vertus militaires et la perfidie de Narcisse était dramatiquement plus efficace que celui qu’auraient offert les subtiles paroles du philosophe »184. Solange Guénoun commente quant à elle cette absence comme une « dénégation du moi historique de Racine, écrivain-courtisan » 185. Aux yeux de Surber ce serait en fait un rejet des « pères littéraires »186 de la part de Racine, ce qui peut être corroboré par l’absence de référence explicite à Gilbert. Enfin, Ronzeaud s’exprime ainsi sur le sujet :
Racine n’a-t-il pas craint de devoir rivaliser avec Corneille dans l’usage des maximes morales […] et surtout de donner la moindre place aux conceptions néo-stoïciennes de la liberté si contraires à son sens du tragique et aux réminiscences de sa culture teintée d’augustinisme187 ?
En outre, la vertu reste au centre des confrontations, chez Gilbert sous la forme d’un théâtre dans le théâtre aux enjeux philosophiques, et chez Racine dans la reprise de Sénèque par Burrhus. C’est cette présence de la vertu qui, comme une constante dans les réécritures, permet une peinture du personnage de Néron dans ses dimensions les plus extrêmes et rend un degré d’historicité plus exact. En effet, ces réflexions, comme nous l’avons précédemment évoqué, reprennent le De Clementia de Sénèque, et si nous avons vu que Gilbert en soulignait des passages précis dans l’argumentaire qu’il accorde à son personnage de Sénèque, cela est également véridique pour Racine. Ses exemplaires de l’ouvrage présentent des annotations en ce sens, comme le laisse entendre Louis Racine dans ses Remarques sur Britannicus188. Volker Schröder189 va même jusqu’à insinuer que Burrhus relit le De Clementia de Sénèque dans Britannicus, à défaut de pouvoir profiter des conseils directs de son ami, et fait évoluer son discours envers Néron selon cette lecture, qui le fait passer d’un raisonneur à un personnage touchant qui verse des « pleurs ». Il semble donc se ranger du côté d’un certain « hédonisme de la vertu » qui fait écho au proemium du traité de Sénèque. Il s’agit de « tendre un miroir » à l’Empereur afin de lui laisser entrevoir le « bon souverain aimé de son peuple »190 qu’il pourrait demeurer, et de lui donner à voir les plaisirs de la vertu exercée pour elle-même. Cette stratégie repose encore une fois sur la flatterie. La question des plaisirs trouve de nombreux défenseurs dans Britannicus qui tous reprennent à leur compte le genre de plaisirs à rechercher ou à conserver191.
Ainsi on peut remarquer que si Burrhus chez Racine reprend à la fois des arguments du Sénèque personnage de la pièce Octavia, mais également du Sénèque historique du De Clementia ; chez Gilbert ces arguments sont bien assumés par Sénèque lui-même. Burrhus confesse d’ailleurs sa perte de contrôle sur l’Empereur, chez qui il constate une « férocité prête à s’affranchir192 », tout comme Sénèque évoquait chez Gilbert son peu d’emprise en ces mots :
D’aprivoiser un tygre il n’est pas trop facile,Tu n’es pas comme moy toujours à ses costez,Pour connoistre ses mœurs, et ses ferocitez.Par mes soins vigilans j’ay durant cinq années,Tenu par la raison ses fureurs enchaisnées ;Mais Neron de clement est devenu cruel,Et ce tygre a repris son premier Naturel193.
Cette comparaison au tigre et cet aveu de faiblesse face à la monstruosité inhérente de Néron trouve son garant dans une anecdote personnelle de Sénèque que relate le scoliaste de Juvénal. Juste Lipse la cite dans son édition des Œuvres de Sénèque. La voici :
Quoiqu’il [Néron] se montrât au commencement fort docile, et agréable à tout le monde, Sénèque ne laissa pas d’y apercevoir dès son enfance des marques d’un naturel cruel et sanguinaire, de sorte qu’il dit à ses plus intimes qu’il nourrissait un petit lion ; qu’il avait commencé d’apprivoiser ; mais que s’il goûtait une fois du sang humain, il retournerait à son naturel194.
Le lion est devenu un tigre, mais la référence est plutôt évidente. En outre, alors que les critiques à l’encontre de Sénèque proviennent majoritairement de détracteurs peu scrupuleux eux-mêmes d’un point de vue historique, Gilbert choisit de les faire assumer par Petus. Ainsi, il charge un héros éminemment positif et loué de cette dénonciation de la duplicité de Sénèque, ce qui donne un nouveau poids à de telles accusations. On peut en effet lire avant la défense précédemment citée de Sénèque :
Tu fais trop bien ta Cour pour un sage Stoïque.De l’amour des grandeurs indignement épris,Ta vertu répond mal à tes divins écrits :Tes discours généreux ne sont que du langage,Et pour m’expliquer mieux, Néron est ton ouvrage195.
Nous remarquons donc chez nos deux auteurs une grande attention à l’œuvre de Tacite non seulement comme source de faits historiques mais comme une caractérisation beaucoup plus complète du règne de Néron et des relations et tensions qu’il a pu créer. Racine fait de l’apparition finale de Narcisse un réel coup de théâtre à de nombreux égards. En effet, ce dernier interrompt l’échange entre l’Empereur et sa mère en manquant étrangement aux protocoles et il justifie l’assassinat de Britannicus alors que Néron était sur le point de le nier en prenant le parti de répondre pour l’Empereur. Racine semble ainsi faire de Narcisse un défenseur du pouvoir absolu et de la force de l’Etat. Cela tient davantage à une peinture machiavélienne de la part de Racine qu’à une réalité évoquée chez Tacite. On pourrait aussi voir en ce procédé une astuce de la part de Racine pour faire retomber un peu de la responsabilité sur le personnage secondaire afin de garantir une aversion moindre du public pour le personnage principal. Racine s’illustre donc particulièrement par rapport à Corneille ou Gilbert qui présentaient des conseillers cyniques mais plus passifs. Ici les courtisans flatteurs prennent une hauteur nouvelle et menacent d’un danger plus insidieux. Ils contribuent au dénouement tragique qu’ils précipitent contrairement à Arie et Petus où les conseillers n’ont pas un rôle si déterminant. Racine accentue la pitié et la frayeur en peignant un Néron qui est digne de supporter à la fois ces deux valeurs, que son compagnon Narcisse permet de contraster. Contrairement à ce que nous avons vu chez Gilbert, Racine maitrise le sens de la nécessité tragique comme le laisse entendre l’ultime vers de Burrhus qui incarnait une forme de perspective morale. Ces derniers vœux pieux n’ont pas été saisis dans l’action. Le rôle de conseiller prend donc une dimension bien plus complète chez Racine qui doit pourtant beaucoup à l’œuvre de Gilbert chez qui on lisait déjà une ambiguïté entre le condifent/conseiller.
Racine quant à lui ne peint pas tout à fait le même Néron encore. Alors que Tristan l’Hermite mettait en lumière les intrigues politiques, Racine insiste sur la naissance du « monstre » et son épanouissement. Racine présente un Néron qui actualise ses pulsions et passions et non pris entre les ambitions purement froides de la politique. Le lexique attribué à l’Empereur est en cela très éclairant : lorsqu’il déclare sa passion pour Junie Néron dit « l’idolâtrer », ce qui trahit tout l’interdit et le sacrilège de sa flamme, et sa détermination à assouvir cette nouvelle passion. Les termes de « ravi », « excité » ou « étonnement » sont également employés pour décrire la violence d’une telle rencontre par exemple. On pense encore au vers : « J’aimais jusqu’à ses pleurs que je faisais couler »196 qui pourrait faire sens vers le « sadisme racinien » et saisit bien aussi la force de cette pulsion qui l’attire vers Junie et le défait de tout sens moral. Néron est plongé dans cet univers de débauche qu’il orchestre et dans lequel il s’accomplit volontairement. Le dénouement reprend cette image d’un Néron presque étranger à lui-même suite au suicide de Junie. Racine fait alors rimer « crimes » et « maximes »197, ce qui synthétise assez bien les travers de Néron et sa monstruosité. Il a érigé lui-même sa propre amoralité et s’en est fait une conduite. La pièce de Racine hérite plus directement du théâtre sénéquéen bien qu’il faille noter l’absence de Sénèque lui-même sur scène. Donatien Grau y voit le signe d’une pièce de l’anti-paideia, c’est-à-dire d’une pièce où la philosophie et la morale ne peuvent corriger le naturel qui se révèle au fil des « excitations ». Il établit la domination du cœur sur l’esprit dans cette tragédie racinienne, ce que Narcisse inscrit lui-même dans la pièce lorsqu’il conclue que :
Burrhus conduit son cœur, Sénèque son esprit198.
Cela constitue encore une différence entre Tristan l’Hermite et Racine, puisque chez le premier Néron trouvait encore le chemin de la raison, politique notamment, dans la première partie de la pièce. Gilbert serait un intermédiaire entre ces deux extrêmes, mais il penche bien plus nettement du côté de l’esthétique racinienne de la monstruosité. L’absence de Sénèque chez Racine laisse libre cours à l’esprit de l’Empereur et ce fantôme de la morale ne vient plus brider ses hésitations. Burrhus le traduit bien d’ailleurs en évoquant Sénèque :
Sénèque, dont les soins me devraient soulager,Occupé loin de Rome ignore ce danger199.
