Depuis le XVIe siècle les troupes théâtrales ambulantes se rendent à l’étranger. Elles y passent de quelques jours à plusieurs mois, mais il est rare qu’elles restent plus d’un an. Ces troupes sont très instables. Parmi les troupes nomades on distingue les troupes libres et les troupes protégéesPasquier, Pierre, Surgers, Anne, La Représentation théâtrale en France au XVII e siècle, Paris, Armand Colin, 2011, p. 18-24.
Les troupes françaises jouent souvent en Hollande, en Allemagne et en Belgique au XVIIe siècle. Les « comédiens de campagne » y ont un grand succès : « […] ils séjournent même régulièrement, reviennent chaque année et, à un public qui leur est fidèle, apportent les nouveautés qui sont jouées à l’Hôtel de Bourgogne et au Théâtre du Marais. Désormais ils n’ont plus de concurrents capables de leur ravir ce public […] »Leibrecht, Henri, L’Histoire du théâtre français à Bruxelles au XVIIe et XVIIIe siècle, Paris, libr. ancienne E. Champion, 1923, p. 2.
Denis Clerselier de Nanteuil est un acteur-auteur qui vivait dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Il est peu étudié. Durant les trois derniers siècles on ne trouve qu’une dizaine de chercheurs qui se sont intéressés à son œuvre, parmi lesquels Henry Carrington Lancaster, J. Fransen, Henri Liebrecht, Georges Mongrédien, Georges Monval. Le fait que Nanteuil soit resté presque inconnu en France s’explique par une seule raison : il a passé la plus grande partie de sa vie en Hollande.
Les spécialistes des XVIIIe-XXe siècles ont confondu Denis Clerselier de Nanteuil avec d’autres personnes :
Certains lui ont attribué un autre prénom :
NANTEUIL (Pierre), né dans la Brie, comédien de la reine en 1664, donna au théâtre plusieurs pièces qui obtinrent alors des aplodissemens : son jeu était à la fois noble et imposant; il débitait avec feu, mais son organe était rauque. ... Pierre Nanteuil est mort en 1681, dans un âge assez avancé
. Dictionnaire historique, critique et bibliographique, contenant les vies des hommes célèbres ou fameux de tous les pays et de tous les siècles suivi d’un dictionnaire abrégé des mythologies, et d’un tableau chronologique des événements les plus remarquables qui ont eu lieu depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours, tome 20, Paris, chez Ménard et Desenne, 1822, p. 149.
D’autres, comme James F. Gaines, se sont trompés sur sa date de naissance et de mort : « Nanteuil (stage name of Denis Clerselier fl. 1660-1675). »Gaines, James F., The Molière Encyclopedia, Greenwood publishing groupe, 2002, p. 339.
Tout cela a créé beaucoup d’ambiguïtés et d’incertitudes pour les chercheurs d’aujourd’hui.
À la fin du XIXe siècle, Georges Monval, spécialiste du théâtre du XVIIe siècle et notamment de Molière, fondateur en 1879 de la revue Le Moliériste, dans un de ses articles parle de Denis Clerselier de Nanteuil et donne naissance à la vive discussion qui se déroulera autour de la vie de Nanteuil.
En mai 1888 G. Monval publie dans le numéro CX du Moliériste ses études et un acte du notaire concernant la troupe de Nanteuil pour montrer un exemple « des us et coutumes des troupes de campagne » qui pourraient ressembler à la troupe de Molière. Il s’agit d’un contrat du 3 février 1685, qui prouve qu’en 1685 Nanteuil était à Angoulême. À ce moment-là Nanteuil était le chef de cette troupe, dont les acteurs se nommaient « comédiens du Roy ». Une semaine plus tard Auguste Baluffe, auteur de Molière inconnu, sa vie, publie dans Le National « du lundi 7 mai, c’est-à-dire une semaine après Le Moliériste, les actes de notaires, conservés aux archives de la Charente, relatifs à une troupe de « comédiens du roy » dirigée par Nanteuil »Monval, Georges, Clerselier de Nanteuil, dans Le Moliériste, dixième année, Paris, Tresse et Stock, Libraires-éditeurs, 1889, p. 72.
Dans son article Baluffe s’appuie sur l’analyse de M. de Fleury publié en 1882 dans le Bulletin de la Société archéologique de la CharenteBulletin de la Société archéologique de la Charente, p. XXV-XXVI.Baluffe, Auguste, « La comédie à Angoulème en 1685 », dans Le National, Paris, 7 mai 1888.
En juin 1888 Monval répond à cette publication par une forte critique : « M. Baluffe, dont la persévérante activité mériterait vraiment de plus sérieux résultats, estime que ‘‘ des documents de cette nature restent lettre morte si on ne les explique pas ˮ, – et il les explique … en les obscurcissant d’erreurs, de confusions et d’inexactitudes », « il nous retarde, au lieu de nous aider »Monval, Georges, Clerselier de Nanteuil, dans Le Moliériste, p. 72.
Monval souligne la mauvaise lecture du nom de Nanteuil, « Chevalier » au lieu de « Clerselier », une erreur de Baluffe qui appelle la sœur de Denis Clerselier, Madeleine Clerselier, sa fille. À son tour Monval montre un autre lien de parenté possible entre Nanteuil et Molière : « [...] la mère de l’avocat-philosophe [Claude Clerselier, que Monval considère comme parent de Denis Clerselier, dit Nanteuil] s’appelait Marguerite Lempereur, un Sébastien Lempereur assistait à son mariage en 1630, et l’on sait qu’une Marie Lempereur avait épousé Louys Poquelin, l’un des oncles de MolièreIbid., p. 74.
Nous suggérons que pour les historiens de la littérature des XVIIIe-XIXe siècles il était devenu à la mode d’essayer de trouver des liens parentaux entre le grand Molière, qui brillait à cette époque dans le théâtre et les autres comédiens et auteurs du XVIIe siècle. C’était aussi le cas de Nanteuil.
Dans le numéro suivant (CXII, juillet 1888) on trouve l’article de Th. Lhuillier qui date du 5 juin 1888. Cette rapidité de l’apparition de ces articles prouve un fort intérêt à ce sujet. Il éclaire les origines de la famille des Clerselier. Selon Th. Lhuillier l’orthographe de ce nom varie : « Clarcellier ou Clarcelier, Clerselier et Clercellier, par ceux mêmes qui le portent, et ont une origine commune ».Lhuillier, Th., Les Clerselier, dans Le Moliériste, dixième année, Paris, Tresse et Stock, Libraires-éditeurs, 1889, p.109.Ibid., p. 111-112.
Georges Monval croit que Denis Clerselier de Nanteuil peut être parent ou même un des enfants de Claude Clerselier : « Denis Clerselier de Nanteuil, le comédien-poète que M. Paul Lacroix a toujours confondu avec A.-P. P. de Châteauneuf, et qui pourrait être l’un des quatorze enfants du philosophe Claude Clerselier (1614-1684) éditeur et ami de Descartes »Monval, Georges, « La troupe de Nanteuil à Angoulême en 1685 », dans Le Moliériste, dixième année, Paris, Tresse et Stock, Libraires-éditeurs, 1889, p. 60.
Grâce au registre des archives municipales de Marseille nous voyons que Monval et Lhuillier se sont trompés dans leurs hypothèses. Nous apprenons les noms des parents de Nanteuil et son âge en 1695, quand il épouse Marie Baroy : « Denis Clerselier de Nanteuil, 45 ans, fils de feu Denis Clerselier et de feue Jeanne Panpilat, épouse Marie Baroy, 32 ans, fille de François Baroy et de feue Jeanne Videquoc, à Marseille le 29 août 1695. Les témoins signent Legrand, Poisson, Amourdedieu, de Villedieu, Chalons, Hus, Roland, Le Blanc (Marseille, Archives municipales, registre GG 306)
Acteur, auteur et directeur de troupes de théâtre, Denis Clerselier de Nanteuil est né en 1650 et il est mort au début du XVIIIe siècle, après 1702, c’est la dernière date, quand on trouve les traces de Nanteuil. Sa carrière a duré 35 ans et au long de ces années il a été dans 18 troupes de théâtre, dans une partie desquelles il était directeur. Denis Clerselier de Nanteuil est fils de Denis Clerselier et de Jeanne Panpilat. Il vient de la région de Meaux, il est même possible qu’il vienne du village de Nanteuil d’où il a pris son nom : Denis Clerselier, sieur de Nanteuil.
Il a vécu en Provinces-Unies, en Belgique, en Allemagne et en province française. Il a été marié deux fois. Sa première épouse était Marthe (ou Martine) Lhomme, actrice, qui jouait avec Nanteuil de 1677 jusqu’à 1685 à Angoulême
Pour la première fois nous trouvons Denis Clerselier de Nanteuil en 1667, à l’âge de 17 ans, dans la troupe de Charles, dit l’Espérance, ancien comédien de la troupe du Prince d’Orange. Ils jouent à Lyon et à MarseilleMongrédien, Georges, « Le comédien-poète Nanteuil », dans Revue de la Société d’histoire du théâtre, Paris, 1962, p. 9.lle d’Orléans »). À Bruxelles ils ont signé un contrat « avec Martin Van den Nesse, maître brasseur, pour louer la salle de la Montagne Sainte-Elisabeth, bail valable de la date de passation à la Pentecôte de l’année 1669. »Fransen J. Les comédiens français en Hollande au XVII e et au XVIIe siècles, Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, 1925.
