De Mr Lagnon
Chez ANTOINE DE SOMMAVILLE, au Palais,
dans la Salle des Merciers, à l’Escu de France.
M. DC. XLVII.
AVEC PRIVILEGE DU ROY
Édition critique établie par Laure MARIN-PACHE
dans le cadre d'un mémoire de master 1
sous la direction de Georges Forestier
2015-2016
Introduction §
En 1647 est publiée par Antoine de Sommaville, Josaphat, la première tragi-comédie de Jean Magnon, dramaturge et ami de Molière qui montera par la suite certaines de ses créations. Néanmoins, le peu d’informations disponibles sur d’éventuelles représentations de la pièce laisse entendre qu’elle ne connut pas un réel succès, il en fut de même quant à sa postérité. Josaphat s’inscrit dans ce bref courant théâtral de 1635 à 1650, période durant laquelle sont écrites de nombreuses pièces à sujet religieux. Néanmoins l’oeuvre a la particularité de l’Orientalisme, car le personnage éponyme est un prince indien dont la légende est peu connue en France, et la spécificité d’être une tragi-comédie, ce qui ne fut pas le cas de nombreuses pièces religieuses. Mais malgré cela, sa diffusion resta confidentielle et confinée à cette brève mais foisonnante production de pièces à motif religieux de la première moitié du XVIIe siècle.
Biographie de l’auteur §
Poète et historiographe du roi, Jean Magnon naquit à Tournus, dans le Mâconnais, et fut baptisé le 10 janvier 1620 d’après les registres de la Paroisse de la Madeleine de Tournus.
Il étudiera dans un premier temps au Collège de La Trinité à Lyon, une école Jésuite dont l’éducation influencera en partie son œuvre. Il devient ensuite avocat au présidial de la ville avant de partir à Paris pour se consacrer à l’écriture. Il publie très tôt après son arrivée sa première tragédie en 1645 : Artaxerce. La pièce est jouée par la troupe de L’Illustre Théâtre nouvellement formée, et selon Joseph Boulmier, Magnon aurait également eu un rôle dans cette pièce. C’est ainsi que le dramaturge se lie d’amitié avec Molière qui avec sa troupe montera plusieurs de ses pièces. En 1647 il publie Josaphat, sa première tragi-comédie. L’épître de cette pièce a suscité de nombreux débats parmi les historiens. En effet, Magnon y déclare :
Cette protection et ce secours, Monseigneur, que vous avez donné à la plus malheureuse et à l’une des plus méritantes Comediennes de France n’est pas la moindre action de votre vie.
Chardon, Michaut1 et Lancaster tenteront tous de résoudre le mystère entourant l’identité de cette mystérieuse comédienne. Tous semblent considérer qu’il s’agit de Madeleine Béjart.
Selon René Bray dans son ouvrage Molière, homme de théâtre, la pièce aurait été jouée par la troupe du Duc d’Epernon à qui la pièce était dédiée. Mais aucune information ne permet de démontrer que cette hypothèse est vraie. Seule certitude : Josaphat a été représentée au Théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, comme en témoigne Le Mémoire de Mahelot.
En 1647, Magnon écrit également une tragédie, Séjanus, jouée par la troupe de l’Illustre Théâtre, puis l’année suivante il publiera une tragi-comédie : Le Mariage d’Oroondate et de statira et une tragédie Le Grand Tamerlan et Bajazet.
En 1656, il publie Jeanne Première, Reine de Naples, une tragédie. Cette même année, il épouse, le 18 août, Marie-Anne Poulain, alors âgée de 18 ans. Le couple se partagera entre un appartement parisien rue Berthin-Poirier et une maison de campagne à Farges dans le Mâconnais, où Magnon aimait vraisemblablement écrire.
Dans les années qui suivent, il publie en effet une autre pièce, sa dernière : Zénobie, Reine de Palmyre, en 1659 qui fut représentée le 10, 11 et 14 décembre de cette même année au théâtre du Petit Bourbon, par la troupe de l’Illustre Théâtre.
Si Magnon a écrit de nombreuses pièces, il est surtout connu pour le projet qu’il entama par la suite, un ouvrage intitulé Science Universelle2, un projet titanesque d’Encyclopédie qui selon les projets de son auteur, devait se composer de 10 volumes de 20 000 vers chacun.
On y retrouve dans l’exemplaire, l’importance accordée par l’auteur à Dieu, ainsi qu’il le déclare lui-même dans la première page de l’ouvrage :
Qu’on sache mon dessein : toute chose est mon thème ;Je commence par Dieu ; je finirai de même :
Mais alors que le premier volume de la Science Universelle était sous presse, l’auteur fut assassiné à Paris, sur le Pont-Neuf, alors qu’il rentrait d’un dîner. La date de cet événement est incertaine, Boulmier déclare dans son article que le meurtre aurait eu lieu entre le 18 et le 20 avril 1662. C’est Marie-Anne Poulain, la femme de Magnon, et son amant M. de Sertoville qui furent alors suspectés. Selon Gabriel Jeanton, le couple connaissait de multiples brouilles jusqu’à ce qu’un soir Mme Magnon s’enfuie de chez elle pour se retirer au Couvent des Dames Hospitalières du faubourg Saint-Martin d’où elle sortit quinze jours avant l’assassinat de son mari. C’est un événement qui fit grand bruit dans la capitale, en témoigne cette lettre de Corneille datée du 25 avril 1662 et adressée à l’Abbé de Pure et qui s’achève ainsi :
J’appris hier que le pauvre Magnon est mort de ses blessures. Je le plains
Ainsi, ce fait divers apparaît plus comme plus marquant pour la postérité que l’œuvre même de l’auteur. En effet, Magnon fut beaucoup critiqué, notamment par Boileau qui déclare à son propos dans son Art Poétique :
On ne lit guère plus Rampalle et MénardièreQue Magnon, du Souhait, Corbin et la Morlière.
L’arrière petit-fils même de l’auteur, François-Phillibert Magnon, déclare lui-même à son propos qu’il « produisit dans effort des tragédies sans verve et des comédies sans gaieté. »
Résumé de la pièce §
Acte I §
La pièce s’ouvre sur un échange entre le guerrier Arache et la Princesse Amalazie. Cette dernière a été faite prisonnière après qu’Arache ait tué son père et conquis son Royaume. Mais les deux personnages s’aiment, et tandis qu’Amalazie lutte contre ces sentiments indignes de la situation (scène I), Arache lui, tente de convaincre la princesse de parler au jeune Prince qui vient d’arriver en ville pour qu’il plaide sa cause auprès du Roi, et la fasse libérer (scène I). La princesse accepte alors de rencontrer le jeune Josaphat. Le Prince tombe immédiatement sous le charme d’Amalazie et touché par la jeune femme dont il connaît la situation, promet, avec le soutien d’Arache, de plaider sa cause auprès du roi (scène III). Lorsqu’Amalazie prend congé des deux hommes Josaphat se confie au jeune guerrier, regrettant de n’avoir pas connu Narsingue, la plus belle ville puisqu’elle est celle où réside Amalazie. Il interroge ensuite Arache pour savoir ce qui a conduit son père à l’exiler depuis sa naissance, lui qui a grandi dans le faste mais loin de tout. Ce confident lui répond que c’est une ancienne tradition qui veut que les princes soient élevés à l’écart lors de leur instruction. Puis Josaphat se confie sur les doutes qu’il a sur l’existence des Dieux, ce à quoi Arache répond en citant le mythe de la répartition du monde par Jupiter. Le guerrier s’interroge alors sur de telles questions et s’inquiète d’une loi que Josaphat aurait peut-être découverte (scène 4). Arrive alors le roi Abenner qui vient accueillir son fils à Narsingue, la ville où se déroule la pièce, en Inde. Le prince demande alors au roi de rendre ses états à Amalazie, soutenu par Arache qui prend le relais, suppliant le roi au nom de ses victoires passées. Le roi accepte la requête et demande en contrepartie à Josaphat d’épouser la princesse, précisant qu’il la conservait prisonnière en vue de ce mariage. Le prince se réjouit à cette nouvelle, tandis qu’Arache se trouble, alors que c’est à lui qu’incombe la tâche d’aller annoncer la nouvelle à Amalazie (scène 5).
Acte II §
L’acte II s’ouvre sur Josaphat du refus que lui a opposé Amalazie concernant le mariage (scène 1). Un garde lui annonce alors l’arrivée d’un joailler que Josaphat accepte de rencontrer (scène 2). Celui-ci se nomme Barlaam et va tenir au jeune prince un discours très poétique portant sur la nature, sur la manière dont celle-ci parvient à concevoir la perle. Josaphat lui demande alors le coût de ses diamants. Barlaam lui répond qu’il ne souhaite pas exposer ses richesses devant les suivants du Prince. Ce dernier demande alors à tout le monde de quitter les lieux (scène 3). Une fois seuls, Barlaam se découvre et révèle à Josaphat que cette perle représente en réalité la religion et la foi chrétienne. Ce faux joailler commence alors à lui parler de Dieu, de la manière dont il a conçu le monde, puis l’Homme. Comment celui-ci s’est retourné contre son créateur et fut sanctionné pour cela lors de l’épisode du déluge. Puis après avoir précisé que les hommes ont recommencé à pécher après cet événement, Barlaam parle de Jésus Christ, le fils de Dieu humanisé qui fut condamné à mort puis fut ressuscité, événement dont le récit se répandit dans le monde entier sauf dans le royaume d’Abenner. En écoutant Barlaam, Josaphat a le sentiment d’obtenir les réponses aux interrogations qu’il avait. Barlaam se présente alors par son vrai nom au Prince et lui révèle qu’il servait autrefois son père mais dû partir en exil car il était chrétien, comme toute la communauté. Il lui avoue ensuite qu’Abenner a fait venir des astrologues pour lui révéler l’avenir de son fils et que ces derniers lui ont annoncé qu’il serait chrétien. C’est pour cette raison que Josaphat fut exilé dès sa naissance, loin de Narsingue et ne fut rappelé au palais que récemment, Abenner pensant cette malédiction levée. Mais Josaphat comprend à la fin de cette entrevue avec Barlaam qu’il est chrétien. Ce dernier prend congé, et le prince lui annonce qu’il compte le rejoindre, là où il se cache avec d’autres croyants. (scène 4) On assiste ensuite à un monologue dans lequel Josaphat s’adresse directement à Dieu, pour la première fois, et lui témoigne sa foi (scène 5).
Il est rejoint par Abenner qui se réjouit du mariage qui se prépare. Alors que le roi lui parle de bijoux, Josaphat lui révèle qu’il a découvert une perle singulière et merveilleuse. Abenner curieux souhaite en savoir plus sur ce diamant mais le prince lui avoue qu’il faut être chrétien pour pouvoir le voir, avant de se dévoiler comme tel auprès de son père et de lui parler de sa rencontre avec Barlaam. Le roi furieux demande à Josaphat de sortir (scène 6). S’ensuit alors un monologue où Abenner furieux s’en prend à Barlaam et à la fatalité qui lui avait prédit cet événement (scène VII). Arrive alors Amalazie qui vient lui annoncer qu’elle n’a pas l’intention d’épouser Josaphat, en hommage à son père. Mais Barlaam lui annonce que le prince est chrétien et qu’il a l’intention de le tuer. Arache lui suggère alors à la place d’user d’un stratagème qui consisterait à substituer le courtisan Nacor à Barlaam car ceux-ci présentent une troublante ressemblance physique. L’amant d’Amalazie propose que l’on présente Nacor à Josaphat en prétendant que Barlaam a été capturé. Le but étant qu’au cours d’une discussion à laquelle assisterait le Prince, Nacor renonce à sa foi prétendue pour convaincre Josaphat de faire de même. Le roi accepte. (scène VIII)
Acte III §
Le troisième acte s’ouvre sur une discussion dans laquelle Abenner donne ses indications à son courtisan Nacor et sur la manière dont il doit prétendre être chrétien (scène I). Arrive ensuite Josaphat, accompagné notamment par Arache et Amalazie. Josaphat tombe dans le piège tendu par son père et croit Barlaam capturé. Nacor commence alors à faire l’apologie du christianisme, louant sa foi et son dieu, trouvant réponse à chaque question posée par Abenner. Il tente ensuite de convertir Amalazie et Arache, ce qui amène Abenner à s’interroger sur l’identité de la personne face à lui. Nacor se dévoile alors comme chrétien et confirme être bien Nacor. Abenner le condamne alors à mort (scène II). Josaphat demande exprime alors au roi son désir de mourir à son tour. Il met ensuite en garde son père contre la colère divine (scène III). Abenner se tourne alors vers Amalazie et lui demande, sous la menace, de convaincre son fils de renoncer à cette lubie chrétienne, convaincu que seule la princesse pourra le faire renoncer à sa foi (scène IV). Amalazie furieuse après le roi, et par extension après Josaphat, refuse d’aller parler au prince, mais se laisse finalement convaincre par Arache, ému par la situation vécue par le jeune homme (scène V).