Il ne semble pas possible sans la présence de Sénèque de circonscrire les pulsions néroniennes, et sa « férocité » qui éclate au cœur de la pièce. Contrairement aux deux pièces précédentes, Britannicus propose une « dramatisation d’un basculement » comme l’écrit Donatien Grau, et la fragilité de la situation est bien plus prégnante dans ce tragique.
Le schéma amoureux §
La réflexion amoureuse diffère chez Gilbert et Racine par rapport à l’illustration qu’en donnait Tristan L’Hermite. Le schéma amoureux se complexifie et inclut une troisième personne qui vient compléter un des deux partis : ici Néron lutte contre un couple d’amoureux vertueux. La toute-puissance impériale menace alors des unions établies et honnêtes. Il faut cependant noter que Racine s’éloigne des sources latines, en créant un couple nullement mentionné, contrairement à Gilbert qui suit les anecdotes de Pline le Jeune de manière plus scrupuleuse. Racine accède à une forme de schématisation amoureuse et à un travail stylisé de ses composantes après le travail de Gilbert qu’il pousse à un degré nouveau. La tension tragique se nourrit d’enjeux autres.
L’originalité de Britannicus ne réside donc pas tant dans le fait qu’elle oppose aux élans de Néron un couple déjà établi, mais plutôt qu’elle forme ce couple de Junia Calvina et de Britannicus. Dans la pièce de Gilbert Petus et Néron n’ont pas de rivalité politique car bien que Petus occupe une place importante et ait acquis une renommée que même Sabine lui reconnaît, il ne représente en rien une menace pour l’ordre impérial ; or Racine double la rivalité amoureuse d’une rivalité politique et fait de Britannicus, qui se lie d’amour pour une descendante d’Auguste, un possible opposant à Néron. Contrairement à Arie, Junie pourrait exercer un certain « droit dynastique » comme le relève Volker Schröder200. Les différences ne résident donc pas tant dans la situation des deux couples mais dans la dimension politique. L’amour chez Gilbert se suffit à lui-même pour intrigue et n’est pas jumelé avec une raison d’Etat. Les comportements des deux femmes sont autrement tout à fait semblables, et leurs résistances les amènent même à une expression similaire, comme le relève Ronald Tobin dans « Néron et Junie »201.
Volker Schröder note que le couple qui unit Britannicus et Junie n’a pas été souvent analysé à sa juste valeur, contrairement à « l’amour sadique et fantasmatique que Néron se croit obligé d’éprouver pour Junie »202. Il en propose une analyse dans un contexte à la fois passionnel et politique qui nous permet d’approfondir cette approche du schéma d’opposition entre l’amour du couple et l’amour transgressif. Il est vrai que la critique se penche davantage sur l’étude de l’amour transgressif de Néron pour Arie ou pour Junie selon la pièce et passe bien légèrement sur les liens établis entre les personnages éponymes. Pourtant il s’agit d’un amour tout à fait exemplaire, et c’est peut-être cela d’ailleurs qui a lassé les commentateurs, moins spectaculaire en un sens que la transgression. Il y aurait dans ce vide critique peut-être un signe que l’amour réciproque et établi, rendu honnête par des liens publics, ne serait pas au cœur de l’événement tragique comme disruption. Cela repose encore une fois sur le rapport établi entre amour et tragédie, et quelque part donc galanterie et tragédie comme nous l’avons par ailleurs exposé. En 1660, année de parution d’Arie et Petus, Corneille estime dans son Discours sur l’utilité et des parties du poème dramatique203 qu’il n’est pas souhaitable de « mêler l’amour à la tragédie » à moins que celui-ci ne serve « quelque grand intérêt d’Etat ou quelque passion plus noble et plus mâle que l’amour ». Cette déclaration de la part de celui qui fut à certains égards rival de Gilbert à l’occasion de sujets communs pour des pièces, et surtout de Racine, entre dans cette contestation de l’intrigue amoureuse. Ces dires interviennent après la création d’Arie et Petus qui ne présente qu’une faible intrigue politique comme nous l’avons remarqué précédemment, mais bien avant la création de Britannicus qui concentre à la fois une intrigue amoureuse complexe et une intrigue politique qui justifie quelque part le fond tragique. L’amour se voit même dégradé bien avant par le Père Rapin qui y trouve une perte de la tragédie, un abaissement de sa majesté et pour qui la galanterie n’est qu’une ruse pour s’attirer les faveurs du public féminin et mondain. Nous pourrions donc penser que Racine qui s’inscrit par ses sujets dans de tels débats prend le parti de s’éviter de telles critiques et s’il reprend le schéma amoureux de Gilbert, il ne manque pas en créant un nouveau couple de s’assurer une intrigue politique qui respecte les conceptions tragiques classiques de l’époque. Contrairement à Gilbert qui sacrifiait tout à la galanterie de son sujet amoureux qui occupe toute sa scène, et en cela il est indéniablement original, Racine cherche un équilibre entre le « goût » des spectateurs et l’essence même du tragique tel qu’il est encore conçu. L’amour ne peut donc être tragique. Boileau pourtant sacrifie la théorie à la pratique et écrit dans son Art Poétique que si l’amour doit être présent, il se doit de revêtir certaines formes seulement :
Peignez donc, j’y consens, les Héros amoureux.Mais ne m’en formez pas des Bergers doucereux :Qu’Achille aime autrement que Tyrsis et Philène.N’allez pas d’un Cyrus nous faire un Artamèe :Et que l’amour souvent de remords combattuParaisse une faiblesse et non une vertu204.
Encore une fois à la lumière de cette précision dramatique, nous pouvons revenir sur les conceptions de Gilbert et Racine. Gilbert d’abord ne répond pas du tout à ces critères puisque son amour galant n’est pas une fois « de remords combattu » par Arie ou Petus qui renouvellent constamment leur engagement et leur foi commune et c’est bien leur attachement réciproque et leur lutte pour cette union qui leur vaut le qualificatif de vertueux. En outre, chez Racine, la question est plus complexe. En effet, l’amour s’il n’est jamais réellement et profondément remis en cause connaît des hésitations et des crises que Gilbert ne permettait pas à la constance et à la confiance d’Arie et Petus. En effet, la crise de jalousie de Britannicus qui donne suite aux feintes froideurs de Junie205 rend bien compte d’une certaine crise de l’amour partagé, de doute, même bref. On ne peut pourtant pas parler de « remords » réels chez Racine non plus. Britannicus va bien jusqu’à s’exclamer :
Non, je la crois, Narcisse, ingrate, criminelle,Digne de mon courroux. Mais je sens malgré moiQue je ne le crois pas autant que je le dois.Dans ses égarements mon coeur opiniâtreLui prête des raisons, l’excuse, l’idolâtre.Je voudrais vaincre enfin mon incrédulité,Je la voudrais haïr avec tranquillité206.
Mais il laisse bien transparaître que le doute n’est pas complet et surtout demeure suspendu tant que la confrontation avec Junie n’aura pas lieu. Il ne remet jamais en cause l’amour qu’il porte à Junie ni ne le regrette explicitement. Les lamentations auxquelles il laisse cours dans la scène 7 de l’acte III ne vont en effet jamais jusqu’à plaindre leur amour en premier lieu, mais bien plutôt les conséquences de leur entretien et la situation. L’amour du couple comme analysé par Jacques Truchet dans La Tragédie classique en France207, s’il est « raisonnable » et « déjà quasi-conjugal », n’est ni fade ni paisible : « que de possibilités de violence en ces parfaits époux, en ces veuves, en ces amants ! ». Ainsi sur ce point on peut rapprocher nos deux œuvres qui malgré les statuts différents de leur couple, présentent un amour semblable pour les unir et en font une vertu modèle contre l’amour transgressif et tyrannique.
Néron n’emploie pas les mêmes stratégies pour conquérir la femme qu’il convoite, selon que l’on se trouve dans l’univers de Gilbert ou celui de Racine. En effet, chez Gilbert, il tente d’abord de séduire Arie en lui faisant miroiter les plaisirs du pouvoir, son éclat et sa splendeur. Voyant que cela n’a pas de prise sur la jeune femme, il en vient à menacer son époux, mais ne s’en prend pas directement à elle, qu’il ne souhaite pas voir mourir, mais bien obtenir. Chez Racine, Néron tente également de se faire aimer de Junie, mais il a dès le départ sous l’influence de Narcisse, cette idée qu’il faudra « commander qu’on [l’aime] » pour être aimé. Il menace également la vie de Britannicus pour forcer Junie à lui obéir et à lui accorder ses faveurs, au moins en apparence. Mais ce qui diffère c’est peut-être l’état d’esprit de Néron. Dans Britannicus Néron sait qu’il n’est pas aimé de Junie, ce que le Néron de Gilbert est trop aveugle pour s’avouer à lui-même. Il croit en effet à l’amour réciproque d’Arie, jusqu’à ce que celle-ci s’ôte la vie, et malgré ses réticences, il se convainc toujours qu’il s’agit d’une pudeur honorable. Chez Racine la présence du peuple romain est également plus prégnante et donne un certain poids aux arguments de Burrhus, qui cherche à transférer l’amour que l’Empereur éprouve pour Junie au peuple romain. C’est une illustration de l’amour politique que Gilbert n’explore pas dans un dilemme entre l’amour de ses sujets ou leur crainte. La présence de Burrhus qui remplace Sénèque permet une transition vers un enjeu politique et non plus seulement moral, ce à quoi Gilbert semble s’être refusé.