La troupe passe l’été à Lille et le 15 juin 1669 ils ont renouvelé ce bail pour un an de plus. Dans cette troupe Nanteuil fait les annonces et partage « avec le premier acteur tous les premiers et seconds rôles d’amoureux »Fransen J., Les comédiens français en Hollande au XVII e et au XVIIe siècles, p. 120.
Ils ont dû résilier ce contrat valable jusqu’à la Pentecôte 1670, car le 10 novembre de la même année on le retrouve déjà à la Haye avec Abraham Mitallat, où ils engagent un marchand de bois pour construire le théâtre :
[…] par contrat le Sieur Ary Rotteveel, marchand de bois, à faire un théâtre dans la Piquerie. La longueur en devait être de 37 à 38 pieds. Rotteveel aurait à construire deux bancs de chaque côté et des pièces commodes derrière la scène pour les acteurs, dans la salle 18 bancs avec une barrière derrière ; 9 loges avec leurs galeries et leurs escaliers et deux bancs dans chaque loge. (Archives municipales, La Haye, Archives notaires (notaire S. Favon). Dossier nº 729, acte du 10 novembre 1668.) Ibid., p. 120.
En 1670 il joue dans la troupe de Rosidor à Copenhague. Après avoir quitté la troupe de Rosidor, il ne rentre pas en France, il joue dans les troupes du duc d’Hanovre, du duc de Celle et dès 1673 on le trouve chez les ducs de Brunswick et Lunebourg.
En 1672-1676 les troupes françaises ne passent presque pas en Hollande à cause de la guerre entre les deux pays qui a duré de 1672 jusqu’à 1678. Pendant la guerre Nanteuil publie ses pièces, qu’il a dû jouer avant dans les troupes dans lesquelles il était. En tout il a écrit sept pièces : L'Amour sentinelle ou le cadenas forcé (La Haye, 1669, deuxième édition en 1672), Le Comte de Rocquefœuilles ou le Docteur extravagant (La Haye, 1669), Les Brouilleries nocturnes (Bruxelles, 1669), Le Campagnard dupé (Hanovre, 1671), La Fille vice-roy (Hanovre, 1672), L'Amante invisible (Hanovre, 1673), L'Héritier imaginaire (Hanovre, 1674). Nanteuil a donc cessé d’écrire tôt, à l’âge de 24 ans.
Grâce aux livres édités, nous savons qu’à partir de 1671 et jusqu’en 1674, il est à Hanovre. Après ces 3 ans la troupe du duc d’Hanovre se reconstitue sous la direction du comédien Clavel, qui la conduit en Hollande et en Allemagne. En 1677 Nanteuil est à Paris où il entre dans la troupe du duc d’Enghien, dirigé par Richemont. Il y reste un anMongrédien, Georges, Le comédien-poète Nanteuil, p. 12.
En 1675-1678 on trouve Nanteuil à la tête de la troupe des « Comédiens de la Reine de France ». En 1675 les comédiens de la Reine donnent des représentations au Jeu de Paume du Gracht. En même temps la troupe de S. A. Monseigneur le Duc d’Hanovre, dirigée par Scipion Clavel séjourne à Bruxelles. En 1678 pendant le séjour de ces deux troupes théâtrales à Bruxelles, Nanteuil signe le contrat pour la construction du Jeu de Paume à Bruxelles : « le 24 novembre, reparaissaient les « Comédiens de la Reine de France » dirigés par Denys de Nanteuil : ils font ériger par Henderich Van den Rym, « charpentier de son stil », la scène habituelle au jeu de paume »L’Histoire du théâtre français à Bruxelles, p. 75.
Les membres des deux troupes passent de l’une à l’autre, et nous supposons que c’est le moment où Denis Clerselier de Nanteuil passe dans la troupe du Duc d’Hanovre. En 1681 nous le voyons déjà dans la troupe de S. A. le Prince de Parme, ancienne troupe du duc d’Hanovre.
Le 25 janvier 1681 la troupe du Prince de Parme quitte Bruxelles. Denis Nanteuil passe « le contrat avec Joseph Mathieu, « maitre charton », pour le transport de la troupe vers Ath et au-delà, jusqu’à Lille ou Valenciennes […] »Leibrecht, Henri, L’Histoire du théâtre français à Bruxelles au XVIIe et XVIIIe siècle, p. 79.Mongrédien, Georges, Le comédien-poète Nanteuil, p. 13.
Lancaster nous apprend qu’en 1682 Nanteuil joue dans la Troupe Royale à DijonLancaster, Henry Carrington, A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century. Part III. The period of Molière 1652-1672, Baltimore, the Johns Hopkins Press, III p. II vol., 1936, p. 790.
Les trois actes notariés faits à Angoulême d’un côté sont la preuve de la présence de la troupe de Nanteuil en province française en 1685, et de l’autre côté, ils nous montrent le répertoire de cette troupe et les détails techniques de la construction du théâtre qui sont déterminés par les pièces que joue la troupe.
[…] feront aussy un petit théâtre en hault, - fourniraont de bonnes traverses et planches pour travailler aux machines et pour eschafauder, afin que les ouvriers machinistes puissent travailler en toute sûreté, poser les tours pour les machines et pour y atacher les cables audit théâtre, une trape pour le
Festin de Pierre, bien feront clouer et conditionner ledit théastre et feront le plas fonds de la haulteur nécessaire, ce qui lui sera désigné par ledit srde Nanteuil ; seront les dits entrepreneurs obligés de fournir les chassis des portes, la barrière du portier comme elle sera marquée, la loge pour les violons, les planches nécessaires pour les machines, un petit degré monter sur le theastre et faire les plans pour habiller les comédiens ;Biais, Emile, « Le théâtre à Angoulême (XVe s. – 1904) », dansRéunion des Sociétés des Beaux-Arts des départements, Paris, Typographie Plon-Nourrit et Cie, 1904, t. XXVIII, p. 315.
Dans cet acte tous les détails sont prévus pour jouer les pièces à machine et les comédies-ballets. Mais en même temps elles prévoient la sécurité et la commodité des comédiens. Dans un acte qui suit, on trouve la répartition des rôles parmi les membres de la troupe (voir dans l’annexe III) et les pièces, qu’ils jouent : « d’Adonis, du Bourgeois Gentilhomme, d’Andromède et le Festin de PierreIbid., p. 317.
Le 15 mars 1686 Nanteuil entre dans la troupe du Dauphin. Dès le début de 1688 Denis Clerselier et Dominique Pitel louent un théâtre à Bordeaux jusqu’à 1693. En 1693-1694 Nanteuil est à Metz et à Strasbourg. En février 1696 Nanteuil est à nouveau à Angoulême, où il signe le contrat de l’association de comédiens pour la durée d’un anMongrédien, Georges, Le comédien-poète Nanteuil, p. 15.
Pour la dernière fois nous le trouvons à Grenoble en 1702 : « il est un des comédiens du roi à Grenoble; il y fait construire au début de 1702 un théâtre pour y jouer pendant la saison d’hiver »Maignien, Edmond, Les artistes grenoblois, Grenoble, X. Drevet, 1887, p. 255.
L’Amour sentinelle ou le cadenas forcé est la première pièce écrite par Denis Clerselier de Nanteuil. Il existe deux éditions de cette pièce : en 1669 et en 1672 à La Haye. Nous n’avons trouvé aucune information sur la représentation de L’Amour sentinelle au XVIIe siècle, pourtant nous supposons que cette pièce a eu du succès, puisqu’elle a été éditée une deuxième fois en 1672.
Plusieurs historiens de la littérature française n’ont daté cette pièce que de 1672 et citent comme la première œuvre de Nanteuil la comédie Le Comte de Rocquefœuilles ou le Docteur extravagant qui a été écrite aussi en 1669. De plus en travaillant seulement sur l’édition de 1672 de L’Amour sentinelle, ils ont commis quelques fautes dans l’interprétation du texteA History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century, p. 792. Lancaster suppose qu’il manque quatre lignes dans le texte de la pièce à cause de la phrase du marquis ridicule Fabrice qui ne rime avec rien : « Vous tairez-vous, maraut. / Et bien soit raisonnons » (édition de 1672). Mais en fait la deuxième partie de cette phrase dans l’édition originale appartient au valet Roguepine et elle est écrite de la manière suivante : « Et bien soit taisons nous, » (v. 302).
La gloire sera grande pour moy, sans doute, si la premiere piece de theatre que j’ay mis en jour, peut plaire à un des plus illustres Princes de la terre, et si luy ayant consacré mon premier ouvrage je puis l’asseurer, que je suis avec un profond respect.