Acte IV §
L’acte s’ouvre sur un monologue de Josaphat, partagé entre sa foi et l’amour qu’il ressent pour Amalazie, alors même que cette dernière refuse de l’épouser (acte I). Il est alors rejoint à sa grande surprise par la princesse. Josaphat tente alors de la convertir, car sa beauté est un hommage, un exemple des merveilles réalisées par Dieu. Amalazie quant à elle tente de le convaincre de renoncer au christianisme. Finalement, la princesse se rend et se convertit à son tour. Josaphat tente alors de la séduire à nouveau, mais c’est alors qu’elle lui révèle qu’elle est déjà éprise de quelqu’un d’autre. Josaphat veut alors connaître le nom de l’amant mais Amalazie refuse (scène II). Ils sont soudain rejoints par Arache qui a assisté à l’exécution de Nacor et qui s’en trouve bouleversé. Josaphat exprime alors son envie face à au destin du martyre, lui qui ne connaît pas même le nom de l’amant de la princesse. Il demande alors de l’aide à Arache pour retrouver cet homme. Arache prétend alors connaître cet amant, et parle en son nom pour tenter de le défendre. Josaphat comprend alors que son compagnon est celui dont lui a parlé Amalazie. Mais Arache déclare alors ne plus vouloir être avec Amalazie car il est devenu chrétien. Celle-ci lui révèle alors s’être également convertie.
Fort de cette découverte, Josaphat souhaite tout révéler à son père, et se faire condamner. Mais Arache refuse, notamment pour préserver la princesse (scène III). Mais lorsque les trois personnages rejoignent Abenner ils découvrent que Barlaam a été fait prisonnier. L’ermite veut mourir et enjoint Josaphat à le suivre. Le Prince demande alors son martyre. Abenner demande alors à Amalazie de condamner son fils (scène IV).
Acte V §
Au début de l’acte V, Abenner tente une négociation avec Barlaam et essaye de le convaincre de faire renoncer Josaphat à sa foi, lui promettant un espace où les chrétiens pourraient honorer leur dieu librement. Barlaam rétorque que la religion chrétienne ne connaît pas de milieu et refuse l’idée que Josaphat et les autres chrétiens exercent leur foi en secret, tout en honorant les autres dieux sans conviction profonde. Face à ce refus, l’ermite est remis en prison (scène I). Abenner se retrouve alors seul et s’adresse à ses Dieux, s’interrogeant sur leur manque de réaction face aux comportements des chrétiens, eux qui auraient les moyens de les faire taire et de prouver leur existence (scène II). Arrivent alors Arache et Amalazie qui annoncent au roi que son fils a été condamné. Abenner se trouble alors, hésitant à demander la mort de son fils. Et lorsqu’il se résout finalement à condamner son fils, la princesse et son amant lui confient que le prince est déjà mort. Le roi entre alors dans une rage folle et accuse Arache et Amalazie d’avoir écouté le roi qu’il était et non le père, qui lui voulait sauver son fils. Il renie également ses dieux et déclare vouloir devenir chrétien. Les deux amants lui révèlent alors que tout ceci n’était qu’un stratagème et que Josaphat n’est pas mort. Abenner peine à les croire puis voit son fils (scène III). Mais le Prince ne revient que pour demander sa mort. Le roi le supplie de renoncer à sa foi et d’épargner sa vie. Devant les refus de Josaphat, il incline vers une condamnation. Amalazie décide alors de se découvrir en tant que chrétienne, ce qui provoque une révélation chez Abenner qui semble entendre Dieu. Arache révèle alors son christianisme et Abenner se convertit définitivement. Ce dernier tente alors de mettre son fils sur le trône mais Josaphat refuse au nom de son désintérêt pour ce qui est terrestre. Il finit par accepter l’offre, et cela pour pouvoir couronner Arache et le marier à Amalazie à qui il rend les terres de son père. Après quelques réticences, Arache accepte. A la fin de la pièce tous partent rendre hommage à Nacor, le martyre de cette pièce.
La source hagiographique §
Josaphat, pièce religieuse, a comme source principale la légende hagiographique de Barlaam et Josaphat.
Selon les textes relatant cette histoire se déroulant en Inde durant l’ère des premiers chrétiens, le roi Abenner (ou Avennir) persécute ces derniers. Or, à la naissance de son fils, des astrologues lui prédisent que celui-ci se convertira à cette religion. Inquiet, le roi décide d’isoler le prince loin de la réalité de la condition humaine, loin de la mort, de la maladie et des émotions qu’il pourrait ressentir, de manière à ce que celui-ci n’aille pas chercher des réponses dans la religion chrétienne. Mais malgré ces précautions, le jeune Josaphat rencontre Barlaam, un ermite qui va le convertir. S’ensuivra alors un important conflit entre père et fils, le roi tentant par tous les moyens de ramener le prince aux croyances polythéistes de son royaume. Mais devant les échecs successifs des stratégies qu’il mettra en place, Abenner finira par être troublé et se convertir à son tour au christianisme. Il abandonnera alors sa couronne au profit de son fils. Mais Josaphat la refusera et confiera le royaume à un proche de son père : Barachias. La légende dit que Josaphat quitte alors la ville et part avec Barlaam mener une vie d’ermite.
Cette histoire est communément attribuée à Jean Damascène, théologien chrétien, père de l’Eglise, considéré comme saint par les catholiques et les orthodoxes et qui a vécu entre 676 et 749. Néanmoins, cette paternité est particulièrement contestée. Ainsi, Jean de Billy, le moine à l’origine de la traduction française de 1573 du texte hagiographique3 écrit initialement en grec, écrit lui-même dans l’épître de l’œuvre traduite :
Amy lecteur, je te veux advertir, que la présente Histoire, est insérée és œuvres de Sainct Jean Damascene, et si luy est attribuée de plusieurs : ce qui la m’a fait publier sous son nom. Néanmoins m’ayant esté communiqué un vieil exemplaire Grec par Monsieur de sainct André (homme fort docte, et amateur de toutes bonnes lettres) auquel ay trouvé une Préface à nostre Histoire soubs le nom d’un bon Hermite du Mont Sinay, nommé Jean, personnage de grande saincteté, et doué du don de prophétie, lequel florissoit du temps de l’Empereur Théodose premier du nom : je l’ay bien voulu joindre à nostre traduction, laissant toutefois à chacun la liberté de juger lequel des deux en est l’Autheur.
Marion Uhlig dans son article « L’Orient sur les tréteaux : la construction de l’espace indien dans les pièces théâtrales de Barlaam et Josaphat4 » indique, en s’appuyant sur les travaux de Franz Doelger5, que Jean Damascène et l’ermite du Mont Sinaï seraient certainement la même personne.
La paternité de l’œuvre en tant que telle importe peu dans le domaine de la légende hagiographique. Ce qui est primordial, permettant de donner une légitimité à ce récit, est, ainsi que le déclare Jean de Billy dans sa préface que « tous deux sont fort anciens et personnes de grande authorité. »
La légende Barlaam et Josaphat a plus tard été reprise dans La Légende Dorée de Pierre de Voragine, écrite au cours du XIIIe siècle en latin. Cet ouvrage regroupe entre autres le récit de la vie de plus de cent-cinquante saints dont Josaphat. L’œuvre connaîtra très vite un succès considérable et permettra la diffusion et la postérité de légende hagiographique de Barlaam et Josaphat.
Il est intéressant de noter qu’il existe une version de la légende écrite en 1642, soit cinq ans seulement avant la publication de la pièce de Magnon, écrite par un dénommé Pierre-Antoine Girard. Celui-ci déclare quant à lui s’être inspiré du récit de Jean Damascène. C’est ce dernier ouvrage que Lancaster6 considère comme la source la plus probable du Josaphat de Jean Magnon.
Cette source hagiographique apparaît comme l’inspiration principale de l’œuvre. La trame principale et les péripéties majeures de la pièce sont immédiatement tirées de la légende. Ainsi, l’une des scènes les plus importantes de la pièce, c’est à dire la rencontre entre Barlaam et Josaphat est inspirée de manière très précise du récit de Jean Damascène. Ainsi, dans la légende comme dans la pièce, Barlaam se fait passer pour un joailler, et vante les mérites d’une pierre précieuse singulière auprès du prince, lui déclarant : « Monsieur, je suis un marchant, qui suis venu de loingtain pays, et ay une pierre precieuse, qui n’a sa pareille au monde, et ne l’ay encores dit à homme vivant. »
Pierre qu’il ne peut montrer en présence des suivants du jeune homme. Dans les deux cas, Josaphat chassera tous ceux qui l’entourent, pour se retrouver seul avec le vieil ermite qui pourra dévoiler les raisons véritables de sa venue et lui révéler que cette pierre n’illustre rien d’autre que la religion chrétienne. Durant cette discussion, Barlaam révèle à Josaphat les mystères de la foi. On retrouve des formules similaires dans les deux textes. Il est à noter que les scènes d’échange entre ces personnages sont les plus fidèles de l’œuvre à la légende hagiographique. La scène 4 de l’acte II est ainsi une véritable synthèse du chapitre de l’œuvre de Jean Damascène durant lequel Barlaam explique la religion chrétienne en lui narrant les grands épisodes de la Bible. L’épisode du déluge est ainsi relaté de manière très proche dans la pièce et dans la légende. Dans l’œuvre de Magnon, Barlaam déclare ainsi :
Son Dieu tout corroucé luy declara la guerre,Un grand débordement purgea toute la terre :A peine un innocent se sauva de ses mains,Qui pût perpetuer la race des humains7 ;
Dans la légende, l’ermite déclare : « Or, Dieu tout puissant, voulant retrancher la grande multitude des pechez enormes qui regnoient sur terre, envoya le Deluge d’eau, qui noya toute creature ayant vie. Mais en trouvant un seul juste en ce temps là, le sauvant dans l’Arche avec sa femme et ses enfants […] » Le texte de Magnon apparaît ici comme une version versifiée du texte de Jean Damascène, dans la traduction de Jean de Billy.
Il est à noter que cette rencontre aboutira dans la légende et dans la pièce à la conversion du jeune prince.
L’autre similitude se trouve dans la logique de conversions en chaîne qui touchera l’ensemble des personnages secondaires et aboutira à celle d’Abenner qui remettra alors sa couronne à Josaphat.
Néanmoins, si la trame est respectée dans son ensemble, de nombreuses divergences sont à noter entre la légende hagiographique et la pièce de Magnon.