Les deux actions s’ouvrent assez tôt après le retour du personnage féminin adulé au palais : Arie est ramenée à l’Empereur après sa tentative de fuite alors que Junie est conduite au Palais elle aussi. Elle fuit ensuite et se réfugie chez les Vestales où elle vit recluse de la cour. Les deux pièces se closent sur la folie de Néron qui regrette selon les intrigues la mort de sa mère qui a tenté de s’opposer à ses manigances, ou bien celle de son épouse qui s’est défendue de l’humiliation d’un divorce. Néron applique sur Arie et Junie une pression similaire qui consiste à les laisser convaincre leurs amants qu’ils doivent renoncer à elles. Les deux femmes seront d’ailleurs accusées de conspirer pour l’amour de Néron et de feindre la vertu seulement. Les deux intrigues reposent sur la flatterie et la gloire que Néron croit suffisante pour éblouir ses victimes. Cette splendeur ne suffira en aucun cas. Comme l’expose Bernardin208 dans sa notice de Britannicus, les deux dramaturges prêtent à Néron les mêmes distractions et le même « silence farouche » à la fin de l’œuvre. La différence réside également dans l’actio de Néron, qui est beaucoup plus impliqué chez Gilbert en ce qu’il commande lui-même les actions à ses flatteurs qui l’obéissent, alors que Racine le présente comme un Empereur à la fois cruel et manipulé par des conseillers foncièrement mauvais qui n’ont qu’à lui suggérer de tels agissements en se jouant du caractère instable de Néron.
Eleanor J. Pellet fait du motif des conversations surprises et découvertes le cœur des réécritures de ce fait historique. En effet, elle reprend la pensée de H. Carrington Lancaster dans « The Source of Britannicus »209 qui notait déjà une parenté entre Bélisaire de Rotrou, qui paraît quinze ans avant Arie et Petus, et Britannicus de Racine chez qui le procédé de reprise est essentiel. Elle note également que bien que les faits historiques soient globalement repris fidèlement aux mêmes sources, certains sont de manière surprenante assez dissemblables. Les arguments du différend entre Néron et Sabine sont repris par Racine au cours de son exposition des prétendues paroles de Britannicus. Les scènes 5 de l’acte IV chez Gilbert et 4 de l’acte IV chez Racine présentent de grandes similitudes dans leurs allusions à Néron. Les personnages d’Agrippine et de Poppée ont une fin semblablement tragique et ont toutes deux prédit à Néron l’issue de ses crimes. Des rapprochements plus précis textuellement peuvent s’opérer entre les deux pièces surtout en ce qui concerne les échanges que Néron a avec la femme aimée. Il emploie en effet les mêmes procédés : des attentions maladroites renouvelées malgré les refus, des propositions de gloire et d’honneurs à ses rivaux, une valorisation de sa prééminence et de la magnificence de son pouvoir pour attirer les regards et gagner les cœurs. Néron lutte contre les volontés féminines qui ne répondent pas à ses désirs. Les deux femmes objectent à ses demandes les liens qui les tiennent responsables de vertu envers leurs amants respectifs, et Néron offre en échange la répudiation ou le divorce comme libération de ses engagements envers l’Impératrice. Elles n’ont de cesse de réitérer un amour sincère pour leurs amants, que Néron les contraint à renvoyer. C’est de ces oppositions que le tragique peut s’élever et Néron met à mort ses rivaux, ce qui achève d’éloigner les jeunes femmes, à la suite de quoi Néron plonge dans une sorte de folie autodestructrice menée par la frustration et le remords devant l’horreur révélée de ses actions. Les tragédies ouvrent donc vers la chute de Néron.
L’étude de ces rapprochements entre les deux pièces permet d’envisager Racine comme un lecteur de Gilbert, dix ans après la création d’Arie et Petus. Il semblerait que Racine ait concentré son interprétation sur les échanges entre Arie et Néron. Quant au personnage de Junie, son origine est très débattue, malgré les réponses que peut proposer Racine dans sa préface de Britannicus. Il demeure tout à fait vraisemblable qu’à défaut d’une provenance historique, Junie soit en fait née des représentations d’Arie. Racine ne signale pas lui-même cette lecture, ce qui scelle plus encore la rivalité théâtrale que nous soupçonnons entre les deux dramaturges. L’entourage de Racine est en effet reconnu pour déprécier et railler les auteurs qui pourraient avoir une renommée grandissante, ce qui a pu être le cas de Gilbert. Ce dernier demeure toujours comparé à Racine, à qui on reconnaît un talent d’écriture et de composition plus constant et mémorable à travers les siècles. Eleanor Pellet elle-même convient que Britannicus s’élève au-dessus d’Arie et Petus en matière de composition dramatique autant qu’en ce qui concerne l’art poétique. Cela pourrait tenir à la substitution du sombre Petus qui choisit de mourir philosophiquement par le jeune Britannicus qui finit assassiné, ce qui met fin à une romance par combien plus poignante. Le lecteur sent la révolte gronder de manière moins progressive et plus surprenante chez Racine.
Il faut se concentrer surtout sur les différents personnages des deux pièces pour remarquer que si le rôle de l’héroïne a été amplifié par Racine d’après sa lecture de Gilbert, le personnage de Sénèque a lui été effacé. Ainsi, c’est Burrhus seul qui écope de la responsabilité de rappeler Néron à une nature plus clémente. Aucune source historique ne légitime cet éloignement qui pourtant prend un sens dramatique et resserre la tension tragique. Il s’agirait peut-être pour Racine de ne pas reprendre sans originalité à Gilbert le rôle prépondérant d’un Sénèque conseiller. Nous nous devons de noter également que le XVIIIe siècle offre une souvenance de l’œuvre de Gilbert à travers le titre choisi par Houdard de la Motte à la tragédie qu’il dédicace à la Duchesse de Bouillon : Arrie et Petus, tragédie. Gilbert ne doit pourtant souvent aujourd’hui sa faible notoriété qu’au succès de Britannicus qui a effacé cette rare source contemporaine.
Note sur la présente édition §
La présente édition reproduit l’édition originale de la pièce Arie et Petus de Gabriel Gilbert dont le privilège est daté du 24 novembre 1659, et l’achevé d’imprimer du 12 décembre 1959. L’édition suivie se trouve à la Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares sur le site Tolbiac, sous la côte YF-4840. Nous avons consulté d’autres exemplaires présentant un texte parfois identique, parfois modifié. Les corrections que nous avons apportées se retrouvent dans les exemplaires postérieurs, si ce n’est pour le vers 1399 manquant que nous avons retravaillé.
Description du volume §
Particularité : Ex-libris gr. aux armes de Mr. de Robethon, conseiller correcteur de la Chambre des comptes. Imprimé par Jean Hénault.
Arie et Petus, ou les Amours de Néron. Tragédie. In-12°, feuilleton dehors, Paris, chez Guillaume de Luyne, 1659, 86 pages.
[I] Page de titre : ARIE/ ET/PETUS,/OU LES AMOURS/DE NERON ./TRAGEDIE./Par Monsieur GILBERT, Se-/cretaire des Commandemens de la Reine/de Suede, et son Resident/en France./A PARIS./Chez GUILLAUME DE LUYNE, LI-/braireJuré, au Palais, dans la Gallerie/des Merciers, à la Justice./[filet]/M. DC. LX./AVEC PRIVILEGE DU ROY.
[II] [blanc]
[III-IV] Epistre dédicatoire : [bandeau] /A/MONSEIGNEUR/FOUQUET/PROCUREUR/GENREAL SUR-/INTENTANT DES FI-/NANCES ET MINISTRE D’ESTAT/
[VII] [filet] Extrait du privilège du Roy
[VIII] [bandeau] ACTEURS. [liste des personnages]
1-86 [texte de la pièce]
[Deux pages blanches]
Exemplaires conservés dans les bibliothèques parisiennes §
BNF site Richelieu – Arts du spectacle – magasin : 8-RF-6177 (Nous avons observé une signature qui pourrait être authentifiée comme celle de Gilbert en première page du document)
BNF site Tolbiac – Rez-de-jardin – magasin : YF-4840
BNF site Tolbiac – Rez-de-jardin – magasin : YF-6226
BNF site Arsenal – magasin : 4-BL-3506 Recueil factice, pièce n°3
BNF site Arsenal – magasin : 4-BL-3506 Recueil de pièces de théâtre de Gilbert 1vol. in-4°.