Dans toutes les pièces de Nanteuil Lancaster voit l’influence des écrivains célèbres de cette époque : « Plays seem to have been influenced either in plot or in certain details, by Scarron, Moliere, Racine, Chevalier, Boucher, La Forge, Quinault, and other dramatists. »Ibid., p. 754-755. (Les pièces semblent être influencées dans l’intrigue ou dans les détails par Scarron, Molière, Racine, Chevalier, Boucher, La Forge, Quinault et autres écrivains).L’Amour sentinelle, ou le cadenas forcé est la comédie Champagne le Coiffeur de Boucher: « The principal source is probably Boucher’s Champagne le Coiffeur, for in each case the girl’s father or guardian hires her lover and his valet to protect her and is advised by a neighbor, an elopement follows, the older man consents to the marriage, and the valet weds Lisette, the heroine’s attendant. »Ibid., p. 791. (La source principal est probablement Champagne le Coiffeur de Boucher, dans les deux cas, le père ou le tuteur de la fille engage son amoureux et son valet pour la protéger, et il est conseillé par son voisin ; puis l’échappement suit, l’homme âgé accepte le mariage et le valet épouse Lisette, la suivante de l’héroïne)
Champagne le Coiffeurn’a pas déplu sur le théâtre. (Fournel, Victor, Boucher, dans Les contemporains de Molière. Recueil de comédies, rares ou peu connus jouées de 1650 à 1680, tome III, Paris, Librairie de Firmin-Dodot, 1875, p. 251).La Pompe funèbre de Scarron, publiée en 1660. Pour les spécialistes Champagne le Coiffeur présente un intérêt particulier grâce à ses détails sur la toilette des femmes au XVIIe siècle et surtout sur la coiffure. Dans cette pièce le héros principal se déguise en M. Champagne ( ? – 2 novembre 1658) qui était un grand coiffeur du XVIIe siècle, « le véritable créateur de la profession », « le coiffeur de toutes les grandes dames de la cour, particulièrement de la princesse Marie de Gonzague »Ibid., p. 252.
Fournel souligne que la versification de la pièce de Boucher est « aisée et parfois assez bonne », pourtant il dit aussi que « l’intrigue […] se développe avec une lenteur extrême »Ibid., p. 251.
À la base du système des personnages de L’Amour sentinelle de Nanteuil sont les personnages de Champagne le Coiffeur de Boucher. Il garde le même prénom pour la servante que dans la pièce de Boucher : « Lisette ».
À partir de cette structure, Nanteuil ajoute des personnages secondaires : un marquis ridicule et son valet, un page du jeune homme amoureux, des crocheteurs, des arlequins et des danseurs. Les scènes avec le marquis ridicule et son valet, rompent l’unité du sujet de l’œuvre et apportent plus d’action dans la pièce.
Ci-dessous nous présentons un tableau comparatif de deux pièces.
Nous observons l’influence du théâtre italien sur Nanteuil à travers les œuvres de Molière : il montre un intérêt constant pour les formes spectaculaires du théâtre, les lazzis, les danses, les ballets. Cet effort d’unir la chorégraphie à la comédie date de la même époque que la tentative de Molière. Pourceaugnac (1669) est de la même année que L’Amour sentinelleAttinger, Gustave, « L’Esprit de la Comedia dell’arte dans le théâtre français », dans Influences indirectes du Théâtre Italien, Neuchâtel, Paris, 1950, p. 219.L’Ecole des Femmes : un tuteur de sa pupille met à l’épreuve la fidélité de ses gardiens. […] Une dispute parallèle entre maître et valets évoque Le Dépit amoureux ; mais le thème est constant au théâtre italienIbid., p. 220.
Dans la pièce de Nanteuil, on trouve une forte influence de Molière, surtout de ses comédies-ballets. Dans L’Amour sentinelle les deux premiers actes se terminent par une danse :
Acte I – «
Les crocheteurs ayant mis dehors le Marquis se retirent, hors un, qui danse une entrée pour finir l’acte.»Acte II – «
Clidamant et Croctin se retirent, et l’Arlequin finit l’acte en dansant. »
La pièce se termine par un ballet qui est dansé vers la fin du troisième acte. Ce ballet est fait en l’honneur du mariage : « Pendant que les danseurs venus en habit de Balet, dansent, Florant dit à Clidamant pour empescher qu’il ne parle à Isabelle devant luy. » Après le ballet suivent quelques répliques qui referment la comédie par le mariage des domestiques Croctin et Lisette.
Dans le texte de la pièce, on trouve une quasi citation d’une des œuvres de Molière et une allusion à une autre pièce de Molière.
« On doit craindre un revers de satyre » (v. 136) est une quasi citation de la réplique de Chrisalde dans L’École des femmes (1662) : « Car enfin il faut craindre un revers de Satyre »Les œuvres de Monsieur de Molière, chez Denys Thierry et Claude Barbin, Paris, 1674, t. II, p. 145.
L’allusion à la pièce de Molière Le Mariage forcé (1664) se trouve dans la scène III du premier acte, où au début Fernant, voisin de Florant, essaye de le raisonner :
Fernant. Quand on aime pourtant l’on n’agit pas de mesme, On ne maltraitte pas l’object de son amour, (v. 92-93) Fernant. Isabelle pourroit tres justement se plaindre, Si vous en agissiez de cette façon lá. (v. 108-109)
Mais à la fin de la même scène, il le soutien dans ses idées de mariage avec Isabelle et il conseille d’agir le plus vite possible.
Fernant. Qui moy ? je vous conseille De faire sans tarder ce que vous dites là, C’est là le seul moyen. (v. 164-166)
Ces répliques nous renvoient à la première scène du premier acte de la pièce Le Mariage forcé : au début Géronimo, ami de Sganarelle, lui conseille de ne pas se marier : « Je ne vous conseille point de songer au mariage », mais à la fin de cette scène il a changé d’avis : « je vous conseille de vous marier le plus vite que vous pourrez Œuvres complètes de Molière, nouvelle édition, Maresq et Cie, Editeurs, Paris, 1846, p. 286.
Au début de la pièce, on voit Clidamant, amoureux d’Isabelle, avec son valet Croctin. Ils inventent des moyens pour libérer Isabelle de son tuteur Florant, qui la garde enfermée dans sa maison. Ils décident que Croctin pénétrera dans cette maison, car Florant ne l’a jamais vue. Ils vont parler à Isabelle et sa suivante Lisette, amoureuse de Croctin, pour les prévenir de leurs projets. Isabelle promet que si Croctin réussit à la libérer, elle lui donnera Lisette. Ils se retirent parce qu’ils entendent quelqu’un s’approcher. C’est Florant qui se plaint à son voisin Fernant que certain jeune homme qu’il ne connaît pas, vient souvent voir Isabelle. Florant aime Isabelle et ces visites le mettent dans une colère extrême, et à cause de sa jalousie il la bat vingt fois par jour. Il veut apprendre qui est ce jeune homme pour mettre fin à leurs relations. Fernant essaye de le raisonner en disant que rien ne pourra les empêcher de s’aimer, et surtout si on aime quelqu’un on ne le maltraite pas comme le fait Florant. Mais tout de même Florant veut mettre des obstacles sur le chemin de ces amoureux, alors Fernant lui propose son aide. Florant décide de mettre chez lui des crocheteurs qui attraperont ce visiteur. Fernant et Florant se cachent dans la maison de Florant.
Sur la scène apparaît Fabrice, marquis ridicule, avec son valet, Roguepine. Fabrice est aussi amoureux d’Isabelle, il décrit toutes les qualités de son amoureuse et il veut la montrer à son valet pour prouver ses paroles. Ils essayent d’entrer dans la maison de Florant, mais les crocheteurs les ont mis dehors. Un des crocheteurs reste sur la scène pour finir le premier acte par la danse.
Fabrice et Roguepine, battus par les crocheteurs et rejetés dans la rue, sont en colère, ils discutent les moyens de se venger. Mais Roguepine a peur d’être battu encore une fois et il propose de se retirer de cette maison, qui ne leur procure rien de bien, car ce soir Florant doit épouser Isabelle. Après avoir mangé et bu, Clidamant et Croctin parlent des détails de leur projet. Lisette les rejoint et dit que sa Maîtresse est désespérée de devoir épouser Florant au lieu de Clidamant. Lisette raconte ce qui s’est passé avec le marquis Fabrice, battu par les crocheteurs de Florant. Tous les trois se cachent, car ils voient Florant s’approcher. Florant en réfléchissant à voix haute dit qu’il lui faudrait trouver quelqu’un qui gardera Isabelle. Ayant entendu cela Croctin apparaît et lui propose ses services. Florant explique qu’il faut garder une fille et ne pas permettre à Fabrice d’aller la voir. Croctin, content qu’il ne s’agisse pas de son maître, propose son camarade (Clidamant) pour l’aider à la garder et il demande à Lisette d’aller chercher des habits pour lui et Clidamant. Florant, heureux d’avoir trouvé ce brave garçon, va chez Fernant et lui raconte qu’il a trouvé deux garçons courageux pour garder Isabelle. Lisette apporte les habits pour qu’ils se déguisent.
Clidamant et Croctin déguisés vont chez Florant, et en route Croctin raconte à quel point il aime Lisette et qu’il participe à ce stratagème à cause d’elle. En arrivant chez Florant, Clidamant se présente comme Candasmes et dit qu’il garderait bien cette fille. Croctin à son tour promet de surveiller la porte pour que personne n’entre dans la maison. Florant les y laisse, et avec Fernant, ils décident de se déguiser pour vérifier si ces garçons gardent bien Isabelle. Croctin, ayant entendu à la porte leur conversation, raconte tout à Clidamant, Isabelle et Lisette. Croctin reste près de la porte pour rencontrer Florant et Fernant déguisés, qui se présentent comme les amis d’Isabelle. Croctin et Clidamant les font sortir avec des coups de bâton. Florant et Fernant battus, mais très contents que Croctin garde bien Isabelle, rentrent chez Fernant pour prendre leurs vêtements. Clidamant et Croctin avec leurs amoureuses se retirent vite de la maison de Florant. Clidamant et Isabelle, Croctin et Lisette parlent de leurs sentiments et se promettent l’un à l’autre, et, pour marquer son amour, Isabelle donne le bracelet de ses cheveux à Clidamant. En même temps, Florant et Fernant reviennent chez Florant et n’y trouvent personne. Tout en colère Florant pense que c’est le Marquis Ridicule qui l’a enlevée. Fernant essaie de le consoler.