Tout d’abord dans le choix des noms donnés aux personnages. Ainsi, le roi se nomme Avennir dans les versions anciennes de la légende de Barlaam et Josaphat. La graphie de Nacor est différente, puisque le personnage se prénomme Nachor dans la traduction de Jean de Billy, tandis qu’Arache a pour nom Arachis.
Enfin, de nombreuses modifications ont été établies quant au traitement des personnages secondaires gravitant autour du jeune prince et de son père. Ainsi, Magnon a fait le choix de supprimer le personnage de Zardan, son conseiller, qui dans le texte de Jean Damascène est également un traître. Celui-ci a par ailleurs fusionné avec le personnage d’Arachis, pour devenir Arache.
Dans la légende, Arachis est un proche conseiller du roi, qui jusqu’à la fin soutiendra Abenner. C’est d’ailleurs lui qui suggérera la capture de Barlaam pour que celui-ci désavoue sa religion face à Josaphat (épisode supprimé dans la pièce de Magnon, et qui dans l’œuvre de Jean Damascène précède l’intervention de Nachor se faisant passer pour Barlaam).
Parallèlement, le personnage d’Amalazie dont l’importance est capitale dans l’œuvre de Magnon n’apparaît pas dans la légende hagiographique. Seule la scène dans laquelle Abenner demande à la princesse de convaincre Josaphat de renoncer à sa religion se retrouve dans la version traduite par Jean de Billy. Néanmoins, dans cette œuvre, la princesse captive est également une courtisane, qui usera de ses charmes pour convaincre le jeune prince, scène absente du texte de Magnon, en contradiction avec le personnage d’Amalazie.
Les sources littéraires §
Avec Josaphat, Jean Magnon s’inscrit dans la tradition littéraire des pièces à martyre. Simone de Reyff note ainsi la floraison de dramaturgie religieuse en ce début de XVIIe siècle, émergeant vers 1535 et se prolongeant en 1650. Dans son ouvrage L’Eglise et le théâtre, elle comptabilise 23 pièces chrétiennes écrites durant cette période8.
En 1641, Polyeucte de Pierre Corneille est représentée au théâtre du Marais et le parallèle entre cette pièce à martyre et Josaphat semble inévitable et le rôle de la Princesse Amalazie dans la pièce de Magnon en serait témoin.
Un parallèle peut en effet être établi entre les deux pièces. Le triangle amoureux composé de Josaphat, Amalazie et Arache, peut s’apparenter au triangle de la pièce de Corneille composé de Polyeucte, Pauline et Sévère. Lancaster souligne ainsi le parallèle existant entre les deux personnages féminins courtisées par un chef de guerre9 – Arache et Sévère – et un personnage aux origines plus élevées – Josaphat étant un prince et Polyeucte un seigneur. Dans les deux cas, c’est ce dernier personnage qui se trouve également martyre.
On trouve dans le texte même une intertextualité dans la première scène de l’acte IV de Josaphat, scène de monologue dans lequel le jeune converti s’adresse à Dieu et confesse la solidité de sa foi et sa volonté de se détacher de cet amour profane pour une princesse qui n’est pas chrétienne. Or cette scène renvoie à la scène 2 de l’acte IV de Polyeucte, c’est à dire la scène des stances de Polyeucte. On observera le fait que ces deux monologues sont situés au même emplacement dans la pièce, au même niveau d’avancée dans l’intrigue – c’est à dire la scène des stances de Polyeucte. Les deux scènes précèdent toutes deux l’arrivée de la jeune femme aimée et un échange qui dans lequel le prétendant tentera de convertir celle-ci au christianisme. On observe donc un combat du héros similaire dans les deux pièces, visant à se détacher de tous sentiments amoureux.
Ainsi dans ses stances, Polyeucte déclare :
Et je ne regarde Pauline,
Que comme un obstacle à mon bien10
Tandis que Josaphat s’exprime ainsi :
Mon cœur destache-toy de cette indigne flamme
Amour, prophane amour sors enfin de mon âme11 ;
S’adressant à son cœur et à ses sentiments, de même que le fait Polyeucte au début de ses stances :
Source délicieuse, en misères féconde,
Que voulez vous de moi, flatteuses voluptés ?12
Si l’on s’intéresse aux scènes suivantes, on relèvera la similarité de la première réplique du nouveau converti à la jeune femme qui vient de faire de son entrée :
Madame à quel dessein me venez-vous combattre ?13
Déclare Josaphat à Amalazie, tandis que Polyeucte s’adresse ainsi à Pauline :
Madame, quel dessein vous fait me demander ?14
Barbara Selmeci Castioni dans son article « Le paradoxe du comédien converti sur la scène française (XIVe-XVIIe siècles)15 » considère que le martyre de Nacor dans la pièce de Magnon, a été dictée au dramaturge par le succès de Polyeucte. De fait, un parallèle peut être établi, et c’est celui qui est fait par Lancaster16, entre Néarque et Nacor dont le martyre permet dans chaque pièce de provoquer une conversion en chaîne. Néanmoins, et nous y reviendrons plus tard, si les deux pièces semblent fonctionner en miroir par leur dramaturgie, Josaphat apparaît moins « humain » que Polyeucte, tel que le rapporte Lancaster17. Les deux textes semblent présenter un conflit entre amour et religion mais celui-ci n’est véritablement exprimé que dans l’œuvre de Corneille. Chez Magnon, tout n’est que religion, et les passions mêmes des personnages sont immédiatement mises au service de la foi. Cependant, une comparaison avec la légende hagiographique dans la traduction de Jean de Billy permet de réaliser l’ajout de passions exprimées par les personnages, et plus particulièrement pour Saint Josaphat, imperméable à la moindre passion humaine dans la légende. Au regard des deux influences les plus frappantes à la lecture de la pièce, Magnon semble avoir trouvé un équilibre entre une légende hagiographique qui promeut un saint aux vertus exemplaires, motif conservé par le dramaturge, et l’expression des passions, propre à la dramaturgie du XVIIe siècle.
Lancaster18 évoque également une autre source littéraire, celle de la tragi-comédie de Boisrobert publiée en 1642 : Le Couronnement de Darie, parallèle déjà évoqué par Schultz19. Cette tragi-comédie avait déjà influencé Jean Magnon pour sa première pièce : Artaxerce et serait à l’origine du dénouement de Josaphat. En effet dans la pièce de Boisrobert, le roi pense que son fils Darie a voulu le tuer. Au terme de ce conflit, Darie prétend se donner la mort du fait de cette opposition. Le roi se repentira alors de sa dureté envers son fils, et c’est alors que voyant son père adouci, le Prince revient et est autorisé à épouser la princesse prisonnière Aspasie que son père lui refusait. On retrouve dans les deux pièces un stratagème tragi-comique évident. Cette influence et ce dénouement permettent d’inscrire Josaphat dans la lignée des tragi-comédies de son époque.
Enfin, Le Véritable Saint Genest de Rotrou, publiée en 1647, l’autre grande tragédie chrétienne de cette décennie du XVIIe siècle a des similitudes avec Josaphat. Lancaster considère pour sa part qu’il est difficile de savoir si l’une des deux pièces a influencé l’autre tant les dates de publication des deux œuvres sont proches, néanmoins, on constatera la ressemblance qui existe entre la scène 2 de l’acte III de Josaphat au vers 798 divisé entre une réplique d’Arache et une d’Amalazie témoignant de la crédulité des personnages croyant assister à une performance de Nacor durant laquelle il se fait passer pour chrétien, alors même que son discours est sincère. On retrouve le même type de répliques à l’acte II scène 9, aux vers 667 et 668 :
DIOCLETIANEn cet acte, Genest à mon gré se surpasse.MAXIMINIl ne se peut rien feindre avec plus de grâce20.
Le cas de Josaphat ou le triomphe de la foy sur les Chaldéens par D.L.T. §
On se doit d’évoquer ici, une autre tragi-comédie, intitulée Josaphat ou le triomphe de la foy sur les Chaldéens21 publiée en 1646, soit la même année que la pièce de Jean Magnon, écrite par un certain D.L.T. et également dédiée au Duc d’Epernon. Les deux pièces ayant été publiées à peu près au même moment, le Josaphat de Magnon ayant été achevé d’imprimer en octobre 1646, il est difficile d’établir une postérité dans un sens ou dans l’autre. On peut néanmoins s’interroger sur ce qui a amené deux auteurs à s’intéresser tous deux à la même légende hagiographique la même année, alors même que l’histoire de Barlaam et Josaphat ne fut pas récurrente dans l’histoire du théâtre français22. On peut supposer néanmoins que la publication en 1642 de l’Histoire de Josaphat, Roy des Indes par Pierre-Antoine Girard a permis à ces deux auteurs de découvrir cette légende et de s’y intéresser dans un cadre dramaturgique.
On notera seulement que le parti-pris de chaque dramaturge fut singulier dans le traitement de la légende de Josaphat. En effet, la pièce de D.L.T. apparaît comme beaucoup plus fidèle à la version de Jean Damascène, notamment dans le traitement des personnages. On y retrouve ainsi Zardan, le conseiller de Josaphat au service du roi qui se rangera du côté d’Abenner, tandis qu’Arache conserve sa place de favori du monarque. Il n’y a pas non plus de princesse prisonnière outre la courtisane qui tentera de séduire Josaphat. Enfin, dans la version de D.L.T. comme dans celle de Magnon, Nacor devient martyre et non ermite, les deux dramaturges subissant la même influence du Polyeucte de Corneille, plaçant les pièces à martyre comme modèle de la représentation religieuse sur scène. Nous reviendrons parfois dans cette étude au texte de D.L.T. car la proximité historique et thématique des deux pièces nous a permis de mettre en lumière certaines des spécificités du Josaphat de Jean Magnon.
Barlaam et Josaphat, une légende tragi-comique §
Une légende hagiographique comme motif tragi-comique §
Il est intéressant de constater que la légende de Barlaam et Josaphat, si peu connue, et si peu utilisée dans l’histoire du théâtre fut reprise deux fois sous forme de tragi-comédie entre 1646 et 1647, soit de manière très rapprochée. On peut s’interroger sur ce qui a motivé ces deux auteurs à reprendre ce sujet pour leur pièce de théâtre. Un élément de réponse probable serait que cette légende hagiographique apparaît comme un réel motif tragi-comique, ainsi exploité comme tel par Magnon.
La structure tragi-comique §
Le personnage de Josaphat a le profil type du martyr tel qu’on en trouve plusieurs dans le théâtre à motif religieux de la première partie du XVIIe siècle. Tout comme Polyeucte ou Genest il est prêt à mourir pour le christianisme auquel il se convertit au cours de la pièce et fait preuve d’un prosélytisme appuyé, ne tolérant pas que son entourage ne partage pas ses croyances. Néanmoins, à la différence de ces deux martyrs, Josaphat est épargné par son père qui se convertit à son tour à la religion chrétienne. Ainsi, la légende hagiographique offre à Magnon un sujet tragi-comique en tant qu’elle répond à l’un des deux critères essentiels de ce genre : la fin heureuse. Hélène Baby considère en effet dans son ouvrage consacré à la tragi-comédie la fin heureuse comme un des deux critères fondamentaux de l’inventio pour ce genre théâtral.
De même, la légende de Barlaam et Josaphat écrite par Jean Damascène se présente sous la forme d’un récit que l’on peut considérer comme romanesque, notamment en tant qu’elle se compose de nombreuses péripéties et d’une succession, voire d’un enchâssement d’évènements propices à l’écriture d’une tragi-comédie. L’inspiration romanesque est en effet une des caractéristiques de l’inventio tragi-comique23, toujours selon Hélène Baby. Mais peut-on considérer une légende hagiographique comme romanesque, même si le récit qui le relate se compose ainsi ? La religion chrétienne, à laquelle se réfère Jean Magnon considère ces légendes comme véridiques, érigeant les saints de ces récits en modèles de la foi. Nous pouvons donc les considérer comme appartenant à l’Histoire, mais une Histoire qui serait déjà fabuleuse. En effet, ainsi que le précise François Charpentier24, l’Histoire fabuleuse est un sujet accepté pour la construction d’une tragi-comédie. La légende hagiographique par son caractère hors du commun semble donc un sujet approprié pour une pièce comme Josaphat.