BNF site Arsenal : 8-BL-12675
BNF site Arsenal-magasin : GD-22778
Mazarine : 8° 42138-6
Exemplaires consultés numériquement §
Edition anglaise Arie et Petus, ou Les Amours de Néron, tragédie in five acts and in verse par Mr Gil-Bert, The British Library
Arie et Petus, ou Les amours de Neron. Tragedie. Par monsieur Gilbert, secretaire des commandements de la Reine de Suede, Université de Turin
Autres exemplaires non consultés §
Besançon : In 12° [8], 86 pages, erreur de chiffrage ; 269257
Rennes : In 12° [8], 86 pages, erreur de chiffrage ; 73546
Nîmes : 8344/25
Dublin : OLS B-6-543
Autre édition §
Arie et Petus, ou les amours de Néron. Tragédie. Par Monsieur Gilbert, Secrétaire des Commandemens de la reine de Suède, & son Résident en France. Jouxte la Copie Imprimée. A Paris, Chez Guillaume de Luyne, Libraire Juré, au Palais, en la Galerie des Merciers. 1660. Avec Privilège du Roy. — in-12 par demi-feuille. Contrefaçon grenobloise de 1660. Privilège copié et modifié. Imprimé par Philippe Charvys.
Grenoble : jouxte la copie imprimée, 1660, in-12° [8], 76p. Rés. E 2966
Turin, Université : F.XIII.109/9
Interventions sur le texte §
Le texte que nous avons établi suit fidèlement l’édition de 1659, nous en avons conservé l’orthographe et la ponctuation. Ainsi, on note la présence non familière pour un lecteur moderne d’une graphie fortement influencée par les étymologies latines ; par exemple « nuit » s’orthographie « nuict », du latin « noctem ». En outre, une coquille est extrêmement fréquente dans le texte qui consiste à utiliser une forme erronée de savoir : sçavoir qui viendrait d’une étymologie erronée prenant « scire » pour racine de savoir au lieu de « sapere ». Nous avons choisi de ne pas les corriger bien que nous les signalions. Cependant, nous avons procédé à quelques corrections d’usage afin de faciliter la lecture du texte. Nous rappelons que les règles d’orthographe n’étaient pas encore fixées : on peut souvent trouver deux orthographes différentes pour un même mot, parfois sur une même page (voir le mot « sous » dans la fin de l’épître dédicatoire par exemple ou les terminaisons en –és / -ez). De plus, nous devons souligner l’importance des lettres ornementales de la calligraphie au XVIIe siècle. En effet, on abuse souvent du y à la place du i, le y étant considéré comme une lettre provenant de la langue savante puisqu’il était courant dans les mots grecs. Ainsi pour les corrections majeures nous avons :
Remplacé les « f » ou s ligaturés, par des « s »
Distingué le « u » et le « v » ainsi que le « i » et le « j »
Nous avons développé les contractions choisies par l’imprimeur et remplacé le tilde sur les consonnes n et m, marquant la nasalisation, par la double consonne actuelle
Conservé la graphie de l’édition originale pour les trémas sur le [e] muet en fin de mot.
Selon l’usage de l’époque, tous les vers de la pièce sont composés en italique, tandis que les didascalies le sont en caractères romains. Pour respecter l’usage moderne, nous avons reproduit les vers de la pièce en caractères romains, et les didascalies en italique.
Transcrit la ligature « & » en « et », conjonction de coordination
Corrigé les coquilles manifestes (cf liste des coquilles)
Rétabli les accents diacritiques à chaque fois que cela était nécessaire afin de distinguer « où », adverbe de lieu, de «ou », conjonction de coordination ; et « à », préposition, de «a» adverbe ou auxiliaire.
Rétabli les majuscules pour les noms propres
Corrigé les erreurs de compositions telles que les oublis ou ajouts d’une espace blanche entre les articles et les noms, ou l’oubli d’apostrophe
Conservé autant que faire se peut les différentes graphies des mots, qui s’explique par le fait qu’au XVIIe siècle l’orthographe n’est pas encore fixé. Cette graphie peut être fluctuante pour respecter la rime pour l’œil par exemple.
Ajouté des astérisques à la fin de chaque mot sur lequel nous nous attardons dans le lexique situé à la fin de notre édition
Gilbert orthographie les noms de ses personnages différemment de ceux que portent les personnages historiques. Ainsi le nom de l’Impératrice s’inscrit avec un seul « p », alors que le personnage historique s’orthographie « Poppée » ; de même « Burrhus » personnage historique devient ici « Bhurrus ». Nous conservons la graphie de Gilbert lorsque nous évoquons le personnage mais corrigeons lorsque nous faisons mention des personnages historiques.
Afin de rendre compte du système rimiques et de restaurer son importance, il faut avoir à l’esprit la prononciation d’époque. Quelques règles simples peuvent enrichir la lecture : VOIR ANNEXES
Liste des coquilles §
Nous avons corrigé les coquilles suivantes
Epître : correction de l’accent diacritique après Petus / harmonisation des orthographes de « sous » / ajout d’un -t à la fin de sujet.
Privilège : correction des singuliers et pluriels et des accords pour Théatre, Années et deffenses / correction de l’orthographe de « faites » / harmonisation des orthographes pour « très » / correction de commandsmens en commandmens.
Texte de la pièce : §
Vers 11 accent diacritique corrigé / Vers 23 sacrifiez corrigé en sacrifier / Vers 39 bien-faits accord corrigé / Vers 61 correction de iay en j’ai / Vers 77 correction de l’accent diacritique / Vers 97 correction accent diacritique / Vers 98 correction accent diacritique / Vers 102 apostrophe corrigée / Vers 104 soucy corrigé en sourcy / Vers 116 accent corrigé / Vers 121 accent corrigé / Vers 134 apostrophe ajoutée / Vers 144 apostrophe ajoutée / Vers 147 accent corrigé / Vers 168 accent corrigé / Vers 178 accent corrigé / Vers 211 accent corrigé / Vers 231 chants et champs ont été intervertis / Vers 248 accent corrigé / Vers 254 accent corrigé / Vers 257 coquille ajout d’une espace blanche au lieu du « i » de famille / Vers 272 coquille, veille corrigé en veuille / Vers 332 accent corrigé / Vers 343 apostrophe et i en trop dans rejioui corrigés / Vers 357 accent corrigé / Vers 374 apostrophe corrigée / Vers 377 apostrophe corrigée / Vers 394 accent corrigé / Vers 399 apostrophe corrigée et ajout d’une espace blanche / Vers 441 apostrophe corrigée / Vers 485 apostrophe corrigée / Vers 492 accent corrigé / Vers 494 apostrophe corrigée / Vers 515 apostrophe corrigée / Vers 518 accent corrigé / Vers 534 apostrophe corrigée / Vers 544 veille corrigé en veuille / Vers 633 coquille si corrigé en desja / Vers 655 coquille voudris corrigé en voudrois. / Vers 660 apostrophe corrigée / Vers 771 ajout de « ce » devant service selon les versions / Vers 773 apostrophe corrigée / Vers 774 accent corrigé/ Vers 788 accent corrigé/ Vers 789 oubli du « t » de liaison / Vers 837 apostrophe corrigée / Vers 863 coquille remplacement du « r » en « t » à la fin de peut / Vers 919 accent corrigé / Vers 974 manque « s » à la fin de vertus/ Vers 1011 apostrophe corrigée/ Vers 1022 apostrophe corrigée / Vers 1042 « s » supprimé à la fin de sensible / Vers 1053 apostrophe corrigée / Vers 1066 accent corrigé / ERREUR DANS LA NOTATION DES SCENES de l’acte III, VI SCENES AU LIEU DE V. corrigé dans la version suivante / Vers 1155 « n » oublié à la fin de en / Vers 1169 coquille impuisiant corrigé en impuissant / Vers 1213 veille corrigé en veuille / Vers 1253 apostrophe corrigée / Vers 1296 coquille point milieu de phrase corrigé / Vers 1310 apostrophe corrigée / Vers 1362 accent corrigé / Vers 1380 apostrophe corrigée / Vers 1390 majuscule ajoutée au début du vers / Vers 1402 apostrophe corrigée / 1406 émue correction coquille « n » à la place du « u » / Vers 1573 accent corrigé / Vers 1574 accent corrigé / Vers 1647 double ponctuation corrigée / Vers 1673 apostrophe corrigée / Vers 1733 manque « s » à des
Corrections de ponctuation §
Nous avons conservé autant que possible la ponctuation de l’édition originale. Ainsi, il ne faudra pas s’étonner de ne pas trouver systématiquement de point d’interrogation aux phrases interrogatives. De même, certaines propositions circonstancielles peuvent être séparées de leur proposition principale par un point. Les signes de ponctuation servaient autant à marquer rupture grammaticale qu’une pause plus ou moins longue dans la déclamation du texte. Aussi, les points d’interrogation et d’exclamation sont révélateurs d’une déclamation spécifique à valeur proprement musicale.