Cependant Carlos, page de Clidamant, apporte à Florant la lettre annonçant que c’est Clidamant qui gardait Isabelle et c’est lui qui l’a enlevée, et qu’il demande à Florant d’accepter leur alliance. D’abord Florant en furie dit qu’il veut les voir, mais après le départ de Carlos, il se calme et dit que son amour s’est passé. En arrivant Isabelle et Clidamant se jettent aux pieds de Florant pour qu’il leur permette de se marier. Il accepte leur mariage, mais tout de même pendant le ballet il parle à Clidamant pour l’empêcher de parler avec Isabelle devant lui. Après le ballet, tout le monde se retire. Lisette retient Croctin pour lui rappeler sa promesse de l’épouser et tous les deux partent pour se marier.
La pièce L’Amour sentinelle se compose de trois actes. Comme c’est le cas de la plupart des pièces au XVIIe siècle, l’exposition dans L’Amour sentinelle commence à la première scène et se limite au premier acteScherer, Jacques, La Dramaturgie classique en France, Nizet, 1986, p. 52.La Dramaturgie classique en France, « l’exposition […] doit être entière, courte, claire, intéressante et vraisemblable »Ibid., p. 56.L’Amour sentinelle est loin d’être idéale, pourtant on peut considérer qu’elle répond à certaines de ces exigences. Occupant un acte ou quatre scènes de la pièce, elle est assez longue. Elle constitue une tiers de la pièce. Elle montre tous les personnages importants, donc elle est entière. Elle est claire car elle ne contient pas de récit d’événements complexes, ni de fausses informations sur les personnages. Cette exposition est intéressante, elle intrigue et donne envie de voir le dénouement de l’action. Nous comprenons que Clidamant et Fabrice ont décidé d’agir le même jour parce que ce jour-là Florant voulait épouser Isabelle, donc l’exposition reste vraisemblable.
Le nœud de cette pièce occupe tout le deuxième acte et les dix scènes du troisième. Il contient tous les événements, les obstacles qui précèdent le dénouement à la fin du troisième acte – le mariage de Clidamant avec Isabelle. Pour les deux amoureux, les obstacles sont extérieurs. Les obstacles extérieurs sont les plus richement représentés dans le théâtre classique car il est plus facile de les mettre en scène que les obstacles intérieursIbid., p. 62-63.Ibid., p. 64.
Quand tous les obstacles sont dépassés vient le dénouement, qui découle du nœud de l’action. « Il est l’accès à une situation stable, heureuse ou malheureuse »Ibid., p. 127.
Florant apres avoir un peu resvé.Bien qu’il ayme, Faites les moy venir que je les voye un peu. Carlos sort.Tenez mon cher voisin, j’ay perdu tout mon feu, Mon amour s’est passé. (v. 616-619)
Selon les exigences de la dramaturgie classique, le dénouement doit être « nécessaire, complet et rapide »Ibid., p. 128.L’Amour sentinelle. Son dénouement est étroitement lié au nœud, il y naît. Il ne se passe pas par hasard, mais il est nécessaire, il découle naturellement de l’action de la pièce. Il est assez complet, nous y apprenons le sort des personnages : Clidamant épouse Isabelle et Croctin épouse Lisette. Les destins d’autres personnages secondaires ne sont pas énoncés parce qu’ils n’ont pas beaucoup d’intérêt pour les spectateurs, ils se laissent à deviner. De plus, l’énumération des destins de tous les personnages aurait pu rendre le dénouement trop lent, long et sans intérêt. Dans cette comédie, le dénouement est rapide, il n’occupe que vingt vers (v. 615-634).
Pourtant, il y a un trait particulier à ce dénouement. Il est partagé en deux parties : avant le ballet nous apprenons que Florant donne son accord pour le mariage d’Isabelle avec Clidamant et après le ballet nous voyons Lisette et Croctin qui partent se marier.
Cette pièce garde les traditionsIbid., p. 135-144.e siècle. Une autre tradition est respectée, celle du mariage : « le dénouement traditionnel de la comédie est un mariage, et même, de préférence, plusieurs mariagesIbid., p. 139.L’Amour sentinelle se termine par deux mariages.
Les règles du classicisme exigent que les dramaturges respectent les trois unités dans leurs œuvres. Commençons par l’unité d’action ou l’ « unification de l’action ». Dans la pièce L’Amour sentinelle, l’action principale est la libération d’Isabelle de son tuteur par Clidamant pour leur mariage. À l’action principale s’ajoutent d’autres actions « accessoires »Ibid., p. 92-95
Pour toute action, il faut du temps, c’est pour cela qu’elle ne peut pas être instantanée, toutefois, « la vraisemblance exige que la durée de l’action représentée ne soit pas démesurément plus longue que la durée réelle de la représentation, qui est de deux ou trois heures. […] Mais un tel idéal paraît bien difficile à réaliser »Ibid., p. 113.
L’action de L’Amour sentinelle se passe en une journée, comme il est exigé traditionnellement. Les endroits de l’action restent proches l’un à l’autre parce que les personnages ne peuvent pas aller loin en une journée: presque toute la pièce se déroule dans la maison de Florant ou près de cette maison. Le lieu de certaines scènes avec Clidamant et Croctin (acte I sc. I, acte II sc. II, VII, VIII, acte III sc. I) n’est pas précisé dans les didascalies, mais nous devinons qu’ils se dirigent vers la maison de Florant.
Il faut souligner que dans la pièce il y a un certain parallélisme: la scène des coups, donnés à Fabrice et son valet Roguespine, est une préfiguration de ce qui va arriver à Florant et son voisin. C’est une sorte de retour : Florant a préparé l’accueil pour Fabrice et à son tour il reçoit le même accueil.
Nous observons encore une fois le parallélisme dans l’histoire d’amour des domestiques, Croctin et Lisette, et leurs maîtres, Clidamant et Isabelle. Cela se manifeste le plus dans la scène II de l’acte I, les scènes IV et IX de l’acte III, où les quatre amoureux s’échangent des répliques entrecroisées. Mais en même temps dans ce parallélisme on observe l’antithèse, car les mots doux des maîtres sont opposés à des répliques mordantes du valet et de la servante.
Au début du siècle, le théâtre français était riche en personnages secondaires, qui souvent n’apparaissaient qu’une fois dans la pièce ou qui avaient des rôles muets. Le nombre de personnages dans la pièce pouvait atteindre vingt rôles, même si dans la troupe il n’y avait pas autant de personnes. Mais ce nombre change dans la deuxième moitié du siècle, il diminue jusqu’à dix ou treize personnages. Les auteurs écrivent leurs pièces en prenant en compte la quantité de comédiens dans la troupe. Dans le cas où il y a plus de personnages que d’acteurs, les troupes peuvent prendre des gagistes ou parfois le même acteur doit jouer plusieurs rôles dans la même pièce (c’est notamment le cas pour le Bourgeois Gentilhomme pour la troupe de Molière)Ibid., p. 38.L’Amour sentinelle ou le cadenas forcé, nous observons neuf « acteurs » plus des crocheteurs, arlequins et danseurs, dont le nombre n’est pas précisé. Ces personnages n’ont pas la même importance et leur participation dans la pièce est différente. Un des personnages, Carlos, page de Clidamant, n’apparaît qu’une fois dans la comédie et il prononce seulement deux courtes répliques : « Monsieur je viens icy pour Monsieur Clidamant, / Vous porter ce billet. (v. 613-614) ; Son amour est extreme. (v. 615) ». Quant à Clidamant, le héros principal de la pièce, il participe à seize scènes sur vingt-quatre.
Lancaster souligne que les personnages des œuvres de Nanteuil sont le plus souvent un valet intelligent, un jaloux, des amoureux grotesques, un marquis ridicule, les spéculateurs, ex-soldatLancaster, Henry Carrington, A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century, p. 754.L’Amour sentinelle, nous trouvons des amoureux séparés, un tuteur jaloux, un valet rusé et inventif, un marquis ridicule. Mais cela effectivement n’a rien d’original pour une comédie de cette période, puisque ces personnages sont constants dans le théâtre au XVIIe siècle.
Clidamant est un beau jeune homme amoureux d’Isabelle, comme les héros classiques du XVIIe siècle, il est malheureuxScherer, Jacques, La Dramaturgie classique en France, p.21.
Le charme des héros, pour un spectateur du XVII
esiècle, est fait d’un dernier élément : ces héros sont malheureux. […] Malheureux […] dans la comédie […], où les obstacles au bonheur des héros déterminent des plaintes souvent passionnées. Ibid., p.22.
Il essaye de persuader son valet de l’aider à libérer Isabelle. Il séduit son valet Croctin par un très bon dîner et par la promesse d’être fort reconnaissant à la fin de l’affaire.