L’enchaînement de péripéties nombreuses, composées essentiellement de tours et de manipulations mises en place par le roi Abenner pour tenter de faire renoncer son fils au christianisme apparaît également comme propice à l’écriture d’une tragi-comédie. Et effectivement, si Magnon n’a pas conservé l’importante succession de stratagèmes du récit initial, chaque événement est caractéristique de la tragi-comédie, du déguisement de Barlaam à celui de Nacor, en passant par la mise en place de la fausse mort de Josaphat déclenchant le dénouement et le revirement d’Abenner.
Le motif du déguisement dans Josaphat : §
Considéré comme motif baroque, en tant qu’il représente « la pénétration du théâtre par le théâtre »25 pour citer Georges Forestier - alors même qu’il est présent dans de nombreuses pièces durant tout le XVIe et le XVIIe siècles qui ne sont pas réductibles à cette caractéristique - le déguisement, présent dans Josaphat, mais surtout présent dans la légende originelle, semble avoir prédisposé Magnon à rédiger une tragi-comédie.
On trouve deux personnages déguisés dans la pièce : Barlaam et Nacor. Il est intéressant de constater que les deux personnages qui revêtent un déguisement sont les deux personnages les plus baroques de la pièce, dont le langage même semble s’accorder avec ce type d’actions.
Barlaam tout d’abord est considéré par l’analyse de Georges Forestier comme un personnage secondaire, mais également extérieur26. Sa finalité est l’approche. Le stratagème est utilisé pour s’introduire dans le palais et parler avec le prince Josaphat. Pour cela, Barlaam se déguise en joailler. Il revêt ainsi une fonction qui n’est pas la sienne. Le déguisement en soi n’apparaît pas comme nécessaire à l’intrigue. Le fait que Barlaam revête un vêtement qui n’est pas le sien dans le but d’incarner une profession qui n’est pas la sienne apparaît comme secondaire quant à l’impact que cela aura sur les autres personnages. Néanmoins, le choix de se grimer en joailler permet à Barlaam de développer tout le motif de la pierre précieuse et de la perle, au cours de l’acte II, scène 3. On note en effet dans la pièce, l’aspect secondaire que peut avoir la révélation de l’identité de Barlaam, qui à la scène 4 a lieu après la longue tirade de l’ermite sur l’origine de cette pierre précieuse qui représente en réalité la foi chrétienne. Exprimer le motif de sa venue, c’est à dire parler de son Dieu, apparaît comme bien plus important que de dévoiler son identité et la chronologie de la scène l’exprime bien. Et tandis que Barlaam indique à Josaphat qu’il a menti sur son identité, on note que l’intérêt du Prince se porte non pas dessus, mais plutôt sur le contenu réel du message du faux joailler :
Que veut dire cecy, descouvrons ce mystere,Je commence à treuver le secret de mon pere27.
En effet, Barlaam ne fut jamais connu de Josaphat, et en ce sens son identité propre n’impacte pas le jeune prince qui n’est pas surpris de cette révélation. L’ermite se substitue derrière son message, il y a donc plutôt un déguisement du discours au cours de l’acte II, scène 3, autour du motif de la pierre précieuse.
Il y a cependant un autre personnage qui se déguise au cours de la pièce, et une fois de plus, ce déguisement est présent dans la légende hagiographique : il s’agit de Nacor. Il incarne ce type de personnages qui n’apparaissent que pour être déguisés, qui ne préexistent pas à leur déguisement28. Pourtant, au cours de l’acte III Nacor a une attitude qui tranche avec ce qu’on pourrait attendre d’un personnage d’auxiliaire pour reprendre les catégories définies par Georges Forestier.29
Le déguisement de Nacor ne se constitue pas une dissimulation physique derrière des vêtements qui cacheraient sa véritable identité. En effet, Nacor a dans la pièce la particularité d’avoir une ressemblance troublante avec Barlaam :
Ils ont la mesme voix, ils ont mesme visage,Ils ont les mesmes mœurs, ils semblent du mesme âge :L’on croit que la nature y fist mesmes efforts,Enfin qu’une seule ame anime ces deux corps30.
La fin de cette réplique d’Arache souligne donc une ressemblance si profonde et si spectaculaire qu’elle ne se limite pas à la ressemblance physique, mais semble pénétrer l’âme de Barlaam et Nacor. On confondrait leurs corps, leurs visages, mais également leur âme.
Georges Forestier définit ainsi le déguisement : « Se déguiser c’est effectivement revêtir un moi d’emprunt et agir comme si l’on était ce moi, c’est à dire jouer un rôle. »31 On peut alors s’interroger sur le rôle que va jouer Nacor, et essayer de comprendre auprès de qui il simulera.
Le rôle de Nacor, employé par Abenner est à l’origine de tromper Josaphat : lui faire croire qu’il est Barlaam, et face à lui, dans un échange fictif avec Abenner, prétendre défendre la cause des chrétiens puis se rétracter devant Josaphat, et se soumettre au roi, dans l’espoir que le prince, voyant ainsi le renoncement de son modèle de foi, suive ses traces.
La scène qui précède, la scène 8 de l’acte II, introduit le motif de la « pénétration du théâtre par le théâtre » par l’emploi du lexique de la scène. On relèvera ainsi le mot « artifice »32, terme également repris par Nacor lui-même à la scène 1 de l’acte III, qualifiant cependant le stratagème de « mauvais artifice ». Enfin, Arache déclare :
Il nous le faut instruireEt devant vostre fils il le faudra produire33 ;
Tout semble donc correspondre à une scène de théâtre qui sera jouée devant Josaphat. Néanmoins, durant ce qu’on pourrait appeler la « performance » de Nacor, quelque chose se produit. Et alors que spectateurs et personnages attendent le revirement de Nacor, prétendument Barlaam, celui-ci n’arrive pas. Dès lors, le spectacle se déplace. Le personnage déguisé se dévoile comme étant chrétien, et si le spectateur familier de ce genre de retournement de situation comprend que Nacor ne joue plus un rôle après un moment de doute, car le dramaturge joue avec l’incertitude des spectateurs34, qu’ils soient internes ou externes, les personnages eux continuent à être dupés, Arache s’exclamant :
Il feint avec adresse ?
Amalazie s’écriant alors à son tour :
Il le contrefait bien ;
Scène qui, nous l’avons vu précédemment, n’est pas sans rappeler Le Véritable Saint Genest de Rotrou.
Le spectateur assiste alors à un spectacle dont il a lui compris les ficelles, tandis que les personnages persistent dans la crédulité.
La scène présente également un déplacement de la tromperie, alors que la victime était supposée être Josaphat, c’est Abenner qui la subira, ainsi que le déclare Nacor :
J’ay concerté de vous tromper vous-mesme ;Et cette occasion s’étant offerte à moy,J’ay dû m’en prévaloir, j’ay dû Seigneur35,
On est donc face à un tour, joué par Nacor de son propre chef et qui trompera chacun des personnages présents lors de cet échange. Il est à noter que la pièce de Magnon est la seule version de cette histoire à considérer que Nacor était déjà converti, ce qui lui permettra de duper tout le monde, y compris Josaphat. En effet, dans la légende hagiographique, mais également dans le texte de D.L.T. la confrontation est présentée comme un véritable débat dans lequel s’affronte des astrologues qui débattront furieusement avec Josaphat. Dans un premier temps, Nacor intimidé par les arguments de Josaphat et son insistance se rangera de son côté, mais c’est également le fait de proférer la parole divine qui le convertira, de la même manière que cela arrive à Genest dans la scène 4 de l’acte I du Véritable Saint Genest de Rotrou, qui se convertit au christianisme alors qu’il répète une scène dans laquelle il doit jouer un chrétien.
Parallèlement, la version de Magnon est la seule dans laquelle Josaphat est lui-même surpris par le tour joué par Nacor, et qui lui sera néanmoins salutaire. En effet dans la légende, c’est l’esprit saint qui avertira le prince du stratagème qui se prépare, tandis que le texte de D.L.T. déjà plus pragmatique, utilise le personnage de Zardan, conseiller de Josaphat et personnage de traître qui avouera au roi que le prince est chrétien, puis qui, rongé par la culpabilité, ira révéler le tour qui se prépare à son jeune maître, par repentir.
Nacor dans la pièce de Magnon a donc un déguisement conscient et se révèle maître, presque metteur en scène de l’instant de théâtre qui se déroule à ce moment là. Magnon donne ainsi un pouvoir à son seul véritable personnage de martyr qui ne lui a pas été accordé dans les autres œuvres traitant de cette histoire.
La pierre précieuse : expression de l’objet tragi-comique §
Nous l’avons vu précédemment, le déguisement de Barlaam en joailler n’est important qu’en tant qu’il permet un déguisement du discours de l’ermite, qui à la scène 3 de l’acte II prône auprès de Josaphat les merveilles d’une mystérieuse pierre précieuse. Hélène Baby s’est intéressé à l’objet tragi-comique36, considérant que celui-ci existe de manière très particulière dans les pièces appartenant à ce genre, en tant qu’il peut « assumer toutes les fonctions de la parole théâtrale ». En effet, selon ses mots, « par sa matérialité il convie sur la scène le champ de l’irreprésentable et de l’absence. » En ce sens donc, l’objet devient discours et surtout il prend une dimension essentielle. L’objectif de Barlaam dans cette scène est en effet d’aborder la question de la religion auprès d’un non converti et de le sensibiliser aux merveilles de la foi. Selon la pièce, et selon la légende, le motif de la pierre précieuse n’est abordé que dans un but de discrétion, pour que les suivants du prince ne puissent pas comprendre le motif réel de la visite de Barlaam et n’en avertissent pas le roi Abenner. Néanmoins, on peut considérer que son importance est plus grande encore. Ainsi la pierre en tant qu’elle incarne la foi, permet l’accession au christianisme. C’est ainsi qu’entre en scène le motif du regard. Celui qui ne croit pas est aveugle, et le gentil ne verra pas la pierre. En témoigne cet échange entre Josaphat et son père après la visite de Barlaam durant lequel Abenner demande à son fils de lui montrer cette pierre précieuse si singulière dont il ne cesse de lui parler :
ABENNERFais moi donc concevoir ?JOSAPHATVous ne pouvez m’entendreEt sans estre chrestien l’on ne me peut comprendre.37
Or avant cette révélation concrète, Josaphat s’est exprimé longuement à propos de cette pierre au cours d’une longue métaphore filée :
L’on ne la sçauroit voir que quand on en jouit,Et dés qu’on la possede il s’y forme une flammeInvisible a nos yeux et visible à nostre ame38,
Cette pierre longuement décrite et qui n’apparaît jamais sur scène, ici dissimulée à son père par Josaphat, témoigne du rapport antithétique entre visible et invisible intrinsèque à la religion chrétienne, ici exprimé par le parallélisme du dernier vers. Car seule la foi permet de voir.
Cette pierre précieuse, incarne à elle seule les nombreuses merveilles de la nature. La pierre est prise en exemple de ce que les éléments ont pu réussir de plus prodigieux. Il est en effet commun que le christianisme prenne le modèle de la nature comme incarnation de la perfection divine.