Vers 186 point transformé en virgule / Vers 190 point corrigé en virgule / Vers 286 nous avons ajouté une virgule pour le sens / Vers 418 majuscule corrigée / Vers 472 deux points corrigés en point / vers 629 point corrigé en virgule / vers 685 virgule corrigée en point d’interrogation / vers 787 deux points supprimés / vers 799 deux points supprimés / vers 803 point corrigé en point d’interrogation / vers 1009 ajout d’un point / vers 1031 point corrigé en point d’interrogation / vers 1071 correction de la virgule en point / vers 1105 point corrigé en point d’interrogation / vers 1143 correction du point virgule en point d’interrogation / vers 1145 correction des deux points en point d’interrogation / vers 1149 correction de la virgule en point d’interrogation / vers 1174 correction des deux points en point d’interrogation / vers 1223 correction du point en point d’interrogation / vers 1261 correction du point en point d’interrogation / vers 1405 virgule supprimée / vers 1536 et 1537 ponctuation intervertie.
Arie et Petus, ou les amours de Neron. Tragedie §
A MONSEIGNEUR FOUQUET, PROCUREUR GENERAL SUR-INTENDANT DES FINANCES ET MINISTRE D’ESTAT.
MONSEIGNEUR,
Ceux qui vous dedient leurs ouvrages tesmoignent avoir dessein seulement de travailler à vostre gloire ; Mais pour moy, j’avoüe que c’est pour mon propre interrest, que je vous addresse celui-cy, et que je n’ay point trouvé de meilleur moyen pour conserver mon nom à la posterité, que de le mettre dans une Epistre au dessous du vostre. Personne n’a jamais eu une reputation si generalle que celle que vous avez acquise, et si vostre bonne fortune fais naistre l’envie, vostre vertu luy ferme la bouche. Parmi les loüanges que l’on donne à S.E. 210 pour ses grandes actions, on doit mettre celles, de vous avoir choisi pour vous eslever aux premieres dignitez. Et le Roy en donnant la paix à la France, a fait un grand bien au Public, lors que par le Conseil d’un si grand Ministre, il a voulu que vous continuassiez d’exercer la charge de Sur-Intendant des Finances, et d’estre le Sage Dispensateur d’une chose, sans laquelle l’on ne peut estre heureux dans la Paix la plus assurée, et la plus tranquille. Les marques que S.E. vous donne tous les jours, de son amitié et de son estime, ne sont pas une preuve legere de vostre merite, il se sçauroit veritablement respendre ses faveurs avec plus de Justice ailleurs, que sur vostre Personne, et dans l’approbation universelle, où vous estes, il a trouvé le secret en vous obligeant, d’obliger tout le Monde. Vos prosperitez 211 font la joye de tous les gens d’honneur ; Mais le bon-heur qui vous arrive ne s’arreste pas en vous mesme, vostre douceur, vostre bonté et vostre generosité souffriroient une extréme violance, si elles demeuroient oisives, et vous ressemblez à celuy qui disoit, qu’il refuseroit la felicité, si l’on ne luy permettoit pas de la communiquer. Comme vous prenez plaisir, Monseigneur, de proteger les beaux arts, et les sciences, aussi bien que la vertu ; J’ose prendre la liberté de vous presenter cette Tragedie D’ARIE et de PETUS. L’antiquité n’a rien veu de plus digne de loüange, que ce Heros et cette Heroine, ils ont effacé soubs les Empereurs, ce qui a paru de plus beau souz la Republique, PETUS a des sentiments plus justes que ceux de BRUTE, et ARIE a remporté dans le tombeau une gloire plus pure que celle de LUCRESSE 212 . Les pourtraits de ces deux personnes Illustres, ne pouvoient paroistre de meilleure grace ailleurs que chez vous, où l’on voit un parfait exemple de l’amitié conjugalle, et soubs un regne opposé à celuy de NERON, vous faites éclater leurs vertus sans apprehender leurs disgraces. J’ai donc sujet, Monseigneur, de croire que vous ne refuserez pas vostre protection à ce genereux Romain, et à cette Sage Romaine ; J’espere aussi que vous me ferez l’honneur en mesme temps* de me permettre de prendre la qualité de
MONSEINGEUR.
Vostre tres-humble
et très obeïssant
serviteur.
GIL-BERT.
Extrait du privilege du Roy.
PAR Grace et Privilege du Roy, donné à Paris le 24. Nov. 1659. Signé, Par le Roy en son Conseil JUSTEL213 ; Il est permis au Sieur GIL-BERT, Secretaire des Commandmens de la Reyne de Suede, et son Resident en France, de faire imprimer une pieces de Theatre de sa composition, intitulé Arie et Petus, ou les amours de Neron, pendant le temps de cinq Années, Et deffenses sont faittes à quelque personne de telle qualitez ou condition qu’ils soient, de la faire imprimer vendre ny debiter d’autre edition, que celles qu’il aura fait faire, et ce par quel Libraire et Imprimeur qu’il voudra choisir, à peine de mil livres d’amande214, de tous dépens dommage et interest, comme il est plus amplement porté par lesdites Lettres.
Achevez d’imprimer pour la premiere fois, le 12. Decembre 1659.
Registrez sur le Livre de la Communauté des Libraires, le 28. Novembre 1659. Signé G. Joffe Sindic.
Et ledit Sieur GILLEBERT a cedé les droits de son privilege à GUILLAUME DELUINE, pour en jouyr suivant l’accord fait entr’eux.
Les Exemplaires ont esté fournie.
ACTEURS §
- ARIE, Dame Romaine.
- PETUS, Senateur son Mary.
- NERON Empereur.
- POPEE. Sabine Imperatrice.
- SENEQUE.
- BHURRUS. Amis de Petus.
- PETRONE.
- TIGILLIN. Confidens de Neron.
- ISMENE, Confidente de Sabine.
- PISON Tribun militaire.
- [OTHON, ancien époux de Sabine et futur empereur, ami de Néron autrefois]
- [LUCILLE, suivante d’Arie]
ACTE I §
SCENE PREMIERE. §
NERON.
NERON.
TIGILLIN.
NERON.
PETRONE.
TIGILLIN.
NERON.
PETRONE.
NERON.
TIGILLIN.
NERON.
PETRONE.
SCENE II. §
PISON.
NERON.
SCENE III §
NERON continue.
PETRONE.
NERON.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
PETRONE.
NERON.
SENEQUE.
SENEQUE.
PETRONE.
SENEQUE.
Parle donc je t’escoute.PETRONE.
SENEQUE.
PETRONE.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
PETRONE.
SENEQUE.
PETRONE.
NERON.
SENEQUE.
PETRONE.
SENEQUE.
PETRONE.
SENEQUE.
SCENE IV. §
NERON continüe et s’addresse à Petus.
SCENE V. §
SENEQUE.
PETUS.
SENEQUE.
Ton procedé m’PETUS.
SENEQUE.
PETUS.
SENEQUE.
PETUS.
SENEQUE.
PETUS.
SENEQUE.
PETUS.
SENEQUE.
PETUS.
SENEQUE.
PETUS.
SENEQUE.
PETUS.
PETUS.
SENEQUE.
PETUS.
SENEQUE.
PETUS.
PETUS.
PETUS.
Burrus m’obtiendra cetteSENEQUE.
PETUS.
SENEQUE.
ACTE II. §
SCENE PREMIERE. §
PETUS.
BHURRUS.
PETUS.
PETUS.
BHURRUS.
Ouy plus que tu ne penses.PETUS.
BHURRUS.
PETUS.
BHURRUS.
PETUS.
BHURRUS.
PETUS.
BHURRUS.
PETUS.
BHURRUS.
L’Imperatrice, à saBHURRUS.
PETUS.
BHURRUS.
PETUS.
BHURRUS.
SCENE II. §
L’IMPERATRICE.
ARIE.
L’IMPERATRICE.
ARIE.
L’IMPERATRICE.
ARIE.
L’IMPERATRICE.
ARIE.
L’IMPERATRICE.
ARIE.
L’IMPERATRICE.
ARIE.
L’IMPERATRICE.
ARIE.
L’IMPERATRICE.
ARIE.
L’IMPERATRICE.
ARIE.
SCENE III. §
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
SCENE IV. §
NERON.
PETUS.
NERON.
PETUS.
NERON.
PETUS.
NERON.
PETUS.
NERON.
PETUS.
NERON.
PETUS.
NERON.
PETUS.
NERON.
PETUS.
PETUS.
NERON.
PETUS.
NERON.
PETUS.
NERON.
SCENE V. §
ACTE III. §
SCENE I. §
NERON.
SCENE II. §
NERON.
TIGILLIN.
NERON.
TIGILLIN.
NERON.
TIGILLIN.
NERON.
LUCILLE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON à Pison.
ARIE.
ARIE.
SCENE IV. §
NERON.
ARIE.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
SCENE V. §
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
PETUS.
ARIE.
ARIE.
PETUS.
ARIE
SCENE VI. §
PETUS Seul.
ACTE IV. §
SCENE PREMIERE. §
PETRONE.
L’IMPERATRICE.
PETRONE.
L’IMPERATRICE.
PETRONE.
L’IMPERATRICE.
PETRONE.
L’IMPERATRICE.
PETRONE.