Croctin. Qu'il estoit delectable ! Qu'il estoit bon ce vin c’estoit du vin musquat. Clidamant. Je t’en feray gouster et du plus delicat, Tu vois quand on me sert qu’il y va de la gloire. (v. 304-307)
Croctin est un valet rusé qui aide son maître. Ce type de personnage est très fréquent dans le théâtre français et italien. Dans toutes ces aventures Croctin n’oublie pas son propre bien. Au début il ne veut pas se mêler de cette affaire par peur d’être arrêté :
Croctin. Qui moy ? Que je me donne au Diable Si j’y vais. (v. 16-17)
Mais après avoir appris quelle sera sa récompense il « brûle » du désir de tout faire le plus vite et le mieux possible :
Isabelle Et s’il en vient à bout : nous serons trop heureux, Je luy feray du bien en luy donnant Lisette, [… ] Croctin. Comment la peste* quelle emplette, Je vous serviray bien, laissez faire Croctin, (v. 70-73)
Il aime beaucoup exagérer : en parlant de Florant
Je luy feray corner que c’est le plus grand lasche, Que l’on puisse trouver de Paris au Japon, (v. 76-77)
Isabelle est une jolie jeune fille, qui aime Clidamant. Elle est aussi aimée par son tuteur Florant et par un marquis ridicule Fabrice.
Elle a les yeux brillants, de belles qualitez, Un teint uny, charmant enfin tant de beautez Regnent en cette belle (v. 181-183)
Pour Fabrice « De toutes les beautez elle est le seul modelle, » (v. 216)
Les deux amoureux ne peuvent pas être ensemble à cause du tuteur jaloux. Lisette, servante d’Isabelle, et Croctin aident leurs maîtres à se réunir. Ils s’aiment aussi, mais tout le temps ils s’échangent des répliques piquantes.
Lisette. Ah ! Monsieur est-ce vous. Croctin Ne le vois tu pas bien. Lisette. Quoy Maistre des filoux… (v. 37-38)
Florant est tuteur d’Isabelle qui veut l’épouser. Il est « Fascheux jaloux » (v. 41) comme le dit Clidamant ; il est un « vieux Rodrigue » (v. 347) et « vieux penard » (v. 349) selon Croctin. À cause de sa jalousie il bat Isabelle plusieurs fois dans la journée.
Florant. […] Vit on jamais un homme à mon aage amoureux. Amoureux à tel point mon ardeur est extreme. Fernant. Quand on aime pourtant l’on n’agit pas de mesme, On ne maltraitte pas l’object de son amour, Florant. Il est vray, je la bas au moins vingt fois le jour, Quand la colere emporte on n’en est pas le maistre. (v. 90-95)
Fernant, voisin de Florant, essaye au début de le raisonner, mais il finit par devenir son complice et le soutient dans toutes ses démarches.
Après Les Précieuses ridicules (1659) et Les Fâcheux (1661) de Molière, le personnage du marquis ridicule est devenu « à la mode » comme on le dit dans L’Impromptu de Versailles (1663) :
Oui, toujours des marquis. Que diable voulez-vous qu’on prenne pour un caractère agréable de théâtre ? Le marquis aujourd’hui est le plaisant de la comédie ; et comme dans toutes les comédies anciennes on voit toujours un valet bouffon qui fait rire les auditeurs, de même, dans toutes nos pièces de maintenant, il faut toujours un marquis ridicule qui divertisse la compagnie
. L’Impromptu de Versailles, dansŒuvres de Molière, 1833, p. 193.
Nous pouvons faire une hypothèse que Nanteuil a ajouté ce personnage suivant cette mode pour rendre la comédie plus attirante pour le public. Le marquis de Molière est « enrubanné, empanaché, sacrant comme un soudard, gémissant, s’esclaffant comme une précieuse »Dictionnaire des personnages littéraires et dramatiques de tous les temps et de tous les pays, ROBERT LAFFONT, 1999, p. 639.Fabrice, marquis ridicule de Nanteuil a beaucoup emprunté à ce personnage.
Fabrice se croit très beau et très attirant : « Ma perruque est jolie et mon point admirable, / Oui je suis un Marquis, mais tout à fait aimable, / J’ay du cœur. » (v. 191-193). Il décrit toutes ses qualités : « Mes canons sont fort bien, j’ay de plus du credit, / Bref en tout et par tout ma personne charmante / Pourra bien contenter ma Maistresse dolente. » (v. 194-196). Il insulte son valet Roguepine : « Approchez-vous, faquin. » (v. 169), « Vous tairez vous, maraut » (v. 302). Roguepine se moque de lui, mais Fabrice ne le comprend pas sauf quand Roguepine l’offense directement « Fabrice. / J’ay du cœur. / Roguepine. / Comme un bœuf vostre mere l’a dit. » (v. 193) ; « ô cervelle incurable » (v. 291) « J'aimerois mieux mourir que de me mettre en teste, / De servir un Marquis qui n’est rien qu’une beste, (v. 299-300).
Dans L’Amour sentinelle ou le cadenas forcé on peut relever deux grands déguisements : l’un de Clidamant et l’autre de Florant et Fernant. Selon la classification proposée par Georges Forestier dans Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) Le déguisement et ses avatarsForestier Georges, Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) Le déguisement et ses avatars, Paris, DROZ, 1988.
Le travestissement de Clidamant, déguisé en loques pour pénétrer dans la maison de Florant pour libérer Isabelle, est fondamental car sur ce déguisement « repose toute action ». Florant et son voisin Fernant se déguisent pour tester les gardiens d’Isabelle. Dans ce cas, le déguisement de Florant est
Les buts de ces travestissements sont différents. Le but du déguisement de Clidamant est le but le plus fréquent dans le théâtre pour les rôles masculins (35%) – l’approche : il se déguise pour s’introduire dans la maison de Florant, pour se rapprocher d’Isabelle. Quant à Florant et Fernant, le but de leur déguisement est
Les trois cas sont des déguisements conscients ordinaires, où les personnages ne perdent pas leurs identités, mais ils jouent d’autres rôles, imposés par les situations, ces rôles sont rajoutés aux rôles initiaux des personnages :
Quelle que soit la manière dont il est déguisé, le personnage concerné se voit pourvu d’un rôle qui se surajoute à son rôle de base. Tout personnage déguisé joue donc, volontairement ou non, consciemment ou non, un rôle devant un autre personnage, au moins, qui se trouve ainsi dans une position de spectateur, et qui est amené à réagir devant le jeu du comédien. Il peut être pris par le jeu et se trouver ainsi victime de l’illusion ; il peut être mis dans la confidence et devenir complice de l’illusion dont sont victimes les autres personnages
. Ibid., p. 223.
Donc dans la pièce nous voyons que Croctin devient complice de Clidamant devant Florant et Fernant qui ignorent la vraie identité des jeunes gens. Fernant devient complice de Florant, ils se déguisent pour tester les gardiens, mais ils ne savent pas que les deux gardiens les attendent et les reconnaissent. Clidamant et Croctin jouent un rôle devant Florant et Fernant déguisés, qui ne soupçonnent pas qu’ils sont les victimes de leur jeu et du déguisement de Clidamant.
On voit bien que Clidamant et Croctin ont beaucoup de plaisir à accueillir Florant et Fernant d’une façon si « chaleureuse ». Ils auraient pu libérer Isabelle et Lisette et partir avant l’arrivée du tuteur et de son voisin, mais ils ne peuvent se priver du plaisir de les battre : ils les ont attendus pour se venger d’une certaine manière et pour se moquer d’eux.
Il existe deux éditions de la pièce L’Amour sentinelle ou le Cadenas forcé de Denis Clerselier de Nanteuil en 1669 et 1672 réalisées durant la vie de l’auteur. L’unique exemplaire de 1669 consultable à Paris figure dans un recueil factice dans la Bibliothèque nationale de France.
Ce recueil contient d’autres pièces du XVIIe siècle : L’Imposteur ou Le Tartuffe (1669) et Amphitryon (1669) de Molière, Le Compte de Rocquefeuilles ou le docteur extravagant (1669) de Nanteuil, La Femme juge et Partie (1669) de Montfleury, Le Cartel de Guillot ou le Combat ridicule (1682) de Chevalier. On peut faire une hypothèse que ce recueil factice a été ressemblé après 1682 car l’œuvre la plus récente date de 1682. Ce recueil figure sous le numéro 798 dans le Catalogue de vieux livres et d’anciens manuscrits, provenant du cabinet de M. de B***, et du restant de la bibliothèque de M. Alard, après son décès… qui date de 1832 :
Recueil de pièces de Théâtre, dont l’Imposteur ou le Tartuffe, par Molière, 1669. – l’Amphitryon, du même, 1669. – Le Compte de Roquefeuilles, par de Nanteuil, 1669. – La Femme juge et Partie, par Montfleury, 1669. – L’Amour sentinelle, ou le Cadenas forcé, par Nanteuil, 1669. – Le Cartel de Guillot, ou le Combat ridicule, par Chevalier, 1682.
Hollande(à la Sphère), I vol. pet. in-12, dem.-rel. d. v.Catalogue de vieux livres et d’anciens manuscrits, provenant du cabinet de M. de B***, et du restant de la bibliothèque de M. Alard, après son décès…, chez Techener, Paris, 1832, p. 71.
Sur la page de titre de toutes les pièces on peut voir la sphère – le fleuron de l’édition « La HAYE ». Pourtant le nom de l’édition est marqué seulement pour les pièces de Nanteuil et de Chevalier (dans le dernier cas avec l’adresse précise de la librairie). Dans le cas des pièces de Molière et de Montfleury, sur la page de titre on trouve « Suivant la copie imprimée » ce qui nous permet de supposer que ces trois pièces peuvent être clandestines.
Nous avons trouvé encore deux exemplaires de cette pièce de l’édition de 1672 et une version numérique sur le site de Gallica.