En 1621, le Père Binet, un jésuite, codisciple de François de Sales, publie un ouvrage intitulé Essay des merveilles de nature, et des plus nobles artifices39sous le nom de René François qui comporte certaines similitudes avec le discours de Barlaam. On y retrouve par ailleurs dans l’épître une référence à la pierre précieuse comme intermédiaire, comme moyen de communication avec le païen :
Je vous donne un premier essay, et fais comme les joyaliers qui montrent une petite bouëtte de pierreries, pour esveiller l’appetit, et affriander les personnes a en rechercher encore de plus belles.
Le chapitre IV de son ouvrage décrit les pierreries, et on retrouve un lexique très proche de celui du personnage de Barlaam. Dans les deux textes, la pierre concentre en elle-même la beauté de la nature. Ainsi, René François déclare :
Ce qui rend le stile precieux ce sont les Pierreries, mais quand elles sont bien enchâssées dans le discours, et qu’elles sont bien à leur jour, il semble que toute la majesté de la nature soit raccourcie, et comme resserrée en petit volume dans un bouton de pierrerie40.
Tandis que Barlaam déclare de son côté :
L’on trouve dans son sein un Eternel tresor41,
Cette similitude témoigne de l’esthétique baroque très usuel dans le discours jésuite et dont la pierre est un motif conséquent.
Enfin, il convient de rappeler que le mot « baroque » vient du portugais barroco, mot qui signifie dans cette langue « perle irrégulière ». Le motif de la perle abordé dans la légende hagiographique s’aligne donc parfaitement avec le motif baroque exprimé ici. Magnon joue ainsi avec le motif chrétien de la pierre précieuse et se l’approprie pour en proposer une double lecture : à la fois chrétienne, car le dramaturge conserve l’importance religieuse conférée au discours de Barlaam, mais aussi baroque, et mise au service d’une tragi-comédie.
Ajouts tragi-comiques de Magnon §
Un dénouement tragi-comique §
Si l’ensemble de la pièce, du moins les quatre premiers actes, sont assez proches de la légende, mis à part la suppression de quelques épisodes, le cinquième et dernier acte tranche avec cette fidélité.
Rappelons que dans cet acte, Abenner condamne son fils à mort. Amalazie et Arache nouvellement convertis au christianisme, décident de simuler la mort de Josaphat et comptent sur l’empathie paternelle du roi pour lui faire regretter son acte. Une fois les regrets de celui-ci exprimés, Josaphat réapparait de sa fausse mort. Touché par l’événement, le roi renonce à tuer son fils et se convertit au christianisme à son tour. Il donne ensuite la couronne à son fils, qui lui même l’offre à Arache, en même temps que la main de la princesse.
On note immédiatement dans ce dénouement que la condition sine qua non de la fin d’une tragi-comédie est remplie puisque la pièce se termine par un mariage. Nous reviendrons plus tard sur l’emploi tragi-comique du couple composé par Arache et Amalazie. Car ces deux personnages, en plus d’incarner le couple d’amoureux nécessaire à toute tragi-comédie interviennent dans ce dernier acte comme maîtres du jeu. Ce sont eux qui élaborent le stratagème impliquant la fausse mort de Josaphat.
La fausse mort fait partie des huit obstacles auxquels est confronté tout héros de tragi-comédie42 selon Hélène Baby. Or cet événement a été ajouté par Jean Magnon, ainsi que nous l’avons vu, selon l’inspiration de la tragi-comédie Le Couronnement de Darie de Boisrobert qui propose la même résolution à partir du stratagème de la fausse mort du fils initialement menacé par son père le roi.
Selon Hélène Baby, la fausse mort entraine le plus souvent le revirement d’un personnage, souvent le rival et parfois le père. Elle précise, et cela est respecté dans la pièce, que le revirement paternel a toujours lieu le plus tard chronologiquement, et toujours au dénouement43.
Cette fausse mort, qui provoque les remords de l’opposant, pour reprendre les termes du schéma actantiel, correspond à un changement intérieur, motivé néanmoins par un élément extérieur : la fausse mort. Et c’est exactement ainsi que se déroule le dénouement de Josaphat qui donne à voir de manière explicite l’évolution du revirement d’Abenner exprimé au travers de vers hachés montrant les hésitations du roi :
Gardes, qu’on l’execute, arrestez, qu’on l’ameine,Non, ce criminel est digne de ma haine44 ;
C’est donc cette succession d’échecs qui dans un premier temps agissent dans la pièce comme élément extérieur, amenant le roi à se troubler, et à s’interroger sur l’absence de réactions de ses dieux, comme en témoigne la scène 2 de l’acte V qui est une adresse à ces derniers, composée d’une série d’interrogations témoignant des doutes qui agitent Abenner. Enfin, cette fausse mort, la réapparition de Josaphat et l’aveu d’Amalazie de sa conversion sont les derniers éléments extérieurs qui achèvent le changement intérieur aboutissant à la spectaculaire conversion d’Abenner, dernier maillon de la conversion par contamination, et qui n’est rien d’autre que la transcription exacte de la légende hagiographique qui voit aussi la conversion du père. Ce dénouement tragi-comique avait en effet tout de même un socle solide justifiant les procédés employés par Magnon pour renforcer la dramaturgie de sa pièce, mais également accélérer l’action, car dans la légende la conversion d’Abenner est particulièrement longue et ne se produit qu’après une succession d’échecs dans ses stratagèmes.
Une tragi-comédie régulière ? §
Une unité d’action concentrée §
En 1647, date de publication de Josaphat, les règles classiques sont déjà installées dans la tradition dramaturgique. Il n’est donc pas surprenant de constater dans la pièce le respect des unités de temps et des unités de lieu. On peut en effet caractériser la pièce de « tragi-comédie de palais » en reprenant l’expression de J. Morel, expression qui désigne une « immobilisation de l’action dans un même lieu »45. Néanmoins, on trouve dans Josaphat un respect de l’unité d’action qui n’est pas conforme à ce qu’on pourrait attendre d’une tragi-comédie.
Nous commencerons tout d’abord par citer Hélène Baby qui déclare :
Le respect de la double exigence du lieu et du temps peut masquer l’éclatement d’une action qui ne s’adapte qu’en apparence aux impératifs de l’unification. Et le compromis exigeant de la dispositio classique peut laisser intacte l’inventio romanesque qui nourrit le poème composé46.
Nous l’avons vu précédemment, l’inventio romanesque est à la source de la pièce de Magnon. Pourtant, malgré cette inspiration, on ne constate aucun éclatement de l’action tel que le décrit Baby. Alors que, comme nous l’avons vu précédemment, le récit de Jean Damascène donnait l’occasion à Magnon de composer une tragi-comédie composée d’une succession d’évènements juxtaposés, le dramaturge a épuré la légende pour ne conserver que quelques évènements, en moyenne un par acte. On citera l’intervention de Barlaam, le stratagème visant à faire passer Nacor pour l’ermite à qui il ressemble, son martyre et la fausse-mort de Josaphat orchestrée par Amalazie et Arache qui aboutira à la conversion d’Abenner. Ces quelques évènements, les plus marquants de la légende, sont mis au service d’une action unique : Josaphat, nouveau converti tente de convaincre son père de le rejoindre dans sa foi, mais celui-ci s’y refuse et le condamne à mort. Parallèlement, on trouve un fil secondaire composé du triangle amoureux du prince, de la princesse et du chef des armées, mais qui est très vite intégré à la question de la conversion au christianisme, pour ne faire plus qu’un au moment où Amalazie et Arache élaborent le stratagème de la fausse mort. Une tragi-comédie a d’ordinaire plusieurs fils secondaires, et non un seul, mais surtout ces fils sont souvent injustifiés et gratuit, au regard de l’intrigue principale, ce qui n’est pas le cas de la relation entre Amalazie et Arache, liée à Josaphat, et qui sera mis au service du héros et de l’intrigue majeure. La pièce n’est donc pas caractérisée par son éclatement, mais bien par son unité d’action. En effet, Hélène Baby caractérise la tragi-comédie par une dramaturgie de la gratuité, déclarant ainsi « action tragi-comique s’élabore dans de multiples crises, et la structuration éclatée des obstacles empêche la création d’un nœud47. » Or, nous avons bien ce nœud dans Josaphat.
Un des éléments permettant cette unité est la réduction drastique faite par Magnon du nombre de personnages. Baby dans son ouvrage considère que cet effectif « oscille entre sept et vingt-cinq personnages et [que] le nombre moyen de personnages par pièce est supérieur à treize48. » Or dans Josaphat, on ne compte que six personnages principaux, plus des gardes qui ont pour unique fonction d’annoncer les diverses arrivées de personnages. On se retrouve donc dans un cas de figure bien plus proche de celui d’une tragédie, que d’une tragi-comédie. Par ailleurs, le terme de tragi-comédie hérité de l’Amphitryon de Plaute, tire notamment son nom - et cela est précisé par le rôle de Mercure dans le prologue de la pièce – du large éventail social qui compose les personnages. Dans ce genre théâtral, les roturiers côtoient les nobles. Or, aucun personnage de la pièce ne semble appartenir à une catégorie sociale plus modeste, si l’on écarte le personnage de Barlaam, ermite par choix, mais qui était autrefois un proche du roi. Son déguisement de joailler intègre d’ailleurs le seul personnage roturier de la pièce même si, ainsi que nous l’avons vu précédemment, ce déguisement apparaît finalement comme anecdotique dans la pièce.
Ce qui est singulier c’est que la légende dont est tirée la pièce se compose d’une quantité très importante de personnages, notamment de conseillers du roi. D.L.T. dans son Josaphat ou le triomphe de la foy sur les Chaldéens a conservé ces conseillers qui ont une influence considérable dans la légende. On pense au personnage de Zardan, conseiller du prince mais également un traître. De ce fait, la pièce de D.L.T. comporte elle onze personnages, ainsi qu’une troupe de soldats. Cette réduction permet de recentrer l’action, de l’épurer en réduisant les évènements superflus. Nous l’avons vu, l’artificialité du procédé de la fausse mort permet à Magnon de pallier la réduction du nombre d’évènements qui permettent dans la légende de convertir Abenner à l’usure.
De ce fait, nous soulignerons le respect scrupuleux de l’unité de temps, commune dans la tragi-comédie en 1647, mais qui ici est au plus près de ce qu’Aristote souhaitait, c’est à dire une durée de l’action qui soit le plus proche possible de la durée de la représentation. Ainsi, la pièce se compose de nombreux échanges entre les personnages, (chercher dans Forestier l’histoire d’une pièce qui ne peut pas se composer de discours uniquement) tandis que le hors scène, notamment entre chaque acte, ne s’étale pas dans le temps. Ainsi, entre l’acte I et l’acte II de Josaphat, seule une discussion entre Arache et Amalazie a eu lieu, durant laquelle la princesse a refusé d’épouser le prince, information que le lieutenant et amant de la jeune femme est allé communiquer à Josaphat, tel qu’il était supposé le faire. Ce respect si scrupuleux de l’unité de temps permet de constater l’épuration classique de l’action réalisée par Jean Magnon.
Expression des passions dans Josaphat §
Nous sommes également amenés à constater que Magnon a un traitement des personnages qui se rapproche de celle de la tragédie classique qui se définit en partie par l’expression du dérèglement des passions des personnages tel que le développe Georges Forestier49. En effet, ce qui caractérise la tragi-comédie selon Hélène Baby, c’est sa dramaturgie de l’extériorité50. Ainsi, pour la citer, « Dans la dramaturgie tragi-comique, l’obstacle intérieur concentre les contradictions entre l’intériorité d’un conflit moral et la pesanteur extérieure d’éléments tiers51. » Or, si l’on peut observer l’intériorité d’un conflit moral chez certains personnages, il n’est pas mis en conflit avec des éléments tiers.