L’IMPERATRICE.
PETRONE.
L’IMPERATRICE.
PETRONE.
L’IMPERATRICE.
PETRONE.
L’IMPERATRICE.
PETRONE.
L’IMPERATRICE.
SCENE II. §
L’IMPERATRICE, seule.
SCENE III. §
ISMENE.
ISMENE.
L’IMPERATRICE.
ISMENE.
L’IMPERATRICE.
ISMENE.
L’IMPERATRICE.
ISMENE.
Ce nœud vous estL’IMPERATRICE.
ISMENE.
L’IMPERATRICE.
ISMENE.
L’IMPERATRICE.
ISMENE.
L’IMPERATRICE.
ISMENE.
L’IMPERATRICE.
ISMENE.
L’IMPERATRICE.
SCENE IV. §
NERON à Petrone.
SCENE V. §
L’IMPERATRICE.
L’IMPERATRICE.
NERON.
L’IMPERATRICE.
NERON.
L’IMPERATRICE.
L’IMPERATRICE.
L’IMPERATRICE.
NERON.
L’IMPERATRICE.
NERON.
L’IMPERATRICE.
NERON.
L’IMPERATRICE.
NERON.
L’IMPERATRICE.
NERON.
L’IMPERATRICE.
NERON.
L’IMPERATRICE.
ACTE V. §
SCENE PREMIERE. §
OTHON.
PETRONE.
OTHON.
PETRONE.
PETRONE.
SCENE II. §
NERON.
NERON.
OTHON.
NERON.
OTHON.
OTHON.
NERON.
OTHON.
NERON.
SCENE III. §
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
ARIE.
NERON.
SCENE IV. §
NERON.
TIGILLIN.
PETRONE.
PETRONE.
C’estoit par bien seance ;
TIGILLIN.
PETRONE.
TIGILLIN.
NERON.
NERON.
PETRONE.
NERON.
TIGILLIN.
PETRONE.
NERON.
SCENE derniere. §
NERON, SENEQUE, OTHON, PETRONE, PISON.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
NERON.
NERON, s’adresse à Tigillin et à Petrone.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
NERON.
SENEQUE.
NERON.
FIN.
Lexique §
Les termes signalés dans le texte par un astérisque sont brièvement définis dans ce glossaire. Ne sont retenus que les termes dont le sens a évolué depuis le XVIIème siècle ou dont une acception n’est plus employée de nos jours. Les définitions sont extraites des ouvrages suivants :
Dictionnaire de l’Académie française première édition, Paris, Coignard, 1694 (A)
FURETIÈRE A., Dictionnaire universel, La Haye et Rotterdam, A. et R. Leers, 1690 (F)
RICHELET F., Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise, Genève, Widerhold, 1680 (R)
V. 44
V. 520,
V. 7, 395, 587, 822, 1038, 1233, 1373, 1549, 1608, 1625
BIBLIOGRAPHIE §
I- SOURCES §
ABBE COTIN, Œuvres galantes, Loyson, 1663, p.19-20BOILEAU, Art Poétique, Jacq. Jos. Deglimes, De Mat, 1817.QUINAULT, Alceste, 1674, (Théâtre, J. Ribou, 1715, t.IV)SOREL, Les Loix de la Galanterie, p. p. L. Lalanne, A. Aubry (Le trésor des pièces inédites ou rares, t. III), 1862-1885.CHAPELAIN, Lettres de Chapelain, éd. Tamizey de Larroque, 1880-1883.CHAPELAIN, Mémoire de quelques gens de lettres vivants en 1662, in Lettres de Chapelain.P. B. LAMY, La Rhétorique ou l’Art de bien parler, 1670, Pralard, 1676.CHAPPUZEAU, Le Théâtre français, Lyon, 1674.RICHELET, Pierre, Dictionnaire François, Genève, Jean Herman Widerhold, 1680 (2 vol.) ; rééd. Genève, Slatkine reprints, 1994 (2 vol.).LORET, La Muze historique, Paris, 1659.GRIFFET, Histoire de Tancrède de Rohan, Liège, 1767.LA VALLIERE, Bibliothèque du théâtre françois, depuis son origine, Volume 1, Slatkine Reprints, 1969.PETRONE, Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.MENAGE, Ménagiana, éd. Delaulne, Paris, 1715. I, 139DE LA CROIX Phérotée, L’art de la poësie françoise…, Paris, chez Thomas Amaulry 1675, p. 393.SOMAIZE A., Le grand dictionnaire des Pretieuses, chez P. Jannet (Paris), 1661.BOURSAUT Edme, Satire des satires, J. Ribou (Paris), 1669.DE MOUHY, Abrégé de l’Histoire du Théatre françois, Depuis son origine jusqu’au premier Juin de l’année 1780, T3 ; chez l’Auteur, Paris 1780.MONTPENSIER, Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, A. L. de Boissi, 1806, II, 116.DE LA PORTE et CHAMFORT, Dictionnaire dramatique, contenant l'histoire des théâtres, les règles du genre dramatique, les observations des maîtres les plus célèbres et des réflexions nouvelles sur les spectacles… Tome Premier, Lacombe, Paris, 1776.TACITE, Annales ; édition Pierre Grimal, Folie Classique, 1993.DION CASSIUS Histoire romaine, Les Belles Lettres, Paris. Différents traducteurs selon les volumes.SUETONE, Œuvres complètes de Suétone ; trad. Monsieur de Golbery, C.L.F Panckoucke, Paris, 1833.MARTIAL, Epigrammes, dans la traduction de Constant Dubos.ARISTOTE, Poétique, d’après le texte établi par Immanuel Bekker.RAPIN René, Réflexions sur la poétique de ce temps et sur les ouvrages des Poètes anciens et modernes (1674), Genève, Droz, 1970.DONNEAU DE VISE Jean, Les Nouvelles Nouvelles, 1663SENEQUE Œuvres complètes de Sénèque le Philosophe, C.L.F Panckoucke, Paris, 1833, Lettre XXVII, Trad. sous la dir. de Charles du Rozoir.SENEQUE, Sur le bonheur ou De Vita Beata, ad Gallionem fratrem, Poussielgue Frères, 1882.GILBERT, Chresphonte ou le retour des Héraclides dans le Péloponèse, tragi-comédie par M.G. Paris, 1659.GILBERT, Panégyrique des dames, dédié à Mademoiselle, Paris, 1650, p. 31-32.GILBERT, Téléphonte édition critique établie par Amaïa Chuburu, bibdramatique, Sorbonne Université.GAUTHIER Theophile, Œuvres complètes, vol. 2, Jannet, 1855.DE LA MESNARDIERE Jules Poétique, de Sommaville (Paris), 1639.L’HERMITE Tristan, La Mort de Sénèque, la Maison des poètes, 1645.CORNEILLE, Othon, tragédie, Belin, Brunet, 1785.RACINE Jean, Œuvres complètes, FORESTIER Georges ed, La Pléiade, Paris 1999.L’HERMITE Tristan, La Mort de Sénèque, ed. J. Madeleine, Société des textes français modernes, Paris, 1919.SENEQUE, Tragédies de L. A. Sénèque, vol. 3, Lucius Annaeus Seneca, Charles Louis Fleury Panckoucke, 1834.PSEUDO SENEQUE, Octavia. Dans Sénèque, Tragédies, Ed. Et trad. Par Léon Herrmann. T. II. Paris, Les Belles Lettres, 1967. Voir aussi « Octavie source de Britannicus », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 7 avril 1925.LIPSE Juste, Œuvres complètes de Sénèque, De L. Annaeo Seneca veterum auctorum loci.ARISTOTE Aristotelis opera, Editio altera, Berolini : W. de Gruyter , 1960-1987 édition scientifique Immanuel Bekker.CAUSSIN, La cour sainte du R. Père Nicolas Caussin, de la compagnie de Jésus, mise en bel ordre avec une augmentation des personnes illustres de la cour, tant du Vieil que du Nouveau Testament, Tome premier ; Collège de la Sainte Trinité de la Compagnie de Jésus, chez Jean du Bray, 1645.COEFFETEAU, Histoire romaine d’Auguste à Constantin, 1621.PLUTARQUE, Des notions communes contre les stoïciens, Lefèvre et Charpentier, 1845.
II- INSTRUMENTS DE TRAVAIL §
CATACH Nina, La Ponctuation, Paris, PUF, « Que sais-je ? » n° 2818, 1994, 128 p.
GRAMMAIRES §
FOURNIER Nathalie, Grammaire du français classique, Paris, Belin, 1998.HAASE A.,Syntaxe française du XVIIème siècle, Paris, Delagrave, 1975.SANCIER-CHÂTEAU Anne, Introduction à la langue du XVIIe siècle, 2 vol., Paris, Armand Colin, 2005 (réédition).