Tous ces exemplaires sont représentés dans la Bibliothèque nationale de France :
Dans la seconde édition de 1672, on observe des changements grammaticaux et de ponctuation. Dans l’exemplaire reproduit sur le site de Gallica on trouve des corrections manuscrites anonymes et sans dates.
Les deux éditions ont été faites chez Elzevir à La Haye (Ville des Pays-Bas, chef-lieu de la province de Hollande-Méridionale). Lancaster donne l’information suivante sur le livre :
The Hague, Elzevir, 1669 and 1672, 12°. The author is designated as “Comedien de la Reyne.” In the dedication to the Prince Orange the author calls this his first play.
LancasterHenry Carrington,A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century, Baltimore, the Johns Hopkins Press, III p. II vol., 1936, p. 791.(La Haye, Elzevir, 1669 et 1672, 12°. L’auteur est nommé « Comedien de la Reyne ». Dans la dédicace à Prince Orange, l’auteur l’appelle sa première pièce.)
L’édition originale de 1669 représente : 1 vol. in-12 de [IV] – 51 pages.
[I] : L’AMOUR / SENTINELLE / OU / LE CADENATS FORSE’. / COMEDIE. / Par le Sieur D. C. de Nanteuil. / Comedien de la Reyne. / (Sphère) / A LA HAYE. / M.DC LXIX.
[II] : verso blanc.
[III-IV] : épître dédicatoire à Monseigneur le Prince d’Orange.
[IV] : ACTEURS.
5-56 : le texte de la pièce.
L’édition de 1672 représente : 1 vol. in-12 de [VI] – 37 pages.
[I] : L’AMOUR / SENTINELLE, / OU / LE CADENATS FORSE’. / COMEDIE. / Par le Sr. D. C. de Nanteuil. / Comedien de la Reyne. / (Sphère) / A LA HAYE. / M.DC. LXXII.
[II] : verso blanc.
[III-IV] : épître dédicatoire à Monseigneur le Prince d’Orange.
[V] : recto blanc.
[VI] : ACTEURS.
1-37 : le texte de la pièce.
Cette édition se distingue de l’édition de 1669 sur les points suivants :
Dans le texte de l’exemplaire de 1672 il y a une partie qui pose des problèmes pour le compte des vers :
ROGUEPINE […] J'aimerois mieux mourir que de me mettre en teste, De servir un Marquis qui n’est rien qu’une beste Ce sont deux qualitez admirables pour vous. FABRICE Vous tairez-vous, maraut. Et bien soit raisonnonsROGUEPINE Mais quelqu’un vient sortons, FABRICE Que je suis miserable ROGUEPINE Suivez-moy seulement. (v. 299-304)
Lancaster relève cet endroit de la pièce et dit qu’il manque ici au moins quatre lignes :
In one case (II, 1) the rime
vous : raisonnonsmay indicate the omission of at least four lines.Lancaster, Henry Carrington,A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century, p. 792.(Dans un cas (II, 1) la rime
vous : raisonnonspeut montrer l’omission au moins de quatre lignes.)
On peut deviner que Lancaster faisait ses études à partir de l’édition de 1672, car dans le texte de 1669 ce vers est différent :
ROGUEPINE […] J'aimerois mieux mourir que de me mettre en teste, De servir un Marquis qui n’est rien qu’une beste, Ce sont deux qualitéz admirables pour vous. FABRICE. Vous tairez vous, maraut. ROGUEPINE. Et bien soit taisons nous,Mais quelqu’un vient sortons, FABRICE. Que je suis miserable. ROGUEPINE. Suivez moy seulement. (v. 299-304)
On peut supposer que dans l’exemplaire de l’édition de 1669 cette partie de texte était peu visible et le libraire a mal compris et mal tapé ces mots sans se rendre compte du sens qu’il a changé, ce qui a provoqué cette coquille.
Dans le même vers (v.302) on trouve une autre coquille : dans l’édition de 1669 la phrase « Et bien soit taisons nous, » appartient à Roguepine, qui obéit à l’ordre de son maître, mais dans l’édition de 1672 c’est Fabrice qui dit cette phrase, ce qui crée la mécompréhension.
Nous avons conservé l’orthographe de l’édition originale, sauf quelques changements :
Toute la pièce est écrite en alexandrins, à l’exception de la lettre de Clidamant qui est écrite en prose.
Dans le texte de la première édition il y a des cas où deux ou plusieurs mots sont écrits ensemble pour économiser la place et ne pas mettre quelques lettres à la ligne suivante à cause du souci du prix cher du papier au XVIIe siècle: tresconsiderable (dédicace) ; contremoy (v.25) ; Deusseje (v. 31) ; tresjustement (v. 108) ; teintuny (v. 182) ; descoups (v. 189) ; boncadenats (v. 430), quantamoy (v. 447) ; pasdesgardes (v. 515).
cadenats ;
Prens ; aquittera ; la lecture que vous et ferés ;
ROGUESPINES
Scène I
J’en Suis (v. 1) ; lesserez (v. 2) ; raisonnemens (v. 12) ; L’on me menoit (v. 22) double faute ; Deusseje (v. 31) ; Il luy par le bas ; faits (v. 35) ;
Scène II
s’y vous voyiez (v. 49) ; entens (v. 64) ; A s’il en vient (v. 70) ; qu’elle enpleste (v. 72) double erreur ; que dira on ? (v. 78) ; Me reconnoistra il (v. 81) ; S’y je fais (v. 83) ; je vois le fons de ce mistere (v. 87) ;
Scène III
on en est pas (v. 95) ; batez vous (v. 96) ; surce point (v. 97) ; S’y je ne le mets pas (v. 100) ; Si vous en agisiez (v. 109) ; Ce fait voir (v. 112) ; s’il tost (v. 142) ; vostre enbaras (v. 144) ; on en agit pas (v. 149) ; qui ne pourronst parroistre (v. 156) ; il faut vous Satisfaire (v. 159) ; sont de bonne grandeurs (v. 161) ; Apres luy avois parlé à l’oreille.
Scène IV
n’estce pas (v. 172) ; ce quelle a (v. 176) ; Je ne resemble pas (v. 187) ; Qui se laisse emporter à sa seule boutade, Et ... (v. 188) ; vous retirer descoups (v. 189) ; l’adit (v. 193) ; a elle bien dequoy (v. 202) ; en ne les perdant pas (v. 218) ; didon (v. 221) ; enfans (v. 225) ; aux crocheteur ;
Fin du Seconde Acte.
Scène I.
Et frapoient il si fort. (v. 231) – double faute ; lâ (v. 243) ; nons (v. 260) ; je voy le fons du pretendu malheur (v. 269) ; Mon dépit ce retire (v. 270) ; Que cette maison la-ne nous procure rien (v. 278) ;
Scène II.
S’y (v. 321) ; Que ce la seroit beau (v. 329) ; S’y (v. 336) ; Mais J'apercois (v. 337) ;
Scène III.
si suis (v. 341) ; D’y (v. 342) ; destriviere (v. 360) ; joüer se tour (v. 361) ;
Scène IV.
Bas ce demivers ; Bon Dieu qui m’a fait peur (v. 378) ; Vous a il prist (v. 386) double faute ; blondin Mais tout à fait bien fait (v. 405) ; Ah voy la bien (v. 406) ces habits (v. 410) ;
Scène VI.
escoutez (v. 421) ; je vous entens (v. 422) ; Celuy qui ma parlé (v. 426) ; Il est en bonne estime. / Si vous suivez l’avis d’un certain Quantenas (v. 428-429) ; un fort boncadenats (v. 430) double faute ; un cadenats (v. 433) ;
Scène I.
ce bouru (v. 447) ; je crains qui ne m’asomme (v. 448) ; Il ne peut deviner (v. 452) ; Laissont-la les leçons (v. 458) ; Que suis amoureux (v. 460) ; ne me romp pas (v. 463) ; Lisette Aussy bien (v. 469) ; Elle a beaucoup de fons (v. 470) ; Et pretens me fier (v. 476) ;
Scène II.
qui garde bien les femmes (v. 480) ; bonne leuë (v. 483) ; J'en respons (v. 486) ;
Scène IV.
Maime tu (v. 519) ; de leau (v. 522) ; leurs monstrer (v. 531) ; leurs parler (v. 533) ; leurs faire (v. 534) ; personne ne sorre (v. 540) ;
Scène V.
S’y vous (v. 546) ; Il raisonnent (v. 549) ; je croy faut leur donner cent coups. (v. 549) ; Ile les font sortir à coups de batons – double faute;
Scène VII.
ma nopce (v. 560) ; depeschons uous
Scène VIII.
Lisette. Je suis à toy Croctin. / Croctin. Touche tu ne tiens rien, / Fais les viste venir. / Croctin. Ils viennent que je pense. / Croctin. Bon, je les apperçois nostre affaire s’avance, (v. 574-576) ;
Scène IX.
L'amour ma commandé (v. 582) ; Je ny resiste plus (v. 590) ;
Nous avons conservé la ponctuation de l’original sauf les cas où elle provoque l’incompréhension, ou dans le cas des coquilles.