L’exemple le plus révélateur est le personnage d’Amalazie. Ajoutée par Magnon, la princesse de la pièce est bien plus aimable que ne l’est la courtisane décrite dans la légende. Celle-ci fait face à un dilemme que l’on pourrait apparenter à celui de Chimène dans le Cid de Corneille. En effet, Amalazie est amoureuse d’Arache qui est aussi l’homme qui a tué son père. Nous noterons par ailleurs que ces sentiments et le mariage final de la pièce ne choquent pas la vraisemblance comme ce fut le cas pour les sentiments de Chimène et pour son mariage annoncé avec Rodrigue car la première scène et le récit d’ouverture fait par la princesse laissent entendre que celle-ci est déjà captive depuis un certain temps. Amalazie lutte donc dans un premier temps, c’est à dire dans la première scène, contre des sentiments amoureux et revendique son honneur tout au long de la pièce comme le fait la jeune femme dans la pièce de Corneille. Elle ne subit cependant aucune « pesanteur extérieure d’éléments tiers ». En effet, Amalazie a été ajoutée à la pièce pour incarner avec Arache le couple d’amoureux qui caractérise la tragi-comédie et qui a pour objectif, tout au long de la pièce, de se marier. Néanmoins, le mariage avec le lieutenant général des armées d’Abenner n’apparaît pas dans le discours de la princesse comme une priorité voire une volonté. Ce qui préoccupe la jeune femme, c’est son honneur, elle le revendique de nombreuses fois :
Le sort en m’ostant tout m’a laissé le courage,Le sang de Sinanor ne sent point l’esclavage52 ;
Cet honneur, cette fidélité à son père, mais également à ses origines nobles se rapproche beaucoup du discours d’Andromaque dans la tragédie de Racine qui choisit la mort ou la captivité à la trahison envers sa famille. En ce sens, Amalazie peut s’apparenter à une princesse tragique, s’opposant à l’amoureuse qu’elle aurait dû incarner selon les codes de la tragi-comédie qui caractérisent le héros tragi-comique par son incapacité à « exister autrement que par et dans la relation amoureuse ». Or nous l’avons vu, l’amour n’est pas ce qui préoccupe en premier lieu Amalazie.
Mais un autre élément inscrit la princesse dans une dramaturgie plus tragique que tragi-comique. En effet, Georges Forestier caractérise ainsi la tragédie :
Dérèglement apparent de l’ordre du monde, qui donne aux hommes le sentiment d’être victime d’un sort injuste : s’élève alors le chant de la révolte ou de la plainte53.
Or cette plainte contre l’ordre du monde qui donne au personnage « le sentiment d’être victime d’un sort injuste » est exactement ce qui caractérise le discours d’Amalazie. On retrouve en effet dans ses interventions de nombreuses références au sort qui s’abat sur elle. Amalazie revient souvent dans son discours sur la fatalité qui l’a placée dans cette situation. On relèvera ainsi diverses occurrences témoignant de son impuissance, et ce dès la première scène lorsqu’elle déclare :
Ah ! destin seul autheur du trespas de mon pere54,
Elle évoquera dans la scène suivante le Ciel, à qui elle impute son malheur :
C’est un frein que le ciel oppose à mes plaisirs55
Ce rapport à la destinée est très singulier pour une tragi-comédie d’ordinaire caractérisée par la contingence et le hasard. De nombreux évènements sont souvent liés à une coïncidence dans ce genre théâtral, mais ce paramètre est totalement absent de Josaphat, pièce qui valorise tout au contraire une transcendance exprimée de nombreuses fois par le Prince. Tandis qu’Amalazie évoque le destin (acte I, scène 1, v.64), le sort (acte I, scène 3, v.152) ou le ciel (acte I, scène 3, v.159), Josaphat lui caractérise cette transcendance qui n’est autre que le Dieu des chrétiens.
Nous pouvons également nous intéresser au personnage d’Arache, présent également dans la légende hagiographique, et appartenant lui aussi à ce qui devait être le couple tragi-comique de la pièce mais dont les agissements sont singuliers pour ce genre théâtral. Nous le qualifierons dans son rapport avec le Prince. En effet, le rapport de rivalité qui existe entre les deux personnages que sont Arache et Josaphat ne s’apparente pas à celui que l’on retrouve d’ordinaire dans une tragi-comédie. Le rival incarne l’opposant type de ce genre théâtral si l’on reprend les termes du schéma actantiel. Si deux hommes sont amoureux d’une femme, l’un est heureux, l’autre malheureux56. De plus, le rival est supposé élaborer des stratagèmes visant à ruiner le mariage du couple héros de la pièce. En tant qu’opposant il crée les obstacles contre lesquels devront lutter les personnages amoureux. Et dans une tragi-comédie le rival connaît un revirement provoqué soit par l’apparition d’un nouveau personnage que celui-ci épousera, soit un revirement provoqué par la culpabilité que peut lui faire ressentir un stratagème comme celui de la fausse mort. Or dans Josaphat, non seulement le prince n’agit pas en rival lorsqu’à la scène 3 de l’acte IV il découvre que celui que préfère Amalazie est Arache, mais de même, celui-ci, passe outre ses angoisses et sa jalousie en encourageant la princesse à chercher du secours auprès du prince :
Madame, allez le voir je sais qu’il m’est fatal :Mais quelque sentiment que mon amour me donneLe mal-heur de ce prince afflige ma personne.57
Arache en agissant ainsi, est caractérisé comme un personnage semblable à Antiochus dans Bérénice de Racine, un être qui fera toujours le choix qui lui apparaîtra le plus juste.
Enfin, nous pouvons nous apercevoir que la question de l’expression des passions dans Josaphat est celle qui se pose pour l’ensemble des pièces classiques religieuses du XVIIe siècle. En effet, la tragi-comédie de Magnon est, ainsi que nous l’avons vu précédemment, écrite dans la lignée de Polyeucte de Corneille, et s’intègre dans le mouvement qui a vu la publication de nombreuses pièces religieuses à martyres. Nous nous permettons de considérer ici le personnage de Josaphat comme martyr, au même titre que Nacor, car il a tout au long de la pièce la même attitude que Polyeucte dans la pièce du même nom ou alors que Genest dans L’Illustre Comédien de Desfontaines Le Véritable Saint Genest de Rotrou, c’est à dire celle d’un nouveau converti prêt à mourir au nom de sa religion.
Or, le martyr, le saint, est un personnage caractérisé, ainsi que le développe Barbara Selmeci Castioni58, par le refus des passions, associées le plus souvent aux valeurs mondaines, argument utilisé à l’époque par Nicole dans son Traité de la Comédie pour dénoncer le théâtre religieux : « Le silence, la patience, la modération, la sagesse, la pauvreté, la pénitence ne sont pas des vertus dont la représentation puisse divertir des spectateurs. Ce serait un étrange personnage de Comédie qu’un Religieux modeste et silencieux. ». Pourtant Josaphat, de même que Polyeucte par exemple est bien plus sensible aux sentiments amoureux que ne l’a été le Saint qui a inspiré son personnage. Et si Magnon n’a pas autant centré sa pièce que ne l’a fait Corneille dans Polyeucte sur le conflit passionnel opposant l’amour à la foi, on retrouve ce dilemme du personnage de Josaphat à différents moments de la pièce. Le monologue qui ouvre l’acte IV en est ainsi l’expression même :
Mon Dieu, divin rival vois-là sans jalousie :Ne me possede pas avec tant de rigueur,Et souffre qu’elle prenne une place à mon cœur,Mon amour pour tous deux sera tousjours extreme,Tous deux vous m’estes tout je t’adore et je l’aime59 ;
Josaphat existe ainsi dans la pièce comme un être doué de passions, et son conflit n’est lié à aucun élément extérieur.
Josaphat frappe donc par sa régularité. Néanmoins, si la pièce a une structure classique et comporte de nombreux personnages dont les passions sont celles qui caractérisent les princes et princesses de tragédie, le dernier acte et son dénouement baroque ruinent finalement les nombreux motifs tragiques. Ainsi Amalazie ne restera pas esclave, tandis que son amour pour Arache ne sera aucunement considéré comme impossible. Enfin, le conflit d’alliance n’aura aucun aboutissement tragique. Nous verrons plus tard que le traitement religieux de la pièce apparaît comme résolution aux blocages tragiques des personnages. Josaphat est composé de personnages tragiques qui luttent contre une fatalité et parviendront à la déjouer grâce à la volonté divine.
La question du religieux dans Josaphat et réception au XVIIe siècle §
Josaphat est publiée en 1647, soit entre 1635 et 1650, période durant laquelle sont publiées une multitude de pièces de théâtre à motif religieux. Cette pratique est issue du théâtre scolaire, et notamment des écoles jésuites qui souhaitent développer une vision théologique de l’Histoire60. Alors que l’Eglise a toujours été réfractaire au théâtre, et plus encore à la représentation du divin et de la foi sur scène, cette courte période littéraire voit apparaître des défenseurs de cette pratique qui prônent une éducation par la scène, à l’image de Pierre de Ryer, écrivain et dramaturge français qui en 1642, dans la préface de Saül déclare :
Ainsi, on rejoindra l’utilité au plaisir et l’instruction au divertissement ; ainsi les ennemis de nos Muses en deviendront les amants, et le théâtre, suspect à ceux qui ne le connaissent pas, deviendra pour tout le monde la plus agréable école où l’on puisse apprendre la vertu61.
Parmi les défenseurs de cette forme théâtrale on retrouve Richelieu, lui-même dramaturge, auteur de pastorales et de tragi-comédies et qui durant cette période, a la mainmise sur le théâtre français, prenant ainsi sous sa protection directe le Théâtre du Marais et le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne. On notera que c’est dans ce second théâtre que sera représenté Josaphat62.
Simone Reyff souligne néanmoins le caractère très éphémère de cet engouement qui n’est pas réellement passé à la postérité, ne laissant que deux œuvres majeures : Polyeucte de Corneille et Le Véritable Saint Genest de Rotrou63. La pièce de Magnon ne connut pas réellement de succès et il n’y a pas de traces de réactions de contemporains, ni même de représentations. La seule information que nous avons est que la pièce a été jouée au Théâtre de Bourgogne64.
Le détournement tragi-comique au profit de la religion §
On observe cependant que peu de pièces religieuses de cette époque sont des tragi-comédies. Les pièces de Magnon et D.L.T. apparaissent ainsi singulières dans ce paysage.
Comme nous l’avons vu précédemment, Josaphat est une tragi-comédie régulière dont l’intrigue notamment apparaît comme très différente de celle que l’on retrouve d’ordinaire dans ce genre théâtral. En effet, Hélène Baby caractérise sa dramaturgie par la présence au centre d’un couple d’amoureux luttant pour leur amour65. Le héros d’une tragi-comédie doit donc être un amoureux. Or, si Josaphat s’est effectivement épris d’Amalazie, il n’en est pas pour autant défini comme un personnage amoureux, d’autant qu’il apparaît plutôt en tant que rival d’Arache.
En réalité, la pièce semble détourner la lutte pour l’amour en une lutte pour la foi.
C’est ainsi que le personnage d’Abenner, caractéristique du père s’opposant au mariage dans une tragi-comédie classique devient dans Josaphat un père et roi tyrannique usant de son pouvoir pour empêcher son fils d’accomplir sa volonté et de s’épanouir dans sa foi chrétienne. Josaphat est donc similaire à un héros de tragi-comédie luttant contre les obstacles qui s’opposent à lui, néanmoins l’objectif pour lui est d’être réuni avec Dieu et non avec une femme.
Quant à Abenner, on retrouve chez lui cette caractéristique d’un souverain dont « les motivations sont liées à l’amour [ici la foi] et les moyens à la politique. »66 Ainsi que le précise Hélène Baby, « le roi qui est père amplifie à l’échelle de la société les oppositions privées »67.