DICTIONNAIRES §
Du XVIIe siècle §
ACADÉMIE FRANÇAISE, Dictionnaire, J.-B. Coignard, 1694 (2 vol.).FURETIERE Antoine, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et les arts, La Haye et Rotterdam, Arnout et Reinier Leers ; rééd. SNL-Le Robert, 1978 (3 vol.).MORERI Louis, Le Grand dictionnaire historique ou le mélange curieux de l’histoire sacrée et profane, Paris, chez les Libraires associés, 1759.NICOT Jean, Le trésor de la langue française tant ancienne que moderne, Paris, 1606.RICHELET Pierre, Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise.... avec les termes les plus connus des arts et des sciences, Genève, J.-H. Widerhold, 1680 (2 vol.).
Modernes §
Dictionnaire de biographie française, sous la direction de M. Prevost, Roman d’Amat, H. Tribout de Morembert, tome XVI, Paris, Librairie Letouzez et Aré, 1985.CORVIN Michel, Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Paris, Bordas, 1991.GAFFIOT Félix, Dictionnaire latin-français, Paris, Hachette, 2000.BAILLY, Dictionnaire grec français, Hachette, 1950.GRIMAL Pierre, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, PUF, 1951.CAYROU Gaston, Dictionnaire du français classique, Klincksieck, 1923.Dictionnaire des Théâtres de Paris, Paris, Lambert, 1756; Slatkine reprints, Genève, 1967.
BIBLIOGRAPHIES §
CIORANESCU Alexandre, Bibliographie de la littérature française du XVIIème siècle, Paris, Éd. du Centre national de la recherche scientifique, 1969 (2e édition).KLAPP Otto, Bibliographie der französischen Literaturwissenschaft, Francfort, Klostermann.RANCŒUR René, Bibliographie de la littérature française, Paris, A. Colin, 1963-2008.
III- ETUDES §
FORESTIER Georges, Introduction à l’analyse des textes classiques, Paris, Éditions Nathan, 1993.SPANNEUT Michel, Permanence de Sénèque le Philosophe, Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 1980.PARFAICT, Claude et François, dits Les Frères Parfaict, Histoire du Théâtre François depuis ses origines jusqu’à present, Paris, Le Mercier et Saillant, 1734-1749; Slatkine reprints, Genève, 1967.BERNARDIN, Un Précurseur de Racine : Tristan L’Hermite, Paris, 1895.[LANCASTER, Henry Carrigton, éd.], Le Mémoire de Mahelot, Laurent, et d’autres décorateurs de l’Hôtel de Bourgogne, Paris, Champion, 1920.LANCASTER, Henry Carrigton, A History of French Dramatic Literature in the XVIIth Century, the Johns Hopkins Press, Baltimore, Maryland, 1929 ; Paris, PUF, 1929-1942 (9 vol.) ; New York, Gordian Press, inc., 1966.PELLET, Eleanor J., A Part of a dissertation : A Forgotten French Dramatist, 1930, Paris, PU.BENICHOU, Paul, Morales du Grand Siècle, Paris, Gallimard, 1948 ; rééd. Coll. « Folio », 1988.ADAM, Antoine, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, Paris, Domat, 1948-1956 (5 vol.) ; rééd. Paris, Albin Michel, 1997 (3 vol.)., La Dramaturgie classique en France, Paris, Nizet, 1950 ; rééd. 2001.HACQUARD, DAUTRY, MAISANI, Le guide romain antique, Classiques Hachette, 1952.DEIERKAUF HOLSBOER, S. Wilma, Le Théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, Paris, Nizet, 1968-1970 (2 vol.).PELOUS, Amour précieux, amour galant (1654-1675), Klincksieck, 1980.UBERSFELD, Anne, Lire le théâtre, Paris, Messidor / Editions sociales, 1982.Le Dictionnaire de Biographie française, sous la direction de M. Prevost, t. 16, Paris, Librairie Letouzey et Arné, 1985.DENIS Delphine, La Muse galante, Champion, 1996.FORESTIER Georges, Introduction à l’analyse des textes classiques, Nathan, 2000.DENIS Delphine, Le Parnasse galant, Champion, 2001.HAURY Auguste, Les deux voies du stoïcisme romain, Bulletin de l'Association Guillaume Budé, 1963.WOODMAN A.J, Amateur Dramatists at the Court of Nero : Annals 15.48-74, University Press, 1993.KER James, The Deaths of Seneca, Oxford University Press, 2012.VIALA Alain, Péril, conseil et secret d’Etat, Littératures Classiques, 1996.VIALA Alain, La France galante. Essai historique sur une catégorie culturelle, de ses origines jusqu’à la révolution, Paris, PUF, coll. « Les Littéraires », 2008.MANUWALD Gesine, Nero in Opera : Librettos as transformations of Ancient Sources, Transformationen der Antike, De Gruyter, 2013.REVAZ Gilles, Peut-on parler de tragédie « galante » (1656-1667) ?, Revue Dix-septième siècle, « Jean Baudouin », FNRS - Université de Zurich, PUF, Paris, 2002.HENIN Emmanuelle, Le plaisir des larmes, ou l’invention d’une catharsis galante, Armand Colin, 2007.GOUJET Claude-Pierre, Bibliothèque française ou histoire de la littérature française, P. J. Maritette et H.-L. Guerin, 1756.SCHMEISSER Martin, « Oracles, miracles et antiprovidentialisme dans le De Admirandis: Jules César Vanini, un émule de Lucien? », Collection « La Renaissance en ligne », 2007.FORESTIER Georges, La tragédie française. Règles classiques, passions tragiques ; Armand Collin, 2è edition, 2016.HATIN Eugène, Histoire politique et littéraire de la presse en France : avec une introduction historique sur les origines du journal et la bibliographie générale des journaux depuis leur origine. T. 1, Paris, 1859-1861.PANNIER Jacques, L'acteur Floridor (Josias de Soulas), Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français, Vol. 88 (Janvier-Mars 1939), pp. 22-26.LANSON, Gustave, Esquisse d’une histoire de la tragédie française, Paris Hachette, 1920.BEDIER ET HAZARD, Histoire de la littérature française illustrée, Paris, I.HAAG Eug. et Em., La France protestante, Paris, 1846-1858.BEAUCHAMPS, Recherches sur les Théâtres de France, Paris, 1735, II, 168.Bibliographie françoise et histoire de la littérature françoise, Paris, 1756, XVIII.MENARD, Œuvres de Racine, éd. Grs. Ecriv.ARCKENHOLTZ, Mémoires pour servir à l’histoire de Christine, Reine de Suède, tome I.Registre de Lagrange, (1658- 1685), Archives de la Comédie Française, janvier 1876Annales poétiques ou almanach des muses, tome XXIV, Mérigot, Paris, 1783.Revue des deux Mondes, vol 19 et 74, Au Bureau de la Revue des deux mondes, 1847.JACOB P. L. , Bibliothèque dramatique de Monsieur de Soleine, Paris, éd. Alliance des Arts, 1843. FOURNEL Victor, Les contemporains de Molière, Paris, 1866.CHARLIER Gustav, Travaux américains sur l'histoire du théâtre classique français, Revue belge de Philologie et d'Histoire, Année 1935 MELESE P. , Le Théâtre et le public à Paris sous Louis XIV, 1659-1715, Paris, 1934.Galerie historique des acteurs du théâtre français, depuis 1600 jusqu’à nos jours par P.D Lemazurier, Vol. I, J. Chaumerot (Paris), 1810.ROUSSELOT M. X., Jules César Vanini, Œuvres philosophiques de Vanini, Paris, Librairie de Charles Gosselin, 1842.WORTH-STYLIANOU Valérie Confidential strategies : the evolving role of the confident in French tragic drama (1635-1677), Librairie Droz, 1999.GRISE Yvonne, Le Suicide dans la Rome antique, Bellarmin, Les Belles Lettres, Montréal-Paris, 1982.BODSON Arthur, La Morale sociale des derniers stoïciens, Sénèque, Epictète et Marc-Aurèle, Les Belles Lettres,"Bibliothèque de la faculté de philosophie et lettres de l'université de Liège --CLXXVI-", Paris, 1967.BIET Christian, La Tragédie, Paris, Armand Colin, 1997, p. 44-45.BARBAFIERI Carine, Atrée et Céladon. La galanterie dans le théâtre tragique de la France classique, Rennes, PUR, 2006, sp. 82.PERRAULT, Critique de l’Opéra ou examen de la tragédie intitulée Alceste ou le triomphe d’Alcide, Paris, Billaine, 1674, dans Alceste suivi de la querelle d’Alceste, éd. William Brooks, Buford Norman et Jeanne Morgan Zarucchi, Genève, Droz, TLF, 1994.PELOUS J-M, Amour précieux, amour galant (1654-1675), Klincksieck, 1980.P 218.ANGENOT Marc, Les Champions des femmes, examen du Discours sur la Supériorité des Femmes, 1400-1800, PUQ, 27 mai 2014.BOISSIERE Gustave, dans Urbain Chevreau : sa vie, ses œuvres, 1613-1701, Clouzot, 1910.ALBALAT Antoine, L’Art poétique de Boileau, Paris, 1929.BARNWELL H. T., The Tragic drama of Corneille and Racine. An Old parallel revisited, Clarendon Press, Oxford, 