Nous avons gardé la virgule à la fin des certaines répliques des personnages, ce qui peut sembler étrange pour les lecteurs. Le relais des personnages qui parlent peut être marqué par une virgule dans les cas où elle « traduit soit la continuité de la parole quand le second protagoniste poursuit la phrase du premier, soit l’interruption quand le second protagoniste coupe le propos du premier. »Riffaud, Alain, La ponctuation du théâtre imprimé au XVII e siècle, p. 85-86.
de me dire. Si c’est ;
Scène I
billette. (v. 8) ; Une chose admirable. (v. 15) ; Diable. (v. 16) ; il luy parle bas, ; amant. (v. 37) ;
Scène II
Est-ce vous Clidamant. (v. 38) ;
Lisette. Croctin. / Croctin. Quoy. / Lisette.C’est ton Maistre. (v. 39) ;
mon Cœur. (v. 49) ; C’est asses (v. 84) ;
Scène III
Mais si je , l’y puis voir (v. 99) ; Pour rompre leur amour toute mon industrie. (v. 151) ;
Ces crocheteurs peut, estre (v. 155) ; je vous conseille. (v. 164) ;
Scène IV
Cachez dans la maison de FlorantFabrice
Scène I.
Retirons nous. d’icy (v. 277) ;
Scène II.
Laissez faire je veux devenir as de picque, (v. 320) ;
Scène III.
ce vieux penard. (v. 349) ; fit joüer ce tour (v. 361) – dernière phrase de Clidamant dans cette scène ;
Scène VI.
s’en prendre à, son maistre, (v. 371) ; Bon Dieu qu’il m’a fait peur peste soit du mastin (v. 378) ; nostre oison. (v. 390) ; Si c’est une gaillarde. (v. 396) ; Car j’en use. (v. 420) ; que je crains l’embaras, (v. 434) – la dernière réplique de Florant dans cette scène et dans le IIe acte ;
Scène VIII.
allons Monsieur beau jeu, (v. 438) – la dernière phrase du IIe acte dite par Croctin avant qu’il se retire de la scène ;
Scène I.
caille. (v. 440) ; Isabelle elle mesme. (v. 452) ; Que je suis amoureux qu’en secret je soupire. (v. 460) ;
Scène IV.
fait paroistre. (v. 511) ;
Scène V.
Florant. Fernant
Scène VII.
Que j’ay de bons portiers cher voisin que je meure, (v. 555).
Au XVIIe siècle l’orthographe n’était pas encore stable, ce qui a duré jusqu’à la première édition du Dictionnaire de l’Académie française en 1694. Cet état instable de l’orthographe permettait l’existence des variantes de mot. Dans le texte de la pièce nous avons trouvé les paires suivantes des mots :
Avec (v. dédicace, 143, 177, 321, 328, 384, 520, lettre de Clidamant) – aveques (v. 399, 432, 498) ;
jusques a (v. 33, 126) – jusqu’au (49) ;
quant (v. 61, 149) – quand (v. 10, 17, 18, 43, 65, 92, 95, 107, 143, 249, 266, 269, 307, 309, 521) ;
d’abort (v. 316) – d’abord (v. 48, 237, 372) ;
danser (v. 629) – dancer (v. 560) ;
deguiser (v. 493, 499) – degoiser (v. 500) ;
venger (v. 256, 258, 268) – vanger (v. 230, 255) ;
commencer (v. 88) – commancer (v. 364, 391) ;
sottise (v. 265) – sottize (v. 523).
Nous avons relevé dans le texte de la pièce certains mots dont l’orthographe était différente de celle de la langue française moderne :
bien-tost (v. 497, 529) ; lors que (v. dédicace, 2, 45, 137, 326, 467) ; sur tout (v. 483) ; pance (v. 288) ; modelle (v. 216) ; allemant (v. 586) ; Florand (v. 414), bon-heur (v. 624).
object (v. 93, 324) ; effect (v. 166), faict (v. 518). « La première édition de l’Académie élimine quantité de consonnes plus ou moins « étymologiques », à la finale surtout (nud, bled, conioinct, construict, cuict, etc., deviennent nu, blé, conjoint, construit, cuit, etc.). »L’Orthographe, Paris, PUF, 1998, p. 33.
aage (v. 90), feeslée (v. 604). « Elle [Académie] […] élimine un grand nombre d’anciens hiatus (dans aage/âge, rheume/rhume, sceel/scel, etc.) »Ibid., p. 34.
MONSEIGNEUR.
Si cette petite Comedieque je prends la liberté de vous offrir, me fait passer pour un fascheux.
Vostre ALTESSE* s’en doit prendre à l’air* trop obligeant dont elle reçoit les gens, et de la bonté qu’elle a pour des personnes, qui ne luy peuvent offrir que des foibles vers, pour la remercier de toutes les graces* qu’elle leur fait.
Je vous prie cependant, MONSEIGNEUR, de vous resouvenir de l’honneur de Vostre protection, que vous me promistes si genereusement, lors que je pris la hardiesse de vous asseurer de mes Respects et de me dire, si c’est cette méme bonté, que vous eustes pour moy, qui m’oblige d’estre importun à Vostre Altesse, en luy offrant le premier enfant de ma Muse. J’espere que ce petit present, que je vous fais m’acquitterad’une debte tres considerable
, s’il a le bonheur de vous divertir dans la lecture que vous en ferése siècle l’orthographe n’est pas encore stable et on trouve des variantes graphiques : « és » est une variante graphique de « ez ». Le plus souvent on voit ce changement dans les cas de la 2 personne du pluriel « és », « es » au lieu de « ez » et « ez » au lieu de la terminaison « és » des substantives et participes passés au pluriel. La gloire sera grande pour moy, sans doute, si la premiere piece de theatre que j’ay mis en jour, peut plaire à un des plus illustres Princes de la terre, et si luy ayant consacré mon premier ouvrage je puis l’asseurer, que je suis avec un profond respect.
Monseigneur
De Vostre Altesse Le tres-humble et tres-obligé tres-obeïssantServiteur*.
D.C.DE Nanteuil.
Chastelet au XVIIe siècle – « Sorte de Juridiction Roiale, la premiere et la plus considérable de France où l’on rend la Justice. [Ainsi on dit le grand Chatelet de Paris, le nouveau Chatelet de Paris.] » (Richelet).
« Petit chasteau. On appelle à Paris le Chastelet, le lieu où se tient le Presidial, la Justice ordinaire, et les prisons. On les appelle de même à Orleans et à Montpellier, etc. Les sentences et le sceau du Chastelet de Paris sont executoires par toute la France. Les Notaires du Chastelet dependent de cette Jurisdiction. Le petit Chastelet est un ancien Fort qui sert aujourd’huy à mettre des prisonniers. L'ancien, le nouveau Chastelet sont deux corps de Jurisdiction qui forment maintenant le Presidial. En Latin Castaletum. » (Furetière).
« En s’emploie souvent à la place de à que préfère l’usage moderne dans la locution « en la liberté ». Ex. : Laissez en ma liberté le prendre et le refuser. (Malh., II, 34) » (Haase, p. 341).
MONSIEUR.
Vous devez estre sans doute surpris de la maniere que j’en agis avec vous, c’est moy qui ay gardé Isabelle chez vous avec Croctin mon valet, elle est entre mes mains, et si vous souhaitez nostre alliance, vous aurez la bonté de me le faire sçavoir par le porteur de ce billet*.
Pour expliquer les mots dont le sens a changé depuis le XVIIe siècle on s’est en servi des dictionnaires suivants
Dans les Annexes nous proposons quatre actes notariés qui ont été passés par la troupe de Nanteuil quand elle séjournait à Angoulême en 1685 (I-III) et en 1697 (IV). Ils présentent un intérêt particulier puisque c’est un exemple des actes que les comédiens passaient souvent au XVIIe siècle. Ils montrent les sujets de ces contrats et leurs nuances. Les trois actes (I, III et IV) contiennent les parties obligatoires : le nom du document, la date, la liste de ceux qui participent à l’affaire, le sujet de ce contrat, l’endroit, où l’acte est fait et les signatures des participants. L’annexe II est un ajout au contrat qui le précède, c’est pourquoi on n’y trouve pas tous les éléments mentionnés.
Les annexes I et II montrent un contrat pour louer et aménager le théâtre où sont précisés tous les travaux nécessaires et le prix de cette entreprise. Dans ce cas la somme de quarante-quatre livres a été payée en deux fois : le paiement de la deuxième partie de la somme fixée dans le premier contrat est reflété dans un petit acte qui le suit. Les annexes III et IV représentent les contrats de l’Association des comédiens qui étaient indispensables pour toute troupe de théâtre qui voulait jouer dans telle ou telle ville. Dans les deux cas les comédiens se sont réunis pour la durée d’un an, ce qui était la durée habituelle pour les troupes. Nous y trouvons la liste de tous les acteurs, d’autres gens que la troupe engage (gardienne de la porte du théâtre, maîtres de danses qui dansaient et jouaient du violon) en précisant le salaire pour chacun (IV) et la répartition des rôles (III).
Tous les actes notariés sont cités d’après le travail d’Emile Biais dans Réunion des Sociétés des Beaux-ArtsBiais, Emile, Le théâtre à Angoulême (XVe s. – 1904), dans Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des départements, Paris, Typographie Plon-Nourrit et Cie, 1904, t. XXVIII.La troupe de Nanteuil à Angoulême en 1685Monval, Georges, « La troupe de Nanteuil à Angoulême en 1685 », dans Le Moliériste, p. 58-59.Le Moliériste en 1888, car elle y a été plus précise.