Parallèlement, les amoureux, Arache et Amalazie ne luttent pas pour leur amour. Car la seule lutte qui compte dans Josaphat est une lutte pour la foi. Au point qu’Arache est prêt à renoncer à sa princesse alors qu’il croit encore qu’elle n’est pas chrétienne. Ce type de réaction est néanmoins caractéristique des pièces à martyres, de même, Pauline dans Polyeucte ne souhaitera plus épouser Sévère une fois convertie, et se rangera du côté de son mari qu’elle disait ne pas réellement aimer durant toute la première partie du vers (retrouver dans la pièce).
Parmi les huit obstacles auxquels est confronté le héros tragique, quatre concernent Josaphat : la fausse mort, l’accusation en justice, la prison, et la condamnation à mort, et toutes ont pour motif cette religion dont refuse de se défaire le jeune prince.
En réalité, Josaphat est une tragi-comédie si régulière qu’elle semble plus proche de la tragédie, ne tenant son nom que du choix de la fin heureuse. Et ce que semble mettre en avant la pièce de Magnon, c’est que la croyance en Dieu peut résoudre cette fatalité qui s’abat sur les personnages – comme nous l’avons vu plus haut avec Amalazie.
En cela, la pièce se détache de la tragi-comédie qui appuie sa dramaturgie sur le hasard des évènements qui frappent les personnages. Or, aucune contingence n’est considérée dans Josaphat. Ainsi que le précise le jeune prince à Amalazie, c’est Dieu qui l’a placée dans la situation misérable dans laquelle elle est, elle qui était heureuse mais a tout perdu. Néanmoins, sa conversion pourrait la sauver. C’est ainsi qu’il lui déclare à la scène 2 de l’acte IV :
Et mesme en vostre sort regardez ce qu’il peut,Vous estiez absolüe et du nombre des Reynes,Il a bien pû changer vostre sceptre en chaines,Il vous veut reserver un Empire Eternel68
Ainsi, la pièce donne à voir un dénouement qui ne serait le résultat que de cette conversion en chaîne que l’on observe dans les deux derniers actes. Magnon déplace le motif religieux consistant à dire que croire en Dieu peut sauver et l’applique dans Josaphat à la dramaturgie de la pièce. La transcendance qui d’ordinaire condamne les personnages tragiques leur permet ici d’être sauvés, car ils ne considèrent plus le « hasard », le « sort », ou la « destinée » mais bien Dieu, qui est par ailleurs le mot le plus présent dans la pièce qui compte 74 occurrences du terme69.
Le baroque, un mode d’expression jésuite. §
Magnon a étudié durant son adolescence au Collège de la Trinité à Lyon, un collège jésuite qui a forgé sa culture littéraire et a imprégné son style. En effet, Josaphat comporte trois scènes à l’esthétique baroque : les scènes 3 et 4 de l’acte II et la scène 2 de l’acte III. Le baroque est en effet un mode d’expression jésuite visant à « provoquer un choc dans le cœur des fidèles70 » qui a imprégné le théâtre religieux du fait de la créativité théâtrale des Collèges Jésuites qui ont accordé une grande place à ce genre littéraire dans le but d’instruire en divertissant. On retrouve dans ces trois scènes plusieurs procédés caractéristiques du style tel que l’allégorèse qui amène celui qui relate un passage religieux, par un autre passage de la Bible. Le livre saint s’explique ainsi par elle-même. Ce procédé est particulièrement repris dans l’ouvrage de Jean Damascène, Jean de Billy, le traducteur a d’ailleurs ajouté de nombreuses notes indiquant chaque fois à quel passage de la Bible le personnage de Barlaam se réfère.
Parallèlement, l’influence jésuite est également présente dans la construction même de la pièce, exprimant des passions violentes mais nobles, comme celles exprimées par Amalazie, ou des vertus chrétiennes qui caractérisent Josaphat, permettant à l’auteur de prétendre donner une éducation morale grâce au divertissement71. C’est cette volonté de peindre de nouvelles passions qui amènent une tragi-comédie comme Josaphat à se détourner des bouffonneries pour se tourner vers l’expression de discours et de sentiments plus nobles, et de ne conserver de baroque que ce style archaïsant caractérisant les passages dans lesquels les personnages font du prosélytisme, Magnon s’exprimant dans une reproduction parfaite du motif baroque de la nature et du monde gouvernés par un Dieu parfait, et cela, dans le but d’éduquer.
Note sur la présente édition : §
Il n’existe qu’une seule édition de la tragi-comédie Josaphat de Jean Magnon. Le privilège de cette édition est du 31 août 1646, l’achevé d’imprimer du 12 octobre 1646. Il existe deux exemplaires, disponibles à la Bibliothèque Mazarine :
- 4° 10918-19/5 : dans un recueil aux armes de Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, avec ex-libris gr. De Nicolas-Joseph Foucault.
- 4° A 16324-4 : ex. rogné, dans un recueil portant le cachet de la bibliothèque du Roi, à Compiègne.
- On trouve également dix exemplaires conservés à la Bibliothèque François Mitterrand,
- BNF – Tolbiac – Rez de Jardin – RES-YF-677
- BNF – Arsenal – 8-THN-338
- BNF – Tolbiac – Rez de Jardin – MICROFILM M-6812
- BNF – Arsenal – 4-BL-3509 (2) <Pièce n° 2 ; recueil factice>
- BNF – Tolbiac – Rez de Jardin – Z ROTHSCHILD-4126
- BNF – Richelieu, Arts du Spectacle – 8-RF-6480 <Ex 1>
- BNF – Richelieu, Arts du Spectacle – 8-RF-6481 <Ex 2>
- BNF – Arsenal – GD-1727 (2)
- BNF – Arsenal – THN-9614
- BNF – Tolbiac – Rez de Jardin – RES-YF – 383
C’est sur ce dernier exemplaire de la BNF ayant pour cote RES-YF-383 que nous avons travaillé. En voici la description :
Format in-quarto, 15 feuillets, 114 pages [VII-107]. Privilège du 31 août 1646. Achevé d’imprimé du 12 octobre 1646.
[I] [IOSAPHAT,/TRAGICOMEDIE. /De M. Magnon. / Fleuron du libraire /A PARIS,/Chez ANTOINE DE SOMMAVILLE, au Palais,/ dans la Salle des Merciers, à l’Escu de France./[filet]/ M. DC. XLVII./AVEC PRIVILEGE DU ROY.]
[II-V] [Bandeau]/A/ HAUT ET PUISSANT PRINCE/ BERNARD DE FOIX DUC D’ESPERNON [Epître dédicatoire]
[VI] [bandeau]/ Extraict du Privilege du Roy/ filet/ Achevé d’Imprimer pour la premiere fois le douzies/me octobre 1646/Les exemplaires ont estés fournis.
[VII] [Bandeau]/ PERSONNAGES/ [liste des personnages]/ La SCENE est dans Narsingue, dans le Palais/ d’Abenner.
[1-107] Texte de la pièce.
Interventions sur le texte : §
En ce qui concerne le texte, nous avons conservé l’orthographe de l’époque. Néanmoins, nous avons systématiquement remplacé le « ∫ » par le « s », et de même nous avons remplacé les quelques signes « β » par le signe qui lui correspond : le « ss ».
De même, nous avons dénasalisé les voyelles nasales du texte.
Nous rétabli la majuscule pour les noms propres qui n’en portaient pas.
Suite à l’analyse précise du texte nous nous sommes aperçu que l’exemplaire comportait de nombreuses erreurs de ponctuation que nous avons corrigé toutes les fois que cela obscurcissait le sens.
Nous avons également corrigé les coquilles présentes dans l’exemplaire, voir la liste ci-dessous :
Acte I : §
v. 1 : « soûpirez » : soupirez ;
v. 2 : « ou » : où ;
v. 58 « j’accuzat » : j’accuzai ;
v. 93 : « ou » : où
v. 97 « oze-je » : ozé-je ;
v. 106 « achepté » : acheté ;
v. 108 « Implorer » : implorez ;
v. 125 « à » : a ; v. 148 : « mal-herus » : malheurs ;
v. 159 : « frain » : frein ;
v. 163 : « l’a » : la ; v. 168 « la » : l’a ;
v. 196 : « a » : à ; v. 235 : « à » : a ;
v. 236 : « à » : a ;
v. 251 « aujourd huy » : aujourd’huy ;
v. 279 « t’eu » : teu ;
v. 286 « par tout » : partout ;
Acte II : §
v. 292 « rebutté » : rebuté ;
v. 342 : « cuisons » : cuissons ;
v. 350 : « il creé » : il crée ;
v. 417 : « ses » : ces
v. 451 « Crestiens » : Chrestiens ;
v. 473 « d icy » : d’icy ;
v. 535 « Seig. » : Seigneur ;
v. 537 : « c’est c’est » : c’est ;
v. 565 : « Sseigneur » : Seigneur ;
v. 574 : « à » : a ;
v. 588 : « ses » : ces
Acte III : §
v. 661 : « t’oy » : toy ;
v. 726 « ou » : où ;
v. 729 « l homme » : l’homme ;
v. 729 « à » : a ;
v. 795 « Tombe, tombe » : Tombent, tombent ;
v. 800 « laschè » : lasche ;
v. 812 « arache » : arrache ;
v. 826 « à » : a ;
v. 828 « milles » : mille ;
v. 834 « d’u » : dû ;
v. 834 « d’u » : dû ;
v. 873 : « qui » : qu’y
v. 886 : « Cinanor » : Sinanor
v. 898 « à » : a ;
V. 903 « ou » : où ;
Acte IV : §
v. 954 « voy-là » : voy-la ;
v. 972 « delaisez-vous » : delaissez-vous ;
v. 989 « la » : l’a ;
v. 994 « Crestienne » : Chrestienne ;
v. 1018 « qui » : qu’il ;
v. 1028 « ou » : où ;
v. 1034 « aurés » : aurez
v. 1034 « demandés » : demandez
v. 1035 « rendés » : rendez
v. 1038 « avés » : avez
v. 1040 « avés » : avez
v. 1042 « enseignés » : enseignez
v. 1043 « tesmoigné » : tesmoignez
v. 1044 « Qu’elles » : Quelles ;
v. 1073 « teâtre » : théâtre ;
v. 1080 « a » : à ;
v. 1161 « Ma » : M’a ;
v. 1192 « Crestien » : Chrestien ;
v. 1197 « qu’elle » : quelle ;
v. 1214 « à » : a ;
v. 1258 « Est-ce » : est ce ;
Acte V : §
v. 1271 « t’on » : ton ;
v. 1285 « encensants » : encensant
v. 1296 « à » : a ;
v. 1301 « à » : a ;
v. 1314 « la » : là
v. 1323 « ou » : où
v. 1326 « se rendre » : se rende ;
v. 1349 : « la » : l’a
v. 1373 « aracher » : arracher ;
v. 1375 « my » : m’y ;
v. 1389 « suive » : suivent ;
v. 1417 « la » : l’a ;
v 1421 « la » : l’a ;
v. 1433 « vousne » : vous ne ;
v. 1496 « ou » : où
v. 1511 : « qu’elle » : quelle ;
v. 1532 « â » : a ;
v. 1534 « là » : la ;
Enfin, il est à noter qu’à la page 70, l’édition comporte une erreur de répartition de vers. Ainsi 4 vers qui constituent une réplique du personnage d’Amalazie sont attribués par erreur au personnage de Josaphat. Dans l’édition originale les vers étaient répartis ainsi :
JOSAPHAT.Hé bien vous vous rendés ?Voyés si ma faveur n’a pas de l’efficacePuisque sans le prier il vous donne sa grace,Nacor a commencé ce que vous avés faitDe ses raisonnemens c’est la suite et l’effet,Vous avés achevé d’affermir ma croyanceEt j’estois disposé à cette connoissance,AMALAZIE.Ouy, je me rends au Dieu que vous nous enseignés
Or, sur notre exemplaire une note manuscrite a inscrit le nom d’Amalazie entre le 3e et le 4e phrase de la réplique de Josaphat, et a barré ce même nom au début de la réplique suivante. Cela a permis de comprendre qu’il y avait une erreur d’édition qui a été rectifiée.
Il est à noter que la note manuscrite n’est pas présente dans les autres exemplaires consultés.
JOSAPHAT,
ET
TRAGICOMEDIE.
De M. Magnon. §
A HAUT ET PUISSANT PRINCE §
BERNARD DE FOIX DUC D’ESPERON,
De la Vallette et de Candalle, Pair et Colonel general de France, Chevallier des Ordres du Roy, et de la Jarretiere, Prince et Captal de Buch, Comte de Foix, d’Astarac, et c. Sire de l’Espare, et c. Gouverneur & Lieutenant general pour le Roy en Guyenne.
MONSEIGNEUR,
Ces Eloges si familiers que la pluspart de nos Escrivains emprunte ou de la naissance ou du merite, ne sont que des faux ornements dont ils veulent couvrir le peu d’extraction ou les defauts de la personne qu’ils nous loüent : Je ne veux rien mendier de cette partie de l’éloquence qui persuade moins qu’elle ne flatte, et qui loin de faire croire les officieux mensonges, fait soupçonner mesme les veritez : Quelque ingenieuse qu’elle soit, elle cache si peu les artifices qu’ell les rend visibles à celuy qu’elle veut tromper , il rougit le premier de ses fausses loüanges , et quelque presomption que chaque homme ait conçeu de soy, il se dénie cette complaisance que son adorateur a pour luy : Comme il est des flateries qui offensent, il est des veritez qui déplaisent ; il est beau de tirer un inconnu de la foule du peuple, de l’exposer en veuë, et de rendre visible aux yeux de tous , un homme qui feroit encore dans l’obscurité , sans le jour que l’on luy dône :Mais loüer un Grand par sa naissance c’est loüer dans luy tous ses semblables , et luy donner une qualité qu’il a commune avec beaucoup d’autres : Qu’est-il besoin MONSEIGNEUR, de dire à toute la France que vous descendez d’une race qui l’a dignement servie, dans laquelle ses Rois ont treuvé des Favoris, des Generaux d’Armée, et des Gouverneurs de Provinces ? Est-il necessaire MONSEIGNEUR , d’adjouster que le Caractere de Duc et Pair est comme attaché à vostre Maison , que l’une des éminentes Charges de la Couronne est son moindre heritage , que la fortune , ce semble , a voulu recompenser vos vertus dans la personne de vos Ayeuls , et que les Cœurs de toute la Guyenne sont des biens successifs dans votre Famille ? Je pourrois encore vous loüer par un autre advantage : N’estes-vous pas aussi glorieux Pere, qu’heureux mary ?72 Mais je n’entreprens pas de faire icy le Panegyrique de toute vostre Maison, et je laisse a quelqu’autre bouche à discourir de ce bon-heur , outre que je ne dirois que des choses tres-connuës ; elles parroissent trop pour estre monstrées , ce n’est point par-là que je veux vous glorifier , je veux choisir la derniere de toutes vos belles qualitez ; Cette protection et ce secours, MONSEIGNEUR, que vous avez donné à la plus malheureuse et à l’une des plus meritantes Comediennes de France n’est pas la moindre action de vostre vie. Et si j’oze entrer dans vos sentimens, je veux croire que cette generosité ne vous déplaist pas, tout le Parnasse vous en est redevable et vous en rend graces par ma bouche, vous avez tiré cette infortunée d’un precipice où son merite l’avait jettée , et vous avez remis sur le Theatre un des beaux personnages qu’il ait jamais porté : Elle n’y est remontée MONSEIGNEUR, qu’avec cette belle esperance de joüer un jour dignement son roolle dans cette illustre Piece73, où sous des noms empruntez l’on va representer une partie de vostre vie. Je pousse vostre modestie jusques au bout : mais il faut qu’elle se fasse violence , et qu’elle m’escoute malgré elle : Croyez-vous, MONSEIGNEUR , que je vous aye donné une vanité trop excessive Elle est tres-juste ; Ces Grecs et ces Romains qui ont si long-temps occupé nostre Scene n’auront point de deshonneur de vous ceder leur place , ils deviendront mesme vos Spectacteurs, et par le long Silence que nous leur imposerons ils témoigneront leur admiration : Moy mesme des premiers je veux introduire sur le Theatre l’Histoire Françoise , bien loin que l’Antiquité nous ait pû fournir abondance de matieres, ils nous a fallu beaucoup adjouter à ce qu’elle nous a dit de ces Heros, au lieu que dans nostre siecle nous aurons un contraire travail, et nous serons en peine de retrancher du grand nombre de ces excellens sujets que nostre Histoire nous donnera, vous n’y serez point oublié ; là sous de faux incidens vous verrez vos veritables advantures et je vous verray rougir d’une imposture si agreable. C’est assez exercer vostre modestie, je veux finir, et je vay luy obeyr avec ce reproche que je luy fais , de ne se point plaire à ouïr des veritez , c’en est une MONSEIGNEUR, que je renouvelleray chaque moment de ma vie, que je suis,
MONSEIGNEUR,
DE VOSTRE GRANDEUR.
Le tres-humble & tres-obeyssant serviteur.
MAGNON.
Extraict du Privilege du Roy. §
Par grace et Privilege du Roy : Donné à Paris le dernier Aoust 1646. Signé par le Roy en son Conseil, SYMON : Il est permis à ANTOINE DE SOMMAVILLE, Marchand Libraire à Paris, d’imprimer vendre et distribuer une piece de Theatre intitulee Josaphat Tragi-Comedie, et ce durant le temps de cinq ans, à compter du jour que ladite piece sera achevee d’imprimer, et defenses seront faites à tous Imprimeurs et Libraires d’en imprimer , vendre et distribuer d’autre impression que celle dudit SOMMAVILLE, ou ses ayants causes , sur peine aux contrevenants de trois mille livres d’amande, confiscation des exemplaires , et de tous despens, dommages et interests, ainsi qu’il est plus au long porté par lesdites Lettres.
Et ledit SOMMAVILE a consenty & consent, que TOUSSAINCT QUINET, aussi Marchand Libraire, jouysse par moitié dudit Privilege, suivant l’accord fait entr’eux.
Achevé d’Imprimer pour la premiere fois le douziesme octobre 1646.
Les exemplaires ont esté fournis.
PERSONNAGES §
- ABENNER, Roy des Indes.
- JOSAPHAT, son fils.
- ARACHE, Lieutenant general des Armees d’Abenner.
- AMALAZIE, prisonniere de guerre d’Abenner.
- BARLAAM, Courtisan d’Abenner, disgracié.
- NACOR, Courtisan d’Abenner.
- GARDES.
ACTE PREMIER. §
SCENE PREMIERE. §
ARACHE
AMALAZIE.
ARACHE.
AMALAZIE
ARACHE
AMALAZIE.
ARACHE.
AMALAZIE.
ARACHE.
AMALAZIE.
ARACHE.
AMALAZIE.
ARACHE.
AMALAZIE. {p. 6}
ARACHE.
AMALAZIE.
ARACHE.
AMALAZIE.
ARACHE.
ARACHE.
AMALAZIE.
ARACHE.
SCENE II. §
UN GARDE.
AMALAZIE.
ARACHE.
AMALAZIE.
ARACHE.
SCENE III. [B, 9] §
ARACHE
JOSAPHAT, bas.
ARACHE.
ARACHE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
ARACHE, l’interrompant.
JOSAPHAT.
AMALAZIE. {p. 11}
JOSAPHAT.
ARACHE.
AMALAZIE.
JOSAPHAT. {p. 12}
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
ARACHE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE. [13]
JOSAPHAT.
SCENE IV §
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE, bas.
SCENE V. §
ABENNER.
JOSAPHAT. {p. C, 17}
ABENNER.
JOSAPHAT.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
ARACHE, bas.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ARACHE, bas.
ARACHE, bas.
Fin du premier Acte.
ACTE II §
SCENE I §
JOSAPHAT, seul.
SCENE II. §
LE GARDE.
JOSAPHAT.
SCENE III. §
JOSAPHAT.
BARLAAM, [23]
JOSAPHAT,
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM.
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM.
JOSAPHAT.
SCENE IV. §
BARLAAM.
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM. [29]
JOSAPHAT.
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM.
JOSAPHAT,
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM,
JOSAPHAT.
SCENE V. §
JOSAPHAT, seul.
SCENE VI. §
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER. {p. 35}
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER. {p. 36}
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER. {p. 37}
ABENNER.
JOSAPHAT.
SCENE VII. §
ABENNER, seul.
SCENE VII. §
ARACHE.
AMALAZIE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
UN GARDE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
AMALAZIE.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
Fin du second Acte.
ACTE III. §
SCENE I. §
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
SCENE II. §
ARACHE.
ABENNER. {p. 46}
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
NACOR.
ABENNER.
NACOR. {p. 47}
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
JOSAPHAT.
NACOR.
ABENNER. {p. 50}
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
ABENNER. [52]
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
ARACHE. {p. 53}
AMALAZIE.
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
JOSAPHAT.
NACOR.
JOSAPHAT.
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
NACOR. {p. 56}
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
ABENNER.
NACOR.
JOSAPHAT.
ABENNER.
SCENE III. §
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
SCENE IV. §
ABENNER.
AMALAZIE
ABENNER.
AMALAZIE.
AMALAZIE.
ABENNER.
AMALAZIE.
ABENNER.
AMALAZIE.
ABENNER.
ABENNER.
SCENE V. [62] §
AMALAZIE.
ARACHE.
AMALAZIE.
ARACHE.
ARACHE.
AMALAZIE.
ARACHE.
AMALAZIE, seule.
Fin du troisiéme Acte.
ACTE IV. §
SCENE I. §
JOSAPHAT, seul.
SCENE II. §
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE,
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT,
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT. {p. 72}
SCENE III. §
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
AMALAZIE.
ARACHE. [K, 73]
AMALAZIE.
ARACHE.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
Est-ce ainsi que l’on m’ayme ?JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
ARACHE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
AMALAZIE.
ARACHE.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
AMALAZIE.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
SCENE IV. §
ABENNER
BARLAAM.
JOSAPHAT.
AMALAZIE.
ARACHE.
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM.
JOSAPHAT.
BARLAAM.
ABENNER.
BARLAAM.
AMALAZIE, bas à Arache.
ARACHE.
BARLAAM.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
AMALAZIE.
ABENNER.
AMALAZIE.
JOSAPHAT.
Fin du quatriéme Acte.
ACTE V. §
SCENE I. §
ABENNER.
ABENNER.
BARLAAM.
ABENNER.
BARLAAM.
ABENNER.
BARLAAM.
ABENNER.
ABENNER.
BARLAAM.
ABENNER.
BARLAAM.
ABENNER.
BARLAAM.
ABENNER.
SCENE II. §
ABENNER, seul.
SCENE III. §
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
AMALAZIE, bas.
J’ay preveu qu’il se pourroit toucher.ABENNER.
AMALAZIE.
ABENNER.
AMALAZIE.
AMALAZIE.
ABENNER.
AMALAZIE, à Arache.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
SCENE IV. §
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
AMALAZIE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ARACHE.
ABENNER.
ARACHE.
ABENNER.
JOSAPHAT.
ABENNER.
JOSAPHAT
ARACHE.
JOSAPHAT.
ARACHE.
JOSAPAHT.