1982.TOBIN Ronald W. Racine and Seneca, University of North Carolina Press, 1971.RACINE Louis, Remarques sur Britannicus, Rey, 1759.SCHRODER Volker, La Tragédie du sang d’Auguste : politique et intertextualité dans Britannicus, Gunter Narr Verlag, 2004.NERAUDAU Jean-Pierre dans « Mais où sont ces Romains que fait parler Racine ? » p. 80, in Les Tragédies romaines de Racine, Littératures classiques, n° 26, 1996GUENOUN Solange, Archaïque Racine, Peter Lang Pub Incorporated, 1993.SURBER Christian, Parole, personnages et références dans le théâtre de Racine, Librairie Droz, 1992RONZEAUD(éd.), Racine/Britannicus, Paris, Klincksieck, 1995.GRAU Donatien, Néron en Occident. Une figure de l’histoire, Gallimard, 2015.MAY Thomas, The Tragedy of Julia Agrippina (classic reprint), Fb&c Limited, 30 janv. 2018.LEE Nathaniel, The Tragedy of Nero, Bentley 1696.CORNEILLE, Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique, dans Œuvres complètes, tome III, p 124.TRUCHET Jacques, La Tragédie classique en France, Presses universitaires de France, Les Éditions G. Crès et Cie., 1975, pages 80-81.BERNARDIN Napoléon-Maurice, (éd.) Racine, Britannicus, Paris, Delagrave, 1882.DIDEROT, Essai sur les règnes de Claude et de Néron, 1782.ALEXANDRE Arnaud, Les Hôtels princiers, in Frédéric Pleybert (s. dir.), Paris et Charles V, arts et architecture, Paris, Action artistique de la ville de Paris, 2001.Biographie universelle ou dictionnaire historique, sous la dir. De M. Weiss bibliothécaire à Besançon, vol 3., Furne Paris, 1841CHAUVEAU Philippe, Les Théâtres parisiens disparus (1402-1986), éd. de l'Amandier, Paris, 1999HERMANN , Octavie source de Britannicus, Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 1925.LEVITAN William, Seneca in Racine, Yale French Studies, Yale Press, No. 76, Autour de Racine: Studies in Intertextuality (1989)MASTROIANNI Michele, La tragédie et son modèle à l’époque de la Renaissance entre France, Italie, et Espagne, Rosenberg et Sellier, 2016.Figures du tyran antique du Moyen Age à la Renaissance, Caligula, Néron et les autres. Sous la dir de Denis Bjaï et Silbère Meneagaldo, Klincksieck, 2009.DE CAIGNY Florence, « Les Octavies de Brisset et de Regnault : une lecture contemporaine de la tyrannie antique ? », dans Florence de Caigny, Sénèque le Tragique en France (XVIe-XVIIe siècles), Paris, Classiques Garnier, coll. Bibliothèque de la Renaissance, 3, 2011.DOUGUET Marc, La Composition dramatique. La liaison des scènes dans le théâtre français du XVIIe s.(dir. M. Escola), Sorbonne-nouvelle, Paris 3, thèse de 2015.
SUR LA MISE EN LIVRE DU THEATRE §
BAUMGARTNER Emmanuelle et BOULESTREAU Nicole (dir.), Livre et littérature : l’espace optique du Livre, Nanterre, Centre de Recherches du département de français de Paris Ouest Nanterre La Défense, 1988, 128 p.BIET Christian, TRIAU Christophe, Qu’est-ce que le théâtre ?, Paris, Gallimard, « Folio Essais Inédit », Paris, 2006, 1 056 p.VÉDÉNINA Ludmilla, Pertinence linguistique de la présentation typographique, Paris, Peeters-Selaf, 1989, 128 p.VINAVER Michel, Écritures dramatiques, Arles, Actes Sud, « Répliques », 1989.
SITOGRAPHIE §
http://www.unifr.ch/nouvellesnouvelles/http://www.moliere.paris-sorbonne.fr/
Annexes §
Œuvres de Gabriel Gilbert §
Théâtre §
Marguerite de France, tragi-comédie. Paris, 1641, in-4.Téléphonte, tragi-comédie, représentée par les deux Trouppes royalles. Paris, 1642, in-4.Rodogune, tragi-comédie. Paris, 1646, in-4.Hypolite ou le garçon insensible, tragédie. Paris, 1647, in-4.Séminaris. Tragédie, représentée par la troupe royalle. Paris, 1647, in-4.Les amours de Diane et d’Endymion, tragédie par M. G. Paris, 1657, in-12.Chresphonte, ou le retour des Héraclides dans le Péloponèse, tragi-comédie par M.G. Paris, 1659, in-12.Arie et Petus, ou les amours de Néron, tragédie par M. G. Paris, 1660, in-12.Les amours d’Ovide, pastorale héroïque par M. G., Paris, 1663, in-12.Les amours d’Angélique et de Médor, tragi-comédie par M.G., Paris, 1664, in-12.Les intrigues amoureuses, Paris, 1667, in-12.Le Courtisan parfait, tragi-comédie par Monsieur D.G.L.B.T., Grenoble, 1668, in-12.Les Peines et les plaisirs de l’amour, pastorale. Paris, 1672, in-4.
Prose et poésie §
Panégyrique des dames, dédié à Mademoiselle, Paris, 1650, in-4.L’Art de plaire. À la Sérén. Reyne de Suède. S. I., Paris, 1651, in-12.À la Reyne de Suède, panégyrique. Paris, 1653Poème à la Sérén. Reyne de Suède, fait en l’an 1651, 1655, in-12.Ode à son Eminence, Paris, 1659, in-12.Les Poésies diverses de M. G., secrétaire des commandemens de la Reyne de Suède et son Résident en France, Paris, 1661, in-12, 2 vol.Les Pseaumes en vers françois, Paris, 1680, in-12.Cinquante Pseaumes de David mis en vers françois par M.G. Seconde édition, reveue et augmentée du Décalogue et du Cantique de Siméon, Paris, 1680, in-12.
Iconographie §
BOUCHARDON Edme Collection du département des arts graphiques du Louvre. Ecole française Arie et Pétus INV 24002, Recto Fonds des dessins et miniatures Réserve des grands albums Album Bouchardon Edme -2- Folio 1 B rapporté au rectoImportant groupe en bronze représentant Pétus et Arrie AN IMPORTANT FRENCH, PARISIAN, CIRCA 1753, 18TH CENTURY, BRONZE GROUP DEPICTING ARRIA AND PAETUS, BY LAURENT HUBERT (1749-1786) bronze à belle patine brun fonçé, à vernis translucide Haut. 52, 3 cm Height 20 2/3 in. France, Paris, circa 1753, par Laurent Hubert. Description d’une statue d’Arie et de Petus dans Monumens inédits de l’Antiquité, statues, peintures antiques, pierres gravées, bas reliefs de marbre et de terre cuite, expliqués par Winckelmann, gravés par David, Membre de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture de Berlin, et Associé de celle des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen; et par M". SIBIRE, son Elève. Traduit de l’italien en français par A-F Désodoards ; Pour compléter l'Histoire de l'Art chez les Anciens , et faire suite aux Antiquités d'Herculanum, aux Vases étrusques d'Hamilton , et au Musée de Florence. TOME PREMIER, A Paris, Chez L. Paravicin, Libraire, rue de la Bibliothèque, n°. 4, près du Louvre. Un des plus magnifiques ouvrages de cette époque, est conservé dans la villa Ludovici; c'est un groupe de plusieurs figures, dont les deux principales sont au-dessus de la grandeur naturelle. On pense qu'il fut sculpté sous l'empereur Claude, et qu'il représente le séna teur romain Petus et sa femme Aria. Petus fut un des complices de la conjuration tramée contre Claude par Scribonianus. On voit sur la poitrine d'Aria des marques qui paraissent des gouttes de sang. Pline le jeune rapporte que, s'étant percé le sein avec un poignard, au moment de rendre l'ame, elle présenta ce poignard sanglant à son mari, en assurant qu'il ne lui avait fait aucun mal. Tacite ajoute que Petus, insensible aux exhortations de sa femme moribonde, se laissa condamner à s'ouvrir les veines. Maffei, regardant ce groupe comme un monument historique, et en même-temps écartant l'opinion commune, a recours à l'histoire de Mithridate, dernier roi de Pont. Il prétend que l'artiste a voulu désigner l'action tragique d'un eunuque de ce prince, nommé Ménophile; le roi l'ayant chargé de la garde de sa fille Direttina, le château étant emporté par les Romains, il la tua pour empêcher qu'elle ne tombât en esclavage, et se tua ensuite lui même. Cette interprétation ne saurait être adoptée; il suffit de regarder sur ce groupe la figure de l'homme, pour se convaincre que ce n'est pas celle d'un eunuque. En considérant que sous le règne de Claude, les arts avaient déjà perdu quelque chose de leur ancienne perfection, je pencherais plutôt à regarder ce morceau d'antiquité, à l'exemple de Jacques Gronovius, comme voulant transmettre à la postérité l'aventure tragique de Macareus, fils d'Eole, lequel ayant secrétement épousé Canaée sa propre sœur, cette femme fut contrainte par son père de se tuer et de tuer son mari.