5 feburier 1685
« Furent présens Denis de Nanteuil, comédien du Roy estant à présent en cette ville d’Angoulesme, logé au Cerf, d’un part, et Jean et Guillaume Boisdon et Michel David, maistres charpantiers, demeurant audit Angoulesme, d’autre part, entre lesquelles partyes a esté fait le marché qui s’ensuit. Scavoir est que les dits srs Boisdon et David ont entrepris et je sont obligez de faire un théâtre dans la partye de l’apartement de la maison que ledit sr De Nanteuil a loué du sr Puyrenaud, en cette ville avec les ailes pour les décorations et les élongnements de la hauteur que ledit sr de Nanteuil le jugera à propos, feront aussy un petit théâtre en hault, - fourniraont de bonnes traverses et planches pour travailler aux machines et pour eschafauder, afin que les ouvriers machinistes puissent travailler en toute sûreté, poser les tours pour les machines et pour y atacher les cables audit théâtre, une trape pour le Festin de Pierre, bien feront clouer et conditionner ledit théastre etseront le plas fonds de la haulteur nécessaire, ce qui lui sera désigné par ledit sr de Nanteuil ; seront les dits entrepreneurs obligés de fournir les chassis des portes, la barrière du portier comme elle sera marquée, la loge pour les violons, les planches nécessaires pour les machines, un petit degré monter sur le theastre et faire les plans pour habiller les comédiens ; seront tenus les preneurs d’oster le mur de séparation ou muraille de refend qui sépare la salle du dit sr de Puyrenaud d’avec une autre chambre pour y faire le dit théastre et le parterre sans rien oster […….] mortaises […….] partyes du logement où ledit mur ou séparation est attaché ……
« Le marché fait la somme de quarante-quatre livres, dont ils ont esté payé comptant par ledit sr de Nanteuil, la somme de neuf livres et le surplus sera payé à proportion du travail ou dans le jour de Carnaval. Et à l’entretènement des présents, les patyes ont obligé et hipothéqué tous les biens présents et futurs, les dits entrepreneurs solidairement l’un pour l’autre un d’eux seul pour le tout [….] admission, discussion et ordre jugés […….]
« Fait et passé à Angoulesme, estude du notayre, après midi, le cinquiesme jour de feburier 1685, en la présence de Pierre Gouuin, sr de La Grave, et de Jean Cholet, cler, demaurant audit Angoulesme, qui ont signé avec les dits srs de Nanteuil et David ; les aultres ont déclaré ne scavoir signer …
« [Signé] : M. David. – Gouuin. – Cholet. – De Nanteuil. – Jehen, nore royal réservé Angoulesme »Biais, Emile, Le théâtre à Angoulême (XVe s. – 1904), p. 315.
« Le septiesme jour de mars audit an (1685) furent présente les dits Boisdon et r de Vouillac comme suivant et conformèment audit contrat.
« Fait et passé à Angoulesme, au logis du dit sieur Valliot, en la présence de Mr Daniel Tullier, procureur au siège présidial d’Angoulesme, et de Joseph Delavigne, maistre tailleur d’habitz, demeurant audit Angoulesme … »Ibid., p. 316-317.
(Signatures.)
13 fevrier 1685
« Furent présents Denis Clerselier, sieur de Nanteuil, demoiselle Martine Lhomme, sa femme, qu’il a authorisée, Jacques Vailliot, demoiselle Clotilde Leriche, sa femme, qu’il a autorisée, demoiselle Judic Chabot de La Riville, Jean Bergé, demoiselle Marianne de Broutiers, sa femme qu’il a authorisée, Jacques Primaut, sieur Dumon, Jean de Loste, sieur de Chanuallon et Jean Fleury, comédiens du Roy, estant à présent en cette ville d’Angoulesme, lesquelles partyes se sont associées dans tous les profits quelles feront jusques au jour des Cendres de l’année prochaine mil six cens quatre vingt six, quelles joueront ensemble, les quels proffits seront partagés par teste entre les associés lesqueles seront tenus de jouer leurs roolles selon le repertoire qu’ils tiendront, et ledit sr Bergé sera tenu d’assister dans touttes les oièces où il ne jouera pas. Seront les frais nécessaires faits à frais communs. Sera payé à demoiselle Magdelaine Clercelier trente sols tous les jours qu’ils joueront. Sera tenu ledit sr Bergé de faire joüer demoiselle Hipolite Bergé dans les pièces d'Adonis, du Bourgeois Gentilhomme, d'Andromède et le Festin de Pierre et aux autres pièces qui se mettront à l’advenir quand la Compaignie jugera qu’il sera nécessaire qu’elle joue lorsque ladite dlle Magdelaine Clercelier sera occupée, sans aucuns salaires. Laquelle société commencera le premier jour de Caresme de la pnte année et durera jusqu’aud. Premier jour de Caresme de l’année prochaine sans que aucun des associés puisse aller contre les conventions de la communauté ny quite hors le consentement des autres à peine de cinq cens livres qui sera payée par celuy qui quittera aux autres associés, sans laquelle condition ces pntes n’auroient été accordées. Et à l’entretenement des pntes les partyes ont ont obligé et hipotéqué tous leurs biens présents et futurs, renonçant, etc. jugés etcondamnés et soumisMonval, Georges, « La troupe de Nanteuil à Angoulême en 1685 », dans Le Moliériste, p. 58-59.
Fait et passé à Angoulesme au logis dudit sr de Nanteuil après midy le troise jour de feburier mil six cens quatre vingtz-cinq, en la présence de Jean Cholet, clerc, et de Joseph De La Vigne, mtre tailleur d’habits, demeurant audit Angoulesme, qui ont signé avec les partyes, à la réserve du dit de La Vigne, qui a déclaré ne scavoir signer de ce enquis.
[Signé :] « Clerselier de Nanteuil. – Valliot. – Bergé. – De Lhoste. – De Chanvallon. – Primault. – Fleury. – Marie-Anne de Broutier. – M. Lhome. – Clotilde Riche. – Judit Chabo Larinville. – Cholet. – Jeheu, nore royal réservé, Angoulesme. »Biais, Emile, Le théâtre à Angoulême (XVe s. – 1904), p. 317.
6 février 1697.
« Furent présants en leurs personnes Charles Lebiet, sieur de Beauchant, François Delabarre, Jean-Baptiste Delanoue, Ange-François de Belleroche et Marie-Marthe Chartron, son épouse, de luy dhuement octorisée, damoiselle Marie-Anne Lescosois, veuve du sieur Lefèvre, et damoiselle Anthoinette Lefèvre, sa fille, damoiselle Marianne Febvrier, fille dudit sieur Delabarre, de luy dhuement octorisée, Denis Clerselier, sieur de Nanteuil et damoiselle Marie de Basroy, son espouse, aussi deluy dhuement octorisée, tous comédiens du Roy, estants de présant en cette ville d’Angoulesme, lesquels de leurs bon grés et vollontés, se sont tous associés ensemble pendant une année, à commencer au jour du mercredi des Sendres prochain et finissant à pareil et semblable jour de l’année prochaine mil six cens quatre vingt dix-huit, pour représenter la commédye, partager ensemble tout ce qui en proviendra, faire tous les frais qu’il faudra faire. Egalement, de plus, ladite société s’engage à donner, chesque jour de représentation, à damoiselle Elisabel Petit, femme du sieur Delabarre, 20 sols par jour pour être restablye au bureau pour recevoir l’argent et distribuer les billets.
« De plus, ladite société s’engage en oultre de ne mettre ny establir à la porte aucune portière, mais un portier ; et, s’il ne s’en rencontre point, elle prendre ledit poste de la porte à son ordinaire.
Plus la dite société donnent (sic) aussy à dame Louise Fremy, femme du sieur de Beauchant, 20 sols aussy chesque jour de représentation, pour garder la porte du téastre. Et ne pourront les dites parties se désister de ladite société pendant ladite année, sur peyne de 500 livres, par forme dhommages intérests.
« Et oultre ce que dessus, la dite société a engagé avecq eux Philipes Beaujean et Estienne Beaujean, son frère, maistres de dances, aussy de présant en cette ville, stipullant et acceptant, pour jouer du violon lors des dites re présentations de commédye et denser touttefois et quentes qu’il en sera besoin, et ce pendant ledit temps d’une année, à commencer audit jour de mercredy des Sendres prochain et finissant à pareil jour, moyennant chescun 30 sols lors de représentation ; et ne pourront quitter ladite société pendant ledit temps, soubz les peynes de chescun 500 livres, comme est dit cydessus.
« Et à l’entretement de tout ce que dessus les parties ont obligé et ypotéqué tous et chescuns leurs biens présants et futurs, renonçant, etc…
« Fait et passé en la ville d’Angoulesme, maison de Geoffroy Garnier, maistre pasticier, avant midy, le sixiesme febvrier mil six cens quatre vingt dix-sept, en présance dudit Geoffroy Garnier et de Jean Jendron, praticien, demeurant audit Angoulesme, témoings requis quy ont signé avec les dites parties.
[Signé :] « Clerselier de Nanteuil, – Baroy, – Chartoun, – Lanoue, – Labare, – Le Febvre, – Renaud, – Mariane Labare, – G. Garnier, – Anne-Anthoinette Lefebvre, – Jandron, – Belleroche, – Philippe Beaujean, - Etienne Beaujean, - B. Filhon, notaire royal héréditaire.
« Controllé à Angoulesme, le 12 febvrier 1698. »
« Duru »
(Archives de la Charente, B. Filon, notaire à Angoulème.)Ibid., p. 318-319